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16/08/2024 | FRANCE | N°24/02962

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 16 août 2024, 24/02962


N° RG 24/02962 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXVJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 16 AOUT 2024









Magali DEGUETTE, conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier ;



Vu les articles L.740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étranger

s et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 11 août 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [I] [J] né le 14 ...

N° RG 24/02962 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXVJ

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 16 AOUT 2024

Magali DEGUETTE, conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier ;

Vu les articles L.740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 11 août 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [I] [J] né le 14 janvier 1992 en Tunisie de nationalité tunisienne ;

Vu l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 13 août 2024 de placement en rétention administrative de M. [I] [J] ayant pris effet le 13 août 2024 à 14h05 ;

Vu la requête du 13 août 2024 de M. [I] [J] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du 14 août 2024 du préfet du Pas-de-Calais tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [I] [J] ;

Vu l'ordonnance rendue le 15 août 2024 à 15h30 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [I] [J] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-six jours à compter du 15 août 2024 à 14h05 jusqu'au 10 septembre 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [I] [J], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 16 août 2024 à 11h41 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 6],

- à l'intéressé,

- au préfet du Pas-de-Calais,

- à Me Marie Camail, avocate au barreau de Rouen, de permanence ;

Vu les dispositions des articles L.743-8 et R.743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 6] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [I] [J] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du préfet du Pas-de-Calais et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [I] [J] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 6] ;

Me Marie Camail, avocate au barreau de Rouen, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel interjeté par M. [I] [J] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 15 août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

1) Sur l'insuffisance de motivation de l'ordonnance contestée

M. [J] fait valoir que le juge des libertés et de la détention, en ne répondant que de manière partielle aux moyens soulevés dans son mémoire présenté au soutien de sa requête 13 août 2024, a entaché sa décision d'un défaut de motivation portant atteinte au droit au procès équitable en violation des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme, qu'il doit donc être mis fin à sa rétention.

L'article 455 alinéa 1er du code de procédure énonce que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Selon l'article 954 alinéa 3 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La sanction de la règle édictée à l'article 455 est la nullité de la décision attaquée.

Or, aux termes du dispositif de ses écritures d'appel, M. [J] n'a pas sollicité l'annulation de l'ordonnance attaquée, mais sa réformation.

La cour d'appel n'étant pas saisie d'une demande d'annulation, elle n'a pas à statuer sur ce moyen invoqué par M. [J].

2) Sur l'erreur manifeste d'appréciation

M. [J] soutient qu'il dispose d'une adresse stable où il est locataire, d'un emploi, et de garanties de représentation, que c'est donc à tort que la préfecture a écarté la possibilité de l'assigner à résidence, de sorte que l'arrêté de son placement en rétention est irrégulier et qu'il doit y être mis fin.

Selon l'article L.741-1 du ceseda, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

L'article L.731-1 du même code prévoit que l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article

L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

En l'espèce, M. [J], qui se maintient sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et/ou d'un document d'identié valable à ce jour et qui a pu donner des identités différentes ([H] [Z]/[J] [H]), a déjà fait l'objet de deux décisions portant obligation de quitter le territoire français les 20 juillet 2017 et 25 janvier 2022.

Le préfet a également pu prendre en compte, au soutien de sa mesure de placement de M. [J] en rétention administrative, le défaut de justification de l'intensité des relations qu'il indique avoir avec ses frères et soeur domiciliés en France. La seule production de la quittance de loyer de son frère pour justifier d'une adresse et de sa carte d'identité n'est pas suffisante à en faire la preuve.

Le préfet a également pu légitimement faire état, au soutien de sa décision, des conditions d'interpellation de M. [J] le 11 août 2024 au cours d'une scène de violences, [Adresse 7] à [Localité 4], lors de laquelle les policiers ont constaté qu'il avait asséné deux coups de poing au visage d'une autre personne.

M. [J] justifie travailler désormais pour la société Sogi Nord dans le domaine du Btp, ce qui explique sa présence à [Localité 4], mais à des domiciles différents : [Adresse 3], [Adresse 1]. Apparaît également l'adresse de son frère au [Adresse 2] à [Localité 5].

Le seul élément positif de M. [J], basé sur son exercice professionnel, est insuffisant pour s'assurer de ses garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et pour garantir efficacement celle-ci en-dehors d'un placement en rétention de celui-ci.

Aucune erreur d'appréciation n'est fondée.

Ce moyen est rejeté.

3) Sur l'insuffisance des diligences de l'administration

M. [J] expose que les diligences de l'administration sont insuffisantes et tardives, celle-ci ne justifiant pas les avoir effectuées dès son placement en rétention, mais seulement deux jours plus tard, et uniquement aux autorités consulaires tunisiennes et pas également aux autorités consulaires libyennes, que la prolongation de la mesure de rétention ne pouvait donc pas être accordée.

L'article L.741-3 du ceseda prévoit qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

L'autorité administrative doit justifier les diligences qu'elle a entreprises pour saisir les autorités consulaires compétentes, mais sans avoir à les relancer dès lors qu'elle n'a aucun pouvoir de coercition sur les autorités étrangères. Elle n'a l'obligation d'exercer toutes diligences en vue du départ de l'étranger qu'à compter du placement en rétention.

En l'espèce, M. [J] n'a pas de titre de séjour en cours de validité, ce qui constitue un obstacle à son éloignement.

Par courriel du 13 août 2024, le préfet du Pas-de-Calais a saisi les autorités consulaires tunisiennes d'une demande de rendez-vous d'audition aux fins de délivrance d'un laissez-passer.

Cette demande, réalisée deux jours après le placement en rétention de M. [J], l'a été dans un délai raisonnable, l'article L.741-3 n'imposant aucun délai maximum d'accomplissement de cette diligence.

Par ailleurs, M. [J] s'est présenté comme étant né à [Localité 8] en Libye et de nationalité libyenne aux policiers qui l'ont interpellé. Il se présente également comme de nationalité tunisienne, disposant de cette double nationalité.

En conséquence, le choix du préfet du Pas-de-Calais de ne pas s'adresser également aux autorités consulaires libyennes n'est pas fautif, ni erroné, et ne porte pas atteinte aux droits de M. [J].

Enfin, à ce jour, le consulat de Tunisie n'a donné aucune réponse. Ce fait n'est pas imputable au préfet du Pas-de-Calais et n'est pas de nature à écarter toute perspective d'éloignement de M. [J] vers la Tunisie dans le délai de la prolongation de rétention sollicitée.

Ce moyen n'est donc pas fondé.

Au final, l'ordonnance critiquée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [I] [J] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 15 août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 16 août 2024 à 18h00.

Le greffier, La conseillère,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02962
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-16;24.02962 ?
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