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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01810

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 25 juin 2024, 22/01810


ARRÊT N°2024/234

PC





N° RG 22/01810 - N° Portalis DBWB-V-B7G-F2FE













Société GROUPAMA OCEAN INDIEN





C/



[H]











RG 1ERE INSTANCE : 21/03454











COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 25 JUIN 2024



Chambre civile TGI





Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT PIERRE (REUNION) en date du 25 NOVEMBR

E 2022 RG n° 21/03454 suivant déclaration d'appel en date du 16 DECEMBRE 2022





APPELANTE :



Société GROUPAMA OCEAN INDIEN

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentant : Me Mikaël YACOUBI de la SELARL GAELLE JAFFRE ET MIKAEL YACOUBI, Plaidant/Postulant, avocat a...

ARRÊT N°2024/234

PC

N° RG 22/01810 - N° Portalis DBWB-V-B7G-F2FE

Société GROUPAMA OCEAN INDIEN

C/

[H]

RG 1ERE INSTANCE : 21/03454

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT PIERRE (REUNION) en date du 25 NOVEMBRE 2022 RG n° 21/03454 suivant déclaration d'appel en date du 16 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

Société GROUPAMA OCEAN INDIEN

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Mikaël YACOUBI de la SELARL GAELLE JAFFRE ET MIKAEL YACOUBI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

Madame [P] [J] [F] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3] (REUNION)

Représentant : Me Marie BRIOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 14 septembre 2023

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Avril 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : M. Laurent FRAVETTE, Vice-président placé

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 25 Juin 2024.

Greffier lors des débats : Sarah HAFEJEE

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 25 Juin 2024.

* * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 mars 2004, Madame [P] [H], passagère arrière d'un véhicule conduit par Monsieur [I] [T], a été victime d'un accident de la circulation. Le véhicule a été percuté par une camionnette conduite par Monsieur [X] [A], assuré auprès de la compagnie d'assurances GROUPAMA OCEAN INDIEN.

Par jugement en date du 19 août 2004, le tribunal correctionnel de Saint-Pierre de la Réunion a, sur l'action publique, déclaré M. [X] [A] coupable notamment de faits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique sur la personne de Mme [P] [H].

Sur l'action civile, le tribunal après avoir reçu la constitution de partie civile de la victime et avant-dire droit sur le préjudice corporel, a ordonné une expertise médicale confiée au Dr [Y]. Le tribunal a condamné solidairement M. [A] et la compagnie d'assurance GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de 50.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement en date du 13 octobre 2006, le tribunal correctionnel, statuant sur intérêts civils, a condamné solidairement M. [A] et son assureur à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de provision complémentaire quant à ses préjudices non soumis à recours.

Le 4 mai 2005, l'expert a déposé son rapport et a conclu que l'état de la victime n'est pas consolidé.

Le 13 juin 2008, le tribunal a fait droit à la demande de nouvelle expertise de la victime afin de déterminer l'ampleur des préjudices subis et a désigné le même expert.

Par jugement du 9 avril 2010, une expertise médicale a été de nouveau ordonnée aux fins de préciser et quantifier l'assistance d'une tierce personne.

Les rapports des experts ont été rendus le 20 février 2009 et le 1er février 2011.

Par jugement en date du 10 juin 2011, le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils a condamné M. [A] à verser à Mme [H] la somme de 4.405.501,01 euros en réparation de son préjudice corporel et a réservé les droits de celle-ci en ce qui concerne les postes d'acquisition et d'aménagement du logement et du véhicule.

Par déclaration au greffe du tribunal en date du 17 juin 2011, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 11 avril 2012, la cour d'appel a confirmé partiellement les montants des préjudices corporels retenus.

Par acte d'huissier en date du 20 février 2018, Mme [H] a assigné la compagnie d'assurance GROUPAMA OCEAN INDIEN en sa qualité d'assureur aux fins d'obtenir l'indemnisation de deux autres postes de préjudice qui n'ont pas été indemnisés, à savoir l'acquisition et l'aménagement de son logement et d'un véhicule.

Par jugement contradictoire en date du 8 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Pierre a ordonné avant dire droit une expertise et a désigné M. [V] [K], architecte, afin de pouvoir évaluer les frais d'acquisition et d'aménagement du logement au regard du handicap de la demanderesse.

L'expert a déposé son rapport le 18 mai 2020.

La compagnie d'assurance GROUPAMA OCEAN INDIEN a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis le 15 juin 2020.

Par ordonnance sur incident du 26 octobre 2021, la cour d'appel a déclaré recevable les conclusions d'incident déposées par Mme [H] et a déclaré irrecevable l'appel du jugement avant-dire droit du 8 novembre 2019. Elle a condamné la compagnie d'assurance GROUPAMA OCEAN INDIEN aux dépens.

Par conclusions déposées le 7 décembre 2021 au greffe civil du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, Mme [H] a sollicité la réinscription au rôle du dossier.

Par jugement contradictoire en date du 25 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes :

CONDAMNE la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de :

- 1.319.492,00 euros au titre des frais de logement adapté ;

- 45.204,11 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

DEBOUTE les demandes plus amples et contraires des parties ;

CONDAMNE la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RESERVE les droits de Mme [H] quant à l'indemnisation de son préjudice consécutif à la possibilité d'adapter un véhicule pour qu'elle puisse le conduire;

CONDAMNE la société GROUPAMA OCEAN INDIEN aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Par déclaration du 16 décembre 2022, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN a interjeté appel du jugement précité.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 21 décembre 2022.

