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03/07/2024 | FRANCE | N°20/01886

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 03 juillet 2024, 20/01886


Arrêt N°2024/257

PF



N° RG 20/01886 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FOAB

















[G]

[A]

[S]

[N]





C/



[Y]













COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS





ARRÊT DU 03 JUILLET 2024



Chambre civile TGI







Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 02 OCTOBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 23 OCTOBRE

2020 rg n° 19/00699





APPELANTS :



Monsieur [C] [G]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



Madame [R] [O] [B] [A] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : ...

Arrêt N°2024/257

PF

N° RG 20/01886 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FOAB

[G]

[A]

[S]

[N]

C/

[Y]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 02 OCTOBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 23 OCTOBRE 2020 rg n° 19/00699

APPELANTS :

Monsieur [C] [G]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [R] [O] [B] [A] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [P] [S]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [V] [I] [H] [N] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 14 décembre 2023

DÉBATS : en application des dispositions de l'article 799 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 19 Avril 2024.

Le président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la Cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère, rapporteur

Conseiller : M. Laurent FRAVETTE, Vice-président placé

qui en ont délibéré,

et que l'arrêt serait rendu le 03 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 03 Juillet 2024.

Greffier : Sarah HAFEJEE

LA COUR

Par acte d'huissier du 13 février 2019, les époux [G] et les époux [S], voisins de M. [Y] propriétaire de la parcelle HO [Cadastre 6] sise [Adresse 9] à [Localité 10], ont assigné ce dernier devant le tribunal de grande instance de Saint Pierre en réparation du trouble illicite subi du fait de l'édification de sa construction non conforme au PLU et sollicité la destruction de la toiture et du remblaiement en rez-de-jardin, outre le calage de stabilisation du mur de clôture des époux [G].

 

Par jugement du 2 octobre 2020, le tribunal a :

- condamné M. [Y] à faire réaliser à ses frais par un homme de l'art les travaux de calage de l'ouvrage par une banquette béton de 0,30 m sur le linéaire du mur détalonné en vue de stabiliser le mur de clôture des époux [G],

- débouté les époux [G] et les époux [S] de leurs autres demandes,

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [G] et M. et Mme [S] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

 

Par déclaration du 23 octobre 2020 au greffe de la cour, les époux [S] et les époux [G] ont formé appel du jugement.

 

Ils sollicitent de la cour, en substance, de:

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il les a déboutés en ces termes : « Par conséquent, les demandeurs seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'exception de celle relative au préjudice matériel résultant du déchaussement du mur des époux [G] ' '.

- débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- ordonner à M. [Y] de faire réaliser à sa charge par un homme de l'art les travaux préconisés par l'expertise judiciaire, soit la démolition de la toiture et le remblaiement du rez-de-jardin selon les préconisations de l'expert judiciaire :

« Travaux en vue de régulariser les hauteurs au faitage et à l'égout:

- Confection d'un dossier de demande de permis de construire modificatif basé sur les présentes préconisations ;

- Obtention du PC modificatif;

- Dépose de la couverture tôles et de la charpente ;

- Arase de la maçonnerie des élévations R+2 de 1,66 m (façades et cloisons), compris suppression des baies et fermetures, modification des installations électriques et toutes sujétions ;

- Évacuation des gravats en plateforme de tri et valorisation des déchets du BTP de [Localité 10];

- Réalisation des chainages BA avec platines de fixations de la charpente;

- Repose de la charpente et de la couverture tôles (pente identique 21 %) ;

- Compris toutes sujétions et garantie décennale ;

- Travaux en vue de supprimer l'aménagement intérieur du RdC:

- Déconstruction totale des dallages BA RdC;

- Évacuation des gravats en plateforme de tri et valorisation des déchets du BTP de [Localité 10] ;

- Remblais partiels du niveau RdC par tout venant compacter sur 1 à 2 m de hauteur;

- Dépose des maçonneries de remplissage en façade Sud-Ouest ;

- Fermeture des baies en façade Sud-Ouest par voile BA banché, avec aciers scellés en attente

- Création de 2 trappes de visite de 1 m. avec fermetures métallerie acier peint;

- Constat d'huissier attestant de la déconstruction de la totalité des dallages, et des remblais rapportés et compactés en RDC, avec hauteur libre

