COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS CHAMBRE P. P. REFERES
R. G : 08 / 00054 Au fond, origine tribunal de grande instance de Saint-Denis, décision attaquée en date du 29 septembre 2008, enregistrée sous le no 08 / 3344
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ No 52 du 16 octobre 2008
Nous, François CREZE, Président de chambre à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, faisant fonction de Premier Président en l'absence de M. Jean-François GABIN empêché,
Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le no 08 / 1855
ENTRE :
- Yves Florian Raymond X..., demeurant... 97400 SAINT DENIS,
- La Selarl RAYMOND X..., dont le siège est... 97400 SAINT-DENIS
Représentés tous deux par Me Robert FERDINAND, avocat au barreau de Saint-Denis
DEMANDEURS
ET :
- LA BANQUE DE LA RÉUNION, dont le siège est... 97400 SAINT-DENIS, Représentée par Me Henri BOITARD, avocat au barreau de Saint-Pierre
DÉFENDERESSE
en présence de-Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL, près la cour d'appel... 97488 SAINT-DENIS,
- Maître Christophe Y..., Commissaire à l'exécution du plan demeurant... 9749O SAINTE CLOTILDE, COMPARANT
Maître Michel Z..., Bâtonnier de l'ordre des avocats Palais de Justice de champ Fleuri 97490 SAINT-DENIS Représenté par Me ANILHA, avocat au barreau de Saint-Denis
PARTIES INTERVENANTES
DÉBATS L'affaire appelée à l'audience à l'audience de ce jour devant NOUS, puis après débats et observations des parties, nous avons indiqué à celles-ci que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition ce jour même
GREFFIER LORS DES DEBATS Mme Anne Marie CLAIN, adjoint administratif faisant fonction de greffier
Avons rendu la décision suivante :
Origine du litige
Par assignation du 22 juillet 2008, la Banque de la Réunion demandait au tribunal de prononcer la liquidation judiciaire de M. Raymond X... et de la Selarl Raymond X... avec toutes les conséquences de droit.
À l'audience en chambre du conseil du 29 septembre 2008 devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, M. Raymond X... et la Selarl Raymond X... sollicitaient le renvoi de l'affaire devant une juridiction limitrophe par application de l'article 47 du nouveau code de procédure civil en raison de leur qualité d'avocat parti à un litige relevant de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle ils exercent leur profession.
Par décision rendue le même jour 29 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion rejetait l'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, ordonnait la poursuite des débats à l'audience du 13 octobre 2008 à 14 heures, et ordonnait l'exécution provisoire de sa décision.
Pour justifier cette décision, les premiers juges invoquaient les règles de compétence particulière de l'article L. 610 – 1 du code de commerce, le caractère tardif de la demande au regard d'une procédure collective ouverte le 3 avril 2000, suivie de nombreuses décisions dont celles rendues par la cour d'appel les 25 octobre 2002 et 18 février 2008, le caractère dilatoire de cette demande au regard de la créance alléguée.
Le tribunal justifié en outre sa décision d'exécution provisoire par l'ancienneté du litige et " l'erreur commise par la cour d'appel dans son arrêt infirmatif du 18 février 2008 ".
Le 15 octobre 2008, M. Raymond X... et la Selarl Raymond X... sollicitaient et obtenaient l'autorisation d'assigner à jour fixe la Banque de la Réunion devant la juridiction du premier président aux fins d'obtenir la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 29 septembre 2008 par ailleurs frappé d'appel le 08 octobre 2008.
État de la procédure
Par conclusions signifiées à la partie adverse le 15 octobre 2008, M. Raymond X... et la Selarl Raymond X... demandent à la cour de suspendre l'exécution provisoire attachée à la décision du 29 septembre 2008 au motif que la règle posée par l'article 47 du nouveau code de procédure civile est une application du principe prévu par l'article 6 – 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.
Par conclusions déposées à l'audience le 16 octobre 2008, la banque de la Réunion demande à la juridiction du premier président, au visa de l'articles 524 du code de procédure civile, de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de sursis à exécution en l'absence de conséquences manifestement excessives, et subsidiairement, au visa de l'article 545 du code de procédure civile, et de déclarer cette demande irrecevable comme basé sur un appel lui-même irrecevable comme portant sur une décision ne mettant pas fin à l'instance.
Le bâtonnier de l'ordre et Me Y... entendus,
Le ministère public entendu en ses réquisitions orales,
L'affaire a été retenue et mise en délibéré pour être rendue le jour même.
Sur quoi
Au terme de l'articles 524 dernier alinéa du nouveau code de procédure civile, applicable à l'instance s'agissant d'une décision exécutoire de droit nonobstant la mention erronée du premier juge qui a " assorti sa décision de l'exécution provisoire ", le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Les conditions posées par l'article 524 sont cumulatives, et le demandeur doit donc démontrer d'une part la violation manifeste du principe du contradictoire, et d'autre part le risque de conséquences manifestement excessives dans l'exécution provisoire de la décision.
Sur la violation du principe du contradictoire
Au terme de l'article 47 du nouveau code de procédure civile, lorsqu'un auxiliaire de justice est parti à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, les parties peuvent saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.
En l'espèce, Me X... et la Selarl X... sont inscrits au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Saint-Denis pour l'année judiciaire 2008.
Or il est de jurisprudence constante que l'application de l'article 47 est indépendant de la nature du litige et du degré de notoriété acquis par l'auxiliaire de justice dans l'exercice de ses fonctions ; que dès lors que les conditions d'application sont remplies, le juge ne peut rejeter une demande de renvoi formé en vertu de l'article 47 dont l'application et de droit sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres demandes ; que le renvoi à une juridiction limitrophe en matière de procédure collective s'applique lorsqu'un auxiliaire de justice est parti à un litige dans une action en comblement de passif.
Il est également constant que la demande n'étant pas une exception de compétence peut être présentée à tous les stades de la procédure et même pour la première fois en cause d'appel même si les conditions en étaient déjà réunies en première instance.
La juridiction du premier président n'étant pas juge de la recevabilité de l'appel, cette exception ne peut être retenue pour l'application de l'article 545 du code de procédure civile.
Il est donc manifeste qu'en rejetant la demande de renvoi vers une juridiction limitrophe fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, le tribunal a privé M. Raymond X... et la Selarl Raymond X... du droit à ce que les débats contradictoires aient lieu devant une juridiction équitable et impartiale.
La violation du principe du contradictoire est donc en l'espèce établi.
Sur les conséquences manifestement excessives
La privation du droit à un procès impartial et équitable résultant du rejet de l'application de l'article 47 du nouveau code de procédure civile constitue en soit un préjudice manifestement excessif puisqu'il induit qu'une décision défavorable puisse être rendue à l'encontre du demandeur à l'exception par une juridiction ne remplissant pas les conditions d'équité et d'impartialité requises.
Or en l'espèce, la décision rendue par une telle juridiction engendrera des conséquences manifestement excessives puisqu'elle est susceptible de prononcer la liquidation judiciaire de l'intéressé hors des garanties procédurales acquises.
La deuxième condition d'application de l'article 524 est en conséquence également remplie.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 29 septembre 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion.
Par ces motifs Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort
Vu l'article 524 dernier alinéa du code de procédure civile.
Arrêtons l'exécution provisoire de droit attachée au jugement du 29 septembre 2008 rendu par le tribunal de grande instance de la Réunion dans l'affaire opposant M. Raymond X... et la Selarl Raymond X... à la Banque de la Réunion.
Condamnons la Banque de la Réunion aux dépens.
La présente ordonnance a été signée par M. François CREZE, Président de chambre et Mme Anne Marie CLAIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT