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05/05/2022 | FRANCE | N°19/02726

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre sociale, 05 mai 2022, 19/02726


AFFAIRE : N° RG N° RG 19/02726 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FIVC

 Code Aff. :



ARRÊT N°





ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal de Grande Instance de SAINT DENIS en date du 18 Septembre 2019, rg n° 19/00159









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2022









APPELANTE :



S.A.R.L. [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Alexandre Alquier de la Selarl Alquier & associés, avoca

t au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion





INTIMÉE:



La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe Barre de la selarl Philippe Barre, avo...

AFFAIRE : N° RG N° RG 19/02726 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FIVC

 Code Aff. :

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal de Grande Instance de SAINT DENIS en date du 18 Septembre 2019, rg n° 19/00159

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Alexandre Alquier de la Selarl Alquier & associés, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion

INTIMÉE:

La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe Barre de la selarl Philippe Barre, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2022 en audience publique, devant Aurélie POLICE, conseillère chargée d'instruire l'affaire, assistée de Nadia Hanafi, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 mai 2022;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Alain Lacour

Conseiller:Laurent Calbo

Conseiller :Aurélie Police

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 05 mai 2022

Greffier lors des débats : Mme Nadia Hanafi,

Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

Par requête enregistrée le 6 octobre 2017, la SARL [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Denis de la Réunion en contestation d'une décision implicite de la commission de recours amiable de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSSR) relative à la validation d'une mise en demeure en date du 22 mai 2017 portant sur la somme de 45 792 euros. La procédure a été transmise au tribunal de grande instance de Saint-Denis-de-la-Réunion qui, par jugement du 18 septembre 2019, a notamment rejeté la demande de transmission d'une question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, validé la mise en demeure à hauteur de 45 792 euros et condamné la SARL [6] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel de cette décision a été interjeté par la SARL [6] le 25 octobre 2019.

Vu les conclusions notifiées les 30 juin 2020 et 27 mai 2021 par la SARL [6], oralement soutenues à l'audience de plaidoiries du 22 février 2022 ;

Vu les conclusions notifiées le 7 septembre 2021 par la CGSSR, oralement soutenues à l'audience ;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

A titre liminaire, il y a lieu de relever que l'appelant développe un argumentaire sur la recevabilité de l'appel au motif que la caisse la contesterait. Or, à la lecture des écritures de la caisse, il n'est nulle part fait mention d'une irrecevabilité de l'appel en raison du montant de la demande.

L'appel est recevable.

Sur la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne :

Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le juge national saisi, s'il estime qu'une décision sur l'interprétation d'un traité ou des actes pris par les institutions de l'Union est nécessaire pour rendre son jugement, peut demander à la Cour de statuer sur cette question. Si le renvoi préjudiciel devant la CJUE est obligatoire lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, tel n'est pas le cas en l'espèce, le présent arrêt étant susceptible de pourvoi.

En l'espèce, la SARL [6] souhaite voir poser une question préjudicielle relative au fait de savoir si un organisme de droit privé en charge d'une mission d'intérêt général, telle que la gestion d'un régime légal d'assurance maladie ou de retraite doit relever de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement et du Conseil.

Elle soutient en effet qu'un régime inégalitaire existerait entre les citoyens européens dès lors que les autres ressortissants de l'Union européenne peuvent choisir leur assureur sur la base du risque et non du revenu alors qu'en droit français, relèvent de la loi la participation obligatoire à un régime, la détermination des personnes qui y sont affiliées ainsi que la définition de la nature des conditions qui rendent cette application obligatoire. La société conteste le droit pour la caisse de réclamer les cotisations au motif que cette dernière violerait les dispositions du traité européen.

Toute l'argumentation de l'appelante repose donc sur le fait que les cotisations appelées seraient des cotisations d'assurance, qui ne vaut que pour les travailleurs indépendants qui doivent s'assurer au titre de leur activité.

Or, la lettre d'observations du 9 février 2017, préalable à la mise en demeure litigieuse, fait expressément référence aux dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale relatives aux cotisations assises sur les revenus d'activité des travailleurs salariés et assimilés. La CGSSR indique en préambule de sa lettre que l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale est constituée de l'ensemble des sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail. Elle procède ensuite au redressement de la société employeur en raison d'erreurs commises sur l'assiette de calcul des cotisations patronales.

L'argumentation de l'appelante est donc inadéquate au présent litige et la question préjudicielle qu'elle propose n'apparaît dès lors pas pertinente.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de transmission de cette question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

Sur la justification de l'envoi de la mise en demeure

Dans ses dernières écritures, la SARL [6] soutient, au visa de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, que la contrainte doit être précédée d'une mise en demeure régulièrement délivrée et que si l'acte de recouvrement attaqué dans la présente instance est une contrainte et que cette preuve fait défaut, elle devra être annulée.

Il convient de constater que ce dossier ne porte pas sur une contrainte et que ce moyen est sans objet en l'espèce.

Sur la régularité de la mise en demeure

Sur la nullité pour absence d'information du cotisant sur la nature, la cause et l'étendue de l'obligation

Selon l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au cas d'espèce, « Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».

Selon l'article R. 244-1 du code précité, « L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement est établi en application des dispositions de l'article L. 243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d'observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l'agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d'observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l'agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l'article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif ».

La mise en demeure doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; à cette fin il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte. L'inobservation de ces prescriptions, qui constitue l'omission d'un acte et non un vice de forme, en affecte la validité sans que soit exigée la preuve d'un grief.

En l'espèce, la SARL [6] soutient que les mentions portées sur la mise en demeure ne lui permettaient pas de connaître avec certitude l'étendue et la cause de son obligation, notamment lorsque la mise en demeure porte la mention « provisionnelle ».

Il convient toutefois de constater que la mise en demeure du 22 mai 2017 comporte les mentions suivantes :

- numéro de compte cotisant : 974 3021980401

- numéro Siren : [N° SIREN/SIRET 1]

- motif de mise en recouvrement : « contrôle ' chefs de redressements notifiés par lettre d'observations en date du 9 février 2017 adressée en recommandé avec accusé de réception conformément à l'article R. 243-59 et suivants du code de la Sécurité sociale »

- nature des cotisations et contributions sociales : employeurs de personnel salarié

- période : année 2014 et année 2015

- montant des cotisations et contributions : 5 559 euros et 34 244 euros

- majorations de retard : respectivement 1 058 euros et 4 931 euros.

Il y est également précisé dans la mise en demeure qu'il s'agit du « montant des redressements suite au dernier échange du 11 avril 2017 ».

En outre, la mise en demeure ne fait apparaître aucune mention de sommes appelées à titre « provisionnel ».

Ainsi donc, la SARL [6] ne pouvait ignorer l'étendue et la nature de son obligation puisqu'il est fait mention des montants de redressements pour chaque période, de la lettre d'observations détaillées du 9 février 2017 et de l'échange que les parties ont eu à propos des cotisations et contributions réclamées.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé la mise en demeure du 22mai 2017 pour un montant total de 45 792 euros.

Sur la nullité formelle de la contrainte pour violation du code des relations entre le public et les administrations

La SARL [6] soutient que la contrainte n'est pas signée.

Or, il convient de relever que le présent litige porte sur une mise en demeure et qu'aucune contrainte n'est versée aux débats.

En conséquence, ce moyen est sans objet en l'espèce.

Sur les demandes en réparation de préjudice et de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs

La SARL [6] sollicite, à titre subsidiaire, la réparation de son préjudice à hauteur de l'acte de recouvrement réclamé.

La société, déboutée de ses prétentions, ne démontre aucune faute de la part de l'organisme. Elle sera déboutée de sa demande en réparation de son préjudice.

En outre, la CGSSR sollicite de voir condamner la SARL [6] au paiement de dommages et intérêts.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne saurait dégénérer que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou encore d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, la CGSSR ne démontre ni que la société aurait agi avec intention de nuire ou malice ni qu'elle aurait subi un préjudice. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Contrairement aux allégations de la SARL [6], la CGSSR n'a pas à justifier des frais particuliers qu'elle a pu supporter, l'article 700 du code de procédure civile étant applicable même en l'absence de représentation obligatoire. L'allocation d'une somme sur le fondement de cette disposition relève du pouvoir discrétionnaire des juges et n'est soumise à aucune obligation légale de justificatifs desdits frais.

Le jugement critique sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL [6] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et la situation respective des parties justifient l'application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. Il convient de condamner la SARL [6] à payer à la CGSSR la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SARL [6], partie perdante, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 18 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL [6] de sa demande en réparation de son préjudice ;

Déboute la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SARL [6] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02726
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;19.02726 ?
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