- ordonner à M. [Y] de réaliser à sa charge par un homme de l'art les travaux de calage de l'ouvrage par une banquette béton de 0,30 m sur le linéaire du mur détalonné en vue de stabiliser le mur de clôture des époux [G];

- ordonner à M. [Y] de procéder à la démolition du mur juché sur le mur des époux [G] obstruant l'écoulement des eaux pluviales ainsi que la démolition de la fenêtre de la construction de M. [Y] se situant à « l'arase de la maçonnerie des élévations R+2 de 1,66 m ' ' sous astreinte judiciaire journalière de 150 € à compter de l'arrêt à intervenir.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 4000 € correspondant à la surface du mur au titre du mur privé devenu mitoyen par acquisition forcée ;

- ordonner à M. [Y] de procéder au rétablissement de points d'écoulement répartis au minimum tous les 5 mètres sur toute la longueur du mur de clôture appartenant aux époux [G];

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 47.000 € au titre du préjudice de jouissance, de vue et d'ensoleillement et du trouble anormal de voisinage perpétré.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [S] la somme de 46.240 € au titre du préjudice de jouissance de vue et d'ensoleillement.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 4.000 € au titre du préjudice moral.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [S] la somme de 4.000 € au titre du préjudice moral.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [Y] à payer aux époux [S] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et la consignation d'un montant de 3.000 € concernant les frais d'expertise judiciaire.

À titre infiniment subsidiaire et avant dire droit, si la cour s'estime néanmoins incompétente,

-poser une question préjudicielle au tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion sur la conformité de la construction aux dispositions urbanistiques applicables et sur la fraude alléguée dans la demande d'autorisation du pétitionnaire, selon les modalités du titre Ier du livre III du code de justice administrative et en vertu des dispositions de l'article 49 alinéa 2 du code de procédure civile;

- sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif ;

- Réserver les dépens

 

M. [Y] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il débouté les époux [S] et les époux [G] de leurs demandes,

- le recevoir en son appel incident,

Voir par conséquent infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné à faire réaliser à ses frais par un homme de l'art les travaux de calage de l'ouvrage par une banquette béton de 0,30 m sur le linéaire du mur détalonné en vue de stabiliser le mur de clôture des époux [G],

Statuant à nouveau de ce chef,

- Débouter les époux [G] de cette demande,

Subsidiairement à ce titre,

- Dire qu'ils devront supporter la moitié des frais de réfection du mur.

A titre plus subsidiaire.

- Confirmer la décision entreprise.

- Ordonner aux époux [G] de supprimer tous les trous de leurs murs donnant sur sa propriété et aggravant ainsi l'écoulement des eaux de pluies sur sa parcelle, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Ordonner à ces derniers d'évacuer les eaux usées de leur piscine par un réseau d'assainissement individuel, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Voir assortir ces mesures d'une astreinte journalière de 500 euros.

- Condamner les époux [G] à rehausser leur mur de manière à mettre fin à toute vue sur son fonds, et ce dès l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 500 euros.

- Condamner solidairement les époux [G] et [S] au paiement de la somme de 10.000,00 euros pour trouble de jouissance et préjudice moral;

- Condamner en tous les cas, les époux [G] et [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la même au titre de l'appel.

- Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

Par arrêt avant-dire droit du 4 novembre 2022, la cour a :

- Révoqué l'ordonnance de clôture,

- Invité les appelants à préciser le fondement juridique de leur demande en destruction ;

- Invité les parties à informer la cour sur l'existence d'une autorisation administrative à la construction critiquée et notamment d'un permis de construire modificatif avant cette même date;

- Invité les parties à préciser à la cour si elles souhaitent engager une médiation dans le présent litige;

- Renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du 26 janvier 2023 pour clôture et renvoi nouvelle fixation ;

- Réservé les demandes et les dépens.

Par dernières conclusions, la proposition de médiation a été refusée.

Par message RPVA du 24 mai 2024, la cour a interrogé les parties sur la nouveauté en appel, et, partant, la recevabilité des demandes de M. [Y] tendant à :

- Ordonner aux époux [G] de supprimer tous les trous de leurs murs donnant sur sa propriété et aggravant ainsi l'écoulement des eaux de pluies sur sa parcelle, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Ordonner à ces derniers d'évacuer les eaux usées de leur piscine par un réseau d'assainissement individuel, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Voir assortir ces mesures d'une astreinte journalière de 500 euros.

- Condamner les époux [G] à rehausser leur mur de manière à mettre fin à toute vue sur son fonds, et ce dès l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 500 euros.

et celle des époux [G] et [S] visant à :

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 4000 € correspondant à la surface du mur au titre du mur privé devenu mitoyen par acquisition forcée ;

- ordonner à M. [Y] de procéder au rétablissement de points d'écoulement répartis au minimum tous les 5 mètres sur toute la longueur du mur de clôture appartenant aux époux [G];

 Par observations du 4 juin 2024, M. [Y] a soutenu que ses prétentions visent à opposer compensation et faire écarter les prétentions adverses. Il ajoute que ces demandes sont apparues du fait de l'évolution du litiges, qu'elles sont l'accessoire et le complément des demandes formées en première instance et sont des demandes reconventionnelles admissibles.

Par message du 7 juin 2024, les époux [G] ont indiqué s'en rapporter.

MOTIFS DE LA DECISION

 

Vu les dernières conclusions des époux [S] et des époux [G] du 8 février 2023 et de M. [Y] du 2 juin 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties;

 

Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2023;

 

Sur la demande de destruction.

Suite à la demande de précision de la cour, les appelants ont indiqué invoquer, en premier lieu, la responsabilité délictuelle à avoir méconnu les dispositions d'urbanisme et à avoir déposé des pièces faisant état d'une situation inexacte du terrain pour obtenir les autorisations. Ils soutiennent, en second lieu, que les règles du code civil et le trouble anormal de voisinage peuvent, en tout état de cause, justifier la démolition sollicitée.

Sur ce,

Vu l'article 1240 du code civil,

Le juge judiciaire est compétent pour connaitre de la demande de destruction pour violation des règles d'urbanisme et le tiers qui prétend subir un préjudice résultant de la violation des règles d'urbanisme n'est pas tenu de justifier de l'existence d'un trouble anormal du voisinage.

Cependant, comme l'a rappelé le premier juge, l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme encadre strictement les pouvoirs du juge judiciaire pour prononcer la destruction d'une construction édifiée conformément à un permis de construire en dépit de la méconnaissance de règles d'urbanisme. Les conditions en sont les suivantes:

1/ l'annulation du permis pour excès de pouvoir par la juridiction administrative;

2/ construction située dans une zone protégée.

En l'espèce, les parties s'opposent sur l'existence d'un permis ayant autorisé la construction et sur l'existence d'une fraude à l'obtention de ces autorisations.

- sur la démonstration de l'existence d'un permis de construire à la construction litigieuse.

S'agissant de l'existence d'un permis de construire, M. [Y] verse aux débats:

. l'arrêté du 13 décembre 2016 du maire de [Localité 10] (pièce 52) ayant autorisé la demande de permis déposée le 28 octobre 2016 (pièce 1) complétée la 18 novembre 2016;

. la demande de permis modificatif déposé le 7 novembre 2017 (pièces 5,6 et 18);

. le jugement du tribunal administratif du 12 novembre 2019 (pièce 24) ayant annulé l'arrêté du 4 janvier 2018 de refus de permis modificatif du 7 novembre 2017 (pièce 19), notifié le 8 janvier, motif pris que M. [Y] bénéficiait d'un permis tacite depuis le 7 janvier 2018.

Les époux [G] et [S] objectent que M. [Y] ne produit ni permis de construire modificatif, ni certificat établi par la commune de permis tacite.

Néanmoins, il y a lieu de relever que :

. les motifs du jugement du tribunal administratif sont parfaitement clairs sur l'existence d'un permis modificatif tacite,

. les appelants citent dans leurs conclusions les propos de M. [U], employé au service de la mairie de [Localité 10], lequel admet l'existence d'un permis modificatif;

. il s'infère d'un mémoire de la commune de [Localité 10] devant le tribunal administratif que les appelants ont introduit une nouvelle instance devant le juge administratif le 20 janvier 2021 - instance dont les parties n'indiquent pas les suites -, où ils arguent de l'existence d'une fraude dans la demande de permis modificatif accordé tacitement le 7 janvier 2018 (pièce 53, p. 25- pièce 20 appelants).

