AFFAIRE : N° RG 21/00426 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FQP4
Code Aff. :
ARRÊT N° PB
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 04 Février 2021, rg n° 20/00429
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 JUILLET 2022
APPELANTE :
S.N.C. [6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Bruno LASSERI de la SELEURL LL Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION (CGSSR)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2022 en audience publique, devant Philippe BRICOGNE, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 5 Juillet 2022 prorogé au 13 juillet 2022;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président :Philippe BRICOGNE
Conseiller:Laurent CALBO
Conseiller :Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 13 JUILLET 2022
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LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
1. Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 mai 2020, reçue au pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion le 9 juillet 2020, la S.N.C. [6] a contesté une décision de rejet implicite de la commission médicale de recours amiable de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion qui, le 9 octobre 2019, a fixé à 15% le taux d'incapacité permanente partielle de l'un de ses salariés, Monsieur [T] [V], résultant d'une maladie professionnelle.
2. Le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Dr. [M] [N], dont le rapport, déposé le 21 août 2020, conclut à un taux de 15%.
3. Par jugement du 4 février 2021, le tribunal a :
- dit que le taux d'incapacité permanente résultant de l'accident de travail subi par Monsieur [T] [V] est maintenu à 15%,
- dit que ce taux est opposable à son employeur, la S.N.C. [6],
- condamné la S.N.C. [6] aux entiers dépens,
- dit que les frais de consultation seront donc pris en charge par la caisse d'assurance maladie.
4. Par déclaration du 3 mars 2021 parvenue le 9 mars 2021 au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, la S.N.C. [6] a interjeté appel de cette décision.
5. Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec avis de réception du 1er avril 2021 à l'audience du 5 octobre 2021.
6. L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 avril 2022 et mise en délibéré au 5 juillet 2022, prorogé au 13 juillet 2022.
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7. La S.N.C. [6] déclare s'en remettre à ses écritures déposées au greffe le 21 octobre 2021, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- en conséquence et statuant à nouveau,
- à titre principal,
- ramener le taux d'IPP à 5% dans les rapports caisse/employeur,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment informée,
- ordonner, avant dire droit au fond, une consultation sur pièces confiée à un consultant désigné suivant les modalités prévues à l'article R. 142-16-1 du code de la sécurité sociale (dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928), et ayant pour mission de :
* prendre connaissance de l'intégralité des documents détenus et transmis par la caisse, conformément à l'article R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928, permettant de justifier l'évaluation des lésions et séquelles indemnisées au titre de la maladie professionnelle du 20 juillet 2018 déclarée par Monsieur [T] [V],
* déterminer exactement les lésions et séquelles indemnisables prises en charge et exclusivement rattachables au sinistre du 20 juillet 2018,
* dire si le sinistre a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire,
* fixer les seules lésions et séquelles consécutives au sinistre à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte,
* en conséquence, fixer le taux d'incapacité permanente partielle justifié au regard des lésions et séquelles retenues,
- ordonner à la caisse de transmettre au médecin désigné par elle, le Dr. [W], exerçant au [Adresse 2], la totalité des documents justifiant l'attribution d'une rente,
- à réception de la consultation,
- ordonner la notification par le consultant de son rapport intégral tel que déposé au greffe de la cour, au médecin désigné par l'employeur, conformément à l'article R. 142-16-4 nouveau du code de la sécurité sociale (dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928),
- renvoyer l'affaire à la première audience utile de la cour afin de débattre des conclusions médicales du consultant, en présence du médecin désigné par la concluante, au regard de l'éventuelle demande de baisse du taux d'incapacité permanente partielle qui pourrait être sollicitée par la concluante,
- à titre infiniment subsidiaire,
- ordonner, avant dire droit au fond, une expertise sur pièces confiée à un expert désigné suivant les modalités prévues à l'article R. 142-16-1 du code de la sécurité sociale (dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928), et ayant pour mission de :
* prendre connaissance de l'intégralité des documents détenus et transmis par la caisse, conformément à l'article R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928, permettant de justifier l'évaluation des lésions et séquelles indemnisées au titre de la maladie professionnelle du 20 juillet 2018 déclarée par Monsieur [T] [V],
* déterminer exactement les lésions et séquelles indemnisables prises en charge et exclusivement rattachables au sinistre du 20 juillet 2018,
* dire si le sinistre a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire,
* fixer les seules lésions et séquelles consécutives au sinistre à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte,
* en conséquence, fixer le taux d'incapacité permanente partielle justifié au regard des lésions et séquelles retenues,
- ordonner à la caisse de transmettre au médecin désigné par elle, le Dr. [W], exerçant au [Adresse 2], la totalité des documents justifiant l'attribution d'une rente,
- à réception du rapport d'expertise,
- ordonner la notification par l'expert de son rapport intégral tel que déposé au greffe de la cour, au médecin désigné par l'employeur, conformément à l'article R. 142-16-4 du code de la sécurité sociale (dans sa version issue du décret du 29 octobre 2018 n° 2018-928),
- renvoyer l'affaire à la première audience utile de la cour afin de débattre des conclusions médicales de l'expert, en présence du médecin désigné par la concluante, au regard de l'éventuelle demande de baisse du taux d'incapacité permanente partielle qui pourrait être sollicitée par la concluante.
