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09/09/2022 | FRANCE | N°20/01758

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 09 septembre 2022, 20/01758


ARRÊT N°22/440

PC





N° RG 20/01758 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNYS













S.A.S. CLINIQUE [4]





C/



S.E.L.A.R.L. DR [L] [M]















RG 1èRE INSTANCE :











COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022



Chambre civile TGI





Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL ARBITRAL DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 27 aoû

t 2020 RG n°: suivant déclaration d'appel en date du 09 octobre 2020



APPELANTE :



S.A.S. CLINIQUE [4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION



INTIMEE :



S.E.L.A.R.L. DR JEAN-PIERRE VALVERDE

[Adresse ...

ARRÊT N°22/440

PC

N° RG 20/01758 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNYS

S.A.S. CLINIQUE [4]

C/

S.E.L.A.R.L. DR [L] [M]

RG 1èRE INSTANCE :

COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL ARBITRAL DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 27 août 2020 RG n°: suivant déclaration d'appel en date du 09 octobre 2020

APPELANTE :

S.A.S. CLINIQUE [4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. DR JEAN-PIERRE VALVERDE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Amina GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 26 août 2021

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Juin 2022 devant la Cour composée de :

Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller :M. Alain LACOUR, président

Conseiller :Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 09 Septembre 2022.

Greffier : Madame Alexandra BOCQUILLON, ff.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 09 Septembre 2022.

* * * * *

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat conclu le 5 avril 2006, la SELARL Docteur [L] [M] et la société Clinique chirurgicale [8], située à [Localité 3], se sont convenus que le Docteur [M] y exerce sa profession de chirurgien cardio-vasculaire, thoracique et de la thyroïde.

En 2008, la société [5] Clinique [4] a racheté les Cliniques [6], [8]-cardiologie, [8]-chirurgicale et [9], avec ambition de les regrouper en 2015 au sein d'un établissement neuf.

Suite à ces regroupements, un différend s'est noué entre la société [5] Clinique [4] et le Docteur [M].

Par acte délivré le 20 octobre 2016, la société [5] Clinique [4] a assigné la SELARL Docteur [L] [M] par devant le juge des référés aux fins de désignation d'arbitres en vue de composer un Tribunal arbitral. Suite à l'ordonnance en référé du 16 mars 2017, le tribunal de Grande instance de Saint-Denis a désigné en qualité d'arbitre pour la SAS [5] Clinique [4], le Dr [Z] [H] et en qualité d'arbitre pour la SELARL Dr [L] [M], le Dr [F] [A]. Les docteurs [H] et [A] ont désigné le Docteur [J] [B] en qualité de troisième arbitre et présidente du tribunal arbitral.

Par sentence du 27 août 2020, le tribunal arbitral de Saint-Denis a statué en ces termes :

-Rejette la demande de la SAS [5] Clinique [4] quant au paiement de la somme de 38959,46 euros au titre de la redevance

-Rejette la demande la SAS [5] Clinique [4] quant au paiement de la somme de 299 020 euros au titre de la perte financière

-Confirme qu'il y a bien eu un comportement abusif de la société [5] Clinique [4] qui a généré un préjudice non seulement dans la pratique médicale du Dr [M] mais qui a également entrainé une dégradation de son état de santé.

-Condamne la société [5] Clinique [4] à payer à la SELARL Dr [M] la somme de 30 000 euros au titre compensatoire de la perte occasionnée par les conditions dégradées d'exercice avec une perte partielle lors de la revente de sa patientèle.

-Condamne la société [5] Clinique [4] à payer à la SERLA Dr [M] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration déposée le 9 octobre 2020, la SAS Clinique [4] a interjeté appel du jugement précité.

La SAS Clinique [4] a déposé ses premières conclusions le 7 janvier 2021.

La SELARL Docteur [L] [M] a déposé ses conclusions d'intimés le 6 avril 2021.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 10 juin 2021.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 août 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 8 juin 2021, la SAS Clinique [4] demande à la Cour de :

Réformer le jugement rendu par le tribunal arbitral le 27 août 2020 en ce qu'il a débouté la CLINIQUE [4] de l'ensemble de ses demandes et fait droit aux demandes du Docteur [M].

Statuant à nouveau,

Vu les articles 1134, 1147 et 1382 du code civil,

Dire et juger que la SELARL du Docteur [M] est redevable de la somme de 38.959,46 euros,

Dire et juger que la SELARL du Docteur [M] n'a pas respecté le préavis prévu à l'article 7 du contrat du 5 avril 2006,

Dire et juger que la clinique a subi un préjudice direct et certain d'un montant de 299 020 €.

En conséquence,

Condamner et enjoindre à la société du Docteur [M] de payer à la clinique [5] [4] la somme de 38 959.46 € et la somme de 299.020 €.

Débouter la SELARL du Docteur [M] de sa demande reconventionnelle.

La SAS Clinique [4] soutient que le docteur [M] a quitté la clinique :

-sans avoir réglé les redevances dues en contrepartie des services rendus pour les besoins de son exerce libéral ;

-sans avoir respecté le préavis prévu à l'article 9 du contrat d'exercice du 5 avril 2006.

Elle affirme que l'appel est recevable puisque l'article 1489 du code civil - disposant qu'une sentence n'est pas susceptible d'appel sauf volonté contraire des parties- ne s'applique pas lorsque la convention d'arbitrage a été conclue après le 1er mai 2011. Elle relève que la convention d'arbitrage qui prend la forme d'une clause compromissoire introduite dans le contrat a été conclue le 5 avril 2006, soit antérieurement au 1er mai 2011.

L'appelante fait valoir que le versement d'une redevance par le médecin à la clinique a été reconnu licite par la jurisprudence en échange d'une mise à disposition de services humains et matériels afin de faciliter l'exercice de son art.

Elle précise que la loi des parties repose sur une redevance au coût réel avec un taux forfaitaire prévisionnel et non sur un taux forfaitaire figé contractuellement.

Elle avance que l'utilisation d'un amplificateur de brillance par un chirurgien est cotée YYYY300 et génère pour le praticien un supplément de 79,8 €, sans compter les majorations.

La SAS Clinique [4] indique que le Docteur [M] prétend avoir subi une baisse significative de ses revenus mais relève qu'il ne verse pas aux débats ses déclarations SNIR et ses déclarations de revenus professionnels.

L'appelante ajoute que le Docteur [M] aurait dû respecter un préavis de douze mois comme le prévoyait son contrat.

Elle expose que le départ précipité du Docteur [M] constitue une faute qui cause un dommage direct et certain :

-en ce qu'il n'a pas permis à la clinique de préparer le recrutement d'un praticien complémentaire aux Docteurs [D], [U] et [V]

-ou encore l'arrivée du Docteur [O] n'a pas permis de compenser la perte de patients liés au départ soudain du Docteur [M].

La SAS Clinique [4] indique que le regroupement des deux cliniques bayonnaises a permis au Docteur [M] d'accéder à un plateau technique plus récent et adapté à sa pratique professionnelle. Elle avance qu'il est de jurisprudence constante de considérer que l'exclusivité consentie à un praticien :

-ne se présume pas

-est strictement circonscrite à l'établissement visé par le contrat

-n'est pas opposable en cas de regroupement de cliniques, celles-ci disposant du droit de se regrouper.

* * * * *

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 avril 2021, La SELARL Docteur [L] [M] demande à la cour de :

Confirmer purement et simplement l'entier dispositif de la sentence arbitrale du 27 août 2020; sauf en ce qu'elle a fixé à 30 000 € le montant des dommages-intérêts auxquels a été condamnée la société [5] CLINIQUE [4];

Statuant de nouveau,

Constater que le comportement abusif de la société [5] CLINIQUE [4] a généré un préjudice à la SELARL du docteur [M] dans l'exercice de son art ;

Condamner la société [5] CLINIQUE [4] à payer à la SELARL du docteur [M], la somme globale et forfaitaire de 100 000 € au titre de dommages-intérêts ;

En tout état de cause,

Condamner la même à payer à la SELARL du Docteur [M] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le Docteur [M] fait valoir que dans le cadre d'un contrat, une partie peut suspendre l'exécution de ses propres obligations si l'autre partie a enfreint gravement les stipulations contractuelles. Il soutient que la redevance versée par le médecin à la clinique n'est licite qu'à la condition de correspondre au strict coût réel, à défaut de quoi, elle constitue un partage d'honoraires, strictement prohibé par l'article L. 4113-5 alinéa 1 du code de la santé publique.

L'intimé considère qu'aucun autre frais de maintenance ou d'acquisition de matériel ne saurait être mis à la charge du médecin. Il avance que la redevance étant une stipulation contractuelle, elle tire sa force obligatoire de la commune volonté des parties. Il souligne qu'une modification unilatérale de cette redevance caractérise une faute ou un abus, autorisant une résiliation du contrat par le médecin sans lui imposer de respecter le délai du préavis.

Le Docteur [M] estime que le prélèvement de la clinique de 50% de ses honoraires pour l'usage d'un amplificateur de brillance, qui n'as pas été expressément accepté par lui constitue une faute contractuelle de la part de la clinique, justifiant une résiliation du contrat.

Il avance que le regroupement entre les cliniques a engendré des défaillances dans le respect de engagements contractuels de la Clinique [5] vis à vis de lui :

-une perte d'exclusivité de neuf lits ;

-une mise en concurrence avec quatre autres praticiens ;

-une diminution de ses vacations opératoires de près de 30 heures par mois ;

-de l'absence de locaux notamment d'un cabinet de consultation avec salle d'attente conforme aux exigences déontologiques de la profession ;

-de l'absence de matériel adéquat.

Le Docteur [M] prétend avoir subi un préjudice économique qui serait lié à la dévalorisation de sa patientèle mais également à une perte sur son chiffres d'affaires d'octobre 2013 à décembre 2014 du fait des modifications substantielles des conditions de travail imposées par la Clinique.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur les sommes réclamée à la SELARL du Docteur [M] :

La SAS CLINIQUE [4] demande la condamnation de la SELARL du Docteur [M] à lui payer la somme de 38.959,46 euros au titre des redevances restant dues en contrepartie des services rendus pour les besoins de son exerce libéral.

Elle affirme que, contrairement à ce que soutient le défendeur, la loi des parties repose sur une redevance au coût réel avec un taux forfaitaire prévisionnel/indicatif et non sur un taux forfaitaire figé contractuellement.

L'intimée conteste devoir payer cette somme et sollicite la confirmation de la sentence arbitrale sur ce point. Selon elle, la convention stipule expressément que la redevance convenue est et a toujours été de 3 %. La nouvelle facturation des prestations n'a pas été contractualisée, n'a jamais été soumise au consentement du praticien. S'agissant d'une clause contractuelle, la Clinique ne pouvait modifier de son propre chef le montant de la redevance au seul motif qu'elle l'estime légitime.

La sentence arbitrale attaquée a retenu que la SAS [5] Clinique [4] est responsable de la rupture du contrat après analyse de :

1) L'article 7 du contrat qui établit un taux de redevance de 3% sur l'ensemble des actes ;

2) La Clinique [8] puis la SAS [5] Clinique [4] ont modifié unilatéralement sans en prévenir la SELARL docteur [L] [M] les portant à 50% pour les actes de radiologie et ceci sans motif valable et recevable ;

3) La SELARL docteur [L] [M] n'a plus payé sa redevance à partir d'avril 2008 suite à un trop perçu qu'il précise n'avoir pas complètement récupéré au moment de son départ.

Ceci étant exposé,

Sur les obligations des parties :

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, la convention d'exercice a été conclue le 5 avril 2006 entre la SELARL du docteur [L] [M] et la SAS CLINIQUE CHIRURGICALE [8].

Son article 8 stipule qu'en cas de cession de l'établissement, avec poursuite de l'exploitation, le contrat restera opposable en toutes ses dispositions aux ayants droit qui devront en continuer l'exécution.

Ainsi, les obligations de la SAS [5] CLINIQUE [4], ayant succédé à la SAS CLINIQUE CHIRURGICALE [8], restaient les mêmes qu'initialement en vertu du contrat litigieux, sauf modifications contractuelles consenties par les deux parties.

Selon son article 9, la convention a été conclue pour une durée de treize années à compter du 1er juin 2006. La reconduction tacite y est prévue ainsi que les délais éventuels de préavis.

Le dernier alinéa de l'article 7 de cette convention énonce : « En couverture des frais occasionnés par le recouvrement des honoraires et autres prestations fournies par la clinique, la clinique demandera au Docteur [M] une somme correspondant aux dits frais réels et devra lui en fournir justification (3% à ce jour). »

Or, cette clause, claire et précise, ne nécessite aucune interprétation.

Elle contient à la fois l'obligation de paiement par le praticien des frais réels engagés par la clinique pour permettre l'exercice libéral de l'activité du docteur [M] ainsi que l'obligation de la clinique d'en justifier. Et elle mentionne entre parenthèse l'estimation actuelle du niveau des frais réels en la mesurant à 3 % « à ce jour ».

Le fait que cette estimation soit placée entre parenthèses, à la fin de la clause relative au remboursement des frais réels de la clinique, et qu'elle comporte l'allusion du niveau de 3 % « à ce jour », établit que les parties avaient convenu principalement le remboursement par le praticien des frais réels engagés par le prestataire en faveur de l'exercice médical du Docteur [M].

La mention de 3 % « à ce jour » ne créant aucune limite contractuelle au montant devant être remboursé par le médecin au titre des dépenses engagées par la clinique, sous réserve qu'elle en justifie.

Ainsi, la sentence arbitrale a procédé à une analyse erronée de la convention en concluant que l'article 7 du contrat établit un taux de redevance de 3% sur l'ensemble des actes.

Le contrôle par la cour de l'exécution de bonne foi de la convention doit conduire à vérifier si la société [5] CLINIQUE [4] a justifié de la réalité de ses dépenses auprès du docteur [M], sans se limiter au taux allégué par l'intimé de 3 %.

Sur les montants réclamés :

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile ;

Selon les dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Pour soutenir sa demande en paiement des prestations dues par la SELARL du docteur [M], l'appelante verse aux débats (pièce n° 3) les courriers adressés au praticien, entre le 15 juillet 2010 et le 21 septembre 2012, pour lui demander de régler les sommes dues au titre de la redevance. A cette date, la SELARL du docteur [M] restait devoir la somme de 13.308,78 euros selon l'appelante.

Pourtant, l'appelante verse elle-même aux débats un courrier du docteur [M] en date du 22 juillet 2008, qui soutient d'une part que le contrat limite la redevance à 3 % et qui demande des explications et les raisons objectives de la majoration de la facturation.

La réponse du directeur de la clinque, datée du 25 août 2008 (pièce N° 5 de l'appelante), sans en-tête ni date certaine, indique que l'augmentation s'explique seulement par la prestation relative aux actes de radiologie effectuées au bloc opératoire en précisant que celle-ci ne relève en rien du recouvrement d'honoraires correspondant aux 3 % mais résulte du fait que la clinique est devenue propriétaire en 1998 de l'amplificateur de brillance utilisé par le médecin intimé. Il est aussi proposé au docteur [M] « une régularisation par la mise en place d'un avenant correspondant aux pratiques en vigueur.

La cour observe que, par ce courrier, la clinique admettait d'abord le principe des 3 % d'honoraires en excluant l'augmentation contestée du cadre de la convention signée en 2006. Mais en même temps, le prestataire expliquait cette augmentation par l'usage d'un matériel médical acquis en 1998, soit huit ans avant la conclusion du contrat d'exercice libéral de la chirurgie vasculaire avec la SELARL du docteur [L] [M].

Pourtant, à la date de la conclusion de la convention litigieuse, ce matériel était déjà en place et à disposition des praticiens.

Cette explication de l'augmentation des sommes réclamées au docteur [M] n'est donc pas satisfaisante, ce qu'a clairement fait valoir le praticien dans sa réponse du 25 septembre 2008 (pièce N° 6 de l'appelante).

Enfin, par LRAR datée du 16 juillet 2013, la SAS [5] [Localité 3] mettait en demeure le docteur [M] de lui payer la somme de 30.977,26 euros « en contrepartie des services rendus. »

Pour étayer sa demande en paiement, la SAS [5] CLINIQUE [4] verse aux débats un document ressemblant à l'historique du compte de la SELARL [L] [M] (pièce N° 25) tandis qu'aucun décompte précis détaillant les sommes réclamées à ce dernier n'est produit, ce qui permettrait de distinguer les frais dus en vertu de la convention et ceux relevant de l'utilisation de l'amplificateur de brillance dont la prestation aurait été exclue du périmètre des prestations stipulées par la SAS CLINIQUE CHIRURGICALE [8] selon l'appelante.

En conséquence, par substitution de motifs, la sentence arbitrale querellée doit être confirmée en ce qu'elle a débouté la SAS [5] CLINIIQUE BELLHARA de sa demande en paiement de la somme de 38.959,46 euros.

Sur le non-respect du préavis par la SELARL du Docteur [M] :

La décision attaquée a retenu dans les points 5 et 6 de sa motivation que le docteur [M], « dans un contexte de dégradations de ses conditions de travail et de sa santé avec une impossibilité de rétablir un dialogue, a soumis un préavis de départ le 26 mars 2014 pour un départ effectif le 01 juin 2014. Il a organisé sa succession avec l'arrivée du Dr [O]. Cette succession a été complètement effective au 01 Octobre 2014 avec une présence d'une semaine/mois à partir du 01 Juin 2014. On ne peut reprocher au Dr [M] d'avoir laissé la place vacante à son départ. Le Dr [M] précise bien dans sa lettre en date du 26 mars 2014 qu'il prend une retraite libérale et non une retraite définitive de toutes activités chirurgicales à partir du 01 juin 2014 si son état de santé lui permettait de tenir jusque-là. »

L'appelante demande à la cour de « DIRE et JUGER » que la SELARL du Docteur [M] n'a pas respecté le préavis prévu à l'article 7 (sic au lieu de l'article 9) du contrat du 5 avril 2006.

La SELARL du docteur [L] [M] conclut à la confirmation de la sentence arbitrale.

L'article 9 de la convention d'exercice libéral dans la clinique est ainsi rédigé en ce qui concerne la résiliation du contrat :

« (') Si l'une des parties veut mettre un terme au contrat au cours de sa durée, elle devra aviser l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un délai de préavis qui sera fonction du temps réel pendant lequel le Docteur [M] aura exercé à la clinique :

- six mois avant cinq ans,

- douze mois entre cinq et dix ans,

- dix-huit mois entre dix et quinze ans,

- deux ans au-delà de quinze ans.

Ce délai de préavis oblige les deux parties qui pourront toutefois convenir après son ouverture d'une réduction volontaire de sa durée, à condition que cette convention exprimée par écrit.

Sauf cas de rupture abusive par la clinique, le Docteur [M] ne pourra prétendre à aucune indemnité. (')»

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 26 mars 2014, la SELARL docteur [L] [M] a demandé à la société [5] [Localité 3] de lui donner son accord, « à titre d'ultime tentative de règlement négocié », à la cession projetée qui permettrait de rompre définitivement les relations à la date du 1er juin 2014 pour prendre une retraite libérale. Il souhaite obtenir une réponse dans les 48 heures en raison de l'urgence due à son état de santé. )Pièce N° 2 de l'intimé(

Dès le 11 avril 2014, le Docteur [N] [O], successeur proposé par le Docteur [M], écrivait au Directeur de la clinique [9] de [Localité 3], qu'il « confirme » son accord pour succéder au Docteur [M] en tant que chirurgien vasculaire et thoracique. Il ajoute que « selon nos accords », il exercerait avec trois autres médecins, avec une garantie de leur part d'un chiffre d'affaires minimum pendant quinze ans et une association de travail. Il commencerait son activité dès le mois de juin 2014 par des périodes d'une semaine par mois puis une installation définitive le 1er octobre 2014.

Ces éléments suffisent à admettre que la rupture des relations contractuelles entre la SELARL du docteur [L] [M] et la SAS [5] CLINIQUE [4] est intervenue à la date du 1er juin 2014, date retenue aussi par les arbitres.

Il reste à déterminer si cette rupture est abusive de la part du praticien ou si elle est justifiée par l'attitude générale de la SAS CLINIQUE [5] [4], ce que soutenait le Docteur [M] dans son courrier valant préavis de rupture unilatérale de la convention.

Sur les torts de la rupture du contrat :

Aux termes de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la convention litigieuse, il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de la profession de recevoir, en vertu d'une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l'activité professionnelle d'un membre de l'une des professions régies par le présent livre.

