ARRÊT N°
PC
R.G : N° RG 20/00395 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FK3D
[Y]
[Y]
C/
S.A. CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE (CEPAC)
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 01 JUILLET 2022
Chambre civile TGI
Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 28 JANVIER 2020 suivant déclaration d'appel en date du 25 FEVRIER 2020 RG n° 18/01068
APPELANTS :
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Rechad PATEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Madame [S] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Rechad PATEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE (CEPAC)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Olivier CHOPIN de la SELARL CODET-CHOPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 9 décembre 2021
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Avril 2022 devant Madame Pauline FLAUSS, Conseillère qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 01 Juillet 2022.
* * *
LA COUR :
La SARL AUREADRE a été constituée en 2011 par Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y], époux communs en bien, aux fins d'acquérir un fonds de commerce de papeterie et matériel bureautique. La société AUREADRE a ouvert un compte dans les livres de la Caisse d'Épargne Provence-Alpes-Corse (CEPAC), venue aux droits de la Banque de la Réunion (BR), sous le numéro 51565519010 et a sollicité un financement. Par acte sous seing privé du 05 juillet 2011, la CEPAC lui a consenti un crédit de trésorerie de 117.000 euros, remboursable en 84 échéances mensuelles de 1.689,64 euros.
En garantie de ce prêt, la CEPAC a obtenu les cautions de Monsieur et Madame [Y] pour une durée de neuf ans, à hauteur de 76.050 euros chacun, soit 50 % du montant du prêt en principal, majoré de 30 %. La CEPAC a aussi obtenu une garantie " OSEO " à hauteur de 50%, soit 58.500 euros. La SARL AUREADRE a cessé d'honorer les échéances de son prêt à partir du mois de janvier 2017. Les associés ont alors décidé de dissoudre la société par une liquidation amiable le 26 janvier 2017.
Le 28 juin 2017, la CEPAC a mis en demeure la SARL AUREADRE de régulariser la situation ou de proposer un plan de remboursement sous huitaine. La mise en demeure, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, a été retournée à la CEPAC avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse indiquée. " La CEPAC a également mis en demeure les époux [Y], en leur qualité de cautions, de régulariser la situation ou de proposer un plan de remboursement sous huitaine. Ces courriers ont été retournés à la CEPAC avec la mention " pli avisé et non réclamé par le destinataire. " Puis, la CEPAC a prononcé la déchéance du terme du prêt par courrier du 13 juillet 2017, avant de la notifier à Monsieur et Madame [Y] le 31 juillet 2017.
Puis, par assignations délivrées le 24 janvier 2018, la CEPAC a fait assigner en paiement la SARL AUREADRE, ainsi que Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis.
Par jugement contradictoire en date du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :
Prend acte de l'intervention volontaire de la société AUREADRE " en la personne de son liquidateur amiable '',
Déboute la CEPAC de sa demande en paiement de la somme de 32.843,28 euros à l'encontre de la société AUREADRE,
Condamne Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y], en leur qualité de cautions, à verser à la CEPAC la somme de 16.421,64 euros chacun, avec intérêts à compter du 28/06/2017,
Déboute Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Condamne Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] à payer à la CEPAC la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 CPC,
Ordonne l'exécution provisoire,
Condamne les défendeurs aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe de la cour par voie électronique le 25 février 2020, Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] ont relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 6 mars 2020, un conseiller chargé de la mise en état a été désigné.
Monsieur et Madame [Y] ont déposé leurs premières conclusions d'appelants au greffe de la cour par RPVA le 24 mai 2020.
La CEPAC a déposé ses premières conclusions au fond par RPVA le 25 août 2020.
La clôture est intervenue le 9 décembre 2021.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelants N° 3, déposées le 27 septembre 2021, Monsieur et Madame [Y] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2020 en ce qu'il a :
- Condamné Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y], en leur qualité de cautions, à verser à la CEPAC la somme de 16 421,64 euros chacun, avec intérêts à compter du 28/06/2017,
- Débouté Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamné Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] à payer à la CEPAC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 CPC,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné les défendeurs aux dépens
Et statuant à nouveau
A titre principal
Prendre acte que la CEPAC a ramené ses prétentions à la somme de 16.421,64 euros,
Dire et juger que la déchéance du terme est irrégulière,
Dire et juger que l'engagement de caution de Monsieur [Y] est disproportionné,
Dire et juger que l'engagement de caution de Madame [Y] est disproportionné,
Dire et juger que la CEPAC a manqué à son obligation d'information et de vigilance à l'égard de Monsieur et Madame [Y] tant au regard de l'engagement de caution que de la garantie OSEO,
Dire et juger que l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur et Madame [Y] est nul pour dol,
Débouter la CEPAC de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'égard de Monsieur et Madame [Y] ,
Reconventionnellement,
Condamner la CEPAC au paiement de la somme de 16421,64 euros à Monsieur [Y] en réparation du préjudice subi,
Condamner la CEPAC au paiement de la somme de 16421,64 euros à Madame [Y] en réparation du préjudice subi ,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que le montant global réclamé ne peut être supérieur à la somme de 16441,64 euros au regard de la garantie OSEO,
Dire et juger que la CEPAC n'a pas respecté ses obligations d'information à l'égard des cautions,
Dire et juger que la somme réclamée sera diminuée d'un montant de : 1175,05 euros + 285,80 euros + 18,52 euros = 1479,37 euros.
Dire et juger que le paiement de la dette sera reporté à 24 mois, ou échelonnée sur 24 mois.
En tout état de cause
Débouter la CEPAC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Condamner la CEPAC à payer à Monsieur [Y] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC
Condamner la CEPAC à payer à Madame [Y] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC
Condamner la CEPAC à payer l'intégralité des dépens de la présente instance.
Monsieur et Madame [Y] soutiennent que la déchéance du terme est irrégulière car les deux courriers de mise en demeure et de déchéance du terme ont été adressés au [Adresse 1] au lieu du [Adresse 3], comme l'avait indiqué Monsieur [Y] à la CEPAC, ce qui explique que la lettre n'a jamais été retirée par la société AUREADRE, débiteur principal et emprunteur.
Les appelants font valoir que la Banque ne peut donc se prévaloir d'une quelconque déchéance nulle en l'espèce de sorte qu'elle ne peut réclamer le remboursement des sommes dues, sa faute consistant à avoir adressé les courriers à une adresse qu'elle savait obsolète (ce qui explique d'ailleurs le retour de courrier avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse indiqué "). Cette irrégularité dans le rapport principal banque /débiteur (ou exception inhérente à la dette dans le rapport principal CEPAC / Emprunteur) - bénéficie directement aux cautions de sorte que la réclamation à leur égard tombe également.
Selon les appelants, le jugement querellé a justement rejeté la demande de la CEPAC à l'encontre de la société AUREDRADE en sa qualité d'emprunteur, débiteur principal. Mais le tribunal aurait dû en tirer les conséquences à leur égard également.
***
Par conclusions additionnelles et récapitulatives déposées par RPVA le 23 août 2021, la CEPAC demande à la cour de :
Confirmer l'entier jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis le 28 janvier 2020 (RG n° 18/01068) ;
Débouter Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] de leurs prétentions ;
Condamner solidairement Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] en leur qualité de caution à verser à la Caisse d'Epargne Provence-Alpes-Corse la somme de 16.421,64 euros chacun représentant 50 % du principal outre les intérêts sur la somme en principal au taux conventionnel à partir du 28 juin 2017 au titre du :
Crédit de trésorerie d'un montant de 117.000 €
- Echéances impayées du 07/01/2017 au 07/07/2017 : 11.695,56 €
- Capital restant dû au 13/07/2017 : 19.668,35 €
- Intérêts de retard du 08/07/2017 au 13/07/2017 : 18,52 €
- Intérêts et frais au 13/07/2017 : 285,80 €
- Intérêts de retard à compter du 13/07/2017 : 1.175,05 €
Total : 32.843,28 €
En toute hypothèse,
Condamner Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y], à verser à la Caisse d'Epargne Provence-Alpes-Corse la somme de 3.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon l'intimée, la déchéance du terme au titre du prêt est régulière. À la suite des échéances impayées, le 28 juin 2017, la CEPAC a mis Monsieur et Madame [Y], en leur qualité de caution en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, de régulariser la situation ou de proposer un plan de remboursement sérieux, sous huitaine.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur les effets de la déchéance du terme à l'encontre de la SARL AUREDRADE:
Il n'est pas contesté par les parties que, par courriel du 30 septembre 2016, Monsieur [Y] avait informé la CEPAC du changement d'adresse du siège social de la SARL AUREADRE.
La mise en demeure et la lettre de déchéance du terme ont été adressées à la SARL AUREADRE à une adresse erronée compte tenu de l'information reçue par la CEPAC avant sa décision de prononcer la déchéance du terme.
Le premier juge, tout en considérant que cette déchéance du terme n'était pas acquise à l'encontre de la débitrice principale, a cependant jugé que la créance de la banque reste parfaitement exigible à l'égard des cautions, dès leurs que celles-ci ont bien été mises en demeure de régulariser la situation ou de proposer un plan remboursement sous huitaine.
Les appelants affirment qu'ils ne peuvent être recherchés dès lors que la déchéance du terme n'a pas été régulièrement délivrée à l'encontre de l'emprunteur, la SARL AUREADRE.
La CEPAC plaide que les sommes dues au titre du prêt sont devenues immédiatement exigibles du fait de la créance de la débitrice.
Ceci étant exposé,
Aux termes de l'article 1134 du code civil, alors en vigueur, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 2021 du code civil dans sa version en vigueur lors de la conclusion des contrats litigieux, la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
En l'espèce, l'acte de cautionnement consenti par Monsieur [Y] et celui consenti par Madame [Y] le 5 juillet 2011, stipule clairement que l'engagement solidaire de la caution entraîne renonciation par elle à se prévaloir du bénéfice de discussion prévu à l'article 2298 du code civil, la caution devant s'acquitter des sommes dues sans pouvoir exiger que les bénéficiaires engagent de quelconques poursuites préalables à l'encontre du débiteur principal (article 5 de l'acte).
En outre, l'engagement de Monsieur et de Madame [Y] est, selon l'article 1 de l'acte, personnel, solidaire et indivisible. Il s'applique au paiement de toutes sommes que le débiteur principal devra aux bénéficiaires.
Ainsi, par l'effet de l'indivisibilité de l'obligation de la SARL AUREADRE, l'acte de cautionnement fait correspondre les cas d'exigibilité de la créance auprès de la caution à ceux prévus pour le débiteur.
La régularité de la notification de la déchéance du terme à la société AUREADRE constitue donc une condition préalable à l'exigibilité des sommes dues au créancier en vertu de l'article 13 du contrat de prêt conclu le 5 juillet 2011.
Or, la CEPAC n'a pas contesté l'irrégularité de la déchéance du terme, notifiée à l'emprunteur à une adresse erronée, ce qui prive d'effet cet acte envers les cautions.
En conséquence, en l'absence d'exigibilité du solde du prêt, la CEPAC est mal fondée à le réclamer auprès des cautions.
Ayant débouté la CEPAC de sa demande en paiement de la somme de 32.843,28 euros à l'encontre de la société AUREADRE, le premier juge ne pouvait condamner les cautions à payer chacun la somme de 16.421,64 euros à ce titre.
Le jugement querellé doit être infirmé de ce chef.
Sur la responsabilité de la CEPAC :
Monsieur et Madame [Y] ont présenté à titre principal et reconventionnel, et non subsidiaire, une demande de condamnation de la CEPAC à leur payer la somme de 16.421,64 euros chacun, en réparation de leur préjudice respectif, au motif que leur engagement de caution est disproportionné, que la CEPAC a manqué à son obligation d'information et de vigilance à leur égard et que l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur et Madame [Y] est nul pour dol.
Sur la disproportion de l'engagement de caution :
Les appelants plaident que leur engagement était disproportionné au moment de la conclusion des cautionnements litigieux en invoquant les dispositions de l'article L. 332-1 du code de la consommation (ancien article L. 341-4), disposant qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Monsieur et Madame [Y] affirment que ce texte leur est applicable et qu'ils ne disposent pas plus d'un patrimoine suffisant pour assurer leur engagement au moment où la CEPAC en réclame l'exécution.
Ils soulignent que le banquier doit alerter la caution, quant à ses capacités financières et quant aux risques de l'endettement né de l'octroi des prêts. La banque a l'obligation d'examiner la situation financière de la caution et de s'assurer de sa capacité de remboursement prévisionnel.
La CEPAC réplique que la preuve d'une éventuelle disproportion n'est nullement rapportée.
Il appartient toutefois aux cautions de rapporter la preuve de la disproportion alléguée.
Les appelants plaident qu'au moment de l'engagement, leurs revenus et biens ne leur permettaient en aucun cas de garantir le prêt à hauteur de 76.050 euros chacun, soit 50% du montant du prêt en principal majoré de 30% et ce pour une durée de 9 ans.
Pour justifier de cette prétention, Monsieur et Madame [Y] versent aux débats :
La fiche de renseignements BR de Monsieur [Y],
La fiche de renseignements BR de Madame [Y],
La déclaration de revenus 2011 de Monsieur et Madame [Y],
L'avis d'impôts 2012 des époux [Y],
Des documents Pôle Emploi de Monsieur [Y] en 2011,
Des documents Pôle Emploi de Madame [Y] en 2011,
Le livret de famille des époux [Y].