Le 14 mars 2023, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN a déposé ses premières conclusions.

Le 18 avril 2023, Madame [P] [H] a déposé ses premières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant déposées le 12 juillet 2023, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN demande à la cour de :

A/. INFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme de 1.319.492,00€ au titre de frais de logement adapté

À TITRE PRINCIPAL,

A/. 1/. Sur le rejet des prétentions de Madame [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme de 1.319.492,00€ au titre de frais de logement adapté

1/. Sur le rejet de la demande de Madame [H] tendant à l'indemnisation des frais d'acquisition de sa villa, d'un montant de 939.870,00€

INFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 1.319.492,00€ au titre des frais de logement adapté, en ce comprise la somme de 939.870,00€ au titre de l'acquisition dudit logement.

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas que son ancien logement situé sur la commune de [Localité 4] (REUNION), lieudit [Adresse 7], au [Adresse 5] était incompatible avec un aménagement des lieux à sa situation de handicap.

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas qu'il lui était impossible d'effectuer un autre choix de logement adapté à son handicap, et moins coûteux.

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas que son maintien, en qualité de locataire, dans la maison située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], était incompatible avec son handicap.

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas dans quelle mesure l'acquisition d'une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], sur laquelle est édifiée une maison à usage d'habitation aurait été rendu indispensable à raison de son handicap.

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas que l'immeuble à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], serait mieux adapté à son handicap.

CONSTATER que Madame [P] [J] [F] [H] ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier que son acquisition correspond en tous points à ses besoins au regard de sa situation de handicap.

DIRE ET JUGER que le prix d'acquisition d'une villa à étage de 180m2, édifiée sur une parcelle de 900 m2, d'un montant de 939.870,00€ est manifestement déraisonnable et non justifié au regard des besoins de Madame [H].

CONSTATER que Madame [H] ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier qu'elle soit dispensée des frais exposés pour se loger, lesquels sont indépendants de l'accident.

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne démontre pas en quoi la réparation de son préjudice de perte de gains professionnels futurs, dont elle a bénéficié, ne lui permettait pas d'assumer ses frais de logement.

CONSTATER que Madame [H] ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir le surcoût du prix d'acquisition de l'immeuble à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], à raison de son caractère supposément mieux adapté à son handicap.

En conséquence,

CONSTATER que Madame [H] ne démontre pas que l'acquisition de l'immeuble à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1] est en relation directe avec l'accident survenu le 27 mars 2004.

REJETER la demande de Madame [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme d'un montant total de 939.870,00€, correspondant au montant total du prix d'acquisition du bien immobilier à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], puisque non-fondée.

2/. Sur le rejet de la demande de Madame [H] tendant à l'indemnisation des frais d'aménagement de la villa d'un montant de 379.622,00€

INFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 1.319.492,00€ au titre des frais de logement adapté, en ce comprise la somme de 379.622,00€ au titre de frais d'aménagement du logement.

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que Madame [H] ne justifie pas de l'état de la maison à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], avant travaux.

DIRE ET JUGER que Madame [H] n'apporte pas la preuve que les aménagements projetés dans son nouveau bien immobilier à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], aient été rendus indispensables par sa situation de handicap.

En conséquence,

CONSTATER que Madame [P] [J] [F] [H] ne démontre pas que les travaux d'aménagement de l'immeuble à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1] sont en relation directe avec l'accident survenu le 27 mars 2004.

REJETER la demande de Madame [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme d'un montant total de 379.622,00€ au titre de frais d'aménagement du bien immobilier à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], puisque non-fondée.

À TITRE SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire la présente juridiction considérait que la demande indemnitaire de Madame [P] [J] [F] [H], au titre des frais de logement adapté, était fondée dans son principe,

A/. 2/. Sur le caractère excessif de la demande de Madame [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme de 1.319.492,00€ au titre de frais de logement adapté

1/. Sur les frais d'acquisition du logement

INFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 1.319.492,00€ au titre des frais de logement adapté, en ce comprise la somme de 939.870,00€ au titre de l'acquisition dudit logement.

STATUANT A NOUVEAU,

CONSTATER que Madame [H] n'est pas fondée à se voir indemniser des frais d'acquisition de son logement au-delà de la surface correspondant à son lieu de vie (espace réservé à la tierce personne compris), à savoir 93m2 de construction bâtie sur un terrain de 300m2.

En conséquence,

REDUIRE la demande de Madame [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme d'un montant total de 939.870,00€, correspondant au montant total du prix d'acquisition du bien immobilier à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], dans une proportion qui ne saurait excéder la somme d'un montant total de 343.638,00€, décomposée comme suit :

93m2 de construction x 2.566,00€ le prix du m2 de construction

+ 300m2 de terrain x 350,00€ le prix du m2 de terrain = 343.638,00€.

2/. Sur les frais d'aménagement du logement

INFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 1.319.492,00€ au titre des frais de logement adapté, en ce comprise la somme de 379.622,00€ au titre de frais d'aménagement du logement.

STATUANT A NOUVEAU,

CONSTATER que Madame [H] n'est pas fondée à se voir indemniser des frais de travaux d'aménagement de son logement au-delà des aménagements rendus indispensables afin d'adapter son logement à sa situation de handicap.

En conséquence,

REDUIRE la demande de Madame [P] [J] [F] [H] tendant à obtenir la condamnation de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN au paiement de la somme d'un montant total de 379.622,00€ au titre de frais d'aménagement du bien immobilier à usage d'habitation, édifié sur la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 6], d'une contenance de 09 ares, située sur la commune de [Localité 3] (REUNION) au [Adresse 1], dans une proportion qui ne saurait excéder la somme d'un montant total de 41.327,16€.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

B/. CONFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 45.204,11€ au titre des frais de véhicule adapté.

En conséquence,

REJETER les demandes de Madame [H] tendant à ce que le jugement entrepris soit infirmé, en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à lui payer la somme de 45.204,11€ au titre des frais de véhicule adapté, et tendant à ce que la société GROUPAMA OCEAN INDIEN soit condamnée à lui payer la somme de 449.360,52€ au titre des frais de véhicule adapté, car non fondées.

C/. INFIRMER le jugement, contradictoire et en premier ressort, rendu par le tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (REUNION), le 25 novembre 2022 (RG N°21/03454), en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la somme de 2.000,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTER Madame [H] de sa demande de paiement d'une somme de 3.000,00€ formée à l'encontre de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN en première instance, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande de paiement des entiers dépens de première instance.

LAISSER à chaque partie la charge de ses dépens, en première instance.

DIRE n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance.

DEBOUTER Madame [P] [J] [F] [H] de sa demande de paiement d'une somme de 3.000,00€ formée à l'encontre de la société GROUPAMA OCEAN INDIEN en appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande de paiement des entiers dépens d'appel.

LAISSER à chaque partie la charge de ses dépens, en appel.

DIRE n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en appel.

PAR AILLEURS,

DEBOUTER Madame [H] de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires car non fondées.

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN s'oppose à la prise en charge du coût de l'acquisition de la villa de Mme [H] aux motifs que celle-ci n'établit pas la relation directe entre l'acquisition du logement et l'accident. Elle soutient qu'une telle acquisition relève d'une convenance personnelle et que l'achat d'une telle propriété n'est pas lié à la nécessité du handicap. Elle fait valoir qu'une telle acquisition d'une superficie exubérante et dans un quartier très prisé et couteux n'était pas indispensable. Elle soutient que Mme [H] a déjà été indemnisée des frais de logement puisqu'elle a été indemnisée au titre de la perte de gains professionnels futurs. Elle estime que seul le surcout dû à la situation du handicap doit être pris en compte pour l'indemnisation du préjudice de frais de logement. Elle relève qu'une telle acquisition constitue un enrichissement sans cause de son patrimoine sans lien direct avec les faits dont elle a été victime.

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN s'oppose également à la prise en charge des frais d'aménagement du logement de Mme [H] aux motifs qu'il n'est pas établi le caractère indispensable des travaux d'aménagement au regard de son état de santé et leur lien direct avec l'accident de la circulation subi.

A titre subsidiaire, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN demande à ce que l'indemnisation soit réduite à de plus justes proportions. Elle soutient que le montant de l'indemnité est limité aux seules dépenses rendues nécessaires par l'handicap de la victime. A ce titre, elle estime sur les frais d'acquisition du logement, que le prix d'achat est particulièrement excessif au regard du prix du marché et que les besoins réels de Madame [H] ne justifient aucunement l'acquisition d'une villa d'une telle envergure. Elle estime en outre sur les frais d'aménagement du logement, que les travaux relèvent d'un choix personnel de la victime.

Enfin, s'agissant des frais de véhicule adapté, la société GROUPAMA soutient que la demande de Mme [H] est excessive et que son calcul est erroné. En effet, l'appelante soutient que Madame [H] ne respecte pas la méthode de calcul de ce poste de préjudice (méthode dite des arrérages annuels immédiats avec capitalisation), puisqu'elle ajoute sans raison le coût unitaire du véhicule d'une valeur de 49.482,68 € déjà pris en compte dans le calcul. En outre, elle fait valoir que le montant du coût unitaire du véhicule allégué par Madame [H] concerne le prix d'un véhicule neuf avec des options superflues qui relèvent d'un choix personnel, or le remboursement des frais de véhicule adapté ne doit concerner que les seuls aménagements indispensables pour surmonter le handicap de la victime.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée déposées le 3 août 2023, Madame [P] [H] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à versé à Madame [H] la somme de 1.319.492,00 euros (un million trois cent dix-neuf mille quatre cent quatre-vingt-douze euros) au titre de l'acquisition et de l'adaptation de son logement.

RECEVOIR Madame [P] [H] en son appel incident.

Y faisant droit,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [P] [H] la somme de 45.204,11 euros (quarante-cinq mille deux cent quatre euros et onze centimes) au titre des frais de véhicule adapté.

Statuant de nouveau et faisant droit à l'appel incident formé par Madame [P] [H],

CONDAMNER la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à verser à Madame [P] [H] la somme de 449.360,52 euros (quatre cent quarante-neuf mille trois cent soixante euros et cinquante-deux centimes) au titre de l'acquisition et de l'adaptation d'un véhicule.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a réservé les droits de Madame [P] [H] quant à l'indemnisation de son préjudice consécutif à la possibilité d'adapter un véhicule pour qu'elle puisse le conduire.

CONDAMNER la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à verser à Madame [P] [H] la somme de 3.000,00 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la société GROUPAMA OCEAN INDIEN en tous les dépens de la présente instance et ce, dont distraction au profit de Maître BRIOT, Avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'elle doit bénéficier de l'intégralité de la réparation du préjudice qu'elle a subi, dont fait partie l'acquisition d'un logement aménagé à son handicap.

Madame [H], tétraplégique constamment en fauteuil roulant électrique ou manuel, soutient qu'elle doit pouvoir bénéficier durablement d'un logement adapté à son handicap et à ses besoins permettant notamment la mise à disposition de sa tierce personne intervenant à ses côtés en permanence d'une chambre avec sanitaires. Elle indique que le logement dans lequel elle résidait n'était pas adapté à son handicap, et que l'acquisition de sa maison ne procède pas d'un choix personnel mais uniquement d'une nécessité dictée par les conséquences de l'accident dont elle a été victime le 27 mars 2004. Elle explique avoir acquis cette villa, de plain-pied, à [Localité 3] pour de se rapprocher des soins et parce qu'elle comporte un jardin pour pouvoir profiter d'un extérieur. Elle ajoute que la prise en charge par l'auteur de l'accident de l'acquisition du logement ne constitue pas un enrichissement sans cause mais répond au contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice qu'il a occasionné.

Elle précise que les travaux d'extension lui ont permis de bénéficier de plus grandes pièces ainsi que de pièces destinées plus particulièrement à l'auxiliaire de vie, et de prévoir la circulation d'un fauteuil roulant électrique dans des conditions optimales de confort et de sécurité ainsi que la pose d'un système de transfert par rails entre le lit et la salle de bain. D'ailleurs, elle rapporte que l'expert judiciaire a conclu que les travaux réalisés correspondent à ses justes besoins. Elle affirme que locataire du logement pendant plusieurs années, elle a dû attendre l'acquisition du logement afin d'entreprendre des travaux d'une telle importance.

En son appel incident, Madame [H] sollicite la somme de 449.360,52 € au titre de l'indemnisation du poste du véhicule adapté aux motifs que sa présence constante en fauteuil roulant électrique nécessite l'acquisition et l'adaptation d'un véhicule permettant un accès en fauteuil électrique. Par ailleurs, elle précise que l'indemnisation qu'elle sollicite ne concerne pas l'intégralité du cout d'acquisition du véhicule mais uniquement le surcoût justifié par la nécessité d'acquérir un véhicule de plus grande taille, permettant notamment l'accès ou le transport du fauteuil roulant.

*****

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur les frais d'acquisition et d'aménagement du logement

Le poste de préjudice des frais de logement adapté correspond aux frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap.

Ce poste inclut non seulement l'aménagement du domicile mais éventuellementc elui de l'acquisition d'un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.

La réparation intégrale du préjudice lié aux frais de logement adapté commande que l'assureur prenne en charge les dépenses nécessaires pour permettre à la victime de bénéficier d'un habitat adapté à son handicap.

Sur les frais d'acquisition du logement

Par jugement en date du 25 novembre 2022, les premiers juges ont condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à indemniser Mme [H] de la somme de 939.870 euros au titre des frais d'acquisition du logement aux motifs que les frais que la victime a dû engager, pour acquérir ce logement adapté à son handicap sont directement imputables aux séquelles provoquées par l'accident.

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN s'oppose à la prise en charge du coût de cette acquisition aux motifs que Mme [H] n'établit pas la relation directe entre l'acquisition du logement et l'accident.

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN soutient qu'une telle acquisition relève d'une convenance personnelle et que l'achat d'une telle propriété n'est pas lié à la nécessité du handicap. Elle estime qu'il n'est pas justifié que la victime se soit trouvée dans l'impossibilité de choisir entre une acquisition ou une location dès lors que la commune de [Localité 3] dispose d'un parc locatif comportant et pouvant accueillir des personnes en situation de handicap, ou encore que la location de la maison acquise ne fût pas suffisante pour assurer son confort de vie, dans un logement adapté à son handicap.

Elle fait valoir qu'une telle acquisition n'était pas indispensable. Elle dénonce, à l'appui du rapport d'expertise, la superficie exubérante de la villa acquise par Madame [H], puisque ledit rapport fait état d'une maison à étage de 180 m2 sur un immense terrain de 900 m2, dont la victime n'en occupe en réalité qu'une infime partie, la majorité étant occupé par les membres de sa famille. Elle dénonce également l'emplacement de son habitation en plein centre-ville de [Localité 3], quartier très prisé et couteux, qui n'est justifié par aucun besoins médicaux.

Elle soutient qu'indemniser Mme [H] de l'intégralité des frais d'acquisition reviendrait à indemniser deux fois un même chef de préjudice, puisque les frais de logement (hors le surcoût de l'acquisition directement lié au handicap) sont déjà indemnisés par la perte de gains professionnels futurs.

Elle relève qu'une telle acquisition constitue un enrichissement sans cause de son patrimoine sans lien direct avec les faits dont elle a été victime. A ce titre, seul le surcout dû à la situation du handicap doit être pris en compte pour l'indemnisation du préjudice de frais de logement.

A titre subsidiaire, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN demande à ce que l'indemnisation soit réduite à de plus justes proportions. Elle soutient que le montant de l'indemnité est limité aux seules dépenses rendues nécessaires par le handicap de la victime. A ce titre, elle estime que le prix d'achat est particulièrement excessif au regard du prix du marché et que les besoins réels de Madame [H] ne justifient aucunement l'acquisition d'une villa d'une telle envergure.

Madame [P] [H] sollicite la confirmation du jugement. Elle soutient devoir bénéficier de l'intégralité de la réparation du préjudice qu'elle a subi, dont fait partie l'acquisition d'un logement aménagé à son handicap.