Au regard de ces éléments, il convient de juger que le bénéfice par M. [Y] de l'existence d'un permis de construire initial du 13 décembre 2016 et d'un permis de construire tacite du 7 janvier 2018 est démontré.

Par ailleurs, la cour n'a pas compétence pour connaître des moyens tirés de la fraude de M. [Y] pour l'obtention de ces autorisations, la remise en cause de ces dernières relevant de la compétence du juge administratif.

Aussi, en conséquence de ce qui précède, quels que soient les motifs ayant conduit à l'annulation du refus de demande de permis modificatif du 7 novembre 2017, la demande de destruction des appelants n'est susceptible d'être fondée qu'en cas de:

. non-conformité de la construction tant au permis de construire qu'aux règles d'urbanisme

ou

. en cas de trouble anormal de voisinage.

- sur la non-conformité de la construction au permis accordé

. Les appelants font valoir que seuls deux niveaux sont autorisés alors que la construction en comporte trois.

Sur ce,

La construction autorisée par le permis initial et le permis modificatif comportent un niveau de sous-sol et deux niveaux d'habitation. La construction est donc conforme aux autorisations d'urbanisme.

Par ailleurs, M. [L] expert judiciaire désigné en référé, estime certes dans son rapport du 28 mai 2018 (pièce 11 appelants) que le sous-sol ne constitue pas un vide sanitaire compte tenu de sa hauteur sous plafond de plus d'un mètre quatre-vingt et de la facilité technique à pratiquer des ouvertures vers l'extérieur mais, en l'état de la construction, ce niveau à demi-enterré est entièrement fermé, hormis une porte d'accès.

Le fait que la construction serait édifiée sur trois niveaux habitables ne peut dès lors être utilement invoqué pour solliciter la destruction.

Les appelants arguent de ce que le plan indiquerait un niveau de terrain naturel frauduleux, que M. [Y] aurait opéré à des terrassements modifiant le niveau naturel et qu'ainsi, le toit de la construction de M. [Y] dépasserait de 1,66 mètre la hauteur autorisée.

Sur ce,

L'article U3 10 du PLU de la commune de [Localité 10] (pièce 1.3 appelants), applicable au jour de l'autorisation modificative dispose:

" La hauteur des constructions est mesurée verticalement par rapport au sol naturel avant travaux.

Pour les constructions implantées sur les secteurs soumis à un risque naturel moyen et délimités aux documents graphiques, la surélévation du plancher bas comportant ou non un vide sanitaire doit être réalisée à au moins un mètre au-dessus du terrain naturel. Dans ce cas, la hauteur maximale de la construction se mesure, non pas à partir du sol naturel avant travaux mais, à partir du niveau bas du plancher inférieur du bâtiment.

Cette règle de niveau s'applique sur la partie amont du bâtiment".

"La hauteur maximale des constructions est fixée à R+1+combles (exception faite des étages en attiques autorisés à l'article U3 11.2) sans pouvoir excéder :

- 6 mètres à l'égout du toit ou au sommet de l'acrotère,

- 9 mètres au faîtage lorsque le toit présente une pente théorique inférieure ou égales à 30% conformément aux dispositions de l'article U3 11.2 du présent règlement,

- 12 mètres au faîtage lorsque le toit présente une pente théorique supérieure à 30% conformément aux dispositions de l'article U3 11.2 du présent règlement,"

" Des hauteurs différentes sont admises dans les cas suivants: [...]

- dans le cas de terrain en pente ou pour des constructions implantées sur les secteurs soumis à un risque naturel moyen et délimités aux documents graphiques, il est toléré 1,5 mètre de plus au faitage et sur les parties aval du bâtiment à l'égout du toit ou au sommet de l'acrotère. Cette disposition s'applique également sur les parties séparatives".

Les plans annexés à la demande de permis modificatif du 7 novembre 2017 font état d'une hauteur maximale au faitage de la construction de M. [Y] de 9,3 mètres et de 7,35 mètres à l'égout du toit.

M. [L], expert judiciaire, note dans son rapport (pièce 11 appelants):

"La mesure des hauteurs de la construction, au moyen d'un télémètre LEICA DISTO DXT H5 (marge d'erreur de 1 cm) fait ressortir du niveau de la base du dallage RdC, une hauteur de :

- en angle Nord-Ouest : 8,507 m à l'égout de toiture (photos 31 & 32), augmentée du soubassement de 0,45 m ;

- en angle Sud-Ouest : 10,455 m au faîtage de toiture (photo 7), rectifiée à 9,43 m par rapport au sol naturel avant travaux, selon relevé topographique géomètre".

