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16/06/2022 | FRANCE | N°19/01740

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 16 juin 2022, 19/01740


AFFAIRE : N° RG 19/01740 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FGSE

 Code Aff. :





ARRÊT N° LC





ORIGINE :JUGEMENT du TGI POLE SOCIAL de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 10 Avril 2019, rg n° 19/00396









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022







APPELANT :



Etablissement Public Centre Hospitalier Universitaire de la Réunion

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Eloïse

Iteva, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion et Me Omar Yahia, avocat au barreau de Paris





INTIMÉE:



La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion

Contentieux URSSAF

[Adresse 5]

[L...

AFFAIRE : N° RG 19/01740 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FGSE

 Code Aff. :

ARRÊT N° LC

ORIGINE :JUGEMENT du TGI POLE SOCIAL de SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 10 Avril 2019, rg n° 19/00396

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANT :

Etablissement Public Centre Hospitalier Universitaire de la Réunion

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Eloïse Iteva, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion et Me Omar Yahia, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE:

La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion

Contentieux URSSAF

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Philippe Barre de la selarl Philippe Barre, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2022 en audience publique, devant Alain Lacour, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique Lebrun, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Alain Lacour

Conseiller:Laurent Calbo

Conseiller :Aurélie Police

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 16 Juin 2022

Greffier lors des débats : Mme Monique Lebrun

Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

Le centre hospitalier universitaire de la Réunion (CHU) a fait l'objet courant 2016 d'un contrôle de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) concernant la vérification de l'application de la législation de sécurité sociale en matière d'assiette des cotisations sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par lettre d'observations du 7 octobre 2016, la caisse a notifié un redressement de cotisations pour un montant total de 1 503 729 euros.

Sur la base de ce redressement, la caisse a décerné neuf mises en demeure du 16 décembre 2016 à l'encontre du CHU pour un total de 1 711 632 euros incluant les majorations de retard.

Après contestation devant la commission de recours amiable (CRA), le CHU a saisi, par requête du 21 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion d'un recours à l'encontre de la décision de rejet implicite de la CRA.

L'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion.

Par jugement du 10 avril 2019, le tribunal a:

- rejeté le moyen tiré de l'incompétence de la caisse pour réaliser le contrôle;

- validé la procédure de contrôle;

- rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action en paiement de certaines cotisations;

- validé les neuf mises en demeure;

- condamné le CHU à payer à la caisse la somme de 1 711 632 euros;

- rejeté la demande du CHU sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit n'y avoir lieu à dépens.

Appel de la décision a été interjeté par le CHU par acte du 9 mai 2019.

* *

Vu les dernières conclusions déposées par le CHU le 7 septembre 2021, auxquelles il s'est expressément référé lors de l'audience de plaidoiries du 12 avril 2022 ;

Vu les dernières conclusions déposées par la caisse le 31 mai 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

Sur la nullité du jugement :

Vu l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile selon lequel « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. » ;

Le CHU soulève la nullité du jugement en ce qu'il ne comporte aucun exposé, même sommaire, des moyens présentés par la partie adverse, soit la caisse.

Or, le jugement est régulier dès lors que les moyens présentés par les parties résultent, même succinctement, des énonciations de la décision.

Il n'est pas discuté que la motivation du jugement répond aux prétentions et moyens du CHU, demandeur à l'instance.

Le fait que les moyens de la caisse ne soient pas distinctement énoncés est sans emport sur la régularité du jugement dès lors qu'il n'est pas soutenu que le tribunal ait relevé d'office des moyens ce dont il résulte que les moyens présentés par la caisse sont contenus dans la motivation du jugement.

La demande de nullité du jugement sera rejetée.

Sur la régularité de la procédure de contrôle :

Vu les décrets n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 relatif aux redressements des cotisations et contributions sociales en cas de constat de travail dissimulé ou d'absence de mise en conformité et n° 2016-941 du 8 juillet 2016 relatif au renforcement des droits des cotisants ;

Le CHU fait valoir que les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale relatives aux modalités du contrôle, telles qu'elles résultent du décret du 8 juillet 2016, sont applicables aux diligences incombant à la caisse à cette occasion en raison de l'application immédiate des règles de procédure.

La caisse soutient au contraire que les modifications invoquées par l'appelant ne sont pas applicables au litige.

D'une part, l'article 16-1° du décret du 8 juillet 2016 a modifié l'article R.243-59 précité.

L'article 37 du décret du 8 juillet 2016 précise expressément que les dispositions du 1° de l'article 16 s'appliquent aux contrôles engagés à compter du lendemain de la publication du présent décret, à l'exception du sixième alinéa applicable au 1er janvier 2017.

Le contrôle litigieux étant déjà en cours au lendemain de la publication dudit décret, les modifications apportées par le décret du 8 juillet 2016 ne lui sont pas applicables.

D'autre part, les 2° et 3° de l'article 16 du décret du 8 juillet 2016, qui modifient respectivement les dispositions des articles R.243-59-1 et R.243-59-2, ne s'appliquent pas, pour les mêmes raisons, au contrôle litigieux.

Enfin, le 4° de l'article 16 du décret du 8 juillet 2016, qui modifie l'article R. 243-59-3, ne s'applique pas davantage au contrôle litigieux en ce que les modifications sont applicables pour partie aux contrôles mis en 'uvre le lendemain de la publication du décret, et pour autre partie à compter du 1er janvier 2017.

Par ailleurs, si le 5° de l'article 16 du décret du 8 juillet 2016 5° insère, après l'article R. 243-59-3, les articles R. 243-59-4 à R. 243-59-9, le CHU n'en requiert pas l'application en sorte qu'il n'y a pas lieu à rechercher leur application au présent litige.

Il s'évince de ces constatations que les dispositions des articles R.243-59 à R.243-59-3 du code de la sécurité sociale applicables au contrôle litigieux, sont celles antérieures au décret du 8 juillet 2016.

Selon l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, «  Tout contrôle effectué en application de l'article L.243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.

L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L.243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L.243-7-2, L.243-7-6 et L.243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.

L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. ».

En l'espèce, la caisse a notifié un contrôle en application des dispositions de l'article R 243-59 précité.

Il n'a pas été notifié un contrôle utilisant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation en sorte que les dispositions de l'article R.243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, sont indifférentes à la solution du litige.

De même, les dispositions de l'article R.243-59-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, étant applicables aux seuls employeurs et travailleurs indépendants occupant neuf salariés au plus, elles ne concernent pas le contrôle visant le CHU.

Le CHU reproche à la caisse d'avoir transformé le contrôle sur place en contrôle sur pièces, et de s'être abstenu d'examiner les pièces communiquées par la caisse contradictoirement sur place, en violation du principe du contradictoire et de la charte du cotisant.

La caisse rétorque que son contrôle satisfait aux prescriptions du code de la sécurité sociale et que le principe du contradictoire a été respecté par l'envoi de la lettre d'observations suivie des observations de l'employeur.

D'une part, les obligations de la caisse au terme du contrôle en litige résultent strictement des dispositions du code de la sécurité sociale précitées qui s'imposent également au CHU en sa qualité d'employeur. L'appelant ne peut utilement ni exciper de la jurisprudence administrative en matière de contrôle fiscal, ni de sa qualité de personne morale de droit public répondant à des règles comptables ou de gestion dérogatoires au droit commun.

D'autre part, il s'évince de l'article R.243-59 précité que les agents de la caisse peuvent se faire présenter tout document nécessaire au contrôle mais également avoir accès à tout support d'information sans que cette faculté leur soit uniquement ouverte dans les locaux de l'employeur contrôlé.

Enfin, aucune obligation d'analyse des pièces, recueillies sur place ou adressées à la demande de la caisse, au contradictoire des parties ne pèse sur la caisse.

En conséquence, la phase contradictoire est assurée par le seul envoi de la lettre d'observations à propos de laquelle l'employeur peut formuler des observations, ce que le CHU a fait par courrier du 16 novembre 2016.

La Charte du cotisant contrôlé, fût-elle de nature réglementaire comme le prétend le CHU, ne pouvant ajouter aux dispositions spéciales et d'ordre public de l'article R.243-59 précité qui fixent les modalités d'exécution du contrôle, la caisse a ainsi satisfait au principe du contradictoire lors des opérations à l'origine du redressement contesté.

Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle sera rejeté.

Sur la validité des mises en demeure :

Vu l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, selon lequel toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable ;

Le CHU sollicite la nullité des mises en demeure en ce qu'elles n'ont pas été notifiées à son siège social mais à la directrice des ressources humaines du groupe hospitalier sud Réunion.

La caisse oppose que les mises en demeure ont été adressées à l'adresse communiquée par le CHU pour les besoins du contrôle.

La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l'espèce, les mises en demeure du 16 décembre 2016 d'un montant respectif de 2 102 euros, 14 740 euros, 10 434 euros, 3 946 euros, 19 412 euros, 3 990 euros, 603 863 euros et 9 141 euros ont été adressées à la directrice des ressources humaines du Centre hospitalier régional de [Localité 4].

Elles n'ont donc été notifiées ni au siège social du CHU, ni à son représentant légal.

La caisse ne peut valablement opposer qu'il s'agit de l'adresse donnée par l'employeur pour les échanges lors de la procédure de contrôle concernant certains de ces établissements, cette faculté donnée à la personne morale contrôlée, étant sans emport sur les dispositions d'ordre public du code de la sécurité sociale relatives à la notification au débiteur d'une mise en demeure après contrôle.

En conséquence, ces huit mises en demeure, qui n'ont pas permis au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, encourent la nullité.

Seule la mise en demeure d'un montant de 1 044 004 euros, qui ayant été notifiée au siège social du CHU, a permis au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, est donc régulière et fonde à ce titre l'action en recouvrement à hauteur de cette somme.

Le jugement sera infirmé.

Sur les chefs de redressement :

Vu l'article L.242-1 dans sa rédaction applicable au litige, selon lequel tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations;

Vu la lettre d'observations du 7 octobre 2016 ;

La mise en demeure validée fait suite au redressement opéré sur le compte Urssaf n°974000000002860393, correspondant à l'établissement situé au siège du CHU, pour un montant initial de 916 294 euros hors majorations de retard.

Il concerne les chefs de redressements suivants, tels que retenus par la caisse après observations du CHU :

- primes diverses à hauteur de 96 554 euros (n°1),

- versement transport à hauteur de 335 989 euros (n°2),

- avantage en nature logement (hors médecins remplaçants) de 8 386 euros (n°3),

- réduction de cotisations (loi TEPA) de 6 915 euros (n°4),

- frais professionnels non justifiés (voyages) de 48 695 euros (n°5),

- frais professionnels non justifiés (principes généraux) de 920 euros (n°6),

- avantage en nature nourriture de 120 285 euros (n°8),

- changement de régime avec effet rétroactif des agents des collectivités locales de 173 184 euros (n°9),

- frais professionnels non justifiés (frais liés à la mobilité professionnelle) de 112 979 euros (n°10),

- avantage en nature logement (médecins remplaçants) de 13 817 euros (n°11).

Aux termes de ses écritures, le CHU conteste les cotisations réclamées au titre des « avantages en nature de type logement de fonction », soit les chefs de redressement n°3 et 11, des « frais professionnels non justifiés : frais liés à la mobilité professionnelle (voyages) », soit le chef de redressement n°5, de « l'avantage en nature nourriture : évaluation dans le cas général (hors entreprises de restauration) », soit le chef de redressement n°8, et du « changement de régime avec effet rétroactif des agents des collectivités territoriales », soit le chef de redressement n°9.

Il ne conteste donc pas les autres chefs de redressement n°1, 2, 4, 6 et 10, lesquels seront dès lors confirmés.

a) sur le chef de redressement n°3 « avantage en nature logement : évaluation dans le cas général (hors médecins remplaçants) » :

La lettre d'observations précise que des logements sont mis à disposition de certains personnels par le CHU sans que cet avantage en nature ne figure à leurs bulletins de paie.

En l'absence d'éléments produits sur la composition desdits logements, le nombre de pièces a été fixé à 4 en application de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale.

Le CHU a produit en réponse les plans des villas mises à disposition ce qui a conduit à une minoration du redressement à hauteur de 6 956 euros.

D'une part, le CHU reproche à la caisse d'avoir calculé forfaitairement le nombre de pièces des logements de fonction en violation des nouvelles dispositions de l'article R.242-5 précité.

Il est constaté cependant que le redressement a été rectifié à hauteur du nombre de pièces composant réellement les différents logements en litige, en sorte que le moyen tiré du calcul forfaitaire de ce redressement est inopérant.

En tout état de cause, la caisse a exactement appliqué les dispositions de cet article en vigueur avant le décret du 8 juillet 2016, comme il a été précédemment jugé.

D'autre part, le CHU n'apporte aucun élément venant contredire le calcul de la caisse s'agissant notamment de la valeur locative retenue.

Dès lors que la mise à disposition du salarié par l'employeur d'un logement, à titre gratuit ou contre participation, constitue un avantage à nature, l'ensemble des sommes pris en charge pour le compte du salarié par l'employeur est soumis au paiement des cotisations de sécurité sociale.

Le chef de redressement est donc confirmé.

b) sur le chef de redressement n°5 « frais professionnels non justifiés : frais liés à la mobilité professionnelle (voyages) » :

Vu l'article 8 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, modifié par l'article 5 de l'arrêté du 25 juillet 2005 selon lequel « Les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé dans le cadre d'une mobilité professionnelle sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à l'emploi. La mobilité professionnelle suppose un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail du salarié dans un autre lieu de travail. Le travailleur salarié ou assimilé est présumé placé dans cette situation lorsque la distance séparant l'ancien logement du lieu du nouvel emploi est au moins de 50 kilomètres et entraîne un temps de trajet aller ou retour au moins égal à 1 h 30. Toutefois, lorsque le critère de distance kilométrique n'est pas rempli, le critère du trajet aller doit, en tout état de cause et quel que soit le mode de transport, être égal au moins à 1 h 30. » ;

La lettre d'observations relève que si les médecins affectés au CHU dans le cadre d'une mutation fondée sur une arrêté de nomination sont éligibles au dispositif d'exclusion des frais exposés dans le cadre d'une mobilité professionnelle, tel n'est pas le cas des médecins remplaçants recrutés en dehors de tout changement de résidence, ce qui induit un redressement des frais de voyage exclus de l'assiette à hauteur de 48 695 euros.

Le CHU fait valoir que les médecins remplaçants recrutés à la Réunion sont éligibles au dispositif d'exclusion de l'assiette des frais exposés au titre de la mobilité professionnelle, au même titre que les médecins titulaires.

L'employeur est en effet autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales les indemnités destinées à compenser les frais de voyage exposés par un de ses salariés au titre de la mobilité professionnelle.

Cependant, les médecins remplaçants recrutés par le CHU ne sont pas placés dans la même situation juridique que les médecins relevant de la fonction publique hospitalière qui sont affectés au CHU dans le cadre d'une mutation fondée sur un arrêté de nomination.

L'installation des médecins remplaçants à la Réunion n'est pas la conséquence d'un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail pour le compte du même employeur ou dans le cadre d'une mutation au titre d'un même statut d'emploi.

Le recrutement de médecins remplaçants par le CHU ne relève donc pas de la mobilité professionnelle au sens de la législation de sécurité sociale.

Les frais doivent donc être réintégrés dans l'assiette de rémunération servant de base au calcul des cotisations.

Le chef de redressement est confirmé.

c) sur le chef de redressement n°8 « avantage en nature nourriture : évaluation dans le cas général (hors entreprises de restauration) » :

La lettre d'observations précise qu'il a été constaté l'évaluation en nature résultant de la gratuité du repas qu'à hauteur d'un repas maximum par mois pour les internes, les personnels de cuisine n'ayant aucun avantage décompté à ce titre, ce qui justifie d'un redressement de 120 285 euros.

Or, le salarié nourri gratuitement bénéficie d'un avantage en nature.

La caisse a exactement fait application des dispositions de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur avant le décret du 8 juillet 2016 pour calculer, au vu des fichiers informatiques de personnels remis par l'employeur, le montant du redressement résultant des sommes pris en charge par le CHU pour le compte des salariés.

Le CHU, qui se contente de contester dans ses écritures l'application de l'article R.242-5 dans sa version antérieure au 8 juillet 2016, n'apporte aucun élément remettant en cause le calcul ainsi opéré.

Le chef de redressement est confirmé.

d) sur le chef de redressement n°9 «changement de régime avec effet rétroactif des agents des collectivités locales » :

Vu les articles L. 712-1 et R. 712-1 du code de la sécurité sociale, aux termes desquels si le statut social d'une personne est d'ordre public et s'impose de plein droit dès lors que sont réunies les conditions de son application, la décision administrative individuelle d'affiliation qui résulte de l'adhésion au régime général s'oppose à ce qu'une immatriculation au régime spécial de la fonction publique puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l'affiliation antérieure;

La lettre d'observations indique que des régularisations d'assiette ont été effectuées pour des salariés titularisés avec un effet rétroactif antérieur à la date de prise d'effet du grade et non à la date de la décision de nomination pour un montant de 173 184 euros.

En l'absence de justification de la date de signature des décisions de nomination malgré demande en ce sens, la caisse a maintenu son redressement pour son entier montant.

Le CHU objecte qu'au regard des dispositions applicables à la fonction publique, la titularisation d'un agent prend effet rétroactivement à la date de fin de stage.

Cependant, lorsqu'un salarié de droit privé affilié régulièrement au régime général de la sécurité sociale est titularisé dans la fonction publique hospitalière avec effet rétroactif, son affiliation qui en résulte au régime spécial de la fonction publique, ne met pas rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l'affiliation antérieure.

C'est donc à tort que le CHU a opéré des régularisations d'assiette entre les anciens et nouveaux régimes de sécurité sociale, au regard de l'effet rétroactif attaché à l'affiliation au nouveau régime.

Le chef de redressement est donc confirmé.

e) sur le chef de redressement n°11 « avantage en nature logement : évaluation dans le cas général ( médecins remplaçants) » :

La lettre d'observations précise que des logements sont mis à disposition des médecins remplaçants par le CHU sans que cet avantage en nature figure au bulletin de paie des personnels concernés, entraînant un redressement de 13 817 euros.

Pour les motifs exposés précédemment, cette situation constitue un avantage en nature conduisant à redressement évalué par application de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur avant le décret du 8 juillet 2016.

Par ailleurs, si le CHU fait valoir que, s'agissant de médecin remplaçant, il s'agit de frais exposés au titre de la mobilité professionnelle, il a été jugé que le dispositif d'exonération de l'assiette des cotisations consécutif à la mobilité professionnelle n'était pas applicable à la situation des médecins remplaçants.

L'avantage en nature étant caractérisé, l'ensemble des sommes prises en charge pour le compte du salarié par l'employeur est soumis au paiement des cotisations de sécurité sociale.

Le chef de redressement est confirmé.

En conséquence de ces constatations, les redressements contestés par le CHU sont fondés à hauteur de 916 294 euros.

La mise en demeure du 16 décembre 2016 d'un montant de 1 044 004 euros, dont 127 710 euros au titre des majorations de retard, sera validée.

Le CHU sera condamné au paiement de cette somme, les parties étant déboutées de leurs demandes contraires ou plus amples.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Rejette la demande de nullité du jugement ;

Infirme le jugement rendu le 10 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion ;

Statuant à nouveau,

Rejette le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle ;

Annule les mises en demeure du 16 décembre 2016 d'un montant de 2 102 euros, 14 740 euros, 10 434 euros, 3 946 euros, 19 412 euros, 3 990 euros, 603 863 euros et 9 141 euros ;

Rejette le moyen tiré de la nullité de la mise en demeure du 16 décembre 2016 d'un montant de 1 044 004 euros ;

Valide la mise en demeure du 16 décembre 2016 d'un montant de 1 044 004 euros ;

Condamne le Centre hospitalier universitaire de la Réunion à payer à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 1 044 004 euros au titre du redressement de cotisations sociales en suite de la lettre d'observations du 7 octobre 2016 concernant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne le Centre hospitalier universitaire de la Réunion à payer à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 5 000 euros au titre des frais non répétibles d'instance;

Condamne le Centre hospitalier universitaire de la Réunion aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01740
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.01740 ?
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