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03/12/2007 | FRANCE | N°06/00732

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Chambre commerciale, 03 décembre 2007, 06/00732


Arrêt No

R. G : 06 / 00732

BEGUE

C /

X...

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2007

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 19 AVRIL 2006 suivant déclaration d'appel en date du 24 MAI 2006
rg no 06 / 0160

APPELANTE :

Madame Marie Annick Y...
...
97400 SAINT-DENIS

Représentant : Me Laurent PAYEN (avocat au barreau de ST DENIS)

INTIME :

Monsieur Gerhard Otmar X...
...
...
97426 SAINT LEU
r>Représentant : Me Sophie VIDAL (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 003760 du 17 / 07 / 2006...

Arrêt No

R. G : 06 / 00732

BEGUE

C /

X...

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2007

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 19 AVRIL 2006 suivant déclaration d'appel en date du 24 MAI 2006
rg no 06 / 0160

APPELANTE :

Madame Marie Annick Y...
...
97400 SAINT-DENIS

Représentant : Me Laurent PAYEN (avocat au barreau de ST DENIS)

INTIME :

Monsieur Gerhard Otmar X...
...
...
97426 SAINT LEU

Représentant : Me Sophie VIDAL (avocat au barreau de SAINT-DENIS)

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 003760 du 17 / 07 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis)

CLOTURE LE : 08 octobre 2007

DÉBATS : en application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre commerciale entre le 29 octobre et le 05 novembre 2007

Par bulletin du 06 novembre 2007, le président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre commerciale de la cour composée de :

Président : Monsieur François CREZE, Président de Chambre
Conseiller : Conseillère Gilberte PONY,
Conseiller : M. Yves BLOT,
qui en ont délibéré
et que l'arrêt serait rendu le 03 Décembre 2007 par mise à disposition au greffe.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 03 Décembre 2007.

Greffier : Mme Anick PICOT, Adjoint Administratif faisant fonction de greffier.

Origine du litige

Suivant exploit du huit décembre 2005, M. X... sollicitait du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis la condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 120   000 € en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des fautes de gestion de son ex associée, celles-ci ayant entraîné selon lui la liquidation judiciaire de la société Bioinvest dont elle était la gérante de droit depuis le 20 mai 1999.

À l'appui de sa demande, il exposait qu'il avait acquis en 1998 avec Mme Y... l'intégralité des parts de la société Form Santé, lui-même recevant 34 parts de son ex compagne MmeFabien tandis que Mme Y... qui devenait sa nouvelle compagne en recevait 15 ; qu'il avait cédé gratuitement à cette dernière 21 parts en juin 2002, puis 16 parts en décembre 2002 tandis qu'il conservait lui-même la gestion de la société Zentex « pour gérer la partie grossiste de leurs activités communes » (pièce no 20 du dossier Begue) ; qu'en avril 2000, la société Form Santé se transformait en SARL Bioinvest sous l'impulsion de Mme Y... ; que tandis qu'il se désengageait peu à peu de cette société, Mme Y... y augmentait son emprise au point de développer un réseau de magasins partenaires franchisés et d'ouvrir de nouveaux commerces courant 2000.

M. X... reprochait à Mme Y... une gestion extravagante, et notamment des immixtions dans la gestion de la société Zentex, la création de nouvelles structures Bioinvest sans avoir consolidé les comptes du magasin initial, l'augmentation des charges de loyer, sa légèreté dans le suivi de la comptabilité, et son refus de convoquer une assemblée générale extraordinaire lorsque la demande en a été faite par son associé le 19 mars 2004.

Mme Y... ne comparaissait pas et n'était pas représentée devant le tribunal mixte de commerce.

État de la procédure

Par jugement du 19 avril 2006, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, retenant qu'il résultait suffisamment des documents versés aux débats par M. X... que Mme Y... aurait géré la société avec la plus grande légèreté en se désintéressant de l'aspect tant juridique que commercial de sa fonction de gérante, condamnait Mme Marie-Annick Y... au visa des articles L. 223 – 22 et suivants du code de commerce à payer à M. Gerhard X... la somme de 50   000 € à titre de dommages et intérêts.

Suivant déclaration du 24 mai 2006, Mme Y... interjetait appel de cette décision. Par conclusions récapitulatives du 05 octobre 2007, elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes, et reconventionnellement, de le condamner à lui verser la somme de 145   000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par son " comportement fautif ", outre la somme de 5   000 € au titre de l'article 700 du NC PC. Elle invoque principalement ses investissements en capitaux et en temps dans la société pour la sauver de la faillite, ainsi que les nombreux actes d'immixtion de son ex concubin dans la gestion de la société Bioinvest. Elle fonde sa demande indemnitaire et reconventionnelle sur le montant des sommes qu'elle a investies en pure perte pour des sociétés exploitées de fait par M. X....