Il convient dès lors de relever que la différence de hauteur maximale du faitage par rapport au permis modificatif est minime (13 cm).

En outre, M. [L] conclut plus loin: "Nota Bene : La hauteur de la construction est de 10,90 m au faîtage (rectifiée à 9,43 m par rapport au sol naturel avant travaux, selon relevé topographique géomètre), et conforme au PLU (autorisé 9,00 m + 1,50 m pour terrain en pente)".

Aussi, sans qu'il ne soit besoin de statuer sur la recevabilité de la note établie par M. [E] car non déterminante, le moyen tiré de ce que la hauteur du bâtiment mesuré au faîtage ne respecterait pas les règles d'urbanisme est infondé.

En revanche, les appelants énoncent à juste titre que la hauteur du bâtiment à l'égout du toit du bâtiment de M. [Y] ne respecte ni le permis de construire (7,35 mètres), ni le PLU (7,5 mètres tolérés), puisque tant le rapport de M. [L] que celui de M. [E], cité par l'intimé(pièce 14) donnent des mesures respectives de hauteur à l'égout du toit de 8,507 m et 8,16 m.

Contrairement à ce qu'énonce M. [Y] et à la lecture qu'il fait du rapport de M. [L], le fait de combler le niveau de vide sanitaire est, en l'espèce, sans incidence sur la conformité de la construction aux règles d'urbanisme s'agissant de la hauteur du toit à l'égout.

Sur le préjudice en lien avec la faute et la réparation de destruction demandée

L'intimé énonce que les modifications sollicitées au titre du permis de construire modificatif visent à prendre en compte un déclivité importante du terrain non identifiée au préalable et à permettre de "rattraper le niveau de la maison" pour conserver l'implantation initiale de la maison. Il précise que ces modifications apportées ne sont pas de nature à justifier un trouble de jouissance et d'une démolition.

Sur ce,

Vu les articles 540 et 1240 du code civil;

A titre liminaire, pour une meilleure compréhension du litige, la cour relève que les parcelles HI[Cadastre 7], HI[Cadastre 4] et HI[Cadastre 5] en litige sont situées sur un terrain en pente, avec une vue plus ou moins dégagée vers l'océan. La parcelle HI[Cadastre 5] (M. [Y]) jouxte par un coté entier la parcelle HI [Cadastre 7], propriété des époux [G], et elle est située en diagonale et en aval de la propriété des époux [S], cadastrée HI [Cadastre 4].

Il résulte des constats et photographies versées aux débats que, depuis la parcelle des époux [S], sont essentiellement visibles l'angle le plus élevé de la toiture à un pan de l'immeuble de M. [Y] et le mur soutenant le faitage.

Il s'ensuit que, pour les époux [S], la faute délictuelle de M. [Y] résultant de l'absence de respect par son immeuble de la hauteur maximale de l'égout du toit au niveau du terrain naturel n'apparait pas en lien avec les préjudices invoqués.

Pour les époux [G], dont la parcelle dispose d'un côté contigu avec celle de M. [Y], le non-respect de la hauteur à l'égout du toit implique que le mur de la maison de M. [Y], soutenant le toit à un pan, ait lui aussi une surface supérieure à ce qu'elle devrait être si la hauteur maximale avait été respectée.

Ceux-ci sont donc fondés à arguer d'un préjudice de vue ayant entrainé un préjudice de jouissance et une perte de valeur de leur bien.

L'existence d'un préjudice d'ensoleillement n'est en revanche pas établi au vu des photographies versées aux débats, de l'exposition des fenêtres des époux [G] vers le sud et de la conformité de la hauteur du mur de M. [Y] soutenant le faitage.

En réparation de leur préjudice, les époux [G] sollicitent, conformément aux préconisations du rapport d'expertise, l'arasement de l'ensemble du niveau supérieur de la construction pour en retirer 1,66 mètre.

Il convient néanmoins de relever que la mise en conformité de la construction avec les règles d'urbanisme n'impliquerait qu'une baisse du niveau du toit du côté de l'égout, non du côté faitage. En conséquence, dans cette hypothèse, cette mise en conformité induirait une augmentation de la pente du toit mais non l'arasement uniforme de la hauteur de l'étage supérieur de la construction de M. [Y].

Il résulte des photographies versées aux débats, et notamment de celles insérées aux conclusions des appelants que la baisse du niveau du pan du toit sur un côté seulement, même sur la hauteur de 1,66 mètre retenue par les appelants, n'entrainerait pas d'impact très significatif en termes de vue et laisserait en outre la possibilité technique pour M. [Y] de conserver une fenêtre sur le pan de mur en la déplaçant.

A ce titre, la demande de destruction n'apparait pas proportionnée à l'atteinte portée par la faute de M. [Y] et les préjudices de perte de vue et de jouissance apparaissent pouvoir être réparés par l'allocation d'une somme de 40.000 euros, évaluée en tenant compte notamment de l'expertise vénale du bien (pièce 17 appelants -intégrant une décote de 10% du prix du bien).

- sur le trouble anormal de voisinage

Vu les articles 554, 675 à 680 du code civil;

Il résulte des éléments qui précèdent et de la démonstration des premiers juges, que la cour fait sienne, que l'existence d'un trouble anormal de voisinage, lié notamment à l'existence d'une vue directe, n'est pas établi.

Le rejet des demandes des époux [G] et [S] sur ce fondement sera ainsi confirmé.

- sur le préjudice moral

Vu l'article 1240 du code civil;

Indépendamment du préjudice direct de jouissance, démontré pour les époux [G] ou écarté pour les époux [S], les appelants établissent l'existence d'un préjudice moral lié à la faute de M. [Y] à avoir construit au-delà de la hauteur autorisée à un endroit visible pour eux, voisins.

Ce préjudice moral sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 800 euros à chacun à la charge de M. [Y].

A l'inverse, M. [Y] soutient subit un préjudice moral à raison de l'abus de procédure des appelants, de leur acharnement à l'épier, de leurs accusation de fraude et de ce qu'il ne peut occuper son bien du fait de l'arrêt du chantier.

Toutefois, il sera relevé que les appelants triomphent partiellement dans leurs demandes de sorte que l'abus de procédure n'est pas caractérisé. Par ailleurs, l'arrêt du chantier, pour autant qu'il soit établi, n'apparait pas être une conséquence directe de la procédure. Enfin, l'existence d'une photographie montant un individu prendre un cliché depuis un angle de la propriété des époux [G] vers le fonds de M. [Y] est insuffisant à démontrer un surveillance constante des appelants, dont les fonds sont disposés en amont de celui de l'intimé.

Le demande indemnitaire de M. [Y] doit ainsi être rejetée.

- sur le déchaussement du mur des époux [G]

Vu l'article 1240 du code civil;

Il résulte sans ambiguïté de la lecture du rapport de l'expert judiciaire que M. [Y] a procédé au terrassement de l'amont de la parcelle. Les photographies produites par les appelants attestent en outre de ce que le mur n'était pas déchaussé avant les travaux.

En outre, si M. [Y] se fonde sur les photographies prises par M. [E] ( pièce 14 appelants) pour en déduire que le mur mitoyen était déjà partiellement déchaussé, lesdites photographies( p. 16 et 17), tendent au contraire à établir que le terrassement réalisé a eu pour effet de complètement déchausser le mur alors que la semelle n'était préalablement que très faiblement visible sur moins de deux mètres (idem pour les photographies pièce 12 appelant).

Enfin, si M. [Y] estime que la semelle du mur empiète sur 20 cm sur la base d'un constat d'huissier (pièce 41 intimé), il n'explicite pas en quoi, en droit, cet empiètement justifierait "pour le compenser que M. [Y] prennent en charge la moitié des frais d'exécution du muret de soutènement mis à sa charge par les premiers juges.

La décision de ceux-ci ayant condamné M. [Y] à réalisation dans les règles de l'art des travaux de calage du mur mitoyen avec la propriété des époux [G] d'une banquette béton de 0,3 m doit ainsi être confirmée.

