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16/06/2022 | FRANCE | N°19/02413

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 16 juin 2022, 19/02413


AFFAIRE : N° RG 19/02413 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FIBU

 Code Aff. :AP



ARRÊT N°





ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Denis (Réunion) en date du 31 Juillet 2019, rg n° F 18/00105









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022







APPELANTE :



Madame [K] [I] épouse [Z]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Is

abelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





INTIMÉS :



SELARL [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL S.E.S.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représentée



Assoc...

AFFAIRE : N° RG 19/02413 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FIBU

 Code Aff. :AP

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Denis (Réunion) en date du 31 Juillet 2019, rg n° F 18/00105

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANTE :

Madame [K] [I] épouse [Z]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

SELARL [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL S.E.S.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représentée

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 6], association déclarée, représentée par saDirectrice,

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Clôture : 5 octobre 2020

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 avril 2022 devant la cour composée de :

Président :M. Alain LACOUR,

Conseiller :M. Laurent CALBO,

Conseiller :Mme Aurélie POLICE,

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 16 juin 2022.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 16 JUIN 2022

Greffier lors des débats : Mme Monique LEBRUN

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige':

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion du 12 juillet 2017, la liquidation judiciaire de la société SES a été prononcée.

Le 25 juillet 2017, Mme [I] épouse [Z] a été licenciée pour motif économique par la SELARL [L], ès qualités de liquidateur.

Sollicitant l'inscription de sa créance sur le relevé des créances salariales de la société, Mme [I] épouse [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion, qui a, par jugement rendu en formation de départage le 31 juillet 2019':

- fixé la créance de Mme [I] épouse [Z] détenue à l'égard de la société SES comme suit':

- 8 667,64 euros au titre des salaires impayés de février à mai 2015,

- 4 545,56 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5 050,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 505,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- ordonné à Maître [R] [L], en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire, d'inscrire les sommes dues sur l'état des créances de la société SES,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS,

- ordonné à l'AGS de garantir le paiement des fonds dans les conditions prévues aux articles L. 3253-6 et suivants et les plafonds fixés aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- rejeté toute autre demande

- dit que les dépens seront mis à la charge de la société SES, représentée par son mandataire liquidateur, Maître [R] [L].

Appel de cette décision a été interjeté par Mme [I] épouse [Z] par acte du 29 août 2019.

Par ordonnance sur incident du 8 juillet 2020, le conseiller de la mise en état a débouté l'Unédic délégation AGS CGEA de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel interjeté, les conclusions de l'appelante ayant été signifiées par acte extrajudiciaire du 11 décembre 2019 à la SELARL [L] ès qualités.

Vu les dernières conclusions notifiées par Mme [I] épouse [Z] le 4 septembre 2020';

Vu les dernières conclusions notifiées par la CGEA AGS le 20 février 2020, signifiées à la SELARL [L] par acte d'huissier remis à étude le 18 mars 2020';

La SELARL [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SES, n'a pas constitué avocat, bien qu'assignée par acte d'huissier du 11 décembre 2019, remis à personne morale.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 octobre 2020 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 8 juin 2021.

Par arrêt avant dire droit du 3 février 2022, la réouverture des débats a été ordonnée et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce':

Mme [I] épouse [Z] soutient avoir été embauchée, sans contrat de travail écrit, par la société STM Logistique et Organisation à compter du 1er novembre 2006 pour une durée indéterminée et à temps plein, en qualité d'attachée de direction, et avoir été transférée dans les effectifs de la société SES à compter de juin 2007. Elle indique avoir travaillé sous la subordination des gérants de la société, malgré les liens qui l'unissaient aux gérants et le fait que la société SES fasse partie d'un groupe familial, éléments qu'elle considère compatibles avec le statut de salariée. Elle explique avoir continué à assister les dirigeants jusqu'au 25 juillet 2017, date de son licenciement, sans réclamer ses salaires en raison de ses liens familiaux, aux fins de recouvrer les créances de la société. Elle reconnaît avoir créé la société SI3P en 2015, mais précise que son activité n'a pas prospéré.

L'AGS considère en revanche que le lien de subordination de Mme [I] épouse [Z] au sein de la société familiale n'est pas démontré. L'AGS relève qu'aucun contrat de travail n'a jamais été établi, que l'appelante se trouvait associée ou gérante d'autres sociétés du groupe, qu'elle n'a pas perçu de salaire durant deux années, sans réclamation de sa part et alors que la société était sans activité. Elle ajoute que la situation de la société SES ne nécessitait pas le maintien de trois cadres parmi ses effectifs, ce qui a par ailleurs aggravé le passif. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'aucune prestation de travail n'a été réalisée postérieurement au mois de mai 2015.

