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12/01/2023 | FRANCE | N°23/00006

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre etrangers - jld, 12 janvier 2023, 23/00006


COUR D'APPEL DE Saint-Denis



Chambre des Libertés Individuelles

Soins Psychiatriques sous contrainte





ORDONNANCE DU 12 JANVIER 2023

-------------



République Française

Au nom du Peuple Français







N° RG : N° RG 23/00006 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F263

N° MINUTE : 23/





Appel de l'ordonnance rendue le 29 décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de SAINT-PIERRE





APPELANTE :



Madame [D]

[C]

Actuellement hospitalisée au GHSR

née le 18 Janvier 1987 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



comparante et assistée de Me Marie FOUCTEAU, avocat au barreau de SAINT-PIE...

COUR D'APPEL DE Saint-Denis

Chambre des Libertés Individuelles

Soins Psychiatriques sous contrainte

ORDONNANCE DU 12 JANVIER 2023

-------------

République Française

Au nom du Peuple Français

N° RG : N° RG 23/00006 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F263

N° MINUTE : 23/

Appel de l'ordonnance rendue le 29 décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de SAINT-PIERRE

APPELANTE :

Madame [D] [C]

Actuellement hospitalisée au GHSR

née le 18 Janvier 1987 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante et assistée de Me Marie FOUCTEAU, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

En présence de :

MINISTÈRE PUBLIC

Madame le Procureur Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

avis écrit du 10/01/2023

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LA REUNION

Le directeur du Site du Groupe Hospitalier Sud Réunion

Pôle santé mentale

[Adresse 5]

[Localité 6]

non comparant

CONSEILLER DÉLÉGUÉ : Franck ALZINGRE, délégué par le premier président par ordonnance du 06 janvier 2023 n° 2023/001

GREFFIERE : Nathalie BEBEAU

DÉBATS à l'audience en chambre du conseil du 11 janvier 2023. Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le 12 janvier 2023 et leur sera immédiatement notifiée ;

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023 et signée par Franck ALZINGRE, délégué par le premier président, et Nathalie BEBEAU, greffière.

* * *

Mme [D] [C] a fait l'objet le 22 décembre 2022 d'une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers en urgence (article L. 3212-3 du code de la santé publique).

Par requête en date du 27 décembre 2022, le directeur du GHSR a sollicité auprès du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion, la poursuite de la mesure d'hospitalisation sans consentement .

Par ordonnance du 29 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Pierre a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [D] [C]. Il a été procédé à sa notification le 31 décembre 2022 à 12 h 25.

Par courriel du 3 janvier 2023 reçu au greffe de la cour d' appel le même jour, l'intéressée, par l'intermédiaire de son avocat, a relevé appel de cette décision.

Les parties ainsi que le procureur général et le directeur d'établissement de santé de [Localité 6] ont été convoqués à l'audience du 11 janvier 2023.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.

Au début de l'audience, les parties ont été invitées à se prononcer sur la recevabilité de l' appel, en particulier sur l'exigence de motivation posée par l'article R. 3211-19 du code de la santé publique.

Le conseil de l'intéressée conclut en ces termes :

- DÉCLARER l'appel recevable ;

- INFIRMER l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Saint-Pierre, statuant en matière de soins psychiatriques, en date du 29 décembre 2022, en ce qu'elle a maintenu la mesure d'hospitalisation complète de Mme [D] [C], au centre hospitalier universitaire de la Réunion, site du GHSR ;

statuant à nouveau,

- ORDONNER la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme [C] ;

- LAISSER les dépens à la charge du Trésor public.

Au soutien de ses prétentions, le patient fait valoir :

- sur la recevabilité : la déclaration d'appel explique les raisons de l'appel, il est parfaitement motivé ; l'article R 3211-19 du code de la santé publique prévoit la possibilité d'une régularisation par le dépôt de conclusions et d'observations ; ce même article ne prévoit pas de sanction ; la Jurisprudence estime que le défaut de motivation n'entraîne pas l'irrecevabilité du recours ; quant à la question de la possibilité de régulariser la déclaration d'appel, force est de constater qu'au jour du dépôt des conclusions, à savoir le 10 janvier 2023, la régularisation s'est opérée.

