La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2008 | FRANCE | N°07/01420

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Chambre commerciale, 06 octobre 2008, 07/01420


ARRET No

R.G : 07/01420

PIEC

C/

La SA BANQUE DE LA REUNION

La SA BANQUE NATIONALE DE PARIS INTERCONTINENTALE

Société BNP PARIBAS REUNION

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU 06 OCTOBRE 2008

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 11 JUILLET 2007 suivant déclaration d'appel en date du 17 AOUT 2007

rg no 05/1013

APPELANT :

Maître Christophe PIEC, es-qualités de liquidateur de la société Bourbonnaise de Travaux Publics ( ci-après SBTR

)

...

97490 SAINTE-CLOTILDE

représenté par Me Alain ANTOINE avocat postulant au barreau de SAINT DENIS et la SCP D'ORNANO-RENUCCI-P...

ARRET No

R.G : 07/01420

PIEC

C/

La SA BANQUE DE LA REUNION

La SA BANQUE NATIONALE DE PARIS INTERCONTINENTALE

Société BNP PARIBAS REUNION

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU 06 OCTOBRE 2008

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 11 JUILLET 2007 suivant déclaration d'appel en date du 17 AOUT 2007

rg no 05/1013

APPELANT :

Maître Christophe PIEC, es-qualités de liquidateur de la société Bourbonnaise de Travaux Publics ( ci-après SBTR)

...

97490 SAINTE-CLOTILDE

représenté par Me Alain ANTOINE avocat postulant au barreau de SAINT DENIS et la SCP D'ORNANO-RENUCCI-PEPRATX, avocat plaidant, au barreau de MARSEILLE.

INTIMEES :

La SA BANQUE DE LA REUNION (ci-après BR)

27, rue Jean Chatel

97400 SAINT-DENIS

représentée par Me Patrick ARNAUD avocat postulant au barreau de SAINT-DENIS et Me Julien TURCZYNSKI avocat plaidant au barreau de PARIS.

La SA BANQUE NATIONALE DE PARIS INTERCONTINENTALE (ci-après BNPI)

67, rue Juliette Dodu

97400 SAINT-DENIS

représentée par Me Patrick GARRIGES avocat postulant au barreau de SAINT-DENIS et Me Christian ORENGO avocat plaidant t au barreau de PARIS

INTERVENANTE FORCEE

Société BNP PARIBAS REUNION, venant aux droit de la BANQUE NATIONALE DE PARIS INTERCONTINENTALE

...

97400 SAINT-DENIS

représentée par Me Patrick GARRIGES avocat postulant au barreau de SAINT-DENIS et Me Christian ORENGO avocat plaidant t au barreau de PARIS.

CLOTURE LE : 21 avril 2008

DÉBATS : En application des dispositions des articles 910 alinéa 2 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2008 devant la cour composée de :

Monsieur François CREZE, Président

Madame Gilberte PONY, Conseillère

Monsieur Thierry LAMARCHE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 07 juillet 2008, prorogé à ce jour.

Greffier lors des débats : Mme Annick PICOT, Adjoint Administratif faisant fonction de greffier.

***********************

Origine du litige

La Société Bourbonnaise de Travaux Publics dite SBTR a été créée en 1982 par les consorts A.... Elle a été admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire par jugement d'ouverture en date du 21 août 1996 , convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 18 décembre 1996, Me PIEC étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Afin de démontrer l'irrégularité des stipulations d'intérêts afférentes aux différentes ouvertures de crédit consenties à la société SBTR, le représentant des créanciers obtenait du juge des référés commerciaux par ordonnance en date du 22 avril 1997, la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. B..., lequel déposait rapport de ses opérations au greffe le 31 juillet 1999.

La Banque Nationale de Paris Intercontinentale dite BNPI déclarait sa créance au passif de la procédure collective au titre des différentes ouvertures de crédit accordées à la société SBTR à hauteur de la somme de 1 054 852,40 €. Cette créance était contestée devant le juge commissaire.

La Banque de la Réunion dite BR déclarait sa créance à concurrence de la somme de 1 620 136,06 €, somme admise définitivement au passif de la procédure collective après cassation sans renvoi de l'arrêt d'appel et ayant partiellement réformé l'ordonnance du juge commissaire statuant sur contestation de sa créance.

Suivant jugement en date du 08 mars 2000, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis en date du 01 septembre 2003, M. C... et Mme Nadine A... étaient condamnés à combler l'insuffisance d'actif à hauteur de la somme de 10 millions de francs.

Par acte d'huissier en date du 08 septembre 2005, Me PIEC ès qualités faisait assigner la BNPI et la BR , puis par la suite la BNP Paribas Réunion venant aux droits de la BNPI aux fins de voir engager leur responsabilité pour soutien abusif de crédit ou octroi de concours ruineux, et ce en vue de reconstituer l'actif de la société en liquidation.

