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15/04/2022 | FRANCE | N°20/01705

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 15 avril 2022, 20/01705


ARRÊT N°

PB



R.G : N° RG 20/01705 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNTR





[W]



C/



[F]



























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 15 AVRIL 2022



Chambre civile TGI



Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 24 AOUT 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 OCTOBRE 2020 RG n° 19/00096





APPEL

ANT :



Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Anne BELLOTEAU de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



INTIMÉ :



Monsieur [V] [F]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentant : Me Agnès GAILLARD de la...

ARRÊT N°

PB

R.G : N° RG 20/01705 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNTR

[W]

C/

[F]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 24 AOUT 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 OCTOBRE 2020 RG n° 19/00096

APPELANT :

Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentant : Me Anne BELLOTEAU de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [V] [F]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentant : Me Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD - SAUBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 26 Août 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2021 devant Monsieur BRICOGNE Philippe, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 8 avril 2021. Le délibéré a été prorogé au 15 Avril 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre

Conseiller : Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre

Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 Avril 2022.

* * *

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Par acte authentique du 1er septembre 2015 reçu en l'étude de Maître [H] [S], notaire à [Localité 12], Monsieur [V] [F] a acquis de la S.A.R.L. P. Sergio un terrain sis [Adresse 2], enregistré au cadastre sous le numéro de parcelle HN [Cadastre 7], pour une somme de 205.000,00 €.

2. Monsieur [V] [F] a sollicité un permis de construire afin d'édifier une construction sur ce terrain mais, à I'occasion de l'étude des plans de masse ainsi obtenus, il aurait constaté qu'une distance de quatre mètres sépare les fondations des murs situés à l'Est des murs de la maison appartenant à Monsieur [T] [W], sise au [Adresse 1], sur la parcelle enregistrée au cadastre sous le numéro HN [Cadastre 8], alors que cette distance ne serait en réalité que de deux mètres soixante.

3. Estimant donc que la construction de Monsieur [T] [W] empiète sur sa propriété sur une distance d'au moins un mètre quarante,

Monsieur [V] [F] l'a, par acte d'huissier des 23 et 24 août 1996, fait assigner en compagnie de ses autres voisins Monsieur [N] [C], Monsieur [G] [E], Madame [Y] [D] et Monsieur [S] [Z] [A] [M] devant le tribunal d'instance de Saint-Denis de La Réunion pour faire procéder au bornage du terrain dont il est propriétaire.

4. Par jugement du 3 avril 2017, le tribunal a désigné en qualité d'expert Monsieur [N] [P] qui a déposé son rapport le 28 février 2018.

5. Par jugement du 1er octobre 2018, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion.

6. Par jugement du 24 août 2020, le tribunal a :

- homologué le rapport de I'expert [P] en date du 28 février 2018,

- dit que les limites de parcelles sont matérialisées par les lignes ABCEDF

telles que définies par ledit rapport,

- dit que Monsieur [T] [W] empiète sur la propriété de Monsieur [V] [F],

- condamné Monsieur [T] [W] à libérer la propriété de Monsieur [V] [F] de tous occupants et biens de son chef, à procéder à ses frais à la démolition de toute construction édifiée sur sa parcelle, et à la remise en état des lieux, et ce sous astreinte de 200,00 € par jour de retard, passé un délai d'un mois après la signification de la décision,

- condamné Monsieur [T] [W] à payer à Monsieur [V] [F] la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts,

- débouté du surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur [T] [W] à payer à Monsieur [V] [F] la somme de 3.000,00 € au titre de I'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [T] [W] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

7. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 1er octobre 2020, Monsieur [T] [W] a interjeté appel de cette décision.

* * * * *

8. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 8 juillet 2021, Monsieur [T] [W] demande à la cour de:

- in limine litis,

- déclarer l'action de Monsieur [V] [F] irrecevable pour défaut de publication de l'assignation au service de la publicité foncière,

- à titre principal,

- écarter les conclusions du rapport d'expertise de Monsieur [N] [P] du 28 février 2018,

- dire et juger que la limite séparative entre les fonds HN [Cadastre 7] et HN [Cadastre 8] est le mur réalisé depuis une date remontant à 2012, date du bornage réalisé par le géomètre-expert [J],

- dire et juger qu'il n'a pas empiété sur la propriété de Monsieur [V] [F] en ce qu'il n'a pas construit le mur litigieux, lequel a été construit sur la parcelle HN [Cadastre 7] par son propriétaire, le vendeur de Monsieur [V] [F],

- dire et juger que Monsieur [V] [F] a acquis sa parcelle (HN [Cadastre 7]) en toute connaissance de cause, selon les limites dont il avait parfaitement connaissance au moment de l'achat,

- en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- à titre subsidiaire,

- ordonner la démolition du mur litigieux aux frais de Monsieur [V] [F],

- en tout état de cause,

- condamner Monsieur [V] [F] à lui payer la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

9. À l'appui de ses prétentions, Monsieur [T] [W] fait en effet valoir:

- que Monsieur [V] [F] n'a pas fait publier son action en revendication de propriété,

- que la contenance réelle de son terrain est inférieure à la mention du cadastre auquel renvoie son titre, alors que c'est l'inverse pour le terrain de Monsieur [V] [F],

- que lui-même n'est l'auteur d'aucun empiétement, qui est le fait du propriétaire précédent de la parcelle HN [Cadastre 7], le mur ayant été accepté comme limite des fonds à cette époque et qui était présent au moment de son achat par Monsieur [V] [F],

- qu'il ressort de l'expertise que Monsieur [V] [F] a accepté le mur comme étant la limite des fonds, ce qui constitue un aveu judiciaire,

- que ce n'est que par suite du refus de la mairie de délivrer un certificat de conformité sur sa construction pour défaut de recul suffisant au regard des règles du PLU, position confirmée par le tribunal administratif, que Monsieur [V] [F] a engagé cette action,

- que, le mur étant censément sur son terrain, il appartient à Monsieur [V] [F] de procéder à sa démolition,

- que la preuve d'un préjudice est d'autant moins rapportée que Monsieur [V] [F] n'a découvert la difficulté qu'au moment où il a sollicité un certificat de conformité de sa construction.

* * * * *

10. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 25 août 2021, Monsieur [V] [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué sauf en ce qui confirme le quantum de l'astreinte et des dommages et intérêts,

- homologuer le rapport de l'expert [P] en date du 28 février 2018,

- dire et juger que les limites de parcelles sont matérialisées par les lignes ABCEDF telles que définies par ledit rapport,

- dire et juger que Monsieur [T] [W] empiète sur sa propriété,

- condamner par suite Monsieur [T] [W], sous astreinte de 500,00 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à libérer sa propriété de tous occupants et biens de son chef, à procéder à ses frais à la démolition de toute construction édifiée sur leur parcelle, et à la remise en état des lieux,

- condamner Monsieur [T] [W] au versement des sommes suivantes:

* 5.000,00 € au titre du préjudice moral,

* 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- débouter Monsieur [T] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

11. À l'appui de ses prétentions, Monsieur [V] [F] fait en effet valoir:

- que le décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 exige la publication uniquement des demandes en justice tendant à menacer rétroactivement un droit antérieurement publié, soit la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort,

- que les parcelles litigieuses sont le fruit du partage d'une parcelle appartenant à Monsieur [T] [W],

- que le rapport [P] est exempt de toute critique, sauf l'erreur qui le mentionne comme ayant confirmé la délimitation par le mur existant et qui ne peut constituer un aveu judiciaire,

- que la connaissance de la situation d'empiétement au moment de l'acquisition n'empêche pas le droit d'exiger la remise en état des lieux,

- qu'il n'en a d'ailleurs en l'espèce jamais eu connaissance,

- que cet empiétement l'a considérablement gêné dans sa construction et il a dû subir le comportement agressif de Monsieur [T] [W],

- que la demande de Monsieur [T] [W] tendant à dire que la démolition du mur se fera au frais de l'intimé est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.

* * * * *

12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2021.

13. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action

14. En application des dispositions des articles 28, 4 c) et 30 5° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, 'les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité'.

15. En l'espèce, tel n'est pas le cas de l'action diligentée par Monsieur [V] [F] tendant à voir fixer la limite de propriété et à faire cesser un empiétement.

