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05/02/2008 | FRANCE | N°125

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 05 février 2008, 125


BAS/ MB
DOSSIER N 07/ 00633
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2008
3ème CHAMBRE,

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre,
N 125/ 08

Prononcé publiquement le MARDI 05 FEVRIER 2008, par Monsieur SUQUET, Président de la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T. G. I. DE TOULOUSE- 6EME CHAMBRE du 30 MARS 2007.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,
(suivant ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de TOULOUSE en date du 04. 01. 2008)
Président : Monsieur SUQUET,
Consei

llers : Monsieur BASTIER,
Madame GIROT,

GREFFIER :
Madame BORJA, lors des débats et du prononcé de l'arrêt...

BAS/ MB
DOSSIER N 07/ 00633
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2008
3ème CHAMBRE,

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre,
N 125/ 08

Prononcé publiquement le MARDI 05 FEVRIER 2008, par Monsieur SUQUET, Président de la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,

Sur appel d'un jugement du T. G. I. DE TOULOUSE- 6EME CHAMBRE du 30 MARS 2007.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré,
(suivant ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de TOULOUSE en date du 04. 01. 2008)
Président : Monsieur SUQUET,
Conseillers : Monsieur BASTIER,
Madame GIROT,

GREFFIER :
Madame BORJA, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt.

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

N... Bertrand
né le 06 Mars 1973 à TOULOUSE (31)
de François et de B... Brigitte
de nationalité francaise, marié, Ingénieur
demeurant...
31000 TOULOUSE

Maison d'arrêt de SEYSSES Mandat de dépôt du 03/ 12/ 2004, Mise en liberté sous C. J. le 02/ 02/ 2005, Mandat de dépôt du 30/ 03/ 2007, Mise en liberté sous C. J. le 06/ 06/ 2007- Par arrêt de la Cour n 563/ 07

Prévenu, sous contrôle judiciaire, appelant, comparant

Assisté de Maître CAMILLE Bruno, avocat au barreau de TOULOUSE

LE MINISTÈRE PUBLIC :
appelant,

M. et Mme C... D..., représentants légaux de C... Enguerrand
Demeurant...
Partie civile, appelant, comparant,
Assisté de Maître DUGUET José, avocat au barreau de TOULOUSE

M. et Mme E... F... G... Bruno, en leur nom et représentants légaux de Mayeul H...
Demeurant...
Partie civile, non appelant, comparant,
Assisté de Maître CATALA Georges, avocat au barreau de TOULOUSE

M. et Mme I... Pascal, représentants légaux de I... Sylvain et François
Demeurant...
Partie civile, appelant, comparant,
Assisté de Maître BLANCHARD Julie, loco la SELARL BEDRY-JULHE, avocat au barreau de TOULOUSE

M. et Mme J... Denys, représentants légaux de J... Vianney
Demeurant...
Partie civile, appelant, comparant,
Assisté de Maître VAYSSE-LACOSTE Christine, avocat au barreau de TOULOUSE

K... Guilhem
Demeurant...-16000 ANGOULEME
Partie civile, appelant, comparant,
Assisté de Maître AMAR-TOUBOUL Muriel, avocat au barreau de TOULOUSE

M. et Mme K... Guy, en leur nom personnel
Demeurant...
Partie civile, appelant, comparant,

L... François-Xavier
Demeurant...
Partie civile, appelant, non comparant,
Représenté par Maître DUGUET José, avocat au barreau de TOULOUSE

M. et Mme G... Philippe en leur nom et représentants légaux de G... Benoit
Demeurant...
Partie civile, non appelant, comparant,
Assisté de Maître MONIER loco Me M..., avocat au barreau de TOULOUSE

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Le Tribunal, par jugement en date du 30 Mars 2007, a déclaré N... Bertrand coupable du chef de :

* AGRESSION SEXUELLE SUR MINEUR DE 15 ANS PAR ASCENDANT OU PERSONNE AYANT AUTORITE, entre 1997 et juin-juillet 2004, à Toulouse, territoire national, infraction prévue par les articles 222-30 2, 222-29 1 du Code pénal et réprimée par les articles 222-30 AL. 1, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1 du Code pénal

Et, en application de ces articles, l'a condamné à :

* 5 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis mise à l'épreuve pendant 2 ans, * obligations de soins,
* a décerné mandat de dépôt,
* a ordonné l'inscription au fijais.

SUR L'ACTION CIVILE :

* a alloué à C... D..., 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à E... F... G... Bruno, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP es-qualité, les déboute de leur demande formulée en leur nom personnel

* a alloué à I... Pascal, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP pour chaque mineur

* a alloué à J... Denys, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à K... Guilhem, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a débouté M. et Mme K... Guy de leurs demandes à titre de dommages-intérêts,

* a alloué à L... François-Xavier, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à G... Philippe, 3000 € à titre de dommages intérêts, 1000 € au titre de l'article 475-1 du CPP es-qualité, les déboute de leur demande formulée en leur nom personnel

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
Monsieur N... Bertrand, le 06 Avril 2007 contre Monsieur H... Bruno, Monsieur I... Pascal, Monsieur K... Guilhem, Monsieur J... Denys, Monsieur G... Philippe, Monsieur C... D..., Monsieur L... François-Xavier
M. le Procureur de la République, le 06 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur C... D..., le 10 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur L... François-Xavier, le 10 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur I... Pascal, le 11 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur J... Denys, le 12 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur K... Guilhem, le 12 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand
Monsieur K... Guy, le 12 Avril 2007 contre Monsieur N... Bertrand

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Janvier 2008, le Président a constaté l'identité du prévenu ;

Ont été entendus :

Monsieur BASTIER en son rapport ;

N... Bertrand en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;

Maître CATALA, avocat de M. et Mme E... F... G..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentant légal de Mayeul, en ses conclusions oralement développées ;

Maître BLANCHARD, avocat de M. et Mme I..., es qualité de représentants légaux de Sylvain et François, en ses conclusions oralement développées.

Maître AMAR-TOUBOUL, avocat de K... Guilhem, en ses conclusions oralement développées ;

Maître MONIER, avocat de M. et Mme G..., agissant en leur nom et représentant légal de G... Benoit, en ses conclusions oralement développées ;

Maître VAYSSE-LACOSTE, avocat de M. et Mme J... Denys, représentants légaux de Vianney, en ses conclusions oralement développées ;

Maître DUGUET, avocat de M. et Mme C... D..., représentants légaux de Enguerrand, et de L... François-Xavier, en ses conclusions oralement développées ;

Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, en ses réquisitions ;

Maître CAMILLE, avocat de N... Bertrand, en sa plaidoirie ;

N... Bertrand a eu la parole en dernier ;

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 05 FEVRIER 2008.

DÉCISION :

Condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse, par jugement du 30 mars 2007, à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont deux avec sursis et mise à l'épreuve, Bertrand N... a relevé appel général de cette décision le 6 avril 2007. Le procureur a relevé appel incident le même jour.

Les parties civiles ont relevé appel ensuite : François Xavier O... le 10/ 04/ 2007, les époux C... le 10/ 04/ 2007, les époux I... le 11/ 04/ 2007, les époux J... le 12/ 04/ 2007, les époux K... et Guilhem K... le même jour.

Les époux G... et E... du G... parties civiles n'ont pas relevé appel de ce jugement.

Les parties civiles monsieur H... et madame, agissant pour leur fils Mayeul né en 1995, soulignent l'attitude de dénégation du prévenu jusqu'à l'audience, dénonçant les enfants selon lui " incapables de revenir sur leurs mensonges " !

Il a fallu batailler à l'audience pour obtenir des aveux mesurés. Mais a-t-il compris puisqu'il offre sur son site internet des stages aux enfants pour découvrir l'art des carillons ?

Ils demandent la confirmation du jugement et 1000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Les époux I... demandent à la cour de revoir la condamnation civile, pour tenir compte des dommages causés par le prévenu qui a accusé de complot les enfants qui l'ont dénoncé et leurs parents : il sollicitent 15. 000 euros pour chacun de leurs deux fils et 3. 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Le conseil de Guilhem K... dénonce le caractère ignoble des gestes de Bertrand N..., et doute de la sincérité de ses aveux.

Il souligne sa situation particulière d'enfant adopté, que ses parents ont placé auprès de Bertrand N... parce qu'il voulait chanter, et qui a été trahi. Le docteur P... a souligné son traumatisme, à la suite de ces faits qui ont fragilisé ses assises narcissiques. Il présente un réel traumatisme que les premiers juges n'ont pas suffisamment indemnisé. La cour portera la condamnation civile à 15. 000 euros pour réparer le préjudice moral subi.

Pour Benoît G..., son conseil dénonce les calculs, à l'audience de la cour.