Le contrat de travail est caractérisé par trois éléments cumulatifs': la fourniture d'une prestation de travail, le versement en contrepartie d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination entre les parties.

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. Le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient toutefois à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est constant que Mme [I] épouse [Z] prétend avoir été salariée de la société STM Logistique et Organisation puis de la société SES, en qualité d'assistante de direction, et produit au soutien ses bulletins de paie des mois de décembre 2006, juin 2007 et de février 2015 à juin 2017. La production de bulletins de paie crée ainsi l'apparence d'un contrat de travail et il incombe à l'AGS d'en démontrer le caractère fictif.

L'AGS produit le procès-verbal de remise de comptabilité établi par la SELARL [L] le 19 juillet 2017, duquel il résulte que Mme [I] épouse [Z] est la fille de M. [S] [I], associé et frère des deux autres co-gérants de la société SES.

Il ressort également du procès-verbal de remise de comptabilité, du bilan de l'année 2017 et du contrôle de comptabilité que la société a perdu tous ses contrats entre 2012 et 2015. La seule activité maintenue courant 2016 a été destinée à recouvrer les créances clients. La société n'avait en revanche plus de nouvelle activité et plus de trésorerie alors que cette dernière affirme avoir maintenu le contrat de trois de ses salariés, ce qui a été considéré par le mandataire liquidateur comme inutile au vu des démarches accomplies et inapproprié au vu de l'aggravation des charges salariales qui apparaît démesurée dans un contexte de liquidation de la société.

Il est en outre constant qu'aucune réclamation ni action n'a été faite par Mme [I] épouse [Z] durant plus de deux années afin de se voir accorder le paiement des salaires qu'elle considère dus. Quels que soient les liens de filiation unissant l'appelante aux gérants de la société, l'absence de toute demande de paiement et d'obtention de ses droits contredit la allégations de Mme [I] épouse [Z] relatives à son statut de salariée.Celle-ci précise n'avoir formé aucune demande salariale afin que la société évite la liquidation. En agissant de la sorte, elle a exercé des fonctions de dirigeant de fait et ne s'est pas située dans une relation de subordination caractéristique de l'existence d'un contrat de travail.

Mme [I] épouse [Z] ne conteste également pas avoir pris la gérance de la société SI3P en février 2015, société appartenant au même groupe. Si le cumul des activités d'associée et de salariée n'est pas impossible, cet élément démontre toutefois l'implication de Mme [I] épouse [Z] à des postes de direction dans les sociétés du groupe.

Enfin, aucun élément ne démontre l'existence d'un lien de subordination entre Mme [I] épouse [Z] et son père et ses oncles. En effet, il résulte des différents courriels versés aux débats, qui datent de 2015 et 2016, que cette dernière était seule en lien avec le dernier client, avec la société Caviglioli-Baron-Fourquie, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société STM, ou avec l'avocat de la société SES, sans que les gérants de la société ne soient en copie des dits courriels, alors que des questions importantes y étaient abordées concernant notamment l'exécution des derniers ordres de transport, la validation de commandes ou les modalités de paiement des créances. De même, il ressort des termes de la transaction conclue le 22 août 2016 entre la société SES et la société STM que Mme [I] épouse [Z] a représenté la société SES au cours d'une réunion tenue le 4 avril 2016, au cours de laquelle a été présenté l'ensemble des pièces justifiant les prestations réalisées pour le compte de STM et facturées. Mme [I] épouse [Z] n'a donc pu accomplir l'ensemble de ces démarches qu'en disposant d'un pouvoir de décision propre.

En l'absence manifeste de toute subordination à l'égard des gérants de la société SES, le caractère fictif du contrat de travail invoqué par Mme [I] épouse [Z] doit être retenu.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et Mme [I] épouse [Z] sera déboutée de ses demandes de fixation d'une créance au passif de la société SES, d'inscription de sommes sur le relevé des créances salariales de la société SES et de garantie de la part de l'AGS.

PAR CES MOTIFS':

La cour,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion en formation de départage le 31 juillet 2019 en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [I] épouse [Z] de sa demande de fixation d'une créance au passif de la société SES, d'inscription par le mandataire liquidateur de sommes sur le relevé des créances salariales de la société SES et de garantie par l'AGS';

Condamne Mme [I] épouse [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière,le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02413
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.02413 ?
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