- sur la régularité :

* sur le certificat médical initial, on ne sait pas quel est le professionnel qui lui a notifié ;

* les certificats médicaux, initial et ceux des 24 h et 72 heures, ne permettent pas de caractériser la condition d'urgence exigée par la loi, aux articles L 3212-1 et L 3212-2 du code de la santé publique ; par ailleurs, la décision maintenant les soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète du 25 décembre 2022 ne mentionne nullement « le risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade » ;

* l'absence de notification de la décision de maintien et des droits à la patiente, est constitutive d'un grief dès lors qu'elle est privée de la possibilté d'exercer un recours ; le document de notification ne précise pas le motif de cette impossibilité

- sur le bien fondé : la mesure n'est plus nécessaire

A l'audience, l'intéressée se dit souffrir de douleurs physiques et éprouver une fatigue morale importante suite à différentes interventions chirurgicales. Elle rencontre également des troubles du sommeil, liés en partie à des cauchemards provoqués par les gouttes que lui donne le médecin. Elle ajoute avoir besoin d'aide, notamment d'un kinésithérapeute pour le problème qu'elle a au bras. Elle reconnaît l'existence d'un suivi psychiatrique commencé alors qu'elle avait 10 ans. S'agissant d'idées délirantes, elle explique ne pas en avoir. En réalité, c'était du temps où « elle mangeait des boîtes de thon par terre ». Elle voudrait rester dans le service mais avec des sorties, ce qui lui permettrait de voir ses enfants.

M. le substitut général a conclu à l'irrecevabilité de l'appel, faute de motivation dans la déclaration d'appel, pourtant exigée par l'article R. 3211-19 du code de la santé publique.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appelant

Il résulte des dispositions des articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique que l'ordonnance est susceptible d' appel devant le premier président de la cour d' appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification, et que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d' appel .

En l'espèce, la déclaration d'appel de l'intéressée est ainsi rédigée : « L'appel tend à l'infirmation de la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [D] [C] au CHU de la Réunion, site du GHSR ».

Cette déclaration se contente d'indiquer à la cour le chef du jugement critiqué, à l'instar de ce qu'exige l'article 901 du code de procédure civile.

Or, en la matière d'hospitalisation sans consentement, les dispositions réglementaires spécifiques rappelées ci-dessus exigent une motivation. Si les textes avaient entendu se contenter des mêmes exigences visées à l'article 901 du code de procédure civile, ils ne feraient pas référence à une obligation de motivation.

Néanmoins, il est possible à l'appelant de régulariser ce défaut de motivation, à condition que cela soit accompli durant le délai d'appel de 10 jours visé à l'article R 3211-18 du code de la santé publique.

Dans la présente affaire, le récépissé de réception de la notification d'ordonnance du juge des libertés et de la détention à la personne hospitalisée a été signé le 31 décembre 202 à 12 h 25. Il s'ensuit que l'intéressée ou son avocat avait jusqu'au mardi 10 janvier 2022 à minuit pour apporter des précisions et ainsi motiver l'appel. Et ce, conformément aux règles de computation des délais détaillées aux articles 640 à 642 du code de procédure civile.

Des conclusions écrites, émanant du conseil de l'intéressée, sont parvenues au greffe le mardi 10 janvier 2023, à 10 h 20 ; ces écritures détaillent les prétentions et les moyens soulevés à leur soutien, ce qui constitue une motivation de nature à régulariser la déclaration d'appel.

Il s'en déduit que l'appel sera déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

Sur la notification du certificat médical initial

La cour relève, comme l'a fait le premier juge, que le nom du professionnel est clairement identifié sur le document intitulé « notification au patient de la décision », il s'agit du psychiatre [M] [U].

Ce premier moyen sera donc rejeté.

Sur l'absence de motivation de l'urgence

Selon les articles L. 3212-1 et L.3212-2 du code de la santé publique, les soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers en urgence, impliquent plusieurs conditions :

- les troubles mentaux rendent impossible le consentement ;

- l'état mental impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante ;

- en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade.