Madame [H], tétraplégique constamment en fauteuil roulant électrique ou manuel, soutient qu'elle doit pouvoir bénéficier durablement d'un logement adapté à son handicap et à ses besoins permettant notamment la mise à disposition de sa tierce personne intervenant à ses côtés en permanence d'une chambre avec sanitaires. Elle indique que le logement dans lequel elle résidait n'était pas adapté à son handicap, et que l'acquisition de sa maison ne procède pas d'un choix personnel mais uniquement d'une nécessité dictée par les conséquences de l'accident dont elle a été victime le 27 mars 2004. Elle explique avoir acquis cette villa, de plain-pied, à [Localité 3] pour de se rapprocher des soins et parce qu'elle comporte un jardin pour pouvoir profiter d'un extérieur. Elle ajoute que la prise en charge par l'auteur de l'accident de l'acquisition du logement ne constitue pas un enrichissement sans cause mais répond au contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice qu'il a occasionné.

Ceci étant exposé,

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime,

Dès lors que le handicap de la victime rend nécessaires des aménagements de son logement incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, l'acquisition d'un logement est une conséquence sans que l'on puisse retenir un enrichissement sans cause du fait de la dispense de paiement de loyers dès lors que cette acquisition est la seule solution permettant la réparation intégrale.

Lorsque l'acquisition a été rendue nécessaire par les séquelles de la victime la jurisprudence indemnise l'intégralité des frais d'acquisition et non le simple surcoût sans que la victime puisse se voir reprocher un quelconque enrichissement au motif qu'elle aurait dû néanmoins se loger en l'absence de handicap.

Ce principe consacré par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 octobre 1996 (Cass.2e civ.,9oct. 1996, n°94-19.763) a été rappelé à plusieurs reprises tant par ses Chambres civiles que sa Chambre criminelle (Cass. 2e Civ.,11 juin 2009, n°8-11.127 ; Cass. 2e Civ., 2 février 2017, n°15-29.527 ; Cass. Crim.,10 janvier 2006, n°05-84.226).

En l'espèce, au moment des faits, Madame [H] était âgée de 20 ans et résidait au domicile de sa grand-mère avec sa mère, et son petit frère.

La première expertise médicale du Docteur [Y] du 20 février 2009 (pièce n°4 intimée) rapporte que Madame [H] souffre d'une tétraplégie moteur C6 et sensitif C8, une vessie neurologique, des troubles anorectaux avec hypotonie et béance anale, une importante impotence fonctionnelle au niveau des membres supérieurs. Il s'agit d'une tétraplégie basse complète associant des atteintes à la fonction de la locomotion, de la fonction de la préhension, de la fonction urinaire et de la fonction génito-sexuelle. Le déficit fonctionnel définitif de Madame [H] a été évalué à 85 % (pages 19 et 22).

Le Docteur [Y] précise que les séquelles fonctionnelles de Madame [H] sont bien en relation directe et certaine à l'accident du 27 mars 2004 (page 18).

Concernant le logement de Madame [H], il est constaté que « Le séjour, la véranda et l'allée bétonnée sont à des niveaux différents les uns par rapports aux autres, rendant ainsi difficile l'accès entre ces différentes pièces » (page 2), et que « l'espace de vie de [P] se limite à la chambre, au salon et à la véranda, sans possibilité d'aller dans la salle de bain, et qu'elle peut être contrainte de rester dans son lit s'il n'y a pas deux personnes pour le transfert » (page 4).

Madame [H] précise qu'elle ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant électrique.

Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le logement dans lequel elle résidait n'était pas adapté à son handicap.

Depuis 2012, Madame [H] vit dans une maison d'habitation sis [Adresse 1]), qu'elle a finalement acquise par acte notarié en date du 30 mars 2015, pour un prix total de 939.870,00 euros, dont 875.000,00 euros de frais d'acquisition (pièce n°8 intimée).

Il ressort des éléments du dossier que compte tenu du handicap de Mme [H] dont l'importance exige l'usage d'un fauteuil roulant, ce logement a nécessité des aménagements spécifiques pour lui permettre de disposer d'un logement parfaitement adapté à ses besoins.

Toutefois, ces aménagements étaient suffisamment lourds pour être incompatibles avec le caractère provisoire d'une location. A ce titre, l'expert judiciaire rapporte que les travaux ont porté « entre autres, [sur les] seuils et l'élargissement de portes pour permettre l'accès au fauteuil roulant ['] et création d'ouvrants accessibles » (page 14 du rapport, pièce n°48 intimée). Le descriptif de l'étude d'architecture COSSEC-VALERO (pièce n°45 intimée) détaille précisément ces aménagements lesquels ont constitués en des travaux de démolition, de réhabilitation (rampe béton à créer, dépose de cloisons et de revêtements muraux, création d'un mur support TV, pose sur carrelage existant SOL SOUPLE, élargissement des portes intérieures à 120 et 140 cm '), et d'extension (isolation thermique et acoustique, portes coulissantes automatisées, fourniture et pose des appareils sanitaires aux normes accessibilités ').

Force est de constater qu'eu égard à l'importance des aménagements nécessaires pour adapter le domicile de la victime à son handicap, l'acquisition du logement ne relève pas de convenances personnelles contrairement à ce qu'allègue l'appelante, mais constitue la seule solution pour permettre à Madame [H] de disposer de manière pérenne d'un lieu de vie adapté à son handicap.

