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17/06/2022 | FRANCE | N°20/01029

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 17 juin 2022, 20/01029


AFFAIRE : N° RG N° RG 20/01029 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FMIB

 Code Aff. :





ARRÊT N° LC





ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de Saint-Denis en date du 17 Juin 2020, rg n° 18/00647









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 JUIN 2022





APPELANTE :



Madame [P] [L] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bén

éficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/5236 du 27/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)



INTIMÉES :



Association [7], [8], Association Loi 1901 déclaré...

AFFAIRE : N° RG N° RG 20/01029 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FMIB

 Code Aff. :

ARRÊT N° LC

ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de Saint-Denis en date du 17 Juin 2020, rg n° 18/00647

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 17 JUIN 2022

APPELANTE :

Madame [P] [L] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Céline CAUCHEPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/5236 du 27/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

INTIMÉES :

Association [7], [8], Association Loi 1901 déclarée à la Préfecture de SAINT DENIS, inscrite au SIRET sous le n° 49037501100023

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2022 en audience publique, devant Laurent CALBO, conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté de Nadia HANAFI, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 17 JUIN 2022;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Alain LACOUR

Conseiller:Laurent CALBO

Conseiller :Aurélie POLICE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 17 JUIN 2022

LA COUR :

Exposé du litige :

Mme [P] [L] [B], salariée de l'association [7] ' [8] (l'association) en qualité d'employée à domicile, a déclaré un accident du travail survenu le 28 octobre 2016 lui ayant occasionné une lombalgie.

La Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) a, par décision du 18 novembre 2016, pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par requête du 4 septembre 2018, Mme [L] [B] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur en suite de l'accident du travail du 28 octobre 2016.

L'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020.

Par jugement rendu le 17 juin 2020, le tribunal a notamment :

- rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action de Mme [L] [B] ;

- rejeté la requête présentée par Mme [L] [B] tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l'association [7] ' [8] ;

- rejeté la demande d'expertise ;

-rejeté la demande présentée par l'association [8] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par Mme [L] [B] par acte du 15 juillet 2020 en intimant l'association et la caisse.

* *

Vu les dernières conclusions déposées par Mme [L] [B] le 6 décembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries du 19 avril 2022 ;

Vu les conclusions déposées par l'association le 6 septembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Vu les conclusions déposées par la caisse le 16 août 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

Vu les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

La faute inexcusable de l'employeur, visée à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, est constituée par le manquement de l'employeur à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé de son salarié, alors qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Par ailleurs, si l'article L.4121-1 du code du travail énonce que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'article L.4122-1 du code du travail prévoit qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Il est constant que la faute inexcusable ne se présume pas, que la preuve de cette faute incombe à la victime qui doit établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était exposée et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, Mme [L] [B] a été victime le 28 octobre 2016 d'un accident sur le lieu du travail dont le caractère professionnel n'est pas discuté.

La déclaration d'accident du travail du même jour (pièce n°12 / appelante) mentionne au titre de l'activité de la victime lors de l'accident «Aide au déplacement du bénéficiaire », de la nature de l'accident « Chute sur la victime », et du siège des lésions « Dos ».

Le certificat médical initial du même jour fait état d'un « lumbago (...)».

L'indemnisation du préjudice de Mme [L] [B] résultant de cet accident est assurée par le versement des indemnités journalières puis, après consolidation, de manière forfaitaire le cas échéant par le service d'une indemnité ou d'une rente en fonction de la détermination du taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'état séquellaire. L'indemnisation complémentaire de son préjudice est en revanche subordonnée, dans la limite des dispositions des articles L.452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à la reconnaissance préalable de la faute inexcusable de l'employeur.

En premier lieu, Mme [L] [B] explique dans ses écritures qu'elle a ressenti une « immense » douleur dans le dos en soulevant une patiente.

Sur ce point, l'employeur fait siens les motifs du jugement en ce qu'il est précisé que les circonstances de l'accident ne sont pas démontrées.

Dans sa requête déposée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la victime contestait les ports de charges lourdes imposés par son employeur lors des transferts des patients, du port des courses et des déplacements de meubles pour le ménage, sans préciser les conditions de survenance de l'accident du travail et rattacher la lésion médicalement constatée à un fait accidentel précis.

Dans ses conclusions développées devant les premiers juges, Mme [L] [B] n'invoquait pas l'apparition soudaine d'une lésion lors du port de la patiente. Elle expliquait avoir aidé le patient à se déplacer et à se changer, et effectué le ménage en déplaçant les meubles puis avoir ressenti, ce jour-là, une «  immense » douleur au dos.