8. À l'appui de ses prétentions, la S.N.C. [6] fait en effet valoir :
- que, s'agissant des infirmités antérieures, l'estimation médicale de I'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à I'accident,
- que son médecin conseil, qui, au regard de la description fonctionnelle évoquant un retentissement léger incluant les douleurs, retient une incapacité permanente partielle ne dépassant pas 5%, regrette l'absence d'examen clinique de Monsieur [T] [V], aucun examen des mobilités de l'épaule (élévation antérieure, abduction, adduction, rotation externe, rotation interne) n'ayant été effectué,
- qu'à tout le moins, une consultation sur pièces, voire une expertise complète, pourrait être ordonnée.
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9. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion déclare s'en remettre à ses écritures déposées au greffe le 6 décembre 2021, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a maintenu le taux d'incapacité permanente de Monsieur [T] [V] à 15%,
- débouter la S.N.C. [6] de toutes ses demandes, fins et conclusions articulées à son encontre.
10. À l'appui de ses prétentions, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion fait en effet valoir :
- que le médecin-conseil ainsi que le médecin expert sont parvenus aux mêmes conclusions, à savoir que Monsieur [T] [V] présentait des séquelles justifiant l'attribution d'un taux d'incapacité permanente de 15%,
- que, pour une limitation légère des mouvements de l'épaule dominante, le barème prévoit un taux compris entre 10 et 15%, la limitation étant dans le cas présent associée à une perte de force musculaire et une amyotrophie deltoïdienne.
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11. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées ainsi qu'à la note d'audience figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'incapacité permanente partielle
12. L'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose en son 1er alinéa que 'le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité'.
13. L'article R. 434-32 précise que la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente au vu de tous les renseignements recueillis et des barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles.
14. L'annexe I de l'article R. 434-32 prescrit que 'les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, sont donc :
1° La nature de l'infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d'où l'on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l'atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l'altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2° L'état général. Il s'agit là d'une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d'estimer l'état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l'évaluation d'adapter en fonction de l'état général, le taux résultant de la nature de l'infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.
L'estimation de l'état général n'inclut pas les infirmités antérieures - qu'elles résultent d'accident ou de maladie - ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3° L'âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l'indication tirée de l'état civil, mais en fonction de l'âge organique de l'intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l'involution physiologique, de celles résultant d'un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l'état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.
On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l'individu et de l'incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l'étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l'état physique ou mental de l'intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d'un individu normal.
5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé'.
15. Enfin, cette annexe prévoit :
'1.1.2': ATTEINTE DES FONCTIONS ARTICULAIRES
Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.(..)
Epaule :'
La mobilité de l'ensemble scapulo-huméro thoracique s'estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d'une main, l'autre main palpant l'omoplate pour en apprécier la mobilité :'
- Normalement, élévation latérale : 170° ;'
- Adduction : 20° ;'
- Antépulsion : 180° ;'
- Rétropulsion : 40° ;'
- Rotation interne : 80° ;'
- Rotation externe : 60°.'
La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.'
Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.
DOMINANT
NON DOMINANT
Blocage de l'épaule, omoplate bloquée
55
45
Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile
40
30
Limitation moyenne de tous les mouvements
20
15
Limitation légère de tous les mouvements
10 à 15
8 à 10
(...)'.
16. En l'espèce, les premiers juges se sont fondés sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire du Dr. [N] du 19 août 2020 ainsi libellées : le salarié présente une 'ténosynovite gaine du tendon long du biceps avec une limitation discrète de la mobilité de l'épaule droite dominante avec douleur associée à une importante impotence fonctionnelle (perte de force musculaire et amyotrophie deltoïdienne)' et ils ont pu en déduire que cette symptomatologie est compatible avec un taux d'incapacité permanente de 15%.
17. La S.N.C. [6] produit les observations du 2 mars 2021 établies par son médecin conseil qui regrette l'absence d'examen clinique et d'objectivation de l'impotence fonctionnelle, seulement déclarée par Monsieur [T] [V].
18. Toutefois, cet examen clinique existe puisqu'il a eu lieu le 12 juin 2019, avec étude de la mobilité de l'épaule et mesure de tous les mouvements. En cette occasion, le Dr. [J], qui ne notait pas d'état antérieur, concluait à une 'limitation discrète de la mobilité de l'épaule droite dominante avec douleur associée à une importante impotence fonctionnelle (perte de force musculaire et amyotrophie deltoïdienne)' avec une incapacité permanente partielle de 15%, analyse reprise et confirmée par le Dr. [N], qui, ne notant pas davantage d'état antérieur, a pu, conformément à l'annexe I de l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, conclure au maximum de l'incapacité prévue dans l'hypothèse d'une limitation légère de tous les mouvements.
19. Sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise, il conviendra de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur les dépens
20. La S.N.C. [6], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la S.N.C. [6] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre, et par Mme Delphine GRONDIN, geffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président