Il a beaucoup parlé de lui même et demandé le pardon pour lui même, car il ne pense qu'à lui sans claire conscience du mal qu'il a fait, qu'il ne reconnaît pas vraiment. Les dispositions civiles du jugement doivent être infirmées car les époux G..., qui ont fait suivre leurs enfants par un psychothérapeute estiment qu'une somme d'argent ne peut pas réparer leurs préjudices et ils demandent un euro symbolique.

Les époux J..., pour leur fils Vianney, soulignent que celui-ci a été victime
lors d'un déplacement de la chorale à LYON, lorsqu'il avait neuf ans. Il en a quinze maintenant.

Le prévenu savait choisir les plus faibles, ceux qu'il pourrait dominer. L'enfant ne présentait pas de ressentiment mais des troubles anxieux, et l'expert s'inquiétait pour son avenir. Maintenant, à cause des rebondissements de la procédure, il est suivi en psychothérapie, ce qui justifie que les dommages et intérêts soient augmentés, et portés à 15. 000 euros outre une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Les époux C... pour leur fils mineur Enguerrand, soulignent par leur avocat, l'intelligence du prévenu qui avait une claire conscience des interdits, et limitait ses gestes, sans aller encore plus loin, mais sans réfléchir à la portée de ses actes sur ces enfants. Pour Enguerrand, les faits ont duré très longtemps, le docteur Q... a indiqué qu'il présentait de la honte des troubles du sommeil et de l'angoisse. Quant au prévenu, il demande pardon mais ne reconnaît pas tous les faits, il ne manifeste pas de réelle culpabilité, il n'a pas de sentiment altruiste, ni de réelle compassion.

Ils demandent la réformation du jugement en ses dispositions civiles et que les dommages et intérêts soient portés à 10. 000 euros pour tenir compte de la répétition des faits et de leurs répercussions, et 3. 588 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

François Xavier O... présente selon le docteur P..., expert, des conséquences graves : une anxiété, un défaut de confiance en lui, une souffrance psychique profonde et solitaire, le tribunal n'a pas distingué les préjudices différents des diverses victimes selon leurs âges, le nombre et la gravité des faits, les conséquences relevées par les experts, la cour relèvera les dommages et intérêts et condamnera B. N... à lui payer 6. 000 euros à ce titre et 3. 588 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Monsieur l'avocat général souligne la durée des faits, la séduction pour y parvenir, le calcul pour en limiter la gravité, les expertises des victimes montrent que certains n'auront pas de séquelles alors que d'autres connaissent des difficultés.

Les expertises sur le prévenu lui même sont incomplètes puisqu'il niait les faits au moment où il s'expliquait devant les experts. Ses gestes sont coupables et doivent être sanctionnés.

Une peine de quatre années d'emprisonnement dont dix à quinze mois fermes et le reste avec sursis ou sursis et mise à l'épreuve doit être prononcée. La cour pourrait prononcer un suivi socio judiciaire avec injonction de soins.

Bertrand N... reconnaît les faits devant la cour et sur interpellation du président présente ses excuses aux victimes et à leurs parents. Son avocat demande une peine qui couvre la détention sans le renvoyer en prison, avec un suivi.

Depuis qu'il est passé aux aveux, sous la pression de son premier avocat, Maître R..., il a pu travailler sur sa sexualité avec le psychiatre qui le suit depuis 2001. Il a conscience des interdits et a limité la portée de ses gestes, contrairement à un pervers qui n'intègre pas les interdits sociaux et revendique ses excès. Il a connu une dépression nerveuse quand il a compris qu'il ne pouvait pas faire une carrière de chanteur soliste, il est revenu à Toulouse et a repris contact avec les " petits chanteurs à la croix potencée " où il avait été un enfant heureux. Mais il a succombé à la séduction de certains enfants très attachés à lui.

Il a une épouse et trois enfants, une famille qui le soutient, il a un travail régulier, avec sa qualification d'ingénieur en informatique, il ne doit pas retourner en prison.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur la culpabilité :

L'appelant confirme ses aveux devant la cour.

Les plaignants, jeunes adultes ou enfants décrivaient les mêmes gestes sur leur personne de la part du prévenu : des caresses sur le dos puis le ventre, soit au cours de répétitions pour des exercices de respiration ou pour évacuer le stress, soit au cours de déplacements en autobus soit lorsqu'il prenait un enfant sur les genoux, puis sa main descendait dans le slip du garçon pour le masturber.

Pour certains, ces caresses et masturbation sont intervenues lors de déplacements de la chorale, lorsqu'il partageait leur chambre où il n'y avait qu'un grand lit pour deux personnes.

Deux enfants, Mayeul C... et Nicolas G..., avaient été gênés par les caresses de leur chef de choeur alors qu'ils étaient âgés d'une dizaine d'années, mais au terme de l'instruction il n'était pas établi que ces caresses aient été des atteintes sexuelles et le juge disait n'y avoir lieu à poursuivre Bertrand N... de ce chef.

Le prévenu portait son dévolu sur les plus jeunes, âgés de sept à dix ans, et il savait ne pas aller trop loin avec ceux qui risquaient de lui résister. Ceux qui ont dénoncé ses gestes ont expliqué qu'ils avaient une profonde affection pour leur chef de choeur, une totale confiance et qu'ils n'avaient pas compris la nature de ces gestes, qui les avaient surpris et plus ou moins gênés. Il les attiraient au moyen de son ordinateur portable, sur lequel il avait installé des jeux, les prenait sur ses genoux et les caressait pendant qu'il jouait.

Les enfants choisis étaient le plus souvent timides et introvertis, plusieurs ont présenté des troubles légers du comportement, à l'époque où ils étaient victimes de ces abus sexuels.

Tous étaient dans la période dite par les psychologues de " latence " où l'enfant mobilise son attention sur les acquisitions nécessaires à son développement sans la curiosité des plus petits pour les questions sexuelles, et avant les bouleversements de la pré-puberté et de la puberté.

Pour plusieurs victimes les gestes à caractère sexuel se sont répétés dans le temps, alors que pour d'autres ils ont été exceptionnels.

François Xavier L... aujourd'hui âgé de 22 ans a été l'objet de ces caresses sexuelles et de masturbations, lorsqu'il avait une douzaine d'années, alors qu'il était introverti et qu'il admirait son maître. En, au moins, deux occasions, il avait essayé de s'écarter pour les empêcher mais en vain.

L'expert S... a conclu que ces faits subis sont de nature à entraver le développement harmonieux de sa vie amoureuse et sexuelle mais également en mobilisant beaucoup d'énergie psychique dans des mécanismes de défense, ils ont pu contribuer à aggraver ou au moins à fixer les éléments anxieux et névrotiques de sa personnalité.

Guilhem K..., aujourd'hui âgé de vingt ans, a été victime d'une masturbation dans un autobus lors d'un déplacement de la chorale, alors qu'il avait neuf ans, il s'est soustrait aux sollicitations ultérieures de Bertrand N....

Pour l'expert S... cet acte unique a eu des répercussions très graves sur son comportement, car il s'est senti trahi par les adultes en général, s'est senti coupable et s'est mis inconsciemment à rechercher des punitions.

Accompagné et soigné par des adultes, éducateurs et psychiatres ou psychologues il leur a toujours caché ce fait honteux, et ceux-ci " aveuglés " (docteur S... p. 7) par son statut d'enfant adopté, n'ont pas pu travailler avec lui sur son statut d'enfant abusé sexuellement par un adulte. À l'époque de l'expertise il présentait des signes manifestes de syndrome post-traumatique.

Enguerrand C..., aujourd'hui âgé de seize ans, a subi les premiers gestes du prévenu alors qu'il n'avait que dix ans, et ceux-ci ont été répétés, une vingtaine de fois, jusqu'à la révélation des faits. Le plus souvent l'auteur l'a masturbé pendant des répétitions à son domicile, où il prenait des cours particuliers. Il n'a pas pu, par peur de l'adulte, s'y soustraire.

Le docteur Q..., qui l'a vu en expertise, note une personnalité anxieuse, une inhibition psychique, un comportement de soumission, une allure timorée, éléments qui ont pu faciliter le déroulement des faits. Il présente des signes évocateurs d'un syndrome post-traumatique.

Vianney J..., aujourd'hui âgé de 16 ans, a dénoncé des caresses et une masturbation lors d'une tournée à LYON en 2002, alors qu'il partageait la chambre du prévenu.

L'expert T... a relevé un retentissement modéré des faits : troubles de l'humeur, troubles anxieux, troubles mineurs du comportement, le vécu des traumatismes subis peut altérer ses capacités identificatoires et freiner son développement psychoaffectif et sa structuration d'identité sexuelle.

