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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00513

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 21/00513


AFFAIRE : N° RG 21/00513 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FQVE

 Code Aff. :





ARRÊT N° LC





ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DENIS (REUNION) en date du 08 Mars 2021, rg n° 18/00455









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022









APPELANTE :



Madame [S] [P] épouse [T]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Alain Antoin

e, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion







INTIMÉE:



S.C.P. [M] - [X]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentant : Me Jean Pierre Gauthier de la SCP Canale-Gauthier-Antelme-Bentolila, avocat au bar...

AFFAIRE : N° RG 21/00513 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FQVE

 Code Aff. :

ARRÊT N° LC

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DENIS (REUNION) en date du 08 Mars 2021, rg n° 18/00455

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

APPELANTE :

Madame [S] [P] épouse [T]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Alain Antoine, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion

INTIMÉE:

S.C.P. [M] - [X]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentant : Me Jean Pierre Gauthier de la SCP Canale-Gauthier-Antelme-Bentolila, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion

Clôture : 7 mars 2022

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2022 devant la cour composée de :

Président :M. Alain Lacour

Conseiller :M. Laurent Calbo

Conseiller :Madame Aurélie Police

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 05 Juillet 2022.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 05 Juillet 2022

Greffier lors des débats : Mme Delphine Grondin

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

Mme [S] [P] épouse [T] (la salariée) a été embauchée le 25 septembre 1991 par la SCP [E] [M] - [F] [X] (la société) en qualité de secrétaire selon contrat de travail à durée indéterminée.

Elle a été licenciée le 11 juillet 2018 pour faute grave.

Saisi par Mme [T] qui demandait notamment de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur à l'indemniser de ses préjudices et lui payer un rappel de salaire, le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion, par jugement du 8 mars 2021, a notamment :

- dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

- débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;

- mis les dépens à la charge de la salariée.

Appel de cette décision a été interjeté par Mme [T] par acte du 22 mars 2021.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 7 mars 2022.

* *

Vu les dernières conclusions notifiées au greffe de la cour par Mme [T] le 16 novembre 2021 ;

Vu les dernières conclusions notifiées au greffe de la cour par la société le 31 janvier 2022 ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

Sur la recevabilité de la nouvelle demande en nullité du licenciement :

Vu l'article 565 du code de procédure civile ;

Mme [T] forme à titre principal une demande en nullité du licenciement.

La société en soulève l'irrecevabilité, s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel.

Dans ses dernières écritures soutenues oralement devant les premiers juge, Mme [T] sollicitait de voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement.

Or, la demande en nullité du licenciement tendant aux mêmes fins que la demande initiale au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement que la salariée estime injustifié, elle est recevable en cause d'appel.

Sur la nullité du licenciement :

1°/ comme résultant d'un harcèlement moral :

Vu les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

Mme [T] indique que l'atmosphère au sein de l'étude a changé avec l'arrivée de deux nouveaux collaborateurs (Maître [F] [X] et Maître [I] [J]) et que ses conditions de travail se sont dégradées à compter de son retour de congés en février 2018.

Elle dénonce des pressions incessantes, remarques injustifiées sur sa proximité avec les clients, son travail à l'ancienne ou son manque de compétitivité reproché par Maître [M], des dénigrements et commandes de dernière minute au-delà des horaires habituels de travail notamment de Maître [J], les brimades et humiliations étant devenues quotidiennes alors mêmes que de nombreux témoignages louent ses qualités.

Elle estime que ces agissements avaient comme objectif de la pousser à quitter son poste afin d'éviter une rupture conventionnelle coûteuse.

Elle ajoute que la persistance de ces agissements a conduit à la constatation médicale d'une « dépression brutale sur harcèlement au travail et burn out » concernant un fait accidentel du 6 juin 2018, et que compte tenu des agissements de l'employeur ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité, le licenciement est nul puisque les erreurs reprochées par l'employeur, à considérer qu'elles soient fondées, sont la résultante d'un harcèlement moral.

Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Il incombe par conséquent à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société réfute toute situation de harcèlement et fait observer qu'aucune pièce ne vient accréditer la position de la salariée.

D'une part, il est constaté que Maître [J], principalement visée par la salariée comme à l'origine des agissements harcelants, conteste les faits dont l'accuse Mme [T].

Elle argue au contraire du comportement insolent et blessant à son endroit de la salarié qui l'avait conduite à annoncer à Maître [M] son départ de l'étude et cite notamment les attestations de Mme [C] [B], Maître [V] [L], M. [PF] [Z], M. [D] [W], Mme [N] [K] et Mme [G] [A] (pièces 38, 39, 47 à 49 / intimée).

Mme [B] explique que Mme [T] n'a pas supporté de perdre de son influence dans l'étude après l'arrivée de Maîtres [X] et [J]. M. [W] confirme que Mme [T] a rejeté l'arrivée de ces deux huissiers de justice, que la salariée les a défiés et qu'elle a refusé tout dialogue. Dans le même sens, M. [Z] indique que Mme [T] ne supportait pas Maître [J].

Maître [L] atteste quant à lui des « dérapages verbaux et manque de respect éhontés » de la salariée à l'endroit de Maître [J].

Par ailleurs, Mmes [K] et [A] rapportent le comportement bienveillant et professionnel de Maître [J] avec les personnels.

Les agissements imputés à Maître [J], non corroborés par la moindre pièce, sont donc efficacement contredits par l'employeur.

D'autre part, Maître [L] conteste les faits allégués par Mme [T] à son endroit (pièce 39 / intimée). Il précise qu'il est difficile de travailler avec cette salariée qui rejetait toute remarque et réagissait très fortement aux reproches bien que justifiés, qu'elle avait la capacité compte tenu de son ancienneté de nuire à l'ambiance générale et qu'elle pensait bénéficier d'une protection inébranlable de la part de Maître [M].

M. [O] [L], M. [U] [H] (pièce 42 / intimée) et Mme [K] attestent en faveur de Maître [L] en sorte que les agissements imputés par la salariée à celui-ci, non corroborés par la moindre pièce, sont efficacement contredits.

Enfin, alors que l'employeur conteste les faits allégués par Mme [T], il est observé que les attestations produites par la salariée n'apportent aucun élément sur les agissements dont elle se plaint. En effet, les témoignages (pièces 11 à 20 / appelante) détaillent uniquement les qualités professionnelles de l'appelante tandis que celui de Mme [AV] (pièce 21 / appelante) se limite à rapporter les faits relatés par la salariée exceptée la crise de larmes qu'elle a elle-même constatée le 6 juin 2018 en suite d'une altercation dont elle n'a toutefois pas été témoin.

Au contraire, les attestations produites par la société (pièces 37, 38, 39, 48 et 50) dépeignent des relations professionnelles compliquées voire tendues avec Mme [T] en raison de son attitude de « chef de clan », de sa mainmise sur les salariés et de son absence de remise en cause. Elles démontrent que la salariée a mal vécu l'arrivée à l'étude de deux nouveaux huissiers de justice.

Ces éléments contredisent les faits présentés par Mme [T] alors qu'aucun élément ne vient étayer les brimades et dénigrements dont elle se dit victime.

Surtout, ces témoignages rapportent de nombreuses erreurs commises quotidiennement par Mme [T] dans les missions qu'elle devait accomplir, en raison d'un manque de rigueur, ce qui contredit son affirmation selon laquelle les plaintes récurrentes sur son travail effectuées par Maîtres [J], [L] et [X] seraient injustifiées.

La société justifie en conséquence que ses agissements ou ceux de ses salariés à l'endroit de Mme [T] sont étrangers à tout harcèlement.

Les faits de harcèlement moral ne sont pas caractérisés.

2°/ comme résultant d'une violation d'un statut protégé :

Vu les articles L.1226-7 du code du travail selon lequel le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie, et L.1226-9 du même code selon lequel au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Mme [T] indique que son licenciement est nul en raison de la suspension de son contrat de travail en suite d'un accident du travail et de l'absence de faute grave lui étant imputable.

Mme [T] justifie du certificat médical initial du 7 juin 2018 mentionnant un accident du travail du 6 juin 2018, que la société reconnaît avoir reçu le 7 juin dans son courrier de contestation du 11 juin 2018 (pièce 25).

Dans l'attente de la décision de la caisse sur le caractère professionnel de l'accident déclaré par la salariée laquelle a été notifiée à l'employeur le 13 août 2018 (pièce 8 / intimée), Mme [T] bénéficiait de la protection attachée à la suspension de son contrat de travail pour un accident du travail.

Or, le licenciement étant intervenu le 11 juillet 2018, il ne peut reposer que sur une faute grave.

Il convient dès lors d'analyser les différents griefs détaillés dans la lettre de licenciement (pièce 3 / intimée) lesquels reposent sur des manquements de Mme [T] dans le traitement de dix dossiers de l'étude dont elle était chargée et dont l'employeur aurait eu connaissance à la suite d'un contrôle en suite de son arrêt de travail (point 1-), et plus généralement sur l'attitude de la salariée (point 2-).

Il appartient à la société de rapporter la preuve d'une violation par Mme [T] d'une obligation découlant du contrat de travail ou d'un manquement à la discipline de l'entreprise, rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

1- S'agissant du dossier C035276, la société fait grief à Mme [T] de s'être abstenue de traiter une assignation pour une audience du 13 juin 2018.

Elle produit la première page de l'assignation revêtue de la mention manuscrite « reçu le 13 avril 2018 » et de la signature de la salariée et du courriel du 12 juin de Maître [J] demandant à l'avocat un projet d'acte avec une nouvelle date d'audience (pièces 9 et 10).

Elle rappelle que Mme [T] avait pour mission de réceptionner les actes préparés par les avocats et les décisions de justice à signifier et de préparer les actes en conséquence.

Mme [T] objecte que cette assignation n'a pas été délivrée puisque la défenderesse a comparu volontairement.

L'attestation de Maître [R] (pièce 12 / appelante) précise en effet qu'il n'a subi aucun préjudice dans ce dossier dans la mesure où l'épouse de son client s'est présentée à l'audience du 13 juin 2018, et qu'en tout état de cause, en l'absence de cette partie, le juge aurait renvoyé cette affaire.

Toutefois, ces éléments n'indiquent pas que Mme [T] ait reçu, postérieurement à la réception du projet d'assignation, la consigne de Maître [R] de suspendre la signification de l'acte.

L'appelante ne justifie donc pas des raisons pour lesquelles aucune diligence n'avait été accomplie entre le 13 avril et le 7 juin 2018, date de la suspension de son contrat de travail.

Le grief est caractérisé, peu important l'absence de conséquence dommageable pour l'étude.

S'agissant du dossier C035293, la société fait grief à Mme [T] de s'être abstenue de traiter une assignation à délivrer à Madagascar pour une audience du 22 août 2018 et d'avoir transféré cette tâche à M. [L].

Elle produit le courriel du 20 avril 2018 adressé à Mme [T] par l'avocat et celui de relance du 14 juin 2018 (pièces 11 et 12).

Mme [T] rétorque qu'elle a informé Maître [J] de l'impossibilité de signifier cet acte pour la date prévue en raison d'une période inférieure à six mois.

Il résulte des pièces produites que si l'avocat s'étonne le 14 juin 2018 de l'absence de signification de l'acte « dans les délais », il a saisi l'étude par courriel du 20 avril 2018 en sorte que le délai de six mois impératif ne permettait pas une signification à l'audience du 13 août 2018.

De plus, le courriel étant également adressé sur la boite électronique de la « SCP » sans que l'organisation interne de l'étude ne soit détaillée quant au suivi de cette boite, il ne peut être reproché à Mme [T] seule, l'absence d'alerte adressée à l'avocat sur l'impossibilité de signifier l'assignation dans les délais.

En outre, aucun élément ne vient établir, comme le soutient l'employeur, que Mme [T] se soit déchargée de cette tâche sur M. [L].

En l'absence de manquement établi à l'encontre de l'appelante, le grief n'est pas caractérisé.

S'agissant du dossier C033256, la société fait grief à Mme [T] de s'être abstenue de traiter une assignation à délivrer à Madagascar pour une audience prévue en novembre 2018.

Elle produit le courriel de relance de l'avocat (pièce 13).

Mme [T] estime que la signification de ce genre d'acte ne relève pas de ses fonctions de secrétaire, qu'elle a préparé l'acte mais qu'il n'a pas été signifié par les huissiers dans les délais et que l'avocat évoque un « loupé » de l'étude et non du fait de sa personne.

Contrairement à ce que Mme [T] soutient, son poste de secrétaire incluait la préparation et la rédaction d'actes, ainsi que leur inscription au répertoire (pièce 3 / intimée), sans qu'il y ait lieu de distinguer si la signification de l'acte est à effectuer sur l'île de La Réunion, en métropole ou à l'étranger.

Il résulte du courriel de l'avocat que Mme [T] a entrepris des diligences afin d'obtenir du greffe la fixation de l'affaire à une date d'audience en novembre 2018 permettant le respect du délai impératif de six mois.

Cette seule pièce ne démontre pas que Mme [T] soit à l'origine de l'absence de diligence en suite de l'obtention d'une nouvelle date d'audience laissant un délai suffisant pour la signification à Madagascar.

La salariée soutenant sans être contredite en sorte que cette circonstance sera retenue, qu'une fois la date obtenue, le projet a été soumis aux huissiers de justice chargés de contrôler les actes, aucun manquement ne lui est imputable.

Le grief n'est pas caractérisé.

S'agissant du dossier C034698, la société fait grief à Mme [T] d'avoir omis de retourner dans les délais une assignation aux fins d'expulsion ce qui n'a pas permis son enrôlement, et de signifier l'acte au préfet alors qu'il s'agit d'une condition de recevabilité.

Elle produit le courrier de l'avocat, la copie de l'acte, le courrier de réclamation et les actes ayant dû être réitérés aux frais de l'étude (pièces 14 à 19).

Mme [T] indique que les délais ne pouvaient être respectés en raison de la saisine tardive de l'avocat.

Le courrier du 29 mars 2018 adressé par l'avocat à l'étude a été réceptionné le 3 avril 2018 par Mme [T]. Si la signification est intervenue le 4 avril 2018, il est précisé par l'avocat qu'il n'a pas reçu un retour dans les délais permettant son enrôlement.

Madame [T] ayant réceptionné ce pli et effectué les diligences en vue de la signification de l'acte, il lui appartenait de s'assurer du retour de la signification de l'acte à l'avocat ce dont elle ne justifie pas.

Son manquement est caractérisé à ce titre, peu important l'irrecevabilité alléguée par la salariée en ce que la saisine de l'avocat était trop tardive pour permettre la notification de l'assignation au préfet alors que cette diligence n'était pas mentionnée sur le courrier du 29 mars 2018.

Le grief est établi.

S'agissant du dossier C035282, la société fait grief à Mme [T] de s'être abstenue de traiter une signification d'arrêt.

Elle produit le courrier de l'avocat du 24 janvier 2018 et l'état des actes effectués par l'étude (pièces 20 et 21).

Mme [T] explique que Maître [J] est à l'origine du retard dans ce traitement, qu'il n'y a pas eu de problème de gestion dans ce dossier et que Mme [Y] qui travaillait dans le cabinet de l'avocat, atteste en sa faveur.

Le courrier de l'avocat daté du 24 janvier 2018 indique sa réception par Mme [T] le 23 mars 2018.

Toutefois, il n'est justifié d'aucune diligence entreprise par Mme [T] afin de faire signifier la décision. Si la salariée renvoie la faute sur Maître [J], elle n'explique pas les raisons pour lesquelles la préparation d'une simple signification de décision de justice relevait de la compétence de l'huissier de justice.

Enfin, l'attestation produite (pièce 17 / appelante) n'apporte aucun élément sur le dossier litigieux.

Le manquement étant caractérisé, le grief est établi.

S'agissant du dossier C035045, la société fait grief à Mme [T] de s'être abstenue de traiter la dénonciation d'une assignation.

Elle produit le courriel de l'avocat du 29 mai 2018, le transfert du courriel à Mme [T], le courriel de relance et le courrier de mécontentement de l'avocat (pièces 22 à 24).

Mme [T] fait valoir que le travail a été effectué et avance plusieurs hypothèses pour expliquer l'absence de notification à la partie concernée.

Il est relevé que si la demande reçue par courriel de l'avocat a été adressée le 20 mai 2018 à l'attention de Maître [L], Mme [T] en a été expressément rendue destinataire sans délais par Maître [J], compte tenu des courts délais pour exécuter les diligences requises.

Il revenait à Mme [T] saisie à cette fin de procéder à la préparation de la dénonciation de l'assignation qui relevait de ses attributions et non de celles d'un huissier de justice de l'étude.

Or, la signification n'a été effectuée que le 14 juin 2018 après une relance du 12 juin, soit postérieurement à la suspension du contrat de travail de Mme [T].

Mme [T] rejette la faute sur Maître [J] qui aurait bloqué le parapheur et avance l'impossibilité de notifier au créancier inscrit si l'acte n'a pas été préalablement signifié, autant d'hypothèses objectivées par aucune pièce.

L'absence de justification de démarches entreprises suite à la saisine du 29 mai 2018 ou de suivi du traitement de ce dossier, caractérise le manquement de Mme [T] à ce titre.

Le grief est établi.

S'agissant du dossier C035086, la société fait grief à Mme [T] d'avoir fait signifier avec retard un jugement à la demande d'un avocat de métropole, et surtout d'avoir communiqué une fausse information à l'avocat en confirmant la signification et le retour de l'acte à son cabinet.

Elle produit le courriel de l'avocat du 15 mai 2018, le transfert du courriel à Mme [T], le courriel de relance, l'échange de courriel entre l'avocat et Maître [J] et les procès-verbaux de signification (pièces 25 à 29).

Mme [T] fait valoir qu'elle a édité les deux actes le 24 mai 2018 lesquels ont été remis à l'huissier de justice pour vérification et signification qui sont intervenues postérieurement à son arrêt de travail.

Cependant, dès lors que Mme [T] a préparé les actes de signification, il lui appartenait de s'enquérir de leur régularisation effective.

D'ailleurs, Mme [T] a répondu elle-même au courriel de relance, preuve qu'il lui incombait d'assurer le suivi des diligences et d'en faire retour à l'avocat.

En tout état de cause, Mme [T] a répondu le 5 juin 2018 à l'avocat « Je vous confirme que l'acte a été régularisé et retourné à votre cabinet, le tout conformément à votre demande. » alors que cette régularisation n'interviendra que le 7 juin 2018 pour l'une des parties et le 18 juin 2018 pour l'autre ce qui suscitera l'étonnement de l'avocat.

La salariée a donc manqué à ses obligations en communiquant à l'avocat des éléments erronés sur les diligences entreprises, susceptibles d'avoir de graves conséquences sur la responsabilité de l'auxiliaire de justice qui avait expressément précisé la nécessité de signifier les actes avant le 19 juin 2018 au regard des délais en cours.

Le grief est caractérisé.

S'agissant du dossier C034959, la société fait grief à Mme [T] d'avoir d'une part retourné à un avocat une copie incomplète d'un acte signifié par l'étude, d'autre part répondu aux remarques de l'avocat sans autorisation ce qui a nui à l'image de l'étude, et enfin transmis l'original de l'acte en métropole et avec retard pour une audience se tenant à la Réunion, les explications recueillies sur ce point le 6 juin 2018 étant sans rapport avec les faits.

Elle produit trois échanges de courriels en rapport avec les faits (pièces 30 à 32).

Mme [T] réfute toute responsabilité dans les deux erreurs, une attestation d'un avocat démontrant la régularité de la signification de l'acte (pièce 11).

Il est constaté que Mme [T] a adressé à l'avocat parisien, par courriel du 15 mai 2018, une copie de l'acte régularisé le 11 mai précédent.

L'avocat a aussitôt répondu que la signification était incomplète ce qui a entraîné l'intervention de Maître [J] pour rassurer le client sur la signification régulière de l'acte, la copie ayant été scannée d'un seul côté et non recto-verso suite à une erreur de la secrétaire.

Mme [T] qui ne contredit pas efficacement ces faits, a donc transmis une copie sans en vérifier le contenu ce qui a causé le mécontentement du client à l'égard de l'étude et l'intervention d'un huissier de justice dans le traitement de ce dossier.

Parallèlement, Mme [T] a pris l'initiative de s'adresser au client en utilisant le pronom « nous », ce dont il s'évince que la salariée a répondu au nom de l'étude, en précisant qu'il n'y avait pas à signifier l'acte une seconde fois et qu'aucune faute n'avait été commise. Cette circonstance a provoqué une nouvelle réponse de l'avocat lequel a rappelé les précédentes erreurs et la nécessité de communiquer en interne compte tenu qu'il avait déjà obtenu un retour de l'huissier de justice sur ce problème.

En s'exprimant au nom de l'étude de surcroît pour contester les reproches de l'avocat, sans autorisation de l'employeur, Mme [T] a manqué à ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, l'avocat a écrit le 5 juin 2018 à l'étude, concernant le même acte, en se plaignant que les originaux n'aient été expédiés que le 31 mai 2018 alors que la lettre d'accompagnement était datée du 17 mai 2018 et de surcroît en métropole plutôt qu'au cabinet de l'avocat correspondant à la Réunion, comme pour les autres dossiers, puisque l'audience se tenait le 7 juin au tribunal de grande instance de Saint-Denis.

Maître [J] a été contrainte à nouveau d'adresser ses excuses au nom de l'étude et de procéder au placement des originaux auprès du service d'audiencement du tribunal de grande instance en vue de l'audience.

Alors que Mme [T] était en possession le 15 mai 2018 de l'acte régularisé, pour en avoir communiqué une copie incomplète par courriel, elle n'a transmis les originaux que le 31 mai suivant, ce retard lui étant imputable. De plus, en ne vérifiant pas l'opportunité de les renvoyer au client en métropole compte tenu de la date d'audience fixé à bref délai à La réunion, Mme [T] a commis un autre manquement.

Le fait que l'avocat correspondant ait précisé que les faits n'ont pas eu d'incidence sur la régularité de la signification de l'acte, est sans emport sur les manquements de la salariée qui ont nui à l'image de l'étude.

Le grief est caractérisé.

S'agissant du dossier C035332 (numérotation intervenue après la suspension du contrat de travail de Mme [T]), la société fait grief à la salariée d'avoir failli dans la signification d'un jugement malgré plusieurs relances du client.

Mme [T] rétorque qu'il appartient à Maître [M] de vérifier l'état d'avancement des dossiers et de solliciter son personnel lorsqu'il est saisi d'une relance ce qu'il n'a pas fait pendant deux ans.

La cour en déduit que la salariée ne conteste pas les faits figurant dans la lettre de motivation en ce qu'elle a été destinataire de courriers et courriels concernant une même demande de signification de jugement sans qu'elle procède à l'ouverture d'un dossier par ses soins en sa qualité de secrétaire de l'étude.

L'employeur n'a donc pas été en mesure d'exercer son contrôle sur le suivi du dossier.

En l'absence de diligences démontrées par la salariée, son manquement est caractérisé.

Le grief est donc établi.

S'agissant du dossier C034720, la société fait grief à Mme [T] d'avoir adressé un avis de signification à une mauvaise adresse et commis un faux pour dissimuler ses manquements dans les diligences lui incombant.

Elle produit l'avis de signification d'acte adressé en lettre simple à une mauvaise adresse, le procès-verbal du 11 mai 2016 de remise d'un acte à un homonyme, l'avis de signification d'acte communiqué par Mme [T] à la demande de l'employeur (pièces 33 à 35), le procès-verbal de constat d'huissier sur le logiciel de l'étude (pièce 52) et l'attestation de M. [H], témoin de l'explication donnée par la salariée à l'employeur sur ces faits (pièce n°36).

Mme [T] objecte que le deuxième courrier a été fabriqué par l'employeur et que le clerc aurait dû laisser un avis de passage dans la boite aux lettres.

La société justifie, après les diligences effectuées par M. [H] au domicile de la personne concernée, de l'envoi de l'avis de signification par lettre simple, cette diligence relevant des attributions habituelles de Mme [T] en sa qualité de secrétaire de l'étude.

Il résulte du procès-verbal d'huissier que ce courrier a été enregistré par le logiciel de l'étude comme ayant été adressé au [Adresse 5] et que toute modification de ce courrier lors de son édition est sans conséquence sur l'adresse initialement renseignée qui reste figée dans l'application.