Selon la sentence arbitrale querellée, le transfert d'activité du Dr [M] de la clinique chirurgicale [8] vers la clinique [9] en 2010 a entrainé un préjudice certain pour l'intéressé avec une perte de l'exclusivité de son activité, une mise en concurrence avec des praticiens déjà installés sur place depuis longtemps, un démembrement des équipes médicales notamment cardiologique avec lesquelles il travaillait habituellement. Les arbitres ont constaté une nouvelle rupture des éléments contractuels. Plusieurs tentatives de conciliations entreprises par le Dr [M] sont restées vaines. L'activité de la SELARL n'a fait que décroitre dans ces conditions avec une atteinte certaine à l'état de santé du Dr [M]. Celui-ci dans un contexte de dégradations de ses conditions de travail et de sa santé avec une impossibilité de rétablir un dialogue a soumis un préavis de départ le 26 mars 2014 pour un départ effectif le 01 juin 2014. Il a organisé sa succession avec l'arrivée du Dr [O]. Cette succession a été complètement effective au 01 Octobre 2014 avec une présence d'une semaine/mois à partir du 01 Juin 2014.

En vertu de l'article 9 du contrat du 1er juin 2006, la SELARL du docteur [L] [M] devait respecter un préavis de douze mois à la date du 1er juin 2014 puisque l'ancienneté de la convention était inférieure à dix ans.

Ainsi, si la décision de résiliation était prise au cours du mois de mars 2014, le praticien devait proposer une résiliation à effet du mois de mars ou avril 2015.

Pourtant, la SELARL du docteur [L] [M] plaide que cette rupture a été provoquée par les nombreux manquements contractuels de la Clinique, qu'il a été diligent dans l'organisation de sa succession et que la SAS [5] CLINIQUE [4] n'a subi aucun préjudice consécutif à la réduction du délai de préavis.

Pour justifier le non-respect du délai de préavis, le Docteur [M] fait valoir une exception d'inexécution en invoquant les nouvelles dispositions du code civil qui, même si ces textes ne sont pas applicables à la cause, ne font que reprendre la jurisprudence bien établie avant l'Ordonnance N° 2016-131 du 10 février 2016, sous les dispositions de l'ancien article 1184 du code civil.

La SELARL du docteur [L] [M] soutient que lorsque l'une des parties enfreint gravement les stipulations contractuelles, son cocontractant est fondé à lui opposer la suspension de l'exécution de ses propres obligations. Il plaide qu'en s'abstenant de faire supporter au médecin le coût réel des prestations rendues, la clinique [4] le contraignait à un partage illicite de ses honoraires, strictement prohibé par l'article L. 4113-5 du code de la santé publique. Selon la SELARL intimée, la Clinique [5] [4] a imposé de manière pérenne à son cocontractant une redevance qui n'était pas due. Son montant manifestement excessif est de nature à conférer à ladite redevance un caractère illicite au regard des exigences de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique. Ce comportement est constitutif d'une faute grave au regard des exigences tant contractuelles que déontologiques. C'est pourquoi elles justifient pleinement le jeu de l'exception d'inexécution.

La SAS [5] CLINIQUE [4] soutient que la société du Docteur [M] a prétexté prendre sa retraite pour justifier son départ soudain de la clinique alors qu'il s'est avéré qu'elle est partie exercer à la Réunion. Elle prétend que le non-respect du préavis constitue une faute qui a causé à la clinique un dommage direct et certain. En effet, le départ précipité du Docteur [M] n'a pas permis à la clinique de préparer le recrutement d'un praticien complémentaire aux Docteurs [D], [U] et [V]. L'arrivée du Docteur [O] n'a pas permis de compenser la perte sèche de patients liée au départ soudain de la société du Docteur [M].

Au soutien de son exception d'inexécution justifiant le non-respect du préavis contractuel, la SELARL du docteur [L] [M] verse aux débats les courriers démontrant les échanges nombreux entre l'intimé et l'appelante à propos de leur désaccord sur le montant réclamé au titre de ses prestations par la clinique dès le 22 juillet 2008 et au moins jusqu'au 19 janvier 2012 (Pièces N° 4, 5,6,7,8 de l'intimée) mais aussi les réclamations formulées par l'avocat de la SELARL intimée le 3 janvier 2011 et le 19 janvier 2012 (pièces N° 10 et 11 de l'intimée), signalant au directeur général du groupe CLINIQUE [5] [Localité 3] que le Docteur [M] se trouvait confronté à une triple problématique à savoir :

'Un déplacement unilatéral de son lieu d'exercice professionnel puisqu'il se trouvait désormais contraint d'exercer son activité à la clinique [9] à [Localité 3] au lieu et place de la clinique [8] ;

'il ne disposait plus de fêtes de l'exclusivité que lui conférait son contrat d'exercice professionnel ;

'de plus, il se heurtait à la perte de clientèle résultant d'une modification de l'activité de cardiologie de la clinique [8] vers la clinique [7].

Dans ce dernier courrier, l'avocat du praticien rappelle qu'il dispose d'une exclusivité dans la spécialité de chirurgie cardio-vasculaire thyroïdienne et thoracique alors que, de fait, cette exclusivité est combattue par les praticiens du groupe [5] dont plusieurs exercent dans le même domaine, notamment les docteurs [I], [X], [D] et [V]. Il est aussi indiqué souligné le souhait du Docteur [M] de tenter de trouver une solution par des pourparlers.

En outre, la SELARL du docteur [L] [M] produit des attestations d'autres médecins venant corroborer ses doléances (Pièces N° 15, 16, 20 et 21).

Le Docteur [E] [K] témoigne de ce que le départ du Docteur [M] s'est effectué selon les règles communément admises par la communauté médicale avec passation de son activité sans qu'il ne soit constaté une baisse d'activité de rupture dans la continuité des soins. Elle souligne que le directoire du groupe [5] n'a pas pris de grande précaution pour imposer des regroupements de spécialités sur des établissements différents avec des équipes médicales différentes. Le motif en était de créer des pôles d'excellence. Si ceux-ci ont pu voir le jour, c'est grâce à l'extrême responsabilité des praticiens, parmi lesquels le Docteur [M].

Ce témoin explique qu'il a d'abord fallu subir une première désorganisation en 2010 et procéder au transfert de nombreuses spécialités dont la chirurgie thoracique depuis les cliniques [8] vers la clinique [9].

Le Docteur [Y] [R], médecin anesthésiste-réanimateur, témoigne que le Docteur [M] des rencontrés un manque de coopération et une opposition importante de la part de ces anesthésistes, lesquels refusaient de prendre en charge la quasi-totalité des patients de chirurgie thoracique. Il indique que la direction du groupe [5] n'a pas permis au Docteur [M] de développer son activité de chirurgie thoracique ni d'empêcher le déclin majeur de son activité de chirurgie vasculaire, en ignorant la non compétence du groupe d'anesthésistes qui travaillait avec lui et en empêchant son intégration au groupe des Docteurs [D] et [V]. Poursuit en écrivant que le Docteur V, constatant une diminution drastique de son activité chirurgicale, n'a pas eu d'autre choix que de quitter la clinique [9] début juin 2014 pour s'installer au CHU à la Réunion. Il ajoute que le Docteur [N] [O] lui a succédé à partir du mois d'août 2014.

Le Docteur [G] [V] atteste que la création du GCS de cardiologie au sein de l'hôpital de [Localité 3], procédure issue d'une longue négociation entre le groupe [5], la direction du CHCB et les tutelles, a entraîné le départ des équipes de cardiologies depuis la clinique pour le mis et leur installation à la clinique [7]. Cette création a eu deux effets majeurs :

'privation pour la clinique [8] d'une part de son image de centre de cardiologie avec chirurgie vasculaire et d'autre part de son recrutement principal vasculaire ;

'consécutivement et logiquement, un affaiblissement significatif de la partie vasculaire de l'activité du Docteur [M].

Ce témoin déclare « nous avons compris que cet état de fait a contraint notre confrère acquitter ses activités à [Localité 3] et dans le groupe [5] par nécessité. Dès lors par confraternité et afin d'éviter toute rupture préjudiciable pour le groupe [5], la convergence de nos actions entre l'arrivée de notre renfort et le départ du Docteur [M] a été notre souci. Dans nos recherches conjointes, nous avons identifié le Docteur [O], candidat de grande valeur ayant bénéficié d'une très solide formation dans notre spécialité. Il a très vite manifesté le soin, en prenant la suite du Docteur V, de rejoindre notre groupe de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire.

Le docteur [V] poursuit son attestation en soulignant qu'il a participé aux discussions entre la direction du groupe et les médecins, en présence du Docteur V afin de synchroniser au mieux son départ et l'arrivée du renfort constitué par le Docteur [O]. Il évoque un accord négocié dans lequel le départ anticipé du Docteur [M] était accepté, son remplaçant étant le Docteur [O]. Un versement symbolique de 1000 € aurait soldé la dette du Docteur [M].

Selon le Docteur [V], cet accord verbal, conclu en sa présence dans le bureau de la direction de la clinique, a été dénoncé par le partenaire juridique du groupe [5].

Il précise aussi que du côté médical, les engagements ont tous étés tenus. Le Docteur [O] a assuré les remplacements du Docteur [M] dès l'été 2014, trois mois à peine après son départ.

Le Docteur [S] [D], chirurgien thoracique et cardio-vasculaire, témoigne qu'il a été amené à travailler avec le docteur [L] V en 2012 à la clinique [9] de [Localité 3] quand celui-ci devait venir opérer les patients de chirurgie thoracique qu'il ne pouvait plus prendre en charge à la clinique pour le mis en raison du refus de la direction et du déshabillage du plateau technique, alors que son activité principale y était normalement concentrée.

Le témoin assure qu'il a assisté aux man'uvres du groupe [5] pour le transfert du groupe de cardiologies à la clinique [7], faisant perdre à la clinique pour lui son statut de clinique de référence en pathologie cardio-vasculaire et en chirurgie vasculaire. Selon le témoin ce déplacement a manifestement fait perdre au Docteur [M] le recrutement qui était le sien, en prenant la succession du Docteur [W] [P].

Selon le Docteur [S] [D], le transfert définitif à la clinique [9] a provoqué la baisse progressive de l'activité de chirurgie vasculaire du Docteur [M] malgré les efforts qu'il déployait en cherchant d'autres lieux d'exercice, parfois éloignés. Cette situation s'est avérée psychologiquement et physiquement délétère, ce d'autant qu'il devait faire face à l'incompréhension totale de la part de [5] sur la difficulté de son exercice et le refus du groupe de renégocier ses conditions d'exercice. L'acharnement du groupe pour solder un différend financier, la pression juridique incessante et ses difficultés d'exercice, l'on conduit progressivement à un épuisement professionnel compréhensible dont la seule issue s'est avérée être son départ de la clinique [9] et de la région, afin de retrouver une nouvelle installation chirurgicale.

Ces attestations sont corroborées par le certificat médical délivré par le Docteur [C] [T] le 27 décembre 2016, certifiant avoir examiné et longuement conversé avec Monsieur [M], fin mars 2014, patient qu'il connaissait déjà. Selon ce médecin généraliste, le Docteur [M] présentait un état d'épuisement physique et psychique contrastant fortement avec sa présentation habituelle. Ce patient dynamique, très investi dans son exercice professionnel, est apparu profondément abattu avec une démotivation, une tristesse un découragement devant une succession d'événements sur lesquels il disait ne pas avoir prise ouvrer parenthèse (notamment une perte de clientèle liée à des changements d'organisation au sein du groupe de cliniques privées où il travaillait ainsi que des difficultés sur l'hôpital, ceci s'accompagnant d'une sensation d'isolement au sein de ces établissements), une asthénie marquée associée à des troubles du sommeil et de l'alimentation.

Face à ces éléments, la SAS [5] CLINIQUE [4] verse notamment aux débats :

1/ Une note interne en date du 29 novembre 2010 à l'ensemble des praticiens et du personnel (Pièce N° 2). Selon cette note, d'une brièveté certaine, le groupe [5] [Localité 3] avise les praticiens et son personnel qu'en avril 2010 a débuté la création d'un pôle de chirurgie vasculaire et thoracique à la clinique [9]. Il était alors convenu que les Docteurs [U] et [M] rejoignent rapidement leurs confrères. Après quelques ajustements de calendrier, la direction, les chirurgiens et les anesthésistes concernés ont convenu d'un accord le 8 novembre dernier. Le transfert de la chirurgie vasculaire et thoracique de la clinique [8] vers la clinique [9] devait être effectif le dimanche 12 décembre 2010. Cette note s'achève en disant que tenant compte de cette date, le personnel des services et du bloc de [8] ont été réaffectés.

2/ Le courrier recommandé du 16 juillet 2013 de la société [5] CLINIQUE [4] au Dr [L] [M], intitulé « conciliation » et réclamant la somme de 30.977,26 euros au titre de la redevance et des loyers tout en désignant un conciliateur et en l'invitant à en désigner un sous quinzaine. (Pièce N° 7 de l'appelante)

3/ Le courrier recommandé daté du 10 avril 2014 de l'appelante, en réponse à la lettre du 26 mars 2014 de la SELARL du docteur [L] [M] avisant de son départ au 1er juin 2014 )Pièce N° 9 de l'appelante(. Selon les termes de ce courrier, le groupe [5] [Localité 3] répond aux praticiens que la clinique sera attentive d'une part à ce que le docteur [M] Soit à jour des sommes dues au titre de la redevance et d'autre part à ce que sa décision de résiliation respecte les stipulations du contrat.

Les autres pièces produites par l'appelante sont toutes postérieures à la date de la rupture de la convention par la SELARL du docteur [L] [M].

Ainsi, la cour constate que l'appelante ne produit aucun élément contredisant les attestations versées aux débats, confirmant que les conditions d'exercice de l'activité de chirurgie cardio-vasculaire du Docteur [M] ont été profondément bouleversées par l'effet direct de la réorganisation décidée unilatéralement par le GROUPE [5].

En conséquence, face à l'absence réelle et loyale de discussions avec le praticien sur les conséquences de cette réorganisation à la fin de l'année 2010, accompagnée des désaccords persistants sur l'exécution normale de la convention en ce qui concerne le calcul des redevances dues par le Docteur [M], celui-ci était bien fondé à faire valoir une exception d'inexécution pour réduire à trois mois le délai de préavis de la résiliation du contrat, alors de surcroît que son remplacement était assuré par le Docteur [O].

La sentence arbitrale querellée doit donc être confirmée en ce qu'elle a décidé de :

Rejeter la demande de la SAS [5] Clinique [4] quant au paiement de la somme de 299.020 euros au titre de la perte financière ;

Confirmer qu'il y a bien eu un comportement abusif de la société [5] Clinique [4] qui a généré un préjudice non seulement dans la pratique médicale du Docteur [M] mais qui a également entrainé une dégradation de son état de santé.

Sur l'appel incident de la SELARL [M] et la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de l'article 1147 du code civil, alors en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La sentence arbitrale entreprise a condamné la société [5] [4] à payer à la SELARL du Dr [M] la somme de 30.000 euros au titre compensatoire de la perte occasionnée par les conditions dégradées d'exercice avec une perte partielle lors de la revente de sa patientèle.

La SELARL Docteur [L] [M] demande à la cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'elle a fixé à la somme de 30.000 euros le montant de son préjudice. Elle estime que le comportement abusif de la société [5] CLINIQUE [4] doit être sanctionné par l'allocation de la somme forfaitaire de 100.000 euros car elle a généré un préjudice important dans l'exercice de son art.

L'appelante principale s'oppose à ces prétentions. Elle affirme dans les motifs de ses conclusions que la demande liée à un préjudice économique n'a jamais été évoquée en conciliation, rendant cette prétention irrecevable au sens de l'article 122 du code de procédure civile.

Au fond, elle fait valoir qu'elle découvre le montant de la cession de la patientèle du Docteur [P] et n'a aucune compétence pour apprécier le montant de la valorisation qui relève d'une discussion gré à gré entre deux professionnels avertis. De même, la clinique n'a pas été associée, et n'avait pas vocation à l'être, aux négociations entre les Docteurs [D], [U], [V] et [M] portant sur l'intégration du Docteur [O]. L'appelante considère que si le Docteur [M] avait respecté son préavis, il aurait non seulement respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis de la clinique mais aurait pu mieux valoriser sa patientèle. Au lieu de cela, il a préféré tromper la clinique en prétendant prendre sa retraite et partir sans respecter son préavis et s'installer à la Réunion.

Ceci étant exposé,

Sur la fin de non-recevoir :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

En l'espèce, aucune fin de non-recevoir n'est évoquée dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante.

Il n'y a dès lors pas lieu de statuer.

Au fond, sur les préjudices allégués par l'intimée :

Au soutien de sa demande, la SELARL du docteur [L] [M] verse aux débats l'acte de cession de patientèle et de droit d'exercice privilégié, daté du 4 septembre 2006, conclu avec le Docteur [W] [P]. Cet acte prévoit un prix de cession de 179.934,45 euros (Pièce N° 22 de l'intimée).

Elle produit la balance générale de son activité pour les exercices allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2014.

L'analyse de ces données financières établit que le total de chiffre d'affaires de la SELARL du docteur [L] [M] s'élevait à la somme de 281.226,40 euros au 30 septembre 2010, de 260.988,85 euros au 30 septembre 2011, de 204.295,19 euros au 30 septembre 2012 et de 214.469,24 euros au 30 septembre 2013.

La baisse constatée au 31 décembre 2014 n'est pas significative compte tenu de la cessation d'activité au 1er juin 2014 par le docteur [M].

Néanmoins, il est constant que la baisse régulière et progressive de l'activité professionnelle de la SELARL [M] est corroborée par cette baisse réelle du chiffre d'affaires entre 2010 et 2013, passant de plus de 280.000 euros à près de 215.000 euros en moins de trois exercices, soit une réduction de près de 25 % des ressources de la SELARL [M].

L'allocation d'une indemnité de 30.000 euros est manifestement insuffisante d'autant plus que la sentence arbitrale ne contient aucune motivation de ce chef.

En outre, la pièce N° 26, constituée par l'attestation du Docteur [O], ayant succédé au Docteur [M], mentionne que celui-ci a récupéré un chiffre d'affaires atteignant 186.402 euros en 2015 mais augmentant dès 2016 et 2017 à des valeurs largement supérieures, proches de 390.000 euros pour atteindre les sommes de 583.401 euros en 2018 et 521.182 euros en 2019.

Toutefois, ces résultats ne sont accompagnés d'aucune explication alors que le Docteur [O] a bien poursuivi l'activité du Docteur [M] dans les conditions qu'il conteste depuis 2010. Ainsi, il n'est pas du tout établi que le préjudice de la SELARL [M] puisse être comparé au montant du chiffre d'affaires du Docteur [O] après la reprise, d'autant que, dès 2014, celui-ci a d'abord assuré des remplacements dans la clinique [4].

Enfin, le courrier du Docteur [O] en date du 25 mars 2014 (Pièce N° 17 de l'intimée), révèle que ce médecin a acquis les droits de la SELARL [M] au prix de 90.000 euros, outre le versement d'une somme équivalente répartie entre les quatre autres praticiens concernés, en échange de leur part de chiffre d'affaires et d'une association de travail, ce qui peut aussi expliquer la nette augmentation du résultat de ce médecin au cours des années suivant la résiliation de la convention par la SELARL intimée.

En conséquence, tenant compte de la baisse significative du chiffre d'affaires de la SELARL [M] entre 2009 et 2014, provoqué par les orientations et l'abus de position dominante du groupe de cliniques [5], dont le lien de causalité avec les décisions de la SAS [5] CLINIQUE [4] est certain et démontré par les attestations susvisées, mais aussi de l'échec de la tentative de conciliation résultant des termes de la lettre de résiliation du 26 mars 2014, et enfin de la capacité démontrée de son successeur à accroître l'activité de chirurgie cardiovasculaire dans les mêmes conditions, il convient de faire droit partiellement à la demande de la SELARL du docteur [L] [M] en lui allouant la somme de 70.000 euros au titre de son préjudice financier pour les exercices allant du 1er octobre 2009 au 1er juin 2014.

La sentence arbitrale sera infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes :

La décision querellée doit être confirmée sur les dépens et frais irrépétibles.

La SAS [5] CLINIQUE [4], appelante succombant dans ses prétentions, supportera les dépens de l'appel et les frais irrépétibles de la SELARL du docteur [L] [M] au second degré de juridiction.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME la sentence arbitrale entreprise sauf en ce qu'elle a alloué à la SELARL du docteur [L] [M] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

CONDAMNE la SAS [5] CLINIQUE [4] à payer à la SELARL du docteur [L] [M] la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;

CONDAMNE la SAS [5] CLINIQUE [4] à payer à la SELARL du docteur [L] [M] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles en appel ;

CONDAMNE la SAS [5] CLINIQUE [4] aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Alexandra BOCQUILLON, faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 20/01758
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;20.01758 ?
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