Ces éléments présentés par Madame [H] dans ses conclusions sont pleinement justifiés pour assurer à l'intéressée des conditions de vie décentes de confort et de sécurité dans un logement situé en ville et disposant d'un terrain, afin d'assurer une proximité avec les soignants, et des sorties dans son jardin pour pallier les défauts de sorties à l'extérieur de son habitation et l'isolement social résultant de son handicap (pages 16 et 17 des conclusions de l'intimée).

Cependant, comme les premiers juges l'ont noté, le bien acquis est composé d'une maison comprenant un séjour, une salle à manger, cinq chambres, trois salles de bains, quatre WC et une salle d'eau, construite sur une surface de 900m2. Cette surface et ces aménagements paraissent très supérieurs à ceux requis par les handicaps de Mme [H] consécutifs à l'accident.

Madame [H] affirme qu'elle a toujours vécu entourée de sa grand-mère, sa mère et son frère et que ce logement lui permet de vivre dans les meilleures conditions possibles ; il est confirmé par l'expertise contradictoire du bien (pièce 16 intimée) que « Lors de la visite en expertise, la maison existante rénovée, non occupée par Madame [P] [H], mais par sa mère, ne fait pas l'objet d'une description, ni avant, ni après adaptation, puisque ce surplus ne correspond pas au logement de Madame [P] [H], objet du contrat d'architecteur, mais au logement de membre(s) de sa famille » (page 18 du rapport). Il n'est toutefois pas acquis que, par le passé, Mme [H] ait assumé le logement de sa famille et que le relogement de celle-ci a proximité constitue une implication directe nécessaire à la réparation du préjudice qu'elle subit.

Enfin, la localisation de son habitation au centre-ville n'est pas imposée par les conséquences de l'accident, d'autres parties de la ville de [Localité 3] étant également situées sur terrains relativement plats et à proximité des commodités, comme par exemple à Sainte [J] où était implantée la famille de Madame [H], sans présenter un coût immobilier majoré dans un quartier prisé.

En revanche, comme l'ont rappelé à juste titre les juges de première instance, la somme allouée au titre de la perte des gains professionnels futurs invoquée par l'appelante n'indemnise pas les frais de logement adapté dès lors que ce poste de préjudice correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Madame [H] est justifiée à réclamer pour la réparation de son préjudice le coût de l'acquisition de son logement conformément à une réparation intégrale du préjudice subi et sans que cela ne constitue un enrichissement sans cause, dans la limite de 400.000 euros, somme correspondant au coût moyen d'une maison de taille moyenne avec jardin à proximité des commodités à [Localité 3].

Par conséquent, la décision sera infirmé en ce qu'elle a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Madame [H] la totalité du coût d'acquisition d'un logement adapté à son handicap, soit la somme de 939.870,00 euros, seul un montant de 400.000 euros étant justifié par son état en relation directe avec l'accident.

Sur les frais d'aménagement du logement

Par jugement en date du 25 novembre 2022, les premiers juges ont condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à indemniser Mme [H] de la somme de 379.622 euros au titre des frais d'aménagement du logement aux motifs que les travaux d'aménagement réalisés sont en lien direct avec l'accident de la circulation qui a entraîné le handicap de Mme [H] laquelle a dû adapter son lieu de vie.

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN s'oppose à la prise en charge des frais d'aménagement du logement de Mme [H] aux motifs qu'il n'est pas établi le caractère indispensable des travaux d'aménagement au regard de son état de santé et leur lien direct avec l'accident de la circulation subi.

A titre subsidiaire, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN demande à ce que l'indemnisation soit réduite à la somme de 41.327,16 euros. Elle soutient que le montant de l'indemnité est limité aux seules dépenses rendues nécessaires par le handicap de la victime. A ce titre, elle estime que les travaux relèvent d'un choix personnel de la victime.

Madame [P] [H] sollicite la confirmation du jugement. Elle soutient que les travaux d'extension lui ont permis de bénéficier de plus grandes pièces ainsi que de pièces destinées plus particulièrement à l'auxiliaire de vie, et de prévoir la circulation d'un fauteuil roulant électrique dans des conditions optimales de confort et de sécurité ainsi que la pose d'un système de transfert par rails entre le lit et la salle de bain. D'ailleurs, elle rapporte que l'expert judiciaire a conclu que les travaux réalisés correspondent à ses justes besoins. Elle affirme que locataire du logement pendant plusieurs années, elle a dû attendre l'acquisition du logement afin d'entreprendre des travaux d'une telle importance.

Ceci étant exposé,

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime,

Les conséquences dommageables d'un accident peuvent contraindre la victime à effectuer dans son logement des aménagements motivés par ses séquelles physiques.

En l'espèce, Mme [H] a conclu un contrat avec la société COSSEC-VALERO, Architecteur, afin de réaliser les travaux d'aménagements de son logement.

Madame [H] verse aux débats l'avenant au contrat de construction n°20775 avec la société COSSEC-VALERO, Architecteur, du 4 octobre 2017 faisant apparaitre que « par contrat signé le 24/05/2017, la société COSSEC-VALERO s'est engagée à réaliser pour le compte du client un ouvrage pour le prix convenu de 372.950,00 € TTC ['] » (pièce n°12 intimée), ainsi que le descriptif des travaux sus-énoncé (pièce n°45 intimée).

Le rapport d'expertise judiciaire détaille le montant par nature de travaux (page 15) :

Montant TTC DEMOLITION/REHABILITATION : 39.053,25 € TTC

Montant TTC EXTENSION : 333.896,75 € TTC

Soit un total de 372.950,00 € TTC.

L'expert précise que « la description des travaux est conforme à la réalisation » (page 14, 4°).

Force est de constater que ces travaux d'aménagement ont tous été rendus nécessaires afin de permettre à Madame [H] de disposer d'un logement accessible et adapté à son handicap. A ce titre, l'expert relève que :

« Madame [P] [H] ne se situe nullement dans l'excès pour ses besoins propres qu'elle a limité à sa juste mesure » (page 13)

« les prestations prévues et réalisées ne sont pas hors nomes si ce n'est l'adaptation nécessaire et utile au handicap de Mme [P] [H] » (page 14, 4°)

« Mme [P] [H] a pu faire réaliser par la société COSSEC-VALERO, Architecteur, un logement adapté à son juste besoin spécifique tout en étant conforme à une règlementation d'accessibilité minimum » (page 14, 5°).

« les travaux réalisés dans le cadre du contrat fourni correspondent aux justes besoins de Mme [P] [H] » (page 17)

« les travaux réalisés dans le cadre du contrat fourni correspondent au minimum légal pour l'occupation d'une tierce personne » (page 17).

Par ailleurs, les travaux d'aménagement du logement de Mme [H] ne relèvent pas de convenances personnelles contrairement à ce qu'allègue l'appelante, mais bien d'une volonté légitime de bénéficier d'un habitat adapté avec des aménagements spéciaux comme une superficie suffisante pour permettre la circulation d'un fauteuil roulant, des pièces adaptées, des dispositions particulières concernant les portes et seuils de portes pour faciliter les déplacements à l'intérieur, et comme un revêtement pour le cheminement en fauteuil roulant.

A ce titre, l'expert rapporte qu'« il n'est nullement démontré que des choix personnels non nécessaires ont été réalisés dans le cadre de ce contrat de construction d'architecteur aussi bien en termes de surface que de prestations », « les prestations visent l'accessibilité au handicap spécifique de Mme [H] et à la pérennisation des équipements qui ne relèvent pas d'un choix personnel » (page 17).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les juges de première instance ont considéré que les travaux d'aménagement réalisés sont en lien direct avec l'accident de la circulation ayant entrainé le handicap de Mme [H].

En revanche, concernant le montant alloué, si le coût des travaux relatifs au contrat d'architecture de la société COSSEC-VALERO est justifié, Madame [H] ne démontre pas le montant des travaux relatifs à la pose d'un système de transfert par rail. A ce titre, elle se contente de produire le devis de la société REHAMAT du 11 avril 2017 (pièce n°42 intimée), mais force est de constater d'une part que celui-ci n'est pas signé et d'autre part qu'aucune facture n'est jointe afin de justifier de la réalisation de cette prestation.

Il convient donc de déduire les frais relatifs à la pose d'un système de transfert par rail soit la somme de 6.672,00 € TTC.

En conséquence, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN sera condamnée à verser à Madame [H] la somme de 372.950,00 euros (379.622,00 € - 6.672,00 €).

Dès lors, l'indemnisation au titre des frais de logement adapté est fixée à la somme totale de 772.950,00 euros (400.000,00 € + 372.950,00 €).

Le jugement entrepris sera infirmé mais uniquement sur le montant alloué au titre des frais d'aménagement du logement.

Sur les frais de véhicule adapté

Par jugement en date du 25 novembre 2022, les premiers juges ont alloué à Madame [H] la somme de 45.204,11 euros au titre des frais de véhicule adapté.

En son appel incident, Madame [H] sollicite la somme de 449.360,52 € au titre de l'indemnisation du poste du véhicule adapté aux motifs que sa présence constante en fauteuil roulant électrique nécessite l'acquisition et l'adaptation d'un véhicule permettant un accès en fauteuil électrique. Par ailleurs, elle précise que l'indemnisation qu'elle sollicite ne concerne pas l'intégralité du coût d'acquisition du véhicule mais uniquement le surcoût justifié par la nécessité d'acquérir un véhicule de plus grande taille, permettant notamment l'accès ou le transport du fauteuil roulant.

La société GROUPAMA sollicite la confirmation du jugement aux motifs que la demande de Mme [H] est excessive et que son calcul est erroné. En effet, l'appelante soutient que Madame [H] ne respecte pas la méthode de calcul de ce poste de préjudice (méthode dite des arrérages annuels immédiats avec capitalisation), puisqu'elle ajoute sans raison le coût unitaire du véhicule d'une valeur de 49.482,68 € déjà pris en compte dans le calcul. En outre, elle fait valoir que le montant du coût unitaire du véhicule allégué par Madame [H] concerne le prix d'un véhicule neuf avec des options superflues qui relèvent d'un choix personnel, or le remboursement des frais de véhicule adapté ne doit concerner que les seuls aménagements indispensables pour surmonter le handicap de la victime.

Ceci étant exposé,

Les frais de véhicule adapté correspondent aux dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un ou plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent.

Il convient d'inclure dans ce poste de préjudice le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien.

En outre, ce poste doit inclure non seulement les dépenses liées à l'adaptation d'un véhicule, mais aussi le surcout d'achat d'un véhicule susceptible d'être adapté.

Les frais de véhicule adapté auxquels peut prétendre la victime ne sont pas subordonnés à la condition que la victime conduise elle-même le véhicule (Cass., 2e civ., 17 mars 2016, n°15-865).

Le coût de l'adaptation pour la conduite du véhicule

Madame [H] produit un devis en date du 16 mai 2018 de la société ACA ADAPTATION AUTOMOBILE pour l'achat d'un véhicule modèle SKODA YETI MOBILITY pour une somme de 50.323,50 euros (pièce n°41-4 intimée).

Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, Madame [H] ne dispose pas du permis de conduire.

Par conséquent, il convient de réserver l'ensemble de ce poste de préjudice dans l'attente de l'obtention ou non de son permis de conduire.

Le surcoût d'acquisition et d'adaptation du véhicule

L'état de la victime consécutif à un accident nécessite un véhicule suffisamment spacieux pour faciliter le chargement d'un fauteuil roulant et des matériels indispensables à ses déplacements.

Les premiers juges ont utilisé la méthode dite des arrérages annuels immédiats avec capitalisation, dont le détail est le suivant : Dans un premier temps, il convient de déterminer le coût unitaire du véhicule correspondant au montant du surcoût du véhicule acquis, lié à la nécessité de choisir un véhicule plus spacieux, et des frais d'aménagement de ce véhicule. Dans un deuxième temps, il convient de déterminer l'arrérage annuel en tenant compte de la durée de la période de renouvellement du véhicule (généralement 6 ans). Enfin, cet arrérage annuel sera capitalisé par référence au prix de l'euro de rente viagère, selon barème de la Gazette du Palais, déterminé en fonction de l'âge de la victime au jour du renouvellement théorique du véhicule. Ceci afin d'appliquer le calcul suivant : coût unitaire du véhicule / 6 x taux du prix de l'euro de rente viagère selon barème.

En l'espèce, Madame [H] ne possédait pas de véhicule automobile avant l'accident.

Il est incontestable que l'état séquellaire de Madame [H], laquelle ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant, nécessite l'acquisition d'un véhicule adapté.

A ce titre, Madame [H] produit un devis en date du 16 mai 2018 de la société ACA pour l'achat d'un véhicule modèle SKODA YETI Monte Carlo pour une somme de 27.913,76 € (pièce n°41-1).

Estimant qu'elle se serait contentée en l'absence de son handicap, d'un véhicule d'une valeur de 14.000,00 euros, Madame [H] indique que le surcoût d'acquisition d'un véhicule avant adaptation s'élève à environ 15.000 € (27.913,76 € - 14.000,00 €).

Elle produit en sus un devis en date du même jour de la même société pour l'aménagement de ce véhicule pour une somme de 34.482,68 € (pièce n°41-2).

Dès lors, elle prétend que le coût unitaire du véhicule s'élève à la somme de 49.482,68 € (15.000 € + 34.482,68 €).

La société GROUPAMA OCEAN INDIEN quant à elle, en s'appuyant sur des recherches internet sur les sites marchands et de côte argus des véhicules, fait valoir pour un véhicule d'occasion que :

le prix d'un véhicule dit spécialement aménagé pour l'accès d'une personne handicapé se situe aux alentours de 17.000,00 €, auquel il convient de rajouter la somme de 2.000,00 € pour les frais de transport à la Réunion, soit une somme totale de 19.000,00 € (pages 74 et 75 de ses conclusions) ;

le prix d'acquisition d'un véhicule standard, dont la victime se serait satisfaite en l'absence d'accident, est d'environ 12.500,00 € ;

soit un coût unitaire du véhicule fixé à 6.500,00 € (19.000,00 € - 12.500,00 €).

En l'absence de tout autre devis, ou précision sur des prestations équivalentes sur d'autres marques moins coûteuses, proposés par Mme [H], et les éléments produits par l'appelante sur le surcoût induit par l'acquisition d'un véhicule d'occasion spécialement aménagé pour l'accès aux personnes en situation de handicap, tel qu'un Volkswagen Caddy Maxi, n'étant pas discutés, le coût supplémentaire, représenté par l'acquisition d'un véhicule plus spacieux qu'un véhicule moyen, peut être effectivement fixé à 6.500,00 €.

En outre, le point de départ du délai de renouvellement sera fixé à la date de la liquidation du préjudice, soit à la date du jugement du 25 novembre 2022. Soit, un premier renouvellement théorique du véhicule en 2028 (2022 + 6 ans), date à laquelle Madame [H] aura 44 ans (née en 1984). Soit un taux du prix de l'euro de rente viagère de 41,727 suivant barème Gazette du Palais 2020.

Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le montant de l'indemnisation proposée par GROUPAMA OCEAN INDIEN, soit la somme de 45.204,11 €, calculé comme suit : 6.500 € / 6 ans x 41,727.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. 

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

Succombant principalement, la société GROUPAMA OCEAN INDIEN sera condamnée à payer les dépens d'appel, ainsi que les frais irrépétibles de l'intimée à hauteur de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, 

CONFIRME le jugement rendu le 25 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre sauf en ce qu'il a condamné la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de 1.319.492,00 euros au titre des frais de logement adapté.

Statuant à nouveau du chef infirmé,

CONDAMNE la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de 772.950,00 euros (400.000,00 € + 372.950,00 €) au titre des frais de logement adapté.

ET Y AJOUTANT,

Condamne la société GROUPAMA OCEAN INDIEN à payer à Mme [H] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société GROUPAMA OCEAN INDIEN aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 22/01810
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01810 ?
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