16. Son action sera donc déclarée recevable.

Sur les limites de propriété

17. Le rapport [P] n'est pas contredit lorsqu'il indique que 'les propriétés des parties ont une origine commune. Elles sont en effet issues d'un plus grand terrain qui appartenait à Monsieur [L] [W], sous la référence cadastrale BS [Cadastre 4]'.

18. Cette parcelle a donné lieu à la création de deux parcelles, la première, BS [Cadastre 9], ayant été revendue et la seconde, BS [Cadastre 10], étant devenue la HN [Cadastre 3] à la faveur d'une rénovation du cadastre.

19. La parcelle HN [Cadastre 3] fit l'objet en 2012 d'une division entre les héritiers [W], à l'occasion de laquelle l'expert-géomètre [J] dressa un plan de division et un document d'arpentage ayant créé les parcelles HN [Cadastre 6] à [Cadastre 8], c'est-à-dire comprenant les deux parcelles en cause (HN [Cadastre 7] et [Cadastre 8]).

20. Il s'ensuit que le plan [J] est opposable tant à Monsieur [T] [W], titulaire de la parcelle HN [Cadastre 8] en vertu d'un acte de partage du 17 août 2015 qui renvoie expressément au plan [J] de 2012, qu'à Monsieur [V] [F], propriétaire de la parcelle HN [Cadastre 7] pour l'avoir acquise le 1er septembre 2015 de la S.A.R.L. P. Sergio qui l'avait lui-même acquise les 14 et 19 novembre 2014 des héritiers [W].

21. L'expert [P] doit donc être suivi lorsqu'il considère que 'les limites de la propriété de Monsieur [V] [F] ont été définies par le plan dressé par le géomètre-expert [J] à l'occasion du partage de la propriété de la succession [L] [W] le 11 juin 1982' et lorsqu'il propose de fixer 'comme limite du fonds de Monsieur [V] [F] la ligne notée ABCDEF sur le plan annexe 2, obtenue par application du plan de division d'origine'.

22. C'est à tort que Monsieur [T] [W] estime qu'il ressort de l'expertise que Monsieur [V] [F] a accepté le mur comme étant la limite des fonds, ce qui constituerait un aveu judiciaire, d'abord parce que cela ne peut pas en constituer un, ensuite parce que cette mention en page 5 du rapport [P] procède manifestement d'une erreur de plume lorsqu'il évoque Monsieur [V] [F] comme ayant droit des héritiers [W] aux lieu et place de Monsieur [T] [W].

23. Enfin, le fait que Monsieur [V] [F] ait acheté sa parcelle avec le mur litigieux déjà construit en guise de limite de propriété ne lui interdit pas, ainsi qu'il l'a fait, de revendiquer la totalité de ses droits fonciers.

24. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a :

- homologué le rapport de I'expert [P] en date du 28 février 2018,

- dit que les limites de parcelles sont matérialisées par les lignes ABCEDF

telles que définies par ledit rapport.

Sur la demande de démolition

25. L'expert [P] mentionne dans son rapport qu' 'il n'est pas contesté que le mur séparant les terrains [W] et [F] a été édifié (en 2014 ou 2015) par l'E.U.R.L. P. Sergio, précédent propriétaire du terrain du demandeur', Monsieur [V] [F].

26. Il ne peut donc s'agir d'un empiétement réalisé par Monsieur [T] [W]. Le mur litigieux ayant son emprise sur le terrain de Monsieur [V] [F], ce dernier devra en faire son affaire personnelle.

27. Le jugement entrepris sera donc infirmé pour le surplus, étant ici relevé que Monsieur [V] [F] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il allègue à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.

28. Statuant à nouveau, la Cour déboutera Monsieur [V] [F] du surplus de ses demandes, ce qui aboutira nécessairement au rejet de son appel incident relatif au taux de l'astreinte et aux dommages et intérêts.

Sur les dépens

29. Chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle aura personnellement exposés.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

30. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.

31. En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare Monsieur [V] [F] recevable en son action,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- homologué le rapport de I'expert [P] en date du 28 février 2018,

- dit que les limites de parcelles sont matérialisées par les lignes ABCEDF

telles que définies par ledit rapport,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [V] [F] du surplus de ses demandes,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle aura personnellement exposés,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 20/01705
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;20.01705 ?
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