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26/09/2022 | FRANCE | N°22/013781

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, 08, 26 septembre 2022, 22/013781


REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION

L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile

No RG 22/01378 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYJK
No de MINUTE :

ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022

Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 rectifiée le 22 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis

Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 d

u 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance.

APPELANT ...

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION

L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile

No RG 22/01378 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYJK
No de MINUTE :

ORDONNANCE DU 26 Septembre 2022

Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2022 rectifiée le 22 septembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis

Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller délégué par le premier président par ordonnance no 2022/156 du 8 juillet 2022, assisté de Nadia HANAFI, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance.

APPELANT :

M. [B] [R] X SE DISANT [N]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2]
de nationalité Sri lankaise

Assisté de Me Louis ROPARS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion,
représenté par Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Paris

Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Monsieur [H] [T], avisé de la date et de l'heure de l'audience

EN PRESENCE DE

Madame [W] [C], interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi, par moyen d'audioconférence,
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique

FAITS ET PROCÉDURE :

Vu les articles L 341-3, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9 du CESEDA, R 342-18 du même code au visa des articles 640 et 642 du code de procédure civile,

Vu l'appel formé par [B] [R] X SE DISANT [N] à l'encontre de l'ordonnance de maintien en zone d'attente, première prolongation, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 21 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle,

Vu les débats en audience publique tenus le 23 septembre 2022 dans l'enceinte de la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunion,

Vu la comparution de [B] [R] X SE DISANT [N] qui a pu s'exprimer et répondre aux questions de la Cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue cingalaise, serment préalablement prêté conformément à la loi,

Vu l'impossibilité d'obtenir l'assistance d'un traducteur en langue cingalaise à la Réunion ou à Mayotte, aucun n'étant disponible, la Cour a été placée dans la situation incontournable de faire appel aux services d'un interprète par communication téléphonique, les parties n'ont pas fait d'observations particulières, la communication s'est déroulée sans incident,

Vu les exceptions in limine litis soutenues par Maître Xavier BELLIARD, Maître Nacima DJAFOUR et Maître Ludivine CRAUSTE, après débat contradictoire entre les parties, les incidents ont été joints au fond,

Vu la plaidoirie de la défense,

Vu les observations du conseil de la Police de l'Air et des Frontières qui a produit plusieurs pièces,

Vu la plaidoirie de Maître Yannick MARDENALOM pour l'ensemble des appelants,

Vu les observations de Monsieur l'Avocat Général,

A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel a informé les parties que la décision serait prononcée publiquement le 26 septembre 2022 à 14h00.

Les éléments de procédure

Le 20 septembre 2022, le STPAF a déposé une requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente au-delà du délai de 96 heures de [B] [R] X SE DISANT [N], transmise au greffe du juge des libertés et de la détention de Saint-Denis,

La demande de prolongation étant motivée par une procédure pendante devant l'OFPRA,

Plusieurs juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis ont été régulièrement saisis, l'examen des dossiers a été appelé à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 ;

[B] [R] X SE DISANT [N] était arrivé sur le territoire national sur un navire avec de nombreuses personnes de même nationalité au [Localité 3], il avait immédiatement sollicité l'asile politique,

Il a bénéficié des droits prévus par la loi et reconnus par les conventions internationales auxquelles la France a adhéré, et a été placé en zone d'attente le 17 septembre 2022.

Après débats, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en zone d'attente de [B] [R] X SE DISANT [N] pour une durée maximale de 08 jours à compter du 21 septembre 2022,

[B] [R] X SE DISANT [N] a été informé de sa possibilité de faire appel devant Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint-Denis ou de son délégué dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de l'ordonnance,

et a rappelé que le recours n'était pas suspensif.

Sur l'appel

Il a été fait dans les formes et les délais prévus par les textes, il sera déclaré recevable.