Il faisait grief aux banques défenderesses d'avoir dissimulé l'importance des encours dont bénéficiait la société SBTR par le biais d'ouvertures de crédits consentis aux consorts A... ou à des sociétés civiles immobilières dans lesquelles ils étaient porteurs de parts. Il critiquait ensuite les prélèvements d'agios calculés selon des modalités conférant un avantage excessif au dispensateur de crédit mais qui auraient largement contribué à l'asphyxie financière de la société. Il ajoutait que l'importance du solde débiteur attestait du manquement des organismes prêteurs à leur obligation de prudence et leur devoir de conseil.

Il sollicitait en conséquence la condamnation in solidum de la BR et de la BNP Paribas Réunion à lui payer la somme de 695 868,33 € en compensation du déficit de trésorerie consécutif à la pratique des taux disproportionnés, et la somme de 2 millions d'euros en réparation du préjudice causé par les agissements des établissements financiers.

État de la procédure

Par jugement du 11 juillet 2007, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion déclarait irrecevable l'action dirigée par Me Piec à l'encontre de la BNPI , accueillait la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action dirigée contre la BNP Paribas Réunion, déboutait Me PIEC ès qualités de toutes ses prétentions à l'encontre de la Banque de la Réunion, déboutait cette dernière de sa demande en dommages et intérêts dirigés contre Me PIEC, et condamnait Me PIEC ès qualités à payer à la BNPI la somme de 1200 €, à la BNP Paribas Réunion et à la Banque de la Réunion la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d'instance.

Suivant déclaration du 17 août 2007, Me Christophe Piec en qualité de liquidateur de la société Bourbonnaise de Travaux Publics interjetait appel de cette décision. Par conclusions récapitulatives du 19 novembre 2007, il demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de dire et juger non prescrite son action en responsabilité pour soutien abusif par fourniture de crédit ruineux dirigé à l'encontre de la BNP Paribas Réunion venant aux droits de la BNPI, condamner la Banque de la Réunion et la BNP Paribas Réunion in solidum à payer à Me PIEC ès qualités la somme de 3 686 792 €à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 25 000 €sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions récapitulatives du 18 février 2008, la BNPI et la BNP Paribas Réunion demandent à la cour de confirmer la décision entreprise, de rejeter les demandes de Me PIEC ès qualités de mandataire liquidateur de la SBTR , et de le condamner à leur verser à chacun la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et 5 000 € au titre du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 18 février 2008, la Banque de la Réunion demande à la cour au visa de l'article 122 du code de procédure civile de déclarer Me Piec ès qualités irrecevable en ses demandes, subsidiairement de débouter Me PIEC de toutes ses demandes , fins et conclusions, et faisant droit à sa demande reconventionnelle, de condamner Me PIEC ès qualités à lui verser 1 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 23 920 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 21 avril 2008 pour l'affaire être plaidée le 26 mai 2008.

Par conclusions du 22 mai 2008, Me PIEC agissant en qualité de liquidateur de la société SBTR sollicitait le rabat de l'ordonnance de clôture aux fins de verser aux débats deux états comptables faisant apparaître qu'il n'y a plus aucun actif a réaliser.

Sur quoi, la cour

La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus amples exposés des faits, prétentions et moyens des parties.

Sur le rabat de l'ordonnance de clôture

En fournissant postérieurement à la clôture des débats un état actualisé du passif de la SBTR au 07 mai 2008 d'une part, ainsi qu'un état comptable du mandat de Me PIEC concernant la SBTR au 07 mai 2008 également d'autre part, Me PIEC ne précise ni les raisons qui puissent expliquer le dépôt tardif de ces pièces postérieurement à l'ordonnance de clôture du 22 mai 2008, ni surtout en quoi ces états comptables seraient de nature à modifier la position des parties tant sur les prescriptions soulevées que sur le fond.

Il n'y a pas lieu en conséquence de rabattre l'ordonnance de clôture, et les pièces produites postérieurement à cette ordonnance seront écartées des débats.

Sur l'action dirigée contre la BNPI et la BNP Paribas Réunion.

Par des motifs pertinents repris par la cour, les premiers juges ont exactement rappelé que la responsabilité du banquier pour soutien abusif est régie par les principes applicables à la responsabilité extra contractuelle ; que le délai de prescription en la matière est celui de l'article 2270 – 1 du code civil qui enferme celle-ci dans un délai de 10 ans ; que le point de départ du délai correspond à la date à laquelle la partie lésée a connaissance du fait dommageable ; qu'en l'espèce, il résulte des termes d'une assignation délivrée à la BNPI et la BR à la requête de la SCI du centre commercial de saint André en date du 23 septembre1996, que le grief de soutien abusif de la société SBTR a déjà fait l'objet d'une incrimination explicite en vue de rechercher en responsabilité les deux établissements de crédit défendeurs ; que cet acte fait explicitement état d'un soutien abusif de la part des banques dispensatrices de crédit ; qu'il ne peut donc être valablement argué d'une connaissance exhaustive du dommage seulement à compter du dépôt du rapport de l'expert le 31 juillet 1999 .

