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15/04/2022 | FRANCE | N°20/01556

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 15 avril 2022, 20/01556


ARRÊT N°22/

NC



R.G : N° RG 20/01556 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNKX





[S]



C/



Organisme CAISSE REUNIONNAISE DE PREVOYANCE (CRP)























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 15 AVRIL 2022



Chambre civile TGI





Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 11 FEVRIER 2020 suivant déclaration d'appel en date du 07 SEPTEMBRE 2020 RG

n° 19/02419





APPELANT :



Monsieur [Y] [L] [S]

21 Impasse Persicaire - LE BERNICA

97435 SAINT GILLES LES HAUTS

Représentant : Me Tania LAZZAROTTO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





INTIMÉE :



Organism...

ARRÊT N°22/

NC

R.G : N° RG 20/01556 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FNKX

[S]

C/

Organisme CAISSE REUNIONNAISE DE PREVOYANCE (CRP)

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 11 FEVRIER 2020 suivant déclaration d'appel en date du 07 SEPTEMBRE 2020 RG n° 19/02419

APPELANT :

Monsieur [Y] [L] [S]

21 Impasse Persicaire - LE BERNICA

97435 SAINT GILLES LES HAUTS

Représentant : Me Tania LAZZAROTTO, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

Organisme CAISSE REUNIONNAISE DE PREVOYANCE (CRP)

2 bis ruelle Pavée - BP 31071 -

97482 SAINT-DENIS CEDEX

Représentant : Me Céline MAZAUDIER-PICHON DE BURY de la SELARL PRAGMA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 23/09/2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 février 2022 devant Madame COURTOIS Nathalie, Présidente de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, déléguée à la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunon par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 15 avril 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, déléguée à la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunon par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunon par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Conseiller : Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint-Denis de la Réunon par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Qui en ont délibéré

Greffiere : Madame Nathalie BEBEAU.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 avril 2022.

* * *

LA COUR

Exposé du litige

La CRP PRÉVOYANCE propose aux entreprises (bénéficiaires) des contrats de prévoyance collective au bénéfice de leurs salariés (les participants) notamment dans le cadre des obligations de couverture en matière de prévoyance (assurances des accidents de la vie) imposées par les conventions collectives.

M.[Y] [S] a exercé les fonctions de chef de chantier de voirie réseaux divers à compter du 25 janvier 1988 au sein de la société VPRM RÉUNION.

La société VPRM RÉUNION est titulaire d'un contrat de prévoyance à adhésion obligatoire par application des dispositions de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et des travaux publics.

Le 21 décembre 2011, M.[Y] [S] s'est vu diagnostiquer un cancer épidermoïde cutané au niveau de la lèvre inférieure droite.

Il a déposé une déclaration de maladie professionnelle le 27 janvier 2014.

Par jugement du 10 février 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale a reconnu la maladie professionnelle.

Le 20 février 2014, il a été licencié.

Il est aujourd'hui en invalidité au taux reconnu par la MDPH supérieur ou égal à 80%.

Adhérente à la Caisse réunionnaise de prévoyance (ci-après CRP), la société VPRM Réunion, ancien employeur de M.[Y] [S], est bénéficiaire de cette prévoyance dont la garantie consiste à compléter les revenus du salarié de la société en invalidité par le versement d'une pension d'invalidité complémentaire.

Par requête reçue le 1er août 2018, M.[Y] [S] a sollicité le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion, sur le fondement des articles L142-1, L142-2, L932-13 et L932-1 et suivants de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, aux fins de voir :

se déclarer compétent pour connaître du présent litige,

dire et juger M.[Y] [S] recevable et bien fondé en son action,

condamner la CRP PRÉVOYANCE à lui verser la somme de 20546,52 euros au titre des indemnités journalières dues entre le 20 mars 2012 et le 20 décembre 2014, et ce à titre rétroactif à compter du 20 mars 2012,

condamner la CRP PRÉVOYANCE à lui verser la somme de 14437,40 euros au titre des indemnités invalidité dues entre le 1er janvier 2015 et le 31 mars 2018, et ce à titre rétroactif à compter du 1er janvier 2015,

condamner la CRP PRÉVOYANCE à lui verser la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral,

condamner la CRP PRÉVOYANCE à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

débouter la CRP PRÉVOYANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion a :

constaté l'incompétence de la formation du tribunal de grande instance statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, au profit de la formation du tribunal de grande instance statuant en matière de contentieux de droit commun,

dit qu'à défaut d'appel, le dossier de la procédure sera transmis au secrétariat greffe du tribunal de grande instance de Saint-Denis statuant en matière de contentieux de droit commun.

Par jugement du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a :

dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exception d'incompétence formée par la caisse réunionnaise de prévoyance (ci-après la 'CRP PRÉVOYANCE'),

déclaré prescrite l'intégralité des demandes d'indemnisation formées par M.[Y] [S],

rejeté la demande de condamnation en réparation du préjudice moral,

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M.[Y] [S] aux entiers dépens.

Le 7 septembre 2020, appel de cette décision a été interjeté par M.[Y] [S].

Par conclusions n°2 notifiées le 11 mai 2021 par RPVA, M.[Y] [S] demande, sur le fondement des articles L932-6 et L932-13 du code de sécurité sociale, de voir :

le recevoir en son appel,

l'y dire recevable,

l'y dire bien fondé,

en conséquence, infirmer le jugement dont appel

statuant à nouveau, condamner la CRP PRÉVOYANCE à lui verser les sommes suivantes :

20546,52 euros au titre des indemnités journalières pour incapacité de travail, dues pour la période du 20 mars 2012 au 20 décembre 2014,

14437,40 euros au titre des rentes d'invalidité dues pour la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018,

20000 euros au titre de son préjudice moral,

4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions n°2 notifiées le 10 août 2021 par RPVA, la CRP PRÉVOYANCE demande sur le fondement des articles L141-1, L142-2, L932-1, L931-1, L932-6 et L932-13 du code de sécurité sociale, de voir:

rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

confirmer le jugement du tribunal judiciaire du 11 février 2020 en toutes ses dispositions,

condamner M.[Y] [S] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce':

Sur la recevabilité de l'action

Selon l'article L932-1 du code de sécurité sociale, ' Les dispositions de la présente section s'appliquent aux opérations collectives à adhésion obligatoire des institutions de prévoyance.

L'opération par laquelle une entreprise, dénommée l'adhérent, adhère par la signature d'un bulletin au règlement d'une institution de prévoyance ou souscrit auprès de celle-ci un contrat au profit de ses salariés ou d'une ou plusieurs catégories d'entre eux en vue d'assurer, dans le cadre des dispositions du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, la couverture d'engagements ou de risques pour lesquels cette institution est agréée est dite opération collective à adhésion obligatoire lorsque les salariés concernés sont obligatoirement affiliés à ladite institution, dont ils deviennent membres participants'.

Selon l'article L932-13 du caisse de sécurité sociale, ' Toutes actions dérivant des opérations mentionnées à la présente section sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court:

1o En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'institution de prévoyance en a eu connaissance;

2o En cas de réalisation du risque, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignorée jusque-là.

Quand l'action de l'adhérent, du participant, du bénéficiaire ou de l'ayant droit contre l'institution a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'adhérent, le participant, le bénéficiaire ou l'ayant droit ou a été indemnisé par celui-ci.

La prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l'incapacité de travail.

La prescription est portée à dix ans lorsque, pour les opérations mentionnées au a de l'article L. 931-1, le bénéficiaire n'est pas le participant et, dans les opérations relatives à la couverture du risque accident, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit du participant décédé.

Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2o, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès du membre participant.'

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M.[Y] [S] a bénéficié le 18 octobre 2012 d'un premier versement de prestations complémentaires au titre des garanties incapacités-invalidités (pièce 33). Sur ce courrier figurait les modalités de calcul desdites prestations.

En conséquence, le litige portant sur les modalités de calcul desdites prestations est bien soumis à la prescription quinquennale qui en l'espèce a commencé à courir à compter du 18 octobre 2012.

Cependant, selon l'article L932-6 du code précité, 'L'institution de prévoyance établit une notice qui définit les garanties souscrites par contrat ou par adhésion à un règlement et leurs modalités d'entrée en vigueur, ainsi que les formalités à accomplir en cas de réalisation du risque. Elle précise également le contenu des clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ou limitations de garantie ainsi que des délais de prescription.

L'adhérent est tenu de remettre cette notice à chaque participant.

Lorsque des modifications sont apportées aux droits et obligations des participants, l'adhérent est également tenu d'informer chaque participant en lui remettant une notice établie à cet effet par l'institution, trois mois au minimum avant la date prévue de leur entrée en vigueur. Cette information est fournie dès qu'un événement engendre une variation significative des provisions techniques.

La preuve de la remise de la notice au participant et de l'information relatives aux modifications contractuelles incombe à l'adhérent'.

En application du texte précité, l'institution de prévoyance établit une notice qui définit les garanties souscrites, leurs modalités d'entrée en vigueur, les formalités à accomplir en cas de réalisation du risque, et qui précise le contenu des clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ou limitations de garantie, ainsi que des délais de prescription. La preuve de la remise de la notice au participant par l'adhérent incombe à ce dernier (Cour cassation, Civ.2ème du 8 juillet 2010, n°09-16.417 (inédit); Cour cassation, Civ. 2e, 24 oct. 2019, n°18-20.016 (inédit)).

Ainsi donc les institutions de prévoyance sont tenues de satisfaire à l'obligation d'information qui leur incombe à l'égard des adhérents par l'envoi de la notice d'information prévue par l'article précité. La CRP PRÉVOYANCE ne justifie ni avoir rédigé une telle notice ni l'avoir adressée à la société VPRM RÉUNION, anciennement employeur de M.[Y] [S] et donc adhérente aux fins de lui permettre de la remettre à ses salariés adhérents conformément à l'article 3.2 du règlement de la CRP. Ne faisant plus partie des effectifs de la société VPRM RÉUNION, M.[Y] [S] est en droit de soulever ce moyen à son profit. L'arrêt (inédit) évoqué par la CRP PRÉVOYANCE est sans effet car portant une action en responsabilité d'un salarié à l'encontre de son employeur qui ne lui avait pas communiquer ladite notice.

La garantie dont peut se prévaloir l'adhérent d'un contrat d'assurance de groupe est celle que définissent les documents qui lui ont été remis lors de son adhésion; que ni l'assureur ni le souscripteur du contrat d'assurance de groupe ayant obtenu l'adhésion de l'assuré ne peuvent lui opposer des clauses exclusives ou limitatives de garantie n'y figurant pas, à moins qu'ils n'établissent les avoir, lors de cette adhésion, portées à sa connaissance (Cour de cassation, 1ère ch.civ du 9 décembre 1986, n° 85-11.674).

Au vu de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de dire que le délai de prescription n'est pas opposable à M.[Y] [S] (Cour de cassation, Chambre civile 2, 8 décembre 2016, 15-19.685, Publié au bulletin).

Sur le fond

Sur les sommes dues au titre des indemnités journalières (incapacité de travail)

La CRP PRÉVOYANCE soutient qu'elle a appliqué la règle telle qu'elle figure dans les conditions spécifiques soit 75% de la 365ème partie du salaire annuel de base des douze derniers mois précédant l'incapacité de travail, prestations de la sécurité sociale comprises. Elle ajoute qu'elle a mal paramétré les dispositions du contrat et qu'en réalité elle a versé plus à M.[Y] [S] en calculant sur la base de 75% de la 360ème partie du salaire annuel de base des 12 derniers mois précédant l'incapacité de travail, prestations de la sécurité sociale comprises. Elle précise qu'il faut entendre par salaire de base, le salaire brut cotisé qui correspond au salaire brut fiscal et non du salaire brut comme l'indique M.[Y] [S].

En l'espèce, il convient de constater que les conditions spécifiques (pièce 21) font état soit d'un salaire annuel soit d'un salaire annuel brut et non pas d'un salaire brut cotisé. Il convient de rappeler que le régime d'assurance maladie calcule les indemnités journalières sur la base du salaire brut mensuel et que c'est à partir des indemnités ainsi calculées que l'organisme de prévoyance verse des indemnités journalières complémentaires. Comme le fait remarquer M.[Y] [S], la CRP PRÉVOYANCE a d'ailleurs bien pris en compte le salaire brut pour le calcul des prestations au titre de l'invalidité, de sorte qu'il est incohérent d'appliquer un autre critère pour les indemnités journalières complémentaires.

Il résulte du dossier que par courrier du 25 avril 2018, la société VPRM RÉUNION a fait part de cette erreur à la CRP PRÉVOYANCE en relevant que celle-ci avait pris en compte le brut fiscal au lieu du brut de base.

En réponse à ce courrier, la CRP PRÉVOYANCE apporte une définition du salaire de référence retenu qui n'est mentionnée sur aucun document contractuel.

Au vu des éléments ci-dessus développés, il y a lieu d'entériner les modalités de calcul de M.[Y] [S] à savoir un salaire de base de 38833,88 euros tel que retenu par la CRP PRÉVOYANCE elle-même pour le calcul des prestations invalidité.

En conséquence, il convient de condamner la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 20546,52 euros au titre des indemnités journalières complémentaires pour les périodes du 20 mars 2012 au 20 décembre 2014.

Sur les sommes dues au titre de la rente d'invalidité

Pour les mêmes motifs développés dans le paragraphe précédent, aucune prescription ni forclusion ne saurait être opposable à M.[Y] [S].

L'appelant ne conteste pas le salaire retenu pour le calcul des prestations mais la période d'indemnisation.

En conséquence, sur la base d'un salaire brut annuel de 38833,88 euros tels que retenu par la CRP PRÉVOYANCE elle-même, il convient de condamner cette dernière à payer à M.[Y] [S] la somme de 14437,40 euros au titre des prestations liées à l'invalidité du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018, déduction faite par l'appelant des sommes perçues sur cette période au titre des indemnités journalières et des allocations chômage dont il produit les justificatifs.

Sur la demande en réparation du préjudice moral

 Selon l'article 1240 du Code civil, «Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer»

La responsabilité délictuelle implique trois conditions :

* Une faute,

* Un préjudice,

* Un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Peu important que la faute soit grossière ou non et que le préjudice soit ou non anormal. Il appartient au demandeur de caractériser la faute de l'organisme, de rapporter le préjudice en résultant et d'établir le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Par ailleurs, en application de l'article 1241 du Code Civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol lorsque un préjudice en résulte.

M.[Y] [S] expose qu'il est père de deux enfants scolarisés et qu'affaibli par ses opérations chirurgicales et ses cures de chimiothérapie et de radiothérapie, il a dû priver son foyer de certains besoins de la vie courante. Il ajoute que dans l'optique de bénéficier des prestations dues et dans l'urgence d'une situation financière dégradée, il a été contraint de multiplier les démarches tant par téléphone que par courrier auprès de son ancien employeur et de la CRP PRÉVOYANCE en vain. Il précise qu'il connaît de grandes difficultés d'élocution en raison des opérations chirurgicales subies, ayant consisté notamment en une ablation partielle de la mâchoire, ce qui jusqu'aujourd'hui rend ses démarches particulièrement pénibles.

En réponse, la CRP PRÉVOYANCE conteste toute défaillance de sa part qu'elle attribue au seul employeur de M.[Y] [S].

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que la CRP PRÉVOYANCE a été défaillante dans la gestion du dossier de M.[Y] [S] puisqu'après avoir réglé des prestations d'incapacité complémentaires le 5 octobre 2012, l'organisme de prévoyance ne lui a plus rien versé à ce titre jusqu'en avril 2018 (pièce 23) et a consenti à lui régler rétroactivement les sommes dues depuis 2012 qu'après démarches de l'intéressé et de son ancien employeur (pièce 20). Il en est de même pour la prestation d'invalidité complémentaire, avec cette différence que la CRP PRÉVOYANCE a refusé la rétroactivité à compter du 1er janvier 2015, accordée aujourd'hui par le présent arrêt, ne versant la rente d'invalidité complémentaire qu'à compter du 5 février 2018.

Au vu de ce qui précède, il convient de condamner la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 10000 euros au regard des longues périodes (8 ans pour l'incapacité et 7 ans pour l'invalidité) durant lesquelles il n'a pas pu bénéficier de tout ou partie de ses prestations pourtant destinées à maintenir tout ou partie du salaire d'activité.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité et la situation respective des parties justifiant l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 4000€.

Sur les dépens

En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la CRP PRÉVOYANCE, partie perdante, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 11 février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion ;

Statuant à nouveau ;

Dit l'action de M.[Y] [S] recevable ;

Condamne la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 20546,52 euros au titre des indemnités journalières complémentaires pour les périodes du 20 mars 2012 au 20 décembre 2014 ;

Condamne la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 14437,40 euros au titre des prestations liées à l'invalidité du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018 ;

Condamne la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la CRP PRÉVOYANCE à payer à M.[Y] [S] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la CRP PRÉVOYANCE aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 20/01556
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;20.01556 ?
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