Selon la pièce N° 8 des appelants, correspondant à la fiche de renseignements confidentiels fournie par Monsieur [T] [Y], signée par ses soins le 25 mars 2011, la caution déclarait percevoir un revenu professionnel de 1.500 euros par mois sur douze mois, ne pas disposer de bien immobilier ni de devoir rembourser d'emprunt.
Le même jour, par une fiche distincte, Madame [S] [Y] déclarait (pièce N° 9) percevoir un revenu mensuel de 965 euros alors qu'elle était sans emploi.
Leur déclaration de revenus pour l'année 2011 correspond à ce niveau de ressources pour les deux cautions (pièce N° 11).
Enfin, l'avis d'imposition 2012 sur les revenus pour cette année 2011, exonère Monsieur et Madame [Y] de tout paiement, retenant un revenu imposable annuel de 20.145 euros pour le couple ayant deux enfants à charge.
Ces éléments sont corroborés par l'avis de prise en charge de Monsieur [T] [Y] au titre de l'allocation de retour à l'emploi (ARE) le 7 juin 2011 et les documents démontrant que Madame [Y] était inscrite à POLE EMPLOI au mois de juin 2011.
Or, le contrat de prêt consenti à la société AUREADRE stipule que les fonds sont mis à sa disposition le 6 juillet 2011. Les engagements de caution ont été acceptés par Monsieur et Madame [Y] le 5 juillet 2011.
A cette date, il est donc établi que les deux cautions, qui s'engageait chacune pour la somme de 76.050 euros, ne présentaient en réalité aucune ressource régulière suffisante ni aucun patrimoine immobilier ou mobilier leur permettant de couvrir cet engagement.
Si la CEPAC rappelle justement que chacun des appelants devait garantir à la CEPAC la somme de 422,41 par mois, elle omet de considérer que Madame [Y] percevait alors une allocation de 965 euros par mois, s'engageant alors pour près de la moitié de ses revenus mensuels tout en ayant deux enfants à charge.
Monsieur [Y], quant à lui, déclarait un revenu de 1.500 euros par mois, et s'engageait alors pour un remboursement mensuel de plus de 25 %.
Enfin, il est erroné de rechercher si les deux cautions disposaient d'une faculté de remboursement mensuel du prêt alors que leur engagement doit être évalué en prenant en compte la défaillance de la société emprunteuse et donc la totalité des sommes exigibles en cas de déchéance du terme.
Le fait que, le 20 juin 2011, les associés de la société AUREADRE aient consenti à la CEPAC une convention de blocage de compte courant d'associé est sans rapport avec les cautionnements litigieux, constituant en réalité des garanties complémentaires prises par le prêteur.
Monsieur et Madame [Y] sont donc bien fondés à soutenir qu'ils se trouvaient, chacun, dans l'impossibilité manifeste de faire face à leur engagement avec leurs biens et leurs revenus lorsqu'ils ont souscrit leur engagement individuel.
La CEPAC ne peut donc se prévaloir des deux cautionnements invoqués respectivement contre Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y].
Le jugement querellé ayant considéré à tort que les revenus des époux [Y] étaient suffisants pour leur permettre de se porter caution d'un prêt de 117.000 euros, avec des mensualités garanties à hauteur de 50 %, soit 422,41 euros par chacune des cautions, doit être infirmé.
Sur le manquement de la CEPAC à son obligation d'information et de vigilance:
Monsieur et Madame [Y] reprochent à la CEPAC d'avoir omis de les mettre en garde contre les risques d'endettement encourus en raison de leur engagement de caution.
La CEPAC conteste ce manquement en plaidant qu'elle n'y était pas tenue dans la mesure où les époux [Y] sont des cautions averties du fait de leurs fonctions au sein de la société AUREADRE. Elle invoque la jurisprudence constante précisant que seules les cautions non averties sont créancières de l'obligation de mise en garde. Elle soutient que la caution dirigeante est censée disposer d'un degré de connaissance suffisant sur la situation de la société cautionnée, lui permettant d'être informée sur les risques encourus au regard de sa capacité financière et de la rentabilité de l'opération garantie. Elle affirme que Monsieur [Y], en sa qualité de gérant de la SARL AUREADRE, était une caution avertie, tandis que Madame [Y], associée de la société avait toutes les possibilités et tous les outils pour connaître la situation de la société au moment où elle souscrivait son engagement, tant sur le plan comptable qu'en ce qui concerne son activité actuelle et prévisionnelle, et pour mesurer ainsi les risques de son engagement
Cependant, la cour rappelle que la caution avertie est celle qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis Elle doit disposer d'un degré de connaissance suffisant lui permettant d'être informée sur les risques encourus tant au regard de ses capacités financières que sur la rentabilité de l'opération.