Me PIEC y opposait que la date de l'assignation délivrée par la SCI du centre commercial saint André aux deux établissements bancaires ne pouvait être retenue comme point de départ de la prescription au motif de qu'il n'était pas personnellement parti à cette procédure. Cependant, il apparaît que l'assignation du 23 septembre 1996 avait été délivrée à la requête des consorts A... agissant sous couvert de cette SCI familiale et qu'elle mettait clairement en cause la responsabilité de la BNPI accusée d'avoir fautivement accordé des concours à la société SBTR dont ils étaient les dirigeants. Par ailleurs, la BNPI et la BNP Paribas Réunion ont opportunément rappelé que la SCI du centre commercial saint André avait mis en cause l'administrateur judiciaire de la SBTR ainsi que le prédécesseur de Me PIEC dans la fonction de représentant des créanciers devenu mandataire liquidateur de la SBTR.

Il est ainsi démontré que dès 1996, les critiques quant à l'implication des banques dans la déconfiture de la SBTR du fait de prêts abusifs étaient déjà formulées. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé le point de départ de la prescription à la date de l'assignation précitée, c'est-à-dire le 23 septembre 1996.

Dès lors, le terme du délai de prescription doit être fixé au 24 septembre 2006 étant observé que ni l'instance en désignation de l'expert du 22 novembre 1996, ni l'assignation délivrée le 08 septembre 2005 à la BNPI , dénuée de toute valeur interruptive comme ayant été délivré à une personne dépourvue de qualité pour la recevoir, n'ont interrompu le cours de la prescription.

Il s'ensuit qu' à la date de l'assignation en intervention forcée à l'encontre de la BNP Paribas Réunion (31 janvier 2007), le délai de prescription était expiré.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur l'action dirigée contre la Banque de la Réunion

La prescription décennale de l'article 2270 – 01 du code civil est également invoquée en cause d'appel par la Banque de la Réunion.

Ainsi, une éventuelle action contre la Banque de la Réunion ne devait nécessairement être introduite dans les 10 années qui ont suivi la connaissance par l'emprunteur des faits de soutien abusif invoqués comme générateur de responsabilité.

Or, dans ses conclusions d'appel, le mandataire liquidateur fonde son argumentation sur l'étude des comptes de la SBTR pour la période allant de 1990 à 1994, ainsi que sur différents événements antérieurs à mai 1995. Il estime en conséquence que la Banque de la Réunion ne pouvait ignorer à la lecture de ces comptes la situation irrémédiablement compromise de la SBTR , la poursuite des crédits au-delà de mai 1995 matérialisant alors le soutien abusif allégué.

Cependant, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a , le par jugement du 04 décembre 1996, ramené la date de la cessation des paiements au 21 février 1995, observant que la carence des dirigeants de droit et de fait constituait une faute de gestion en ce qu'ils avaient laissé se poursuivre sans intervenir l'activité déficitaire de la société SBTR, avec pour incidence directe une aggravation de l'endettement et mise en place de financement coûteux pour l'entreprise.

Il en découle que la société SBTR avait nécessairement connaissance dès le 21 février 1995 du prétendu soutien abusif que Me Piec reproche à la banque de la Réunion. Dès lors, le terme du délai de prescription doit être fixé au 21 février 2005 , et l'assignation délivrée le 08 septembre 2005 à la Banque de la Réunion par Me PIEC ès qualités de liquidateur se heurte à l'expiration du délai de la prescription décennale.

La décision entreprise sera donc infirmée sur ce point , et l'action initiée par Me PIEC ès qualités déclarée irrecevable comme prescrite.

Sur les dommages intérêts et frais irrépétibles

La preuve du caractère abusif de l'action du mandataire liquidateur n'étant pas rapportée, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de dommages et intérêts formulées par les établissements bancaires.

Il ne paraît pas inéquitable dans les circonstances de la cause de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.

Déclare l'appel recevable.

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré prescrite et irrecevable l'action en responsabilité initiée par Me PIEC ès qualités à l'encontre de la BNPI et de la BNP Paribas Réunion.

Réformant pour le surplus,

Déclare prescrite et irrecevable l'action en responsabilité initiée par Me PIEC ès qualités à l'encontre de la Banque de la Réunion.

Déboute les établissements bancaires de leurs actions en dommages- intérêts et indemnisation des frais irrépétibles exposés.

Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires

Condamne Me PIEC ès qualités aux dépens, et dit qu'ils seront employés en frais privilégié de liquidation.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur François CREZE, Président de Chambre, et par Mme Annick PICOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER SIGNE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07/01420
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, 11 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2008-10-06;07.01420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award