François I... âgé maintenant de dix sept ans, a dénoncé une masturbation lors d'un hébergement en tournée dans la même lit que le maître de choeur, qu'il idéalisait et admirait.

Le docteur S... dans son expertise souligne une personnalité qui a pu favoriser le passage à l'acte de l'adulte, suivi ultérieurement d'une grande culpabilité, ce qui peut entraver le développement de ses relations interpersonnelles et de sa vie sexuelle.

Sylvain I..., frère du précédent, aujourd'hui âgé de seize ans, a décrit des tentatives d'atteintes sexuelles, puisqu'il dit avoir toujours arrêté la main de l'adulte lorsqu'elle s'approchait de son sexe. Ce type de geste s'est même produit au domicile du prévenu, une nuit où il devait y dormir avant un départ en concert très tôt.

Le docteur S... note chez lui " quelques éléments de la série post traumatique " il pourrait bénéficier d'une série courte d'entretiens psychothérapeutiques pour écarter les conséquences sur son développement psychoaffectif des faits.

Benoit G... âgé aujourd'hui de treize ans, a fait l'objet de caresses sur le ventre et sur le torse et une fois sur le sexe, alors que Bertrand N... le prenait sur ses genoux.

Le docteur T... dans son expertise, a noté un retentissement certain des faits incriminés sur le psychisme de ce très jeune homme, avec reprise régulière d'une énurésie régulière, troubles du sommeil, troubles phobiques et peurs.

Le professeur R. U... qui a suivi toute la famille après la révélation des faits a confirmé ces observations de l'expert. Il a traité l'enfant avec un anxiolytique et un correcteur médicamenteux de l'énurésie, et des entretiens psychothérapiques réguliers hebdomadaires en 2004 et 2005.

Mayeul H..., aujourd'hui âgé de treize ans, décrivait les mêmes caresses que ses camarades sur le ventre mais aussi sur son sexe à plusieurs reprises.

Le docteur T... dans son rapport d'expertise indique qu'il n'a pas pu évaluer un éventuel retentissement psychique ultérieur du préjudice réalisé. Avec cette nuance que l'enfant a élaboré un système de défense par la réticence à parler des faits et une mise à distance de ceux-ci.

Bertrand N... a nié tous ces faits pendant l'instruction et s'est présenté aux experts psychologue et psychiatres comme une victime de calomnies et de complots, ceux-ci n'ont donc pas pu évaluer sa personnalité profonde en rapport avec les faits.

Devant le tribunal puis la cour il a reconnu les agissements dénoncés par les enfants, et les a expliqués par une dépression nerveuse qu'il traversait à la même époque et par le fait d'avoir vécu lui même des faits de même nature, à leur place, au même âge dans la même chorale.

Il est toutefois très significatif, et s'ils l'avaient entendu, les experts n'auraient pas manqué de proposer leurs analyses sur ce point, qu'il ne dit pas avoir été victime d'un délit mais qu'il déclare avoir été " initié ". Ce qui en langue française n'a pas de connotation péjorative, bien au contraire.

Le prévenu s'est donc bien rendu coupable d'atteintes sexuelles, commises par surprise, sur des mineurs de quinze ans avec la seconde circonstance aggravante qu'il avait autorité sur eux en sa qualité de chef de choeur.

Il est passible d'une peine de dix ans d'emprisonnement, au vu des dispositions de l'article 132-24 du code pénal, qui commande au juge de concilier l'intérêt des victimes, l'intérêt du condamné et la prévention de la récidive.

La cour confirme la peine de cinq années d'emprisonnement prononcée contre Bertrand N..., mais en modifie le régime d'exécution et dit que pour deux ans il sera sursis à l'emprisonnement, dans les conditions de l'article 132-29

Y ajoutant prononce la peine de suivi socio-judiciaire pour cinq ans, sous peine d'un nouvel emprisonnement pour deux ans en cas d'inobservation des obligations,
avec interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs, et obligation de suivre des soins ; étant spécialement observé sur ce point que si les experts n'ont pas pu préconiser cette mesure à l'époque de leurs travaux, compte tenu de l'attitude de déni du prévenu, Bertrand N... a déclaré qu'il était en relation suivie avec un psychiatre et qu'il demandait des soins.

Sur l'action civile :

En présence de faits interdits par la loi et de victimes qui demandent réparation, le juge ne peut que rechercher si les faits ont causé un préjudice, et quelle en est l'ampleur, avant d'accorder de justes dommages et intérêts pour réparer, par compensation et autant qu'il se peut, ce préjudice.