Suivant conclusions récapitulatives du 1er août 2007, M. X... demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité de Mme Y... dans la gestion défaillante de la SARL Bioinvest mais de la réformer sur le montant des dommages et intérêts réclamés en les portant à 120   000 €, et de débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Sur quoi, la cour

La Cour se réfère au jugement entrepris et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

L'appel interjeté dans les délais et formes légales sera déclaré recevable.

Sur la responsabilité de Mme Y... et le préjudice de M. X....

Aux termes de l'article L. 223 – 22 du code de commerce, les gérants sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

En l'espèce, M. X... recherche la responsabilité de Mme Y... en raison des fautes de gestion qu'elle aurait commise au préjudice de la SARL Bioinvest et pour obtenir réparation du préjudice personnel qu'il aurait subi de ce fait. Or, M. X... ne demande pas réparation du préjudice subi par la société Bioinvest et n'est pas davantage un tiers à cette société aujourd'hui en liquidation judiciaire, mais dont il a été dans un premier temps le gérant et dans un deuxième temps l'un des associés. Il lui appartient donc de démontrer pour obtenir réparation de son préjudice personnel la réalité des fautes de gestion de Mme Y..., le lien de cause à effet entre les fautes alléguées et la liquidation de la SARL Bioinvest ainsi que le préjudice en résultant pour lui-même.

M. X... reproche précisément à Mme Y... une gestion extravagante, des immixtions dans la gestion de la société Zentex dont il est lui-même le gérant, l'ouverture de nouveaux magasins sans avoir consolidé les comptes du magasin initial, l'augmentation des charges de loyer, la légèreté dans le suivi de la comptabilité, et son refus de convoquer une assemblée générale extraordinaire lorsqu'il en a fait la demande en qualité d'associé le 19 mars 2004. Il estime que cette mauvaise gestion a conduit la société Bioinvest à sa liquidation.

Or le rapport du mandataire liquidateur de la SARL Bioinvest en date du 05 mai 2006 apporte des éléments d'information suivants sur les causes de la liquidation :
« quand Mme Y... est devenue associée en 1998, elle savait que le commerce du Chaudron connaissait quelques difficultés. En 2000, les fonds de Saint-Louis et de la Saline sont créés. Le prêt obtenu de la BNP aurait été insuffisant, et la société n'avait pas de fonds propres. De plus en 2001, un important cambriolage intervient dans le commerce de Saint-Denis. Aucune indemnisation ne serait intervenue faute d'effraction. En 2001, intervient le rejet d'une demande de moyens de financement par la BNP. En 2001 / 2002 la société s'aperçoit que ses comptes tenus par M. D...sont faux et que celui-ci n'intervenait pas dans le cadre d'un cabinet d'expertise comptable, et qu'elle ne connaît pas précisément sa situation passive ; une plainte a été déposée.
Des problèmes interviennent avec les créanciers. En 2002, la séparation entre les associés qui vivaient maritalement intervient et il en résulte des dissensions. Un directeur salarié a été embauché, mais cette embauche a aggravé celles-ci. Des repreneurs pour les fonds sont recherchés depuis 2004. »

Le mandataire judiciaire a ainsi rattaché les difficultés de la société au manque de fonds propres, à la survenance d'un important cambriolage non indemnisé, à la falsification des comptes par un cabinet d'expertise comptable et surtout, à la séparation des associés et aux dissensions en résultant, ainsi qu'à l'embauche d'un directeur salarié.

Or il est constant qu'au cours de sa gestion, Mme Y... a investi d'importants fonds propres dans la société Bioinvest ; que sa responsabilité ne peut être recherchée du fait du cambriolage et de l'absence d'indemnisation ; que les dissensions entre les ex concubins ne peuvent être imputées sauf preuves contraires à l'un plutôt qu'à l'autre ; que l'embauche d'un directeur salarié de la SARL Bioinvest le premier mars 2002 est imputable à M. X..., lequel a ainsi démontré qu'il conservait un pouvoir important dans cette société dont Mme Y... était la gérante de droit depuis le 20 mai 1999.

Il s'ensuit qu'aucune faute de gestion démontrée ne peut être retenue à l'encontre de Mme Y....

En outre, l'allégation selon laquelle Mme Y... se serait désintéressée de la gestion du magasin de Saint-Denis (attestation de Mlle E..., pièce numéro 24) est contredite par l'attestation de Mme F...selon laquelle Mme Y... se partageait principalement entre les deux magasins de Saint-Gilles et de Saint-Denis, et exceptionnellement celui de Saint-Louis lors des congés du personnel (pièce numéro 31, dossier Begue).