Au cas d'espèce, les trois certificats médicaux critiqués par l'appelant, à savoir le certificat médical initial puis les certificats de 24 h et 72, ont tous en commun qu'il y est question « d'idées délirantes » ; le certificat médical initial évoque l'idée de « persécution mystique et fantastique avec instabilité psychomotrice avec labilité émotionnelle », « trouble du cours de la pensée », « refus de soin » ; le certificat de 24 h note un « discours incohérent », « des troubles du sommeil » ou encore une « discordance idéo-affective » avec « un rationalisme morbide » ; le certificat médical de 72 heures note, quant à lui, « discours logorrhéique, incohérent, émaillé d'éléments délirants sur une thématique de persécution avec persécuteurs désignés comme étant ses voisins ».

Pris isolément, chacun de ces éléments permet de comprendre que la patiente se met en danger, ce d'autant plus qu'elle n'est manifestement pas consciente de l'ampleur de ses troubles et se trouve dans le déni. Dès lors, quand bien même le risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade n'est pas formellement mentionné dans les certificats médicaux précités, il se déduit des symptômes décrits par le corps médical et de leur importance.

Ce second moyen sera donc rejeté.

Sur l'absence de notification des décisions de maintien et des droits

L'article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose que la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est informée avant chaque projet de décision prononçant le maintien des soins et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

Au cas particulier, il est relevé que :

- le 22 décembre 2022, à 14 h 15, le docteur [H] [E] [L] précise que « le patient n'est pas en mesure de signer » l'information préalable du patient relative à l'éventualité d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement le concernant ; un quart d'heure plus tard, à 14 h 30, le même médecin précise dans le certificat médical initial que « l'état clinique est non compatible avec le recueil d'un consentement éclairé aux soins » ;

- le 22 décembre 2022, à 16 h 40, le psychiatre [M] [U] mentionne sur le formulaire intitulé « notification au patient de la décision relative à la mesure de soins psychiatriques sans consentement le concernant » que « la personne hospitalisée refuse de signer la notification mais que lui ont été remis un livret « droits des patients au CHU (article L. 3211-3 du code de la santé publique) » ;

- le certificat médical de 24 heures du docteur [O] [V] note que « le recueil du consentement éclairé est impossible ce jour, l'état clinique est incompatible avec une adhésion aux soins » ;

- la notification au patient de la décision relative à la mesure de soins psychiatriques sans consentement, après le certificat médical de 72 heures, est rempli de manière incomplète par le médecin et psychiatre [S] [F], puisqu'elle ne coche pas une des cases correspondant à chacun des cas possibles (pas en mesure de signer ; refus de signer et remise d'un livret des droits ; refus de signer et de recevoir le livret des droits) ; pour autant, le médecin prend le soin de signer ce formulaire et de le dater précisément (à 2à h 57), en outre il met son nom à l'emplacement des cas dans lesquels il est habituellement noté les refus ou impossibilité de signer du patient ; il s'en déduit qu'il ne s'agit là que d'un oubli purement matériel ne causant aucun grief, la preuve d'une tentative de notification au patient étant rapportée par l'existence même du formulaire rempli.

Le troisième moyen sur la régularité de la procédure sera rejeté.

Sur le bien fondé de la mesure

Il ressort des éléments médicaux du dossier et notamment de l'avis motivé en date du 10 janvier 2023 que l'intéressé présente un discours désorganisé et une absence totale de conscience des troubles, et qu'elle a été dans l'incapacité à l'audience de se prononcer sur la persistance de troubles de persécution.

La patiente dit également qu'elle a besoin d'être aidée et qu'elle se sent très fatiguée, signe d'une instabilité qui pourrait s'avérer synonyme de rechute en cas de mainlevée trop précoce de la mesure.

De l'ensemble, la poursuite de la mesure d'hospitalisation sous contrainte est nécessaire et, l'ordonnance attaquée sera en tous points confirmée.

PAR CES MOTIFS

Nous, Franck ALZINGRE, délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable l' appel formé par Mme [D] [C],

REJETONS les moyens tirés de la nullité de la procédure,

CONFIRMONS l'ordonnance querellée,

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

La greffière,

Nathalie BEBEAU SIGNE

Le conseiller délégué, Franck ALZINGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre etrangers - jld
Numéro d'arrêt : 23/00006
Date de la décision : 12/01/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;23.00006 ?
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