Il est donc établi que l'avis a été initialement adressé par Mme [T] au [Adresse 5].

Or, il est démontré que cette adresse correspond à un homonyme et non à l'adresse figurant sur l'acte que M. [H] a précédemment signifié au [Adresse 3].

Un premier manquement est donc caractérisé en ce que Mme [T] a adressé l'avis à une mauvaise adresse, le fait que M. [H] ait, comme elle le soutient, manqué à ses obligations en omettant lors de son passage de laisser un avis dans la boite aux lettres de l'intéressé, étant sans emport sur ses propres obligations.

M. [H] atteste, sans que Mme [T] ne contredise efficacement son témoignage direct des faits, que sur demande de l'employeur, elle a produit concernant ce dossier un avis de signification adressé par ses soins par lettre simple à l'adresse [Adresse 3] ».

L'adresse de l'avis produit par Mme [T] pour justifier de ses diligences ne correspondant pas à celui définitivement enregistré par le logiciel, la salariée a produit un faux document à son employeur, l'erreur d'orthographe sur la ville attestant en outre de l'empressement dans lequel ce document a été édité.

Le grief est donc établi, peu important la régularité de l'acte de signification soutenue par la salariée.

2- S'agissant de l'attitude de Mme [T], la société fait grief à la salariée de commettre des erreurs répétées et d'une certaine gravité, notamment dans une courte période précédant la suspension de son contrat de travail.

Elle ajoute qu'elle refuse catégoriquement d'appliquer les règles élémentaires mises en place et qu'elle réfute toujours toute responsabilité dans ses multiples erreurs bien que son attention ait été attirée sur les conséquences dommageables pour l'employeur, ce qui nuit au fonctionnement de l'étude.

A l'appui de ce grief, elle cite les attestations de Maître [J] (pièce 37), Mme [B] (pièce 38), Maître [L] (pièce 39), M. [L] (pièce 41), M. [H] (pièce 42) et M. [Z] (pièce 47).

Mme [T] soutient qu'elle n'a pas été formée aux missions qui lui sont dévolues en sorte que l'employeur ne peut lui reprocher ni la mauvaise maîtrise de ses tâches, ni la mauvaise utilisation des outils de l'étude.

Il s'évince des attestations des salariés que Mme [T] commet régulièrement des erreurs dans le traitement des dossiers qui lui incombe en sa qualité de secrétaire de l'étude ce qui impose à ses collègues et supérieurs hiérarchiques de vérifier ses tâches et corriger les erreurs à leur niveau en l'absence de prise en compte de leurs observations et de tout changement de son comportement.

Il est également établi par ces pièces que Mme [T] n'a pas accepté le lien de subordination qui la liait aux deux nouveaux huissiers de justice Maitres [L] et [J], et qu'elle refusait d'appliquer leurs directives, ce qui avait des répercussions sur le bon fonctionnement de l'étude.

Enfin, il est relayé la posture de victime adoptée par Mme [T], voire les mensonges de cette dernière, dès lors qu'une erreur lui était signalée.

Mme [T] ne produit aucun témoignage de salariés contredisant ces faits.

En outre, si elle se plaint de l'absence de formation, ce que l'employeur contredit efficacement par la production d'une convention de formation professionnelle continue (pièce 45), il est attesté que Mme [T] refusait les formations qui lui étaient proposées (pièces 46, 48, 51). En outre, Mme [T] n'explique pas en quoi les tâches reprochées par l'employeur ne relevaient pas de son poste de secrétaire et des compétences attendues d'une salariée totalisant une ancienneté de 26 ans sur ce poste.

Le grief est donc établi.

En conséquence, la cour constate que les griefs établis par l'employeur (manquements dans le traitement de huit dossiers sur une courte période ayant précédé la suspension du contrat de travail et erreurs habituelles sans remise en cause perturbant le fonctionnement de l'étude), pris dans leur ensemble, caractérisent les graves insuffisances professionnelles de Mme [T] dans le traitement des tâches qui lui incombent.

Par ailleurs, d'une part, les manquements de Mme [T] dans les dossiers C035086 et C034720 relèvent d'une attitude fautive en ce qu'elle a communiqué des éléments mensongers à l'avocat sur l'avancement de son dossier, et dissimulé son erreur auprès de son employeur par un faux établi par ses soins.