Dès lors que les éléments médicaux reprennent les propres déclarations de la victime en ce qui concerne les circonstances du fait accidentel et que Mme [F], collègue de travail, n'était pas témoin direct de l'accident, il n'est pas établi la circonstance, nouvellement invoquée en cause d'appel, selon laquelle l'accident serait la conséquence d'un transfert ou d'un soulèvement de la patiente.

L'accident du travail est donc survenu, tel qu'il résulte de la déclaration d'accident du travail, lors de l'aide au déplacement de la patiente laquelle a chuté sur Mme [L] [B].

En deuxième lieu, Mme [L] [B] estime que l'employeur lui imposait d'intervenir chez Mme [J], personne dépendante, et d'autres patients dépendants, en violation du contrat de travail, l'employeur objectant l'absence de danger.

Il est rappelé que la faute inexcusable alléguée ne peut découler que du manquement de l'association à son obligation légale de sécurité à l'origine du fait accidentel tel que retenu par la cour. Dès lors, les manquements de l'employeur à cette obligation résultant des conditions générales d'exécution du travail et des missions qui ont été confiées à la victime, en dehors de celle à l'origine du fait accidentel précis, ne peuvent servir à la démonstration de la faute inexcusable de l'employeur.

Selon la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et de services à domicile du 21 mai 2010, Mme [L] [B], employée à domicile niveau A1, devait principalement assurer les travaux courants d'entretien de la maison et assister la personne dans des démarches administratives simples.

D'une part, le déplacement de la patiente à cette occasion au sein de son lieu de vie est nécessairement inclus dans les missions dévolues à une employée à domicile niveau A1.

D'autre part, si la Convention précise que l'employé à domicile ne peut intervenir habituellement et de façon continue chez des personnes dépendantes, tel n'était pas le cas de la situation de Mme [L] [B] qui, comme en attestent les plannings produits (pièces n° 5 et 7 / appelante), n'intervenait pas de façon continue au domicile de Mme [J], d'autres salariés y intervenant également.

L'accident est donc intervenu dans le cadre de l'exécution normale du contrat de travail.

En troisième lieu, Mme [L] [B] estime que l'association l'a mise en danger en l'envoyant au domicile de Mme [J], l'employeur objectant que la salariée a été formée à son poste de travail.

D'une part, le contrat de travail de Mme [L] [B] permettait à l'association de lui confier une partie de l'assistance de Mme [J], personne dépendante, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une intervention en continu.

Mme [L] [B] ne justifie pas d'une quelconque alerte adressée à son employeur sur le risque encouru chez Mme [J], l'accident étant intervenu alors qu'elle intervenait régulièrement au profit de cette patiente depuis au moins neuf mois.

Son intervention auprès de cette personne présentait un risque de troubles musculo-squelettiques en lien avec la prise en charge de la victime pour les besoins de son assistance et des travaux ménagers, incluant nécessairement l'aide au déplacement du patient dans son lieu de vie.

Or, l'association justifie des actions de formation organisées au profit de Mme [L]-[B] le 19 septembre 2015 en ce qui concerne l' « amélioration des compétences et maintien des connaissances au métier d'intervenant(e) à domicile » et le 6 août 2016 en ce qui concerne l' « amélioration des compétences et maintien des connaissances au métier d'intervenant à domicile niveau IV » (pièces n°1 et 2 / intimée), pour une durée de quarante-deux heures chacune.

Si Mme [L] [B] indique qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait effectué ces formations, il est toutefois constaté que les attestations sont signées de sa main sans qu'elles aient été arguées de faux.

L'appelante ne faisant que s'interroger sur le contenu de ces formations sans même soutenir que la prévention des risques musculo-squelettiques des patients n'y serait pas dispensée, il sera retenu qu'en produisant ces attestations de formation dont le libellé est explicite, l'employeur justifie de mesures suffisantes promptes à préserver sa salariée du risque de troubles musculo-squelettiques résultant de l'assistance au déplacement des patients dépendants à leur domicile.

Il s'évince de l'ensemble de ces constations qu'il n'est pas établi que l'accident du travail litigieux est la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur.

Le jugement sera confirmé.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [L] [B] à payer à l'association [7] ' [8] la somme de 1 000 euros au titre des frais non répétibles d'instance ;

Condamne Mme [L] [B] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01029
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;20.01029 ?
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