Contrairement à ce qu'affirme l'intimée, cette qualité ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale.
En l'espèce, la CEPAC savait que Monsieur [Y] exerçait une activité de "responsable de communication et logistique " (fiche confidentielle de renseignements (pièce N° 17 de l'intimée) percevant un revenu relativement modeste de 1.500 euros par mois qui permet de comprendre qu'il n'assumait pas de responsabilités de gestion dans l'entreprise dans laquelle il était alors salarié.
Madame [S] [Y], simple associée de la société AUREADRE, était alors sans emploi.
Ainsi, la CEPAC est mal fondée à soutenir qu'elle était déchargée de son obligation de mise en garde au motif que Monsieur et Madame [Y] auraient été des cautions averties.
Compte tenu de ce manquement, la CEPAC a bien commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de Monsieur et Madame [Y].
Toutefois, ceux-ci réclament, chacun, la somme de 16.421,64 euros, en réparation du préjudice subi.
Cette somme correspond à celle dont le paiement est sollicité par la CEPAC à leur encontre.
Ainsi, en l'absence de condamnation à payer les sommes dues à la SARL AUREADRE, Monsieur et Madame [Y] ne justifient d'aucun préjudice.
Leur demande doit être rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [T] [Y] et de Madame [S] [Y].
Sur la nullité de l'acte de cautionnement pour dol :
Enfin, Monsieur et Madame [Y] invoquent la nullité des actes de cautionnement en affirmant que la CEPAC a commis un dol à leur encontre en s'abstenant de les infirmer sur les modalités et conditions d'exécution de la garantie OSEO. Ils soutiennent que, selon la jurisprudence, ce défaut d'information peut induire en erreur les cautions qui pensent, à tort, que cette garantie limitera d'autant la somme qui pourra leur être réclamée en vertu de leur engagement de caution. Il peut aussi être à l'origine d'un préjudice consistant dans la perte d'une chance de ne pas avoir souscrit de cautionnement. Selon les appelants, il appartient à la banque de démontrer qu'elle a correctement informé les cautions-dirigeants profanes de la portée de la garantie OSEO SOFARIS et surtout de son caractère subsidiaire.
Selon la CEPAC, indépendamment de la mise en jeu de la garantie d'OSEO, en leur qualité de caution personnelle et solidaire, les époux [Y] restaient tenus d'honorer leur engagement de caution.
La cour observe en effet que, l'existence de la garantie OSEO n'aurait rien changé au sort des cautionnements litigieux, si elle avait été mise en jeu, puisque le créancier pouvait agir contre chacun d'eux, à hauteur de la moitié des sommes dues, au titre du prêt consenti à la SARL AUREADRE.
Ainsi, les appelants ne démontrent pas que la CEPAC se serait livré à des man'uvres frauduleuses pour obtenir leur caution et conduire Monsieur et Madame [Y] à s'engager à hauteur des sommes dues par la SARL AUREADRE, indépendamment du jeu de la garantie OSEO SOPHARIS, clairement évoquée dans les actes de cautionnement dès l'article 1er.
Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention des époux [Y].
Sur les autres demandes :
La CEPAC supportera les dépens de l'appel et de la première instance ainsi que les frais irrépétibles de chacun des appelants selon le montant fixé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] de leur demande de nullité des actes de cautionnement et de dommages et intérêts à ce titre ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
DECLARE mal fondées la demande de la CEPAC au titre de l'exigibilité du solde du prêt consenti à la SARL AUREADRE ;
DIT que les engagements de caution consentis par Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] sont disproportionnés ;
DIT que la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE a manqué à son devoir de mise en garde et d'information à l'égard des deux appelants ;
DEBOUTE Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE, faute de préjudice;
DEBOUTE la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE de sa demande en paiement à l'encontre de Monsieur [T] [Y] et Madame [S] [Y] ;
CONDAMNE la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE à payer à Monsieur [T] [Y] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE à payer à Madame [S] [Y] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la CAISSE D'ÉPARGNE PROVENCE-ALPES-CORSE aux dépens de première instance et de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT