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15/04/2022 | FRANCE | N°19/02066

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile tgi, 15 avril 2022, 19/02066


ARRÊT N°

PB



N° RG 19/02066 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FHJU





[D] EPOUSE [Z]



C/



[D]

[R]

[F]

S.C.P. [S] [F] - BERTRAND MACE - STEPHANE RAMBAUD - HAROUN PATEL



[D]

[D]

[D]

[D]





























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 15 AVRIL 2022



Chambre civile TGI



Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INS

TANCE DE SAINT DENIS en date du 20 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 01 JUILLET 2019 RG n° 17/03256





APPELANTE :



Madame [B] [D] épouse [Z]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



...

ARRÊT N°

PB

N° RG 19/02066 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FHJU

[D] EPOUSE [Z]

C/

[D]

[R]

[F]

S.C.P. [S] [F] - BERTRAND MACE - STEPHANE RAMBAUD - HAROUN PATEL

[D]

[D]

[D]

[D]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 20 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 01 JUILLET 2019 RG n° 17/03256

APPELANTE :

Madame [B] [D] épouse [Z]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Monsieur [E] [D]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentant : Me Laurent PAYEN de la SELARL PAYEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/5936 du 23/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Madame [W] [R] épouse [D]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentant : Me Laurent PAYEN de la SELARL PAYEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005939 du 23/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [S] [F]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentant : Me Marie françoise LAW YEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.C.P. [S] [F] - BERTRAND MACE - STEPHANE RAMBAUD - HAROUN PATEL

Devenue SAS [F]- Macé-Rambaud-Patel

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentant : Me Marie françoise LAW YEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTERVENANTS VOLONTAIRES

Monsieur [G] [D]

[Adresse 5]

[Localité 12], représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006608 du 11/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Monsieur [I] [D]

[Adresse 7]

[Localité 12], représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006607 du 11/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Madame [P] [A] [M] [D] veuve [T]

[Adresse 4]

[Adresse 13]

[Localité 12], représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006606 du 11/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Madame [A] [K] [D]

[Adresse 2]

[Localité 11], représentant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006605 du 11/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

DATE DE CLÔTURE : 8 Juillet 2021

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2021 devant Monsieur BRICOGNE Philippe, Président de la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président qui en a fait un rapport, assisté de Mme Nathalie TORSIELLO, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 25 Février 2022 puis le délibéré a été prorogé au 15 Avril 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Conseiller :Monsieur Martin DELAGE, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Conseiller :Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre à la Chambre d'Appel de Mamoudzou, délégué à la Cour d'Appel de Saint Denis de la Réunion par ordonnance de Monsieur Le Premier Président

Qui en ont délibéré

Greffier : Madame Nathalie TORSIELLO

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 Avril 2022.

* * *

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Par acte notarié passé devant Maître [S] [F] le 25 juin 2015, feu [V] [D], décédé le 2 mai 2019, a cédé sa maison, cadastrée section CI n° [Cadastre 6], sise [Adresse 9], à son fils, Monsieur [E] [C] [D] et à son épouse, Madame [W] [R], bien dont il était propriétaire par prescription.

2. Contestant les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette vente et l'objet même de celle-ci eu égard à la présence sur le terrain d'une maison ne figurant pas à l'acte, [V] [D], alors représenté par sa mandataire Madame [B] [D] épouse [Z], et celle-ci en son nom personnel ont, par acte d'huissier des 19 et 20 septembre 2017, fait assigner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] ainsi que Maître [S] [F] et la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis, afin qu'il prononce, après avoir constaté l'existence de man'uvres dolosives, l'annulation de la vente intervenue le 25 juin 2015 et statue sur la responsabilité du notaire l'ayant rendu possible, ainsi qu'en indemnisation de leurs préjudices.

3. Par jugement du 20 mars 2019, le tribunal a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les défendeurs,

- débouté Monsieur [V] [D], représenté par sa mandataire Madame [B] [D], ainsi que cette dernière à titre personnel de l'intégralité de leurs demandes,

- débouté Monsieur [E] [D] et Madame [W] [R] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur [V] [D] et Madame [B] [D] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Françoise LAW-YEN, avocat.

4. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 1er juillet 2019, Madame [B] [D] a interjeté appel de cette décision.

5. Par ordonnance du 2 février 2021, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté l'incident tendant à voir déclarer l'appel irrecevable,

- déclaré recevable l'appel de Madame [B] [D] en son nom personnel,

- déclaré recevable l'intervention volontaire des héritiers de [V] [D], décédé le 2 mai 2019, à savoir Monsieur [G] [D], Monsieur [I] [D], Madame [P] [A] [M] [D], veuve [T]'et Madame [A] [K] [D],

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état pour clôture du 25 mars 2021 à 9h30,

- dit que les dépens et la décision sur les frais irrépétibles suivront le sort de l'affaire au fond.

* * * * *

6. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 17 mars 2020, Madame [B] [D], Monsieur [G] [D], Monsieur [I] [D], Madame [P] [A] [M] [D] veuve [T] et Madame [A] [K] [D], ci-après désignés ensemble sous le vocable 'consorts [D]', demandent à la cour de :

- au visa des articles 1130, 1131, 1137, 1240 et suivants du code civil,

- dire et juger Madame [B] [D] recevable et bien fondée en son appel,

- recevoir Monsieur [G] [D], Monsieur [I] [D], Madame [P] [A] [M] [D] et Madame [A] [K] [D] en leur intervention volontaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté feu [V] [D] et Madame [B] [D] de l'intégralité de leurs demandes,

* rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

* condamné feu [V] [D] et Madame [B] [D] aux dépens dont distraction au profit de Me Françoise LAW-YEN avocat,

- statuant à nouveau,

- dire et juger que la vente conclue entre les parties par acte notarié du 25 juin 2015 est nulle et en conséquence prononcer la nullité de ladite vente,

- dire et juger que Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé a commis une faute de nature à engager (leur) responsabilité,

- dire et juger qu'il y a lieu à restitution de la parcelle CI [Cadastre 6] par Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R], solidairement avec Maître [S] [F] et la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé,

- dire et juger qu'en l'absence de paiement du prix de la vente par Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R], feu [V] [D] n'est tenu de restituer aucune somme aux acquéreurs,

- dire et juger que le bail d'habitation modifié par Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] à leur profit postérieurement à la vente est nul et par conséquent,

- condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] à restituer les loyers indûment perçus arrêtés à la somme de 14.400,00 € (somme à parfaire),

- dire et juger que le notaire Maître [S] [F] et son étude sont responsables de l'entier préjudice subi par feu [V] [D] et de Madame [B] [D],

- condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] in solidum avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé à payer la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à feu [V] [D],

- condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] in solidum avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé à payer à Madame [B] [D] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- en tout état de cause,

- débouter Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] solidairement avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé à payer à Madame [B] [D] la somme de 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] solidairement avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé aux entiers dépens,

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

7. À l'appui de leurs prétentions, les consorts [D] font en effet valoir :

- que le conseiller de la mise en état a déjà tranché la question de la recevabilité des demandes,

- que les intervenants volontaires sont les héritiers du défunt, l'intérêt et la qualité pour agir des concluants n'étant pas contestable,

- que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter, feu [V] [D] ayant signé sans savoir que la maison, qui n'était pas mentionnée dans l'acte, était incluse dans la vente, aboutissant à un prix dérisoire qui n'a d'ailleurs pas été payé, du moins la preuve n'en est-elle pas rapportée,

- que l'état de santé de feu [V] [D], alors âgé de 89 ans et qui sera placé sous sauvegarde de justice un an plus tard, était déjà altéré,

- que la manoeuvre dolosive a été déterminante du consentement du vendeur,

- que Madame [B] [D] en a conçu un préjudice moral,

- que le notaire, qui n'a pas obéi à son devoir de vérification au regard du consentement des parties, alors qu'il existait un doute sur la consistance de la chose vendue et son adéquation en rapport au prix de vente, a fait preuve d'une particulière légèreté,

- que le seul document cadastral annexé à l'acte montre la présence d'un bâtiment qui ne figure plus dans la consistance du bien, le notaire ayant fini par admettre a minima la présence sur place d'une construction en ruine,

- que le notaire, qui n'a pas pris la peine de vérifier la réalité du paiement effectué hors sa comptabilité, a, après la signature de l'acte, diligenté une expertise qui a dû lui confirmer la différence de valeur avec celle retenue pour la vente,

* * * * *

8. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 19 décembre 2019, Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté feu [V] [D] et Madame [B] [D] de I'intégralité de leurs demandes,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- statuant à nouveau de ce chef,

- condamner solidairement les consorts [D] à leur payer la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner solidairement les consorts [D] à leur payer la somme de 961,30 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les consorts [D] aux entiers dépens de la présente instance.

9. À l'appui de leurs prétentions, Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] font en effet valoir :

- qu'il n'est aucunement prétendu et encore moins justifié de ce que feu [V] [D], qui était accompagné de l'une de ses filles et d'une cousine, n'aurait pas eu la capacité de contracter I'acte litigieux comme étant totalement dénué, à l'époque, des facultés lui permettant d'exprimer son consentement,

- que la preuve du paiement du prix réside dans le quittancement fait par le notaire,

- que feu [V] [D] ne pouvait ignorer la consistance du bien qu'il vendait pour l'avoir occupé depuis au moins 1969 avant de donner la maison à bail d'habitation,

- qu'il n'est produit aucune décision de protection ayant pu faire suite à la sauvegarde de justice qui suit l'acte litigieux de plus d'un an et demi,

- que la procédure engagée a nécessairement dégénéré en abus.

* * * * *

10. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 24 juin 2021, Maître [S] [F] et la S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel demandent à la cour de :

- au visa des articles 32 et 554 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil,

- prendre acte qu'en raison d'un changement de dénomination et de forme juridique, la S.C.P. [F] - Macé - Rambaud - Patel est devenue S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel, dénomination sous laquelle elle intervient et sera enregistrée dorénavant dans la présente procédure d'appel,

- juger irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée pour le compte de feu [V] [D] pour défaut de capacité en ce qu'il s'agit d'une personne décédée,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, si la responsabilité du notaire devait être engagée,

- juger les demandes des consorts [D] totalement infondées et les rejeter,

- à titre encore plus subsidiaire, si les demandes étaient considérées comme fondées,

- réduire les demandes de dommages et intérêts ainsi que la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans une importante proportion,

- en tout état de cause,

- condamner solidairement les consorts [D] à leur payer la somme de 3.500,00 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la procédure de première instance que la procédure d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

11. À l'appui de leurs prétentions, Maître [S] [F] et la S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel font en effet valoir :

- que les demandes formulées pour le compte d'un défunt sont irrecevables,

- que la capacité de contracter doit s'observer au jour de l'acte, rien d'anormal n'étant à signaler dans la vente intervenant entre d'une part un père et d'autre part son fils et sa belle-fille,

- que le notaire a rempli son devoir d'information et de conseil, la circonstance que feu [V] [D] ne sache ni lire ni écrire étant inopérante et Madame [B] [D] ayant été désignée mandataire spéciale deux ans après la vente,

- que la construction existante était en état de ruine vouée à la démolition, ce qui explique que sur la déclaration d'intention d'aliéner, il a été mentionné l'existence d'une maison en bois sous tôles édifiée dans les années 1970 en très mauvais état, ce que confirment les pièces produites,

- que les parties sont convenues librement du prix qui a été quittancé pour avoir été payé hors la comptabilité du notaire de façon parfaitement licite, Maître [S] [F] n'étant pas tenu à une quelconque vérification à cet égard,

- que, si dol il y a eu, il n'est pas le fait du notaire, Maître [S] [F] ayant cherché à concilier les parties,

- que le notaire ne peut pas être tenu à restitution en cas d'annulation d'une vente, d'autant moins que la solidarité exigée ne se présume pas,

- que la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée.

* * * * *

12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juillet 2021.

13. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

14. À titre liminaire, il conviendra de prendre acte que la S.C.P. [F] - Macé - Rambaud - Patel est devenue la S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel.

Sur le défaut de capacité à agir

15. L'article 32 du code de procédure civile dispose qu' 'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.

16. En l'espèce, Maître [S] [F] et la S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel soutiennent que la demande de dommages et intérêts formulée pour le compte de feu [V] [D] est irrecevable 'pour défaut de capacité en ce qu'il s'agit d'une personne décédée'.

17. Ce défaut de capacité n'affecte que la partie du dispositif des conclusions des consorts [D] tendant à voir 'condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] in solidum avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé à payer la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à feu [V] [D]'.

18. Le défaut de 'capacité', qui se traduit par la nullité d'un acte et non par une irrecevabilité, ne peut pas être relevé en application des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile puisque le défunt n'est pas mentionné au titre des auteurs des conclusions concernées.

19. De leur côté, les consorts [D] plaident vainement que le conseiller de la mise en état aurait déjà tranché la question de la recevabilité des demandes puisque, dans son ordonnance du 2 février 2021, ce magistrat n'a statué que sur la 'qualité' de l'appelante et des intervenants volontaires et estimé qu'en tant qu'ayants droit de feu [V] [D], ce dont ils justifiaient, ils avaient qualité à agir, 's'agissant d'un litige ayant des incidences sur la dévolution successorale'.

20. Toutefois, si cette qualité les autorise à remettre en question un acte passé par le de cujus, décédé postérieurement au jugement, soit le 2 mai 2019, les consorts [D] ne sont pas recevables à demander, au profit de ce dernier, qui par hypothèse n'est plus dans la procédure et qui est désormais dépourvu de personnalité juridique, le paiement de dommages et intérêts.

21. Ce chef de demande sera donc déclaré irrecevable.

Sur la nullité de la vente du 25 juin 2015

22. Aux termes de l'article 1130 du code civil, 'l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.

23. L'article 1131 prévoit que 'les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat'.

24. L'article 1137 dispose que 'le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie'.

25. En l'espèce, bien que les consorts [D] fondent leur demande de nullité sur les articles 1130 et 1131 en l'intitulant 'nullité de la vente pour manoeuvre dolosive des acquéreurs', ils plaident également la vulnérabilité de feu [V] [D], ce qui questionne nécessairement'le consentement des parties' évoqué à l'article 1128.

26. Le seul fait que l'acte de vente du 25 juin 2015 qualifie de 'terrain nu' (en page 3) la parcelle CI [Cadastre 6] vendue à Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] alors qu'elle supporte une case en bois sous tôle ne saurait constituer une réticence ou une manoeuvre dolosive, dès lors que feu [V] [D], vendeur, était nécessairement le mieux placé pour connaître son propre bien pour l'avoir acquis par prescription trentenaire suivant acte de notoriété dressé le 30 septembre 1999 par Maître [U] [J], notaire à [Localité 14].

27. La S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel et Maître [S] [F] produisent la déclaration d'intention d'aliéner initialement remplie aux fins de soumission du projet de vente au droit de préemption urbain. Il en ressort que c'était bien un terrain 'bâti' qui était mentionné et plus précisément la présence une 'maison sous tôles édifiée dans les années 1970 en très mauvais état'. Si l'explication de Maître [S] [F] donnée le 17 janvier 2018 à son avocat est contestable lorsqu'elle mentionne que 'les acquéreurs n'ayant pas voulu faire les diagnostics nécessaires en m'indiquant que cette maison était destinée à être démolie, j'ai préféré parler d'un terrain nu plutôt que d'engager la responsabilité du vendeur qui est extrêmement lourde quant au défaut de diagnostic amiante', elle permet d'éclairer l'intention des parties et d'écarter l'hypothèse du dol.

28. La mention du quittancement du paiement, acté (en page 4) par le notaire en raison d'un paiement effectué en dehors de sa comptabilité, ne saurait davantage exprimer une manoeuvre dolosive, s'agissant d'un usage fréquent et parfaitement licite en la matière.

29. En réalité, les consorts [D] sous-entendent que Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] auraient abusé de la faiblesse de feu [V] [D].

30. Or, pour ce faire, ils ne produisent aucune pièce médicale mais uniquement une ordonnance de sauvegarde de justice et de désignation d'un mandataire spécial rendue par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Saint-Pierre le 14 décembre 2016.

31. Outre le fait que la cour ignore si un régime de protection a été adopté en suite de cette ordonnance, elle relève que cet événement est postérieur à l'acte de vente litigieux de près de 17 mois.

32. Par ailleurs, si le prix de 16.000,00 € peut apparaître lésionnaire puisque le bien est estimé entre 133.400,00 et 141.000,00 €, la cour n'est pas saisie d'une action en rescision.

33. Enfin, ainsi que le soulignent les premiers juges, l'intention libérale qui a pu conduire feu [V] [D] à vendre son bien à son fils et sa belle-fille très en-dessous de sa valeur, peut déboucher sur une action en rapport ou réduction de la part de ses autres ayants droit, action dont n'est pas davantage saisie la cour.

34. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté feu [V] [D] et Madame [B] [D] de l'ensemble de leurs demandes, en ce compris les demandes accessoires à l'action principale en nullité.

Sur l'appel incident

35. Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] demandent à la cour d'infirmer le chef du jugement les ayant déboutés de leur demande en paiement d'une somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

36. Les premiers juges doivent être approuvés lorsqu'ils écartent cette demande au motif que l'intention de nuire n'est pas rapportée.

Sur les dépens

37. Les consorts [D], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

38. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.

39. En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Prend acte que la S.C.P. [F] - Macé - Rambaud - Patel est devenue la S.A.S. [F] - Macé - Rambaud - Patel,

Déclare irrecevable la demande des consorts [D] tendant à voir condamner Monsieur [E] [C] [D] et Madame [W] [R] in solidum avec Maître [S] [F] ainsi que la S.C.P. Adolfini - Smadja - Ragot-Samy - [F] - Macé à payer la somme de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à feu [V] [D],

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne les consorts [D] in solidum aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre, et par Mme Nathalie TORSIELLO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

Signe


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile tgi
Numéro d'arrêt : 19/02066
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;19.02066 ?
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