Sur les écoulements d'eau et trouble lié à la piscine des époux [G]

M. [Y] énonce qu'il subit le bruit du moteur de la piscine des époux [G], que cette dernière s'évacue et déborde, notamment en cas de fortes pluies, sur leur fonds et qu'il est ainsi fondé à solliciter la fermeture des trous d'évacuation réalisés dans le mur mitoyen des époux [G].

Les époux [G] objectent que le moteur de piscine est isolé, que l'évacuation des eaux est effectuée sur leur propre terrain, à distance de M. [Y] et que ce dernier, qui a bouché les trous d'évacuation de leur fonds vers le sien par l'édification d'un second mur accolé, doit détruire ce dernier.

Vu l'article 564 du code de procédure civile;

Les demandes associées à ces argumentaires sont toutefois nouvelles en appel et, partant, irrecevables.

Elles ne procèdent ni d'une évolution du litige originel, lié à un non-respect des normes d'urbanisme, ni l'accessoire ou le complément nécessaire. En outre, cette demande reconventionnelle relative à des écoulements d'eau de la piscine des époux [G] ne se rattache pas par un lien suffisant avec les prétentions énoncées en première instance, essentiellement centrées sur la hauteur de la construction de M. [Y]. Enfin, si M. [Y] demande compensation des sommes pouvant lui être accordées avec celles bénéficiant à ses voisins, la demande indemnitaire qu'il forme tend avant tout à l'allocation d'une somme sur le fondement de la responsabilité délictuelle au titre des dommages lié à la piscine, sans lien avec ceux résultant de la hauteur de son bâtiment.

Il y a lieu, en conséquence, de déclarer les demandes susvisées irrecevables.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

M. [Y], qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens.

L'équité commande en outre de le condamner à verser aux époux [G] la somme de 3.000 euros et celle de 1.000 euros aux époux [S] au titre des frais irrépétibles.

 

PAR CES MOTIFS

 La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, 

- Déclare irrecevables:

1/ les demandes de M. [Y] tendant à :

- Ordonner aux époux [G] de supprimer tous les trous de leurs murs donnant sur sa propriété et aggravant ainsi l'écoulement des eaux de pluies sur sa parcelle, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Ordonner à ces derniers d'évacuer les eaux usées de leur piscine par un réseau d'assainissement individuel, et ce dans le mois de la décision à intervenir.

- Voir assortir ces mesures d'une astreinte journalière de 500 euros.

- Condamner les époux [G] à rehausser leur mur de manière à mettre fin à toute vue sur son fonds, et ce dès l'arrêt à intervenir, sous astreinte journalière de 500 euros.

2/ celle des époux [G] et [S] visant à :

- condamner M. [Y] à payer aux époux [G] la somme de 4000 € correspondant à la surface du mur au titre du mur privé devenu mitoyen par acquisition forcée ;

- ordonner à M. [Y] de procéder au rétablissement de points d'écoulement répartis au minimum tous les 5 mètres sur toute la longueur du mur de clôture appartenant aux époux [G];

- Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

. condamné M. [Y] à faire réaliser à ses frais par un homme de l'art les travaux de calage de l'ouvrage par une banquette béton de 0,30 m sur le linéaire du mur détalonné en vue de stabiliser le mur de clôture des époux [G];

. rejeté les demandes des époux [G] et des époux [S] au titre du trouble anormal de voisinage, de perte d'ensoleillement et de leur demande en destruction de la construction de M. [Y];

. débouté les époux [S] de leurs demandes au titre de leurs préjudice de jouissance et de perte de vue,

. rejeté les demandes de dommages-intérêts de M. [Y];

 

Le confirme dans cette mesure;

Statuant à nouveau pour le surplus,

- Condamne M. [Y] à verser à M. et Mme [G] la somme de 40.000 euros au titre de leurs préjudices de jouissance et de perte de vue ;

 

- Condamne M. [Y] à verser à M. et Mme [G], d'une part, et M. et Mme [S], d'autre part, la somme de 800 euros à chacun au titre de leur préjudice moral;

 

- Déboute M. [Y] de sa demande tendant à voir partager les frais de construction de l'ouvrage de calage du mur des époux [G];

 

- Condamne M. [Y] à verser à M. et Mme [G], d'une part, et M. et Mme [S], d'autre part, les sommes respectives de 3.000 euros et de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles;

 

- Condamne M. [Y] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 20/01886
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;20.01886 ?
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