Arrêt N°
PC
R.G : N° RG 21/00501 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FQUO
[C]
C/
[E]
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 28 JUIN 2022
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT-DENIS en date du 25 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 19 MARS 2021 rg n°: 20/02305
APPELANT :
Monsieur [Z] [X] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Iqbal AKHOUN de la SELARL IAVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Madame [N] [M] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Damayantee GOBURDHUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture: 21 septembre 2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Avril 2022 devant la cour composée de :
Président :Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseiller
Conseiller :Madame Isabelle OPSAHL, Vice-présidente placée
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 28 Juin 2022.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 28 Juin 2022.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE
LA COUR
Par jugement en date du 9 mai 2017 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saint-Denis a prononcé le divorce de Monsieur [Z] [C] et de Madame [N] [M] [E].
Poursuivant l'exécution de cette décision, le 27 août 2020, Madame [E] a fait dresser un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE de l'OCEAN INDIEN (BFCOI) sur le compte ouvert au nom de Monsieur [C] pour la somme de 19.200 euros correspondant au montant de la prestation compensatoire. Monsieur [C] s'est vu dénoncer cette mesure d'exécution le 31 août 2020
Par acte d'huissier délivré le 29 septembre 2020, Monsieur [C] a fait assigner Madame [E] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Denis aux fins d'obtenir la mainlevée de la saisie attribution.
Par jugement en date du 25 février 2021, le juge de l'exécution a statué en ces termes :
Déboute Monsieur [C] de ses demandes de mainlevée de la saisie-attribution, et de délais de paiement,
Condamne Monsieur [C] à payer à Madame [E] une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Rappelle que l'exécution provisoire est de droit,
Condamne Monsieur [C] aux dépens de l'instance.
Monsieur [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe déposée par RPVA le 19 mars 2021.
Une ordonnance fixant l'audience à bref délai a été rendue le 27 avril 2021.
L'appelant a signifié la déclaration d'appel et l'avis de bref délai à Madame [E] par acte d'huissier délivré le 29 avril 2021.
Madame [E] a constitué avocat le 6 mai 2021.
Monsieur [C] a déposé ses conclusions par RPVA le 27 mai 2021.
L'intimée n'a pas conclu.
L'affaire a d'abord été examinée à l'audience du 21 septembre 2021.
Par arrêt avant dire droit en date du 3 décembre 2021, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à produire les pièces établissant le caractère exécutoire de la disposition relative à la prestation compensatoire contenue dans le jugement de divorce prononcé entre les parties le 9 mai 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Saint-Denis.
Après renvoi, l'affaire a de nouveau été examinée à l'audience du 19 avril 2022, jour de la clôture.
***
Par dernières conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 19 avril 2022, suivant l'arrêt avant dire droit, Monsieur [C] demande à la cour de:
Infirmer le jugement querellé ;
Statuant à nouveau,
Vu l'article L. 213-6 du Code de l'Organisation Judiciaire,
Vu l'article 503 du code de Procédure Civile,
DIRE que la signification du jugement du 9 mars 2017 est irrégulière,
DIRE que la décision n'était pas exécutoire,
En conséquence, ORDONNER la restitution de l'intégralité des fonds saisis,
ORDONNER la mainlevée de la saisie-attribution opérée le 27 aout 2020, dénoncée le 31.08.2020, en donnant acte du fait que le requérant est d'accord pour régler à Madame [N] [M] [E], la somme de 200,00 euros par mois, suivant les prescriptions du jugement du 9 mai 2017,
AUTORISER Monsieur [Z] [X] [C] à payer la prestation compensatoire à hauteur de 200 euros par mois compte tenu de la situation financière.
CONDAMNER Madame [N] [M] [E] à la somme de 2.000,00 euros sur fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
La CONDAMNER aux entiers dépens .
Monsieur [C], répondant aux demandes d'observation de la cour, expose que, faute de signification du jugement de 2017, le jugement n'était pas exécutoire et ne pouvait pas être exécuté. Si le jugement n'est pas signifié régulièrement, les saisies opérées étaient irrégulières, il faut donc restituer les fonds saisis. Or, force est de constater qu'au vu des pièces produites le 14 mars 2022 par la partie adverse, la signification par huissier du 19 juin 2017 n'est pas valable, car elle a été faite à l'étude d'huissier. L'avis de passage n'est pas produit (cf. pièce 2 partie adverse). La signification du jugement est donc irrégulière puisque Monsieur [C] n'en n'a pas eu connaissance. Il faut en déduire que le jugement du 9 mars 2017 n'était pas exécutoire.
Au fond, l'appelant expose que le jugement de divorce allouait à Madame [E] la somme de 19.200 euros à titre de prestation compensatoire, ou à défaut, par mensualités de 200 euros pendant huit années. Il n'a jusqu'alors pas été en mesure de régler cette somme en capital.
Monsieur [C] précise qu'il exerce ses activités en qualité d'artisan, maçon. Le dernier bilan de son activité démontre que la situation financière de Monsieur [C] ne lui permettait aucunement de s'acquitter de 19.200 euros en capital.
Il considère que la saisie est particulièrement pénalisante car il n'est plus en mesure de régler les différentes dépenses pourtant nécessaires tant à son activité qu'à son quotidien. Les fonds saisis sur son compte correspondent à un fond de roulement lui permettant d'acheter le matériel nécessaire, mais aussi de payer ses fournisseurs, ainsi que les organismes sociaux, outre ses charges courantes. L'appelant demande " à Monsieur le Juge de l'Exécution " d'ordonner la main levée de la saisie attribution en ce qu'elle ne respecte pas les termes du jugement sur lequel elle se fonde et crée une situation financière intenable pour Monsieur [C].