Certaines parties civiles choisissent de ne demander qu'une condamnation symbolique. C'est un choix, souvent fondé sur l'impossibilité d'accepter ce moyen comme réparation de leurs préjudices, mais la loi prévoit expressément la faculté de demander réparation en argent. Le tribunal ne pouvait donc pas débouter certains parents parties civiles dans ce dossier de leurs demandes au motif que : " l'heure était à la liquidation de cette vilaine histoire qu'il n'était pas opportun de prolonger par des demandes de dommages et intérêts... "

Pour autant la cour constate que les parents ne demandent plus d'indemnisation pour eux même en appel.

Le motif pris pour accorder la même somme de trois mille euros, sans distinction aux différents jeunes gens, ne sera pas maintenu alors que des expertises déjà faites pouvaient permettre d'individualiser les préjudices de chacun.

Pour des personnes vivant ensemble les mêmes événements à la même époque, les conséquences peuvent être très différentes d'un individu à l'autre, selon l'âge, la personnalité de chacun sa force de caractère ou ses faiblesses, selon la nature des gestes commis et leur fréquence.

Dans cette affaire les gestes sont limités, pour les plus graves à des masturbations, il n'y a pas d'exhibition de l'adulte ni de gestes exigés sur sa personne, ce qui limite la portée et les conséquences des actes commis.

En ce qui concerne chaque partie civile la cour, tenant compte de l'âge des victimes du nombre d'actes, des conséquences décrites par les experts, fixe ainsi les dommages et intérêts :

Benoît G... représenté par ses parents, né le 13/ 03/ 1995 a obtenu du tribunal 3. 000 euros qu'il ne le demandait pas, l'appel général du prévenu permet de rectifier l'erreur du tribunal et de lui accorder ce qu'il demandait.

Mayeul H... né le 14/ 12/ 1995, n'a pas relevé appel par ses représentants légaux recevra 2. 000 euros de dommages et intérêts

Sylvain I... né le 01/ 08/ 1991, victime de tentatives seulement dont il a pu éviter l'issue traumatisante, recevra 1. 000 euros

François I... né le 09/ 06/ 1990 recevra 4. 000 euros

Enguerrand C... né le 03/ 01/ 1992 recevra 6. 000 euros

Vianney J... né le 31/ 08/ 1991 recevra 3. 000 euros

François Xavier L... né le 24/ 09/ 1986 recevra 4. 000 euros

Guilhem K... né le 06/ 07/ 1986 recevra 7. 000 euros

Au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale les parties civiles, sauf les représentants de Benoît G... qui n'en forment pas la demande, recevront une nouvelle indemnité de mille euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme reçoit les appels ;

Sur l'action publique :

Confirme la déclaration de culpabilité de Bertrand N... et le condamne à la peine de cinq années d'emprisonnement.

Dit qu'il sera sursis pour deux ans à l'emprisonnement dans les conditions de l'article 132-29,

Prononce un suivi socio-judiciaire pour cinq ans, sous peine d'un nouvel emprisonnement de deux ans s'il se dérobait à ses obligations,

Prononce dans ce cadre l'interdiction de toute activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs et une injonction de soins.

Constate son inscription, de droit, au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.

Le Président n'a pu donner au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt.

Le Président n'a pu donner au condamné, suite à cette condamnation assortie du suivi socio-judiciaire, l'avertissement prévu par l'article 131-36-4 du Code Pénal, en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt.

Sur l'action civile :

Confirme la recevabilité des demandes civiles,

Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation à payer 3. 000 euros aux représentants légaux de Benoît G... condamne Bertrand N... à payer un euros de dommages et intérêts.

Condamne Bertrand N... à payer :

* 7. 000 euros de dommages et intérêts à Guilhem K...

* 4. 000 euros de dommages et intérêts à François Xavier L...

Et aux représentants légaux des mineurs :

* 1. 000 euros pour Sylvain I...

* 4. 000 euros pour François I...

* 6. 000 euros pour Enguerrand C...

* 3. 000 euros pour Vianney J...

* 2. 000 euros pour Mayeul H...

Au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale condamne Betrand N... à payer à chaque partie civile une indemnité de mille euros, à l'exception de Benoît G....

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 EUROS dont chaque condamné est redevable ;

Le tout en vertu des textes sus-visés ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 125
Date de la décision : 05/02/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse, 30 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-02-05;125 ?
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