La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2022 | FRANCE | N°21/00098

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 15 avril 2022, 21/00098


ARRÊT N°22/202

PB



N° RG 21/00098 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FPWQ













[H]





C/



[H]

[H]

































































COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 15 AVRIL 2022



Chambre civile TGI





Vu l'a

rrêt de la cour de Cassation en date du 19 novembre 2020 ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion suite au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion en date du 02 juin 2017 (RG N°16/01739),



Vu la déclaration de saisine en date du 22 janvier 2021,





APPELANTE :



Madame [N] [H] épou...

ARRÊT N°22/202

PB

N° RG 21/00098 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FPWQ

[H]

C/

[H]

[H]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

Chambre civile TGI

Vu l'arrêt de la cour de Cassation en date du 19 novembre 2020 ayant cassé et annulé l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion suite au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion en date du 02 juin 2017 (RG N°16/01739),

Vu la déclaration de saisine en date du 22 janvier 2021,

APPELANTE :

Madame [N] [H] épouse [L]

[Adresse 3]

Représentant : Me Eric HAN KWAN de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMES :

Madame [R] [H]

[Adresse 2]

Représentant : Me Fabrice SAUBERT de la SCP GAILLARD - SAUBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/1897 du 28/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [F] [X] [H]

[Adresse 1]

Représentant : Me Bernard CHANE TENG de la SELARL CHANE-TENG BERNARD, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLOTURE LE : 15 juin 2021

DÉBATS : En application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2021 devant la Cour composée de :

Président :Monsieur Alain LACOUR, Président de chambre

Conseiller :Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre

Conseiller :Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

Greffier lors des débats et de la mise a disposition : Madame Hélène MASCLEF, directrice des services de greffe judiciaires.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 15 avril 2022.

***

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Monsieur [F] [H] est propriétaire d'une parcelle cadastrée [Cadastre 4] située à [Adresse 10] et Madame [R] [H] d'une parcelle [Cadastre 5], la parcelle [Cadastre 6] étant indivise entre eux.

2. Madame [N] [L] née [H] est propriétaire de la parcelle [Cadastre 8].

3. Suivant acte du 30 mars 2009, Madame [N] [L], Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] ont établi un acte de servitude conventionnelle de passage rédigé ainsi :

'Ce droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande d'une largeur allant de 3,51 à 6,16 m, le long de la borne Nord de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] et sur la totalité de la parcelle cadastrée [Cadastre 6].

Cette servitude de passage est créée sur la parcelle cadastrée [Cadastre 8] au profit des parcelles cadastrées AE [Cadastre 4],[Cadastre 5] et [Cadastre 6].

Et sur la parcelle [Cadastre 6] au profit de la parcelle [Cadastre 8]'.

4. Saisi par acte d'huissier du 3 juin 2016 par Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] pour voir juger que leurs parcelles cadastrées [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] n'étaient plus enclavées et qu'il y avait lieu d'éteindre la servitude conventionnelle organisée à leur profit par acte du 30 mars 2009, le tribunal de grande instance de Saint-Pierre de La Réunion a, par jugement contradictoire du 2 juin 2017 :

- constaté l'extinction de la servitude de passage consentie par le propriétaire du fonds AE 887 aux propriétaires des fonds AE [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] par acte du 30 mars 2009,

- dit que les demandeurs devront faire publier le jugement au service de la publicité foncière de [Localité 11],

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné Madame [N] [L] à payer à Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] la somme de 2.800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [N] [L] aux dépens de l'instance.

5. Sur appel de Madame [N] [L] du 21 juin 2017, la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion a, par arrêt du 23 novembre 2018 :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- y ajoutant,

- condamné Madame [N] [L] aux dépens d'appel,

- condamné Madame [N] [L] à verser à Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] la somme supplémentaire de 3.000,00 €,

- rejeté toute autre demande.

6. Sur pourvoi formé par Madame [N] [L], la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 novembre 2020, a cassé et annulé l'arrêt au visa des articles 544 et 646 du code civil, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.

7. La Cour de cassation a considéré que, en déduisant du seul bornage la cessation de l'état d'enclave du fonds des consorts [H] et l'extinction de la servitude conventionnelle, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le propriétaire du fonds servant, qui retirait également une utilité du passage qui avait été établi de façon réciproque, n'était pas fondé à en demander le maintien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

8. Par déclaration au greffe du 22 janvier 2021, Madame [N] [L] a formalisé une saisine de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion.

* * *

9. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe le 8 juin 2021, Madame [N] [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- dire et juger que les dispositions de l'article 685-1 du code civil sont inapplicables à l'espèce,

- dire et juger irrecevable et à tout le moins mal fondée l'action de Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] sur le fondement de l'article 685-1 du code civil,

- constater l'usage continu de l'assiette de la servitude litigieuse en tant que chemin d'accès à la voie publique,

- débouter Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] à lui payer la somme 8.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] aux entiers dépens.

10. À l'appui de ses prétentions, Madame [N] [L] fait en effet valoir :

- que, dès lors qu'une servitude conventionnelle a été instituée sans se contenter de fixer simplement l'assiette et l'aménagement d'une servitude due à titre légal, mais en créant une voie de desserte réciproque, les dispositions de l'article 685-1 du code civil, qui concernent les servitudes légales, sont inapplicables,

- que c'est l'état d'enclave des fonds des consorts [H], créé par la division d'un fonds originel commun disposant d'un accès à la voie publique, qui a commandé l'instauration de la servitude conventionnelle par simple convenance et non par obligation, la convention permettant également un accès plus aisé à son propre fonds qui n'était pas lui-même enclavé,

- que les consorts [H] ne justifient d'aucun des cas d'extinction des servitudes conventionnelles prévus de façon limitative aux articles 703 à 706 du code civil, le chemin d'accès remplissant toujours sa destination et aucune impossibilité irrévocable d'usage n'étant justifiée,

- que les premiers juges n'ont d'ailleurs fait cesser que la partie de la servitude bénéficiant aux consorts [H].

* * *

11. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe le 14 avril 2021, Monsieur [F] [H] demande à la cour de :

- constater que la servitude conventionnelle réciproque de 2009 a été consentie sans aucune indemnité,

- prendre acte que Madame [N] [L] a parfaitement reconnu dans ses écritures de première instance que sa parcelle [Cadastre 8] n'a jamais été enclavée et qu'elle n'a jamais utilisé la servitude de passage conventionnelle de 2009,

- constater qu'aucune nouvelle pièce n'est produite en appel par Madame [N] [L],

- juger que les parcelles sises à [Adresse 10] cadastrées section [Cadastre 4] (Madame [R] [H]), [Cadastre 5] (Monsieur [F] [H]) et 1286 (indivision Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H]) ont cessé d'être enclavées suite au bornage judiciaire de 2015,

- juger que la parcelle [Cadastre 8] de Madame [N] [L] n'a jamais été enclavée car a toujours bénéficié d'un accès direct à la voie publique dénommée chemin '[Adresse 9]',

- prendre acte que les consorts [H] renoncent à la servitude conventionnelle de passage établie en 2009 au profit de leurs parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6],

- juger que la parcelle [Cadastre 8] de Madame [N] [L] est totalement clôturée par un mur érigé en 1990, notamment au Nord, d'où non utilisation de la servitude de passage par Madame [N] [L],

- juger que Madame [N] [L] n'a jamais utilisé la servitude conventionnelle réciproque et ce depuis 2009,

- juger l'impossibilité irrévocable pour Madame [N] [L] d'emprunter la parcelle [Cadastre 6] (consorts [H]) et ce en raison de l'existence d'un important dénivelé naturel avec sa parcelle ([Cadastre 8]) depuis 2009,

- juger que Madame [N] [L] ne retire aucune utilité du passage réciproque qui a été établi par acte authentique du 30 mars 2009,

- débouter Madame [N] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- juger éteinte la totalité de la servitude conventionnelle réciproque du 30 mars 2009, comprenant également l'extinction de la servitude conventionnelle de passage consentie par les consorts [H] à Madame [N] [L] sur leur parcelle [Cadastre 6], et ce notamment en raison du principe d'indivisibilité de la servitude,

- ordonner la publication de la décision à intervenir auprès du service de la publicité foncière de [Localité 11],

- condamner Madame [N] [L] à payer aux consorts [H] la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner la même aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 6 avril 2021, soit la somme de 450,00 € TTC.

12. À l'appui de ses prétentions, Monsieur [F] [H] fait en effet valoir :

- que l'état d'enclave des parcelles des consorts [H] a été la cause déterminante de la servitude conventionnelle, accordée de façon réciproque bien que sans utilité pour Madame [N] [L] pour leur éviter d'avoir à payer une indemnité, l'arrêt de la Cour de cassation ne rejetant pas l'application des dispositions de l'article 685-1 du code civil,

- que l'assiette de la parcelle [Cadastre 6] (indivision [H]), telle que définie par le bornage judiciaire (jugement du 2 novembre 2015 devenu définitif), permet désormais un passage suffisant aux parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] pour rejoindre la voie publique, sans avoir à passer par la parcelle de Madame [N] [L],

- que Madame [N] [L] n'a jamais utilisé le passage octroyé qu'elle a elle-même clôturé par un mur, notamment en raison d'un important dénivelé qui le rend impraticable et elle ne prouve pas qu'il existe une construction en dur à destination d'habitation sur la partie arrière de la parcelle [Cadastre 8] et encore moins que le passage ne pourrait pas se faire sur la partie avant de sa parcelle, laquelle dispose d'un accès direct à la voie publique,

- que le jugement semble affecté d'une erreur matérielle quand il oublie de préciser que la servitude est complètement anéantie,

- que Madame [N] [L] ne peut tenter d'étendre, au-delà de celle fixée par le juge du bornage, la limite de sa parcelle section [Cadastre 8] pour diminuer d'autant la contenance de la parcelle [Cadastre 6].

* * *

13. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe le 31 mai 2021, Madame [R] [H] demande à la cour de :

- constater que la parcelle [Cadastre 8] appartenant à Madame [N] [L] n'a jamais été enclavée et qu'elle ne l'est pas davantage au jour du jugement,

- dire que Madame [N] [L] n'a jamais usé de cette servitude et que la présence d'un mur de séparation érigé par elle avant mars 2009 et du dénivelé naturel existant entre sa parcelle [Cadastre 8] et la parcelle des consorts [H] AE 1286 rendent impossible et de manière irrévocable l'usage de la servitude conventionnelle, pour tout occupant de la parcelle [Cadastre 8],

- constater que les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ne sont plus enclavées du fait du bornage judiciaire issu du jugement du tribunal d'instance de Saint-Pierre du 2 novembre 2015 devenu définitif,

- constater que les consorts [H] renoncent à la servitude conventionnelle de passage établie le 30 mars 2009 au profit des parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6],

- rejeter l'ensemble des demandes de Madame [N] [L],

- prononcer, en conséquence, l'extinction totale de la servitude conventionnelle et réciproque établie le 30 mars 2019,

- ordonner la publication de la décision à intervenir auprès du service de la publicité foncière de [Localité 11],

- dire ne pas avoir lieu à une condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

14. À l'appui de ses prétentions, Madame [R] [H] fait en effet valoir :

- que, si l'article 685-1 du code civil n'a pas, en principe, vocation à s'appliquer aux servitudes conventionnelles, tel n'est pas le cas de l'enclave résultant de la division d'un fonds par acte de partage - l'enclave constituant le titre légal de la servitude de desserte du fonds - et lorsque la convention afférente n'a eu pour fin que la fixation de l'assiette et l'aménagement du passage,

- qu'avec ou sans cette servitude, Madame [N] [L] dispose d'un accès à la voie publique, dont sa parcelle est limitrophe,

- que l'existence du muret construit par Madame [N] [L] empêche tout accès de la parcelle [Cadastre 6] depuis la parcelle [Cadastre 8],

- que le maintien de cette servitude aboutirait à une situation illicite comme établie au seul profit de Madame [N] [L] qui n'en fait pas usage, conformément aux dispositions de l'article 703 du code civil.

* * *

15. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2021.

16. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'extinction de la servitude

17. L'article 685-1 du code civil dispose que, 'en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.

À défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice'.

18. Si ces dispositions, qui ne visent que l'extinction du titre légal fondant la servitude de passage pour cause d'enclave, laissent en dehors de leur champ d'application les servitudes conventionnelles, le juge ne peut pas refuser d'en faire application au motif que ce texte ne concerne pas les servitudes conventionnelles, sans rechercher si la servitude litigieuse, visée dans un acte authentique, n'était pas fondée sur l'état d'enclave du fonds dominant, notamment en cas d'enclave résultant de la division d'un fonds par un acte de partage, et si cet acte ne s'était pas borné à fixer l'assiette et l'aménagement de cette servitude, de sorte qu'il convient de rechercher si l'état d'enclave a été la cause déterminante de la clause d'une convention qui a fixé l'assiette et les modalités d'exercice du passage.

19. En l'espèce, et à titre liminaire, si le jugement entrepris est conforme aux demandes initiales de Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] lorsqu'il 'constate l'extinction de la servitude de passage consentie par le propriétaire du fonds AE 887 aux propriétaires des fonds AE [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] par acte du 30 mars 2009', il y a lieu de prendre acte que Monsieur [F] [H] sollicite de la cour de confirmer le jugement en le complétant de la façon suivante : 'juger éteinte la totalité de la servitude conventionnelle réciproque du 30 mars 2009, comprenant également l'extinction de la servitude conventionnelle de passage consentie par les consorts [H] à Madame [N] [L] sur leur parcelle [Cadastre 6], et ce notamment en raison du principe d'indivisibilité de la servitude', Madame [R] [H] sollicitant de son côté de voir prononcer 'l'extinction totale de la servitude conventionnelle et réciproque établie le 30 mars 2009 (mutatis mutandis)'.

20. Suivant acte du 30 mars 2009, Madame [N] [L], Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] ont établi un acte de servitude conventionnelle de passage rédigé ainsi :

'Ce droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande d'une largeur allant de 3,51 à 6,16 m, le long de la borne Nord de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] et sur la totalité de la parcelle cadastrée [Cadastre 6]. Cette servitude de passage est créée sur la parcelle cadastrée [Cadastre 8] au profit des parcelles cadastrées AE [Cadastre 4],[Cadastre 5] et [Cadastre 6]. Et sur la parcelle [Cadastre 6] au profit de la parcelle [Cadastre 8]'.

21. Certes, dans l'exposé de l'acte, s'il est dit que 'cette constitution de servitude est consentie sans aucune indemnité', aucune mention n'est faite d'une quelconque situation d'enclave à laquelle il serait censé mettre fin.

22. Il ressort toutefois des différents plans versés aux débats que cette servitude conventionnelle avait pour but de désenclaver les parcelles [Cadastre 4] (appartenant à Madame [R] [H]) et [Cadastre 5] (appartenant à Monsieur [F] [H]), fruit de la division de l'ancienne parcelle [Cadastre 7], afin de leur permettre un accès au sentier [Adresse 9], par suite des partages [H] intervenus successivement le 4 février 1991 et le 30 mars 2009. Il sera relevé la concomitance entre ce dernier acte de partage et l'acte notarié emportant constitution conventionnelle de servitude de passage.

23. On comprend de l'acte de constitution de servitude que la largeur offerte par la parcelle [Cadastre 6], commune à Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H], n'était pas suffisante pour desservir correctement leurs fonds, ce qui a conduit les parties à asservir une portion de la parcelle [Cadastre 8], propriété de Madame [N] [L].

24. Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] considèrent ne plus être enclavés par suite du jugement de bornage du tribunal d'instance de Saint-Pierre du 2 novembre 2015 ayant fixé la ligne divisoire entre leurs propriétés et celle de Madame [N] [L] suivant une ligne A3-B1 du plan TALIBART.

25. Ce faisant, ils oublient le caractère réciproque de la convention, qui permet aussi à Madame [N] [L], dont le fonds n'était pas enclavé, d'utiliser la parcelle [Cadastre 6] pour accéder sur la voie publique.

26. De ce point de vue, Madame [N] [L] doit être entendue lorsqu'elle allègue que les consorts [H] ne justifient d'aucun des cas d'extinction des servitudes conventionnelles prévus de façon limitative aux articles 703 à 706 du code civil, c'est-à-dire l'impossibilité d'usage, la réunion des fonds servants et dominants dans la même main ou le non-usage pendant trente ans.

27. En effet, outre le fait que l'acte de constitution de servitude a moins de trente ans et que le jugement de bornage ne peut avoir eu pour conséquence, à lui seul, de réunir la totalité de l'emprise la servitude de passage dans la même main, le dénivelé entre les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 8] dont font état les intimés et dont ils justifient à travers la production de cinq attestations et d'un procès-verbal de constat d'huissier du 6 avril 2021 ne constitue pas un obstacle à l'utilisation de ce passage par Madame [N] [L].

28. Il conviendra donc d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de débouter Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] de leurs demandes.

Sur les dépens

29. Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

30. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.

31. En l'espèce, l'équité commande de faire bénéficier Madame [N] [L] de ces dispositions à hauteur de 3.000,00 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, sur renvoi de cassation et par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre du 2 juin 2017,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 23 novembre 2018,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 2020,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] de leurs demandes,

Condamne in solidum Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé,

Condamne in solidum Monsieur [F] [H] et Madame [R] [H] à payer à Madame [N] [L] la somme de 3.000,00 € (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain LACOUR, Président de chambre, et par Madame Hélène MASCLEF, directrice des services de greffe judiciaires à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La DIRECTRICE DES SERVICES Le PRESIDENT

DE GREFFE JUDICIAIRES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 21/00098
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;21.00098 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award