D'autre part, l'absence de remise en question par Mme [T] de sa pratique associée à une posture de victime lorsqu'elle est confrontée à ses erreurs, ont altéré l'image de la société par la réitération d'erreurs dans le traitement des dossiers confiés à l'étude. De même, les relations tendues qu'elle entretenait avec deux de ses supérieurs hiérarchiques, huissiers de justice, ont perturbé le fonctionnement de l'étude. Ces deux circonstances constituent une exécution fautive de la relation de travail.

Enfin, la production d'un faux par Mme [T] pour dissimuler une nouvelle erreur, le dernier jour de présence à l'étude avant la suspension de son contrat de travail, caractérise l'impossibilité pour l'employeur de poursuivre la relation de travail et de maintenir Mme [T] dans l'entreprise.

La faute grave étant caractérisée, Mme [T] ne bénéficiait pas de la protection attachée à la suspension de la relation de travail en suite d'un accident du travail.

La nullité du licenciement sera rejetée.

Sur le licenciement sans réelle et sérieuse:

Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, « Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cour ayant jugé le licenciement fondé sur une faute grave, Mme [T] sera déboutée de sa demande tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse la rupture de la relation de travail ou encore comme fondée sur une faute simple.

Les demandes indemnitaires subséquentes sont également rejetées, le jugement étant confirmé.

Sur le préjudice distinct :

Vu l'article 9 du code de procédure civile ;

Mme [T] sollicite des dommages et intérêts eu égard aux circonstances vexatoires ayant accompagné le licenciement.

Elle argue d'un licenciement visant à « se débarrasser » d'elle, d'une signification de la convocation et de la lettre de licenciement par une autre étude d'huissier rendant public le licenciement, d'accusations mensongères et de la production frauduleuse d'une lettre d'avertissement prescrite.

D'une part, l'attitude fautive et vexatoire de l'employeur ne saurait résulter des faits à l'origine du licenciement qui ont été reconnus fondés à l'exception de deux griefs concernant des erreurs de traitement de dossier.

D'autre part, les notifications de la convocation à entretien préalable et de lettre de licenciement par acte d'huissier étant légales, Mme [T] n'est pas fondée à se plaindre de cette modalité de signification.

En outre, il n'est pas justifié par la moindre pièce de propos vexatoires publiquement tenus par l'employeur.

Enfin, la lettre d'avertissement invoquée n'étant pas produite au débat et l'employeur n'ayant formulé aucun grief à ce titre, aucun manquement de la société n'est caractérisé à ce titre.

En l'absence de faute caractérisée de la société sur le contexte ayant entouré le licenciement, la demande indemnitaire sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur le non respect de la procédure de licenciement :

Vu les articles L.1232-4 et L.1235-2 du code du travail ;

Mme [T] fait grief à l'employeur d'avoir omis de mentionner l'adresse de la mairie de son lieu de résidence à laquelle elle pouvait consulter la liste des conseillers des salariés, l'employeur n'ayant pas conclu sur ce point.

En l'espèce, le courrier de convocation à un entretien préalable du 22 juin 2018 (pièce 2 / intimée) mentionne : « Conformément aux dispositions de l'article L.1232-4 du code du travail, je vous informe que vous pouvez vous faire assister, soit par une personne appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller choisi sur une liste. Vous pouvez la consulter aux lieux ci-dessous précisés :

- Mairie de Saint-Denis : [Adresse 1] ;

- Inspection du travail : [Adresse 2] ».

En effet, la lettre de convocation ne mentionne pas l'adresse de la mairie de la commune de résidence de Mme [T], soit [Localité 8].

L'irrégularité de la procédure a donc causé un préjudice à la salariée qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 1 000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point, et confirmé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;

Déclare recevable la demande en nullité du licenciement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande indemnitaire fondée sur l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Condamne la SCP [E] [M] - Loïc [X] à payer à Mme [T] la somme 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'irrégularité de la procédure ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [T] de sa demande de nullité du licenciement ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes formées au titre des frais non répétibles ;

Condamne Mme [T] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00513
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00513 ?
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