Enfin en ce qui concerne l'évolution du chiffre d'affaires de la société Form Santé devenue Bioinvest dans la période de gestion de Mme Y..., il convient de relever que par courrier du 02 décembre 1998 adressé à une employée (pièce numéro 22 du dossier Begue) M. X... écrivait notamment :
« Malheureusement depuis cette date (1996), nous avons pu constater une chute progressive et importante du chiffre d'affaires ; au début de l'année 1998 cette diminution du chiffre d'affaires est devenue dramatique... Il est évident que le magasin a été en dessous du seuil de rentabilité... Mme Y..., retraitée de la fonction publique, a bien voulu investir ses capitaux et son temps dans la société afin de sauver la société de la faillite... Depuis ses interventions ces derniers mois, le chiffre d'affaire remonte miraculeusement à son ancien niveau... L'agonie du magasin en 1997 et 1998, puis la remontée de ces derniers mois nous permet aujourd'hui une analyse des défaillances... On a frôlé la catastrophe, et l'application de Mme Y... nous a sauvé de la fermeture définitive. »
Ces écrits démontrent non seulement que Mme Y... n'a pas hérité d'une situation particulièrement bonne en prenant la direction de la société, mais aussi confirme qu'elle y a investi des fonds propres, même si ceux-ci se sont avérés insuffisants pour assurer la pérennité de Bioinvest.

Par ailleurs, le refus explicite ou implicite de réunir l'assemblée générale extraordinaire à la demande de M. X... le 26 avril 2004 ne peut être retenu à l'encontre de Mme Y... comme une faute de gestion alors qu'il s'agissait selon le requérant d'ouvrir un débat sur l'état et la gestion de la SARL au regard des décisions imbriquées des deux associés anciens concubins.

Enfin l'immixtion prétendue de Mme Y... dans la gestion de la société Zentex ne peut davantage lui être imputée comme faute de gestion dans le cadre de la société Bioinvest.

En définitive, M. X... n'apporte pas la preuve des fautes de gestion commise par Mme Y... ni du lien de cause à effet entre ces prétendues fautes et le préjudice personnel qu'il allègue.

Sur la demande reconventionnelle de Mme Y...

À l'appui de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, Mme Y... invoque le " comportement fautif " de son ex concubin, et le préjudice en résultant du fait de la perte de ses investissements en capitaux et en temps dans la société pour la sauver de la faillite.

Cependant, Mme Y... ne précise pas en quoi consisterait le comportement fautif de M. X... sauf à retenir contre lui une gestion de fait qui aurait conduit la société Bioinvest à la faillite et qui lui aurait ainsi fait perdre le bénéfice de ses investissements.

Or le mandataire judiciaire n'a pas imputé la liquidation de la société Bioinvest aux fautes de gestion commises par la gérante de droit ou le gérant de fait, mais principalement aux dissensions entre les concubins, ainsi qu'à quelques causes supplémentaires d'origine externe (le cambriolage ; la falsification des comptes par un cabinet comptable). Seule la nomination d'un directeur salarié pourrait être reprochée à M. X..., sans que l'on puisse établir le lien entre cette nomination et l'aggravation des difficultés sociales.

Par ailleurs, Mme Y..., qui avait bénéficié de la cession gratuite de certaines parts sociales, a librement décidé d'investir une partie de ses fonds personnels dans la société dont elle était gérante et associée. Si la liquidation judiciaire de Bioinvest a entraîné la perte de ces apports, il n'y a pas de lien de cause à effet direct entre la gestion des ex-concubins et ce préjudice en l'absence de faute démontrée de l'un ou de l'autre.

Il y a lieu en conséquence de débouter Mme Y... de sa demande reconventionnelle.

Sur les frais irrépétibles d'instance

L'équité commande qu'il ne soit fait droit à aucune des réclamations formulées au titre de l'articles 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.

Déclare l'appel recevable.

Infirme la décision entreprise.

Déboute les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Condamne M. Gerhard X... aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur François CREZE, Président de Chambre, et par Mme Annick PICOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERsignéLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06/00732
Date de la décision : 03/12/2007
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE - Gérant - Responsabilité civile - / JDF

L'investissement par la gérante d'importants fonds propres dans une société en difficultés, la survenance d'un cambriolage non indemnisé, la séparation des associés ne sont pas des éléments de nature à caractériser des fautes de gestion de la gérante, ni du lien de cause de causalité entre ces faits et le préjudice personnel allégué par l'ex-associé. Pas davantage l'embauche d'un directeur qui révèle le maintien d'un important pouvoir de l'ex-concubin associé. Il s'ensuit que la responsabilité de la gérante ne peut être retenue


Références :

article L. 223-22 du code de commerce

Décision attaquée : Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, 19 avril 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2007-12-03;06.00732 ?
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