Madame [E], bien que constituée, n'a pas conclu dans les délais requis.
La cour a adressé aux parties un avis par RPVA en cours de délibéré rédigé comme suit :
" Vu les articles 16 et 74 du code de procédure civile, la cour invite les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité de l'exception de nullité de la signification du jugement soulevée par Monsieur [C] après ses conclusions au fond. "
Par note, intitulée " conclusions en réplique ", déposées le 30 mai 2022 par RPVA, Madame [E] expose que Monsieur [C] tente de soulever une exception de nullité portant sur l'acte de signification du jugement dont s'agit qui ne saurait aboutir. En effet, aucun texte ni règlement ne prévoit, qu'à défaut de production de l'avis de passage d'une signification, la signification dudit jugement serait irrégulière comme l'indique le Conseil adverse.
Monsieur [C] n'a pas répondu.
MOTIFS
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
Madame [E], n'ayant pas déposé de conclusions avant la clôture, est réputée s'approprier les motifs du jugement querellé en vertu des prescriptions du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile. Ses dernières écritures adressées à la cour en réponse à une demande d'observations ne peuvent constituer des conclusions régulièrement déposées, même si son avis sur la demande de nullité soulevée par Monsieur [C] doit être pris en compte.
Sur le caractère exécutoire du jugement de divorce et sa signification:
Aux termes de l'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.
Aux termes de l'article 503 du code de procédure civile, Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.
Monsieur [C] confirme qu'il avait bien reçu signification du jugement de divorce fixant à sa charge une prestation compensatoire, objet de la saisie-attribution litigieuse puisqu'il invoque la nullité de l'acte, arguant même que cette signification figure au dossier de Madame [E] bien que celle-ci n'ait pas conclu.
Cependant, l'appelant n'a jamais fait état de la nullité de la signification du jugement puisque ses conclusions de première instance font valoir d'abord sa situation économique difficile et, en second lieu, évoquent l'interprétation du jugement de divorce en ce qui concerne le paiement de la prestation compensatoire.
S'agissant d'une exception de nullité de l'acte de signification, causée par l'absence de production de l'avis de passage de l'huissier instrumentaire, celle-ci n'aurait été recevable qu'avant toute conclusion au fond, ce qui n'est pas le cas puisque ses premières conclusions d'appelant, déposées par RPVA le 27 mai 2021, ne soulèvent aucune exception de nullité fondée sur l'irrégularité de la signification.
En conséquence, l'exception de nullité de la signification du jugement de divorce est irrecevable.
Le jugement de divorce ainsi signifié a donc acquis un caractère exécutoire.
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution :
Vu l'article 480 du code de procédure civile ;
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.
Monsieur [C] fait valoir que la saisie attribution contestée est d'autant moins régulière et légitime que le jugement prévoyait expressément la possibilité de régler à hauteur de 200 euros par mois, ce à quoi est prêt à s'engager Monsieur [C]. Il réclame en conséquence la mainlevée de la saisie attribution opérée le 27 aout 2020 dénoncée le 31.08.2020, en ce qu'elle ne respecte pas les termes du jugement sur lequel elle se fonde et crée une situation financière intenable pour Monsieur [C]. Il soutient que Madame [E] n'a pas respecté les dispositions du jugement qui autorisait Monsieur [C] à payer la prestation compensatoire sur trois années, à raison de 200 euros par mois.
En l'espèce, le jugement querellé contient une discordance entre les motifs et le dispositif puisque le juge aux affaires familiales n'évoque pas, dans les motifs, la possibilité pour le débiteur de la prestation compensatoire de s'en acquitter sous forme de rente mensuelle de 200 € pendant huit ans. Mais le calcul de la rente mensuelle figurant au dispositif aboutit exactement à la somme de 19 200 € fixée au titre de la prestation compensatoire par le même juge.
Il ne peut s'agir d'une simple erreur de plume puisque le dispositif contient le calcul exact permettant l'apurement de la prestation compensatoire sous forme de rente mensuelle indexée, conformément aux dispositions de l'article 275 du code civil qui prévoit que lorsque que le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.
La cour constate donc que le juge aux affaires familiales avait prévu le paiement de la prestation compensatoire sous forme de rente mensuelle indexée, comme décidé au dispositif du jugement de divorce en date du 9 mai 2017, considérant de fait que le débiteur de la prestation ne disposait pas des moyens de régler la prestation compensatoire en capital.
Ensuite, il résulte des pièces produites que Monsieur [C] était débiteur de la première échéance mensuelle de la prestation compensatoire dès le mois de juillet 2017.
Or, celui-ci ne démontre pas avoir effectué le moindre versement à ce titre avant la saisie attribution du 27 août 2020.
En conséquence, la saisie-attribution est contestée à tort par Monsieur [C] pour le montant dû entre le mois de juillet 2017 et le mois de juillet 2020 au titre de la prestation compensatoire payable sous forme d'une rente mensuelle, soit la somme de 7.200 euros (200 € x 36 mois).
Or, le solde créditeur d'un des deux comptes bancaires saisis ne s'élevant qu'à la somme de 876,67 euros tandis que le second était débiteur de 4.424,85 euros, il n'y a pas lieu d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution contestée puisque le montant saisi n'atteint pas le montant qui était dû par Monsieur [C] au 27 août 2020, sans qu'il soit besoin d'interpréter les dispositions claires du jugement de divorce statuant sur la prestation compensatoire.
Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande de laisser les parties supporter leurs propres dépens et de rejeter la demande indemnitaire formée au titre des frais irrépétibles par l'appelant.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 3 décembre 2021 ;
DECLARE IRRECEVABLE l'exception de nullité de l'acte de signification du jugement de divorce en date du 9 mai 2017 ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
REJETTE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les parties supporter leurs propres dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT