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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01467

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 25 juin 2024, 22/01467


ARRÊT N°2024/231

PF





N° RG 22/01467 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FYO3













S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN (BFCOI)





C/



[W]

[Y]











RG 1ERE INSTANCE : 21/02473











COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 25 JUIN 2024



Chambre civile TGI



Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS DE LA

REUNION en date du 27 SEPTEMBRE 2022 RG n° 21/02473 suivant déclaration d'appel en date du 10 OCTOBRE 2022





APPELANTE :



S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN (BFCOI)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentant : Me Cécile BENTOLILA, Plaidant/Postul...

ARRÊT N°2024/231

PF

N° RG 22/01467 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FYO3

S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN (BFCOI)

C/

[W]

[Y]

RG 1ERE INSTANCE : 21/02473

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 27 SEPTEMBRE 2022 RG n° 21/02473 suivant déclaration d'appel en date du 10 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN (BFCOI)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Cécile BENTOLILA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [D] [X] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 14 septembre 2023

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Avril 2024 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : M. Laurent FRAVETTE, Vice-président placé

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 25 Juin 2024.

Greffier lors des débats : Sarah HAFEJEE.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 25 Juin 2024.

* * *

LA COUR

Suivant une offre acceptée le 13 mai 2016, M. [V] [Y] et Mme [D] [X] [W] ont contracté un prêt immobilier auprès de la Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) pour la somme de 202.000 euros remboursable sur 300 mois au taux fixe nominal de 2,8%.

Par acte d'huissier du 10 septembre 2021, exposant que les échéances prélevées et que le contrat de prêt avait été modifié sans notification préalable, M. [Y] et Mme [W] ont saisi le Tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins d'ordonner la déchéance totale du droit aux intérêts à l'encontre de la BFCOI à compter de la date de demande de renégociation, soit le 16 avril 2021, jusqu'à la dernière échéance versée, et d'obtenir réparation.

Par jugement en date du 27 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :

- constaté que les frais de renégociation ont été prélevés sans que Mme [D] [W] et M. [V] [Y] en aient été avertis au préalable ;

- prononcé la déchéance des intérêts relativement au prêt consenti par la BFCOI à Mme [D] [W] et M. [V] [Y], à compter du 16 avril 2021 jusqu'au versement de la dernière échéance ;

- condamné la BFCOI à rembourser à Mme [D] [W] et M. [V] [Y] la somme de 650 € prélevée au titre des frais de renégociation du prêt;

- condamné la BFCOI à payer à Mme [D] [W] et M. [V] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

- rejeté la demande de paiement des frais irrépétibles pour 3.000 euros, en sus des dépens, de Mme [D] [W] et M. [V] [Y] ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- condamné la BFCOI aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 10 octobre 2022, la BFCOI a interjeté appel du jugement précité.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 septembre 2023.

***

Aux termes de ses uniques conclusions d'appelant déposées le 10 janvier 2023, elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris;

Statuant à nouveau,

- Débouter Mme [D] [W] et M. [V] [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

- Condamner solidairement Mme [D] [W] et M. [V] [Y] à payer à la SA BFCOI la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- Condamner solidairement Mme [D] [W] et M. [V] [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Selon cette dernière, comme il est question d'une modification d'un contrat de crédit immobilier en cours d'exécution, seul l'article L. 313-39 du code de la consommation doit s'appliquer. Plus précisément, selon cette dernière, cet article s'applique à tout avenant établi à compter de l'entrée en vigueur de la loi n°2017-203 du 21 février 2017, soit à compter du 1er janvier 2018 quelle que soit la date à laquelle l'offre du crédit modifié par cet avenant a été émise.

C'est le cas en l'espèce puisque le prêt souscrit date de mai 2016 et la modification orale par renégociation du taux d'intérêt est intervenue en juin 2021.

Au regard de l'article susvisé, aucun avenant n'a été établi relativement aux modifications des conditions de prêt en cours d'exécution. Cependant, au regard de l'article L 313-39, elle énonce n'avoir aucune obligation d'émettre une nouvelle offre de prêt à l'occasion de la renégociation de celui en cours d'exécution. En effet, seule l'émission d'un avenant est requise en la matière.

Selon la BFCOI, les juges de première instance ont commis une erreur de droit en prononçant la déchéance des intérêts au visa des anciens articles L 312-14-1, L 312-10, L 311-21, L 311-48 du code de la consommation. En effet, l'ancien article L 312-10 du code de la consommation concerne l'offre initiale et non sa renégociation en cours d'exécution.

De plus, ce dernier n'est applicable qu'aux crédits à la consommation et non aux contrats de crédit immobilier.

De même, l'ancien article L. 311-48 du code de la consommation prévoit des sanctions concernant le non-respect de l'information précontractuelle en matière de crédits à la consommation et non de crédits immobiliers.

S'appuyant sur un avis de la Cour de cassation du 10 juin 2020 et sur un arrêt rendu par la première chambre civile le 4 mars 2003, la BFCOI énonce que la partie adverse n'expose pas en quoi l'absence d'établissement de l'avenant, et donc l'omission de mentionner le nouveau taux, leur porterait un quelconque préjudice et ce puisque le taux conventionnel a été revu à la baisse. De ce fait, la déchéance des intérêts ne pouvait être encourue sous un quelconque motif.

S'agissant des frais de 650 euros, la BFCOI estime qu'ils ont été valablement perçus en application des conditions générales du contrat de prêt immobilier. Or, en l'espèce, il se trouve que la BFCOI les avait mal calculés. Par conséquent, la partie adverse a finalement fait une économie de 200 euros.

***

Aux termes de leurs uniques conclusions d'intimées déposées le 31 mars 2023, Mme [D] [X] [W] et M. [V] [Y] demandent à la cour de :

' Dire l'appel recevable mais mal fondé ;

' Débouter la SA BFCOI de toute ses demandes et plus amples prétentions;

' Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis en date du 27 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

' Condamner la SA BFCOI au paiement de la somme de 3.000,00 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' Condamner la SA BFCOI aux entiers dépens.

Selon ces derniers, le contrat est soumis à la loi ancienne, et ce en application du principe de non rétroactivité et de survie de la loi ancienne en matière contractuelle. Ils se réfèrent ainsi à l'article 9 de l'ordonnance du 10 juin 2016 relative à la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Ils affirment que la renégociation n'a fait l'objet d'aucun avenant (malgré le fait que la BFCOI clame qu'un « avenant verbal » a été conclu). S'appuyant sur l'ancien article L 311-21 du code de la consommation, les consorts en concluent que, comme les conditions exigées -notamment d'information- n'ont pas été respectés, le prêteur est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (ancien article L 311-48 du Code de la consommation). Dès lors, ils sont uniquement redevables du capital à compter d'avril 2021 et ce jusqu'au terme du prêt.

Par ailleurs, comme l'offre de renégociation du prêt n'a jamais été acceptée par eux, ils sollicitent le remboursement des frais de renégociation indument prélevés.

Enfin, malgré la diminution du taux nouvellement appliqué par rapport au taux initial du prêt, ceux-ci affirment ne pas avoir eu la possibilité de vérifier le taux effectif global proposé ainsi que le coût total du crédit. Ils n'ont également pas pu procéder à des comparatifs d'offres avec d'autres banques.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de remboursement de frais de négociation et de déchéance du droit aux intérêts

Par courrier remis en main propre le 16 avril 2021, M. [Y] et Mme [W] ont souhaité renégocier leur prêt pour en augmenter leurs remboursements et ont entamé des démarches pour ce faire, auprès de l'agence BFCOI de Sainte Marie.

Par courriels en date des 26 et 27 avril 2021, M. [Y] et Mme [W] ont adressé deux relances à la banque.

Le 27 avril 2021, la BFCOI les a informés que leur demande était en cours d'examen à la direction et qu'un retour leur sera fait dans les meilleurs délais.

M. [Y] et Mme [W] ont adressé deux nouvelles relances en date des 27 et 28 mai 2021, tout en précisant ne pas avoir de disponibilité actuelle pour se déplacer en agence.

A compter du 6 juillet 2021, les mensualités prélevées ont été modifiées par la banque (851,73 euros mensuels au lieu de 937,03 euros) et des frais de renégociation ont été débités (650 euros).

Sur ce,

Comme le font valoir les intimés, aucun avenant au contrat de prêt ayant précédé la modification des prélèvements n'a été signé des parties. La banque, qui évoque un "avenant verbal" ayant ramené le taux fixe du prêt de 2,8% à 1,7% l'an, ne peut en apporter la preuve sans écrit eu égard à la nature du contrat de prêt immobilier d'un prêteur professionnel envers un consommateur et du montant du contrat de prêt.

Il s'ensuit que l'existence d'un avenant au contrat de prêt immobilier du 13 mai 2016 conclu entre les parties n'est pas établie.

1- Dès lors,

Vu l'article 1134 du code civil, devenu 1103;

Le prélèvement de frais de négociation n'est pas justifié en l'absence d'établissement d'un avenant. Le jugement entrepris ayant ordonné le remboursement de ces frais par la banque aux emprunteurs doit être confirmé.

Vu l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, devenu L. 313-39;

En l'absence de conclusion d'un avenant, est sans portée l'argumentaire des appelants sur le délai de réflexion et l'absence de mentions obligatoires devant formellement figurer à l'avenant.

Vu l'article L. 312-10 du code de la consommation dans sa version invoquée par les intimés;

Par ailleurs, la banque est fondée à soutenir que les dispositions susvisées, applicables à l'offre de prêt, ne sont pas pertinentes au soutien de la demande fondée, en fait, sur une modification unilatérale d'un contrat de prêt immobilier existant.

Vu les articles L. 311-21 et L. 311-48 du code de la consommation dans sa version invoquée par les intimés;

En outre comme le relève l'appelante, les dispositions susvisées, afférentes au crédit à la consommation, ne sont pas topiques à permettre la résolution du présent litige afférent à un crédit immobilier.

Vu l'article L. 312-14-1 du code de la consommation, devenu L. 313-39;

Enfin, ainsi que l'indique la BFCOI, si l'article L. 312-14-1 du code de la consommation prescrit que les modifications du contrat de prêt suite à renégociation doivent faire l'objet d'un avenant, l'absence d'établissement de ce dernier ne fait pas l'objet d'une sanction civile prévue par le code de la consommation.

Les conséquences financières de cette méconnaissance relèvent donc des mécanismes de la responsabilité de droit commun, non d'une faculté laissée au juge de prononcer la déchéance du prêteur du droit aux intérêts contractuels.

2- En outre, si M. [Y] et Mme [W] exposent que la banque a manqué à son obligation précontractuelle d'information dans le cadre des démarches de négociation, ce manquement n'a d'une part, pas eu de conséquences sur la conclusion de l'avenant, en l'absence d'établissement de celui-ci, et, d'autre part, il n'est invoqué au soutien d'aucune demande indemnitaire.

3- Par suite de l'ensemble de ce qui précède, la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêt immobilier souscrit le 13 mai 2016 n'est pas fondée en droit et doit être rejetée.

Le jugement ayant fait droit à la demande sera ainsi infirmé dans cette mesure.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;

Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge des dépens qu'elles ont exposés.

L'équité commande en outre de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, 

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA BFCOI à verser à M. [Y] et Mme [W] la somme de 650 euros au titre des frais de renégociation du prêt;

- L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Rejette la demande de M. [Y] et Mme [W] en prononcé de la déchéance des intérêts contractuels du prêt immobilier souscrit le 13 mai 2016 auprès de la BFCOI et ce, à compter du 16 avril 2021 jusqu'à son terme;

- Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles;

- Condamne chacune des parties à supporter les dépens qu'elles ont exposés.

Le présent arrêt a été signé par monsieur Patrick CHEVRIER, président de chambre, et par madame Sarah HAFEJEE, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 22/01467
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01467 ?
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