Sur le moyen de nullité relatif à la non communication de l'arrêté portant création d'une zone d'attente

Si c'est à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il appartient au juge administratif de contrôler la régularité des actes administratifs de l'Etat en matière de maintien en zone d'attente, ainsi que l'appréciation de la légalité de l'arrêté préfectoral délimitant la zone d'attente, et son existence ou son inexistence, domaine qui ne relèverait pas de la compétence du juge judiciaire,

Il appert qu'en application des dispositions de l'article 342-2 du CESEDA, la requête de l'administration doit être datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives notamment du registre prévu au second alinéa de l'article 341-2 du même code,

La requête, ainsi que les pièces jointes, dès leur arrivée au tribunal sont mises à la disposition de l'avocat du migrant, qui peut lui même les consulter éventuellement assisté d'un interprète, le législateur a tenu à souligner l'importance de la communication des pièces justificatives, dans le cadre du débat contradictoire et le droit pour le migrant et son conseil de les consulter préalablement au débat devant le juge judiciaire,

En l'espèce, l'ordonnance querellée fait état que la requête transmise au juge des libertés et de la détention ne comportait pas l'arrêté portant création d'une zone d'attente dans l'hôtel dans lequel se trouvait [B] [R] X SE DISANT [N], cette pièce n'était pas jointe à la procédure en dépit d'une requête formulée dans ce sens par écrit du 20 septembre 2022, ce que la défense était en droit d'interpréter comme une absence de décision administrative, la pièce ayant été communiquée ultérieurement,

Il ne saurait être sérieusement contesté qu'une telle pièce, non jointe à la requête, constituait une pièce justificative au sens de l'article 342-2 du CESEDA, et que sa présentation au moment de la requête saisissant le juge constituait une formalité substantielle,

Il ressort des pièces de la procédure que la pièce manquante, l'arrêté de création d'une zone d'attente, peut comprendre une zone qui, selon les circonstances, peut être élargie et peut englober tous les lieux dans lesquels le migrant est susceptible de se rendre dans le cadre de la procédure,

Enfin, le maintien en zone d'attente a été strictement encadré par le législateur, en l'espèce la privation fondamentale d'aller et venir, si elle est motivée par la nécessité de contrôler les flux migratoires, pèse sur une personne non délinquante sur le territoire national,

Ainsi, si le juge judiciaire n'a aucune compétence pour apprécier la régularité des conditions de placement et de maintien en zone d'attente, ni pour analyser la légalité de la mesure, l'article L 342-9 du CESEDA stipule qu'une irrégularité portant sur des formalités substantielles ne pourrait entraîner la mainlevée de la mesure que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits de l'étranger et si cette atteinte lui a causé un préjudice,

En l'espèce, force est de constater que le droit de se défendre de [B] [R] X SE DISANT [N], assisté d'un conseil, a fait l'objet d'une atteinte irréparable, en raison de l'absence dans le dossier déposé par l'administration auprès du juge judiciaire, d'une pièce justificative et du non respect d'une formalité substantielle prévue par la loi,

Le migrant arrivé sur le territoire national, devant être informé de l'intégralité des éléments du dossier établi par l'administration à son encontre afin d'assurer sa défense dans les conditions les plus efficaces, le non respect de ce principe du droit positif a causé à [B] [R] X SE DISANT [N] un préjudice personnel et direct,

Sans avoir besoin d'examiner les autres moyens soulevés, avant dire droit ou au fond, il y aura lieu de dire que l'appel de [B] [R] X SE DISANT [N] est recevable, qu'il est fondé et qu'il conviendra par conséquent d'infirmer la décision querellée,

Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat,

PAR CES MOTIFS

Nous, Jacques ROUSSEAU, conseiller, délégué de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Saint Denis,

Disons l'appel de [B] [R] X SE DISANT [N] recevable

Le disons fondé,

Infirmons la décision de prolongation de maintien en zone d'attente de [B] [R] X SE DISANT [N] pour une durée maximale de 8 jours en date du 21 septembre 2022,

Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation

Laissons les dépens de l'instance à la charge de l'Etat

Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 26 Septembre 2022 à 14 H 00

LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Décision notifiée le 26 septembre 2022 à :
- Monsieur le Préfet de la Réunion
- Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF
- Madame la procureure générale
- Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 26 septembre 2022 à :

L'intéressé assisté de l'interprète Le Conseil , Le Greffier,
par audioconférence,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : 08
Numéro d'arrêt : 22/013781
Date de la décision : 26/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2022-09-26;22.013781 ?
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