N° RG 24/02840 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXMR
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 8 AOUT 2024
Christine FOUCHER-GROS, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Stéphane GUYOT, greffier ;
Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté préfectoral en date du 14 décembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [J] [Z] né le 22 juin 1992 à ALGERIE de nationalité algérienne ;
Vu l'arrêté préfectoral en date du 2 août 2024 de placement en rétention administrative de M. [J] [Z] ;
Vu la requête de M. [J] [Z] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 3 août 2024 ;
Vu la requête du préfet de la Seine-Martime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de
M. [J] [Z] ;
Vu l'ordonnance rendue le 6 août 2024 à 6 aout 2024 à 17h20 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [J] [Z] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 6 août 2024 à 12h15 jusqu'au 1er septembre 2024 à la même heure à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par M. [J] [Z], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 6 août 2024 à 20h22 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],
- à l'intéressé,
- au préfet de la Seine-Maritime,
- à Me Alison JACQUES, avocat au barreau de Rouen, choisi ;
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [J] [Z] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique,en l'absence du préfet de la Seine-Martime et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [J] [Z] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;
Me Alison JACQUES, avocat au barreau de Rouen, étant présente au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Le 14 décembre 2022, le Préfet de la Seine Maritime a notifé à M. [Z], ressortissant algérien, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour de six mois.
Le 23 mai 2023, le Préfet de la Seine Maritime a prolongé l'interdiction de retour pour une durée de six mois. Le même jour, il a fait l'objet d'un arrêté portant assignation à résidence. Le 24 mai 2023, Monsieur [Z] n'a pas déféré à son obligation de pointage.
Le 1er août 2024 Monsieur [Z] a été interpelé et placé en garde à vue pour des faits de maintien irrégulier sur le territoire national.
Le 2 août 2024 le Préfet de Seine Maritime a pris une arrêté de placement de M. [Z] en rétention administrative, jusqu'au mardi 6 août.
Le 3 août 2024, Monsieur [Z] a saisi le juge des libertés et de la détention en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Le 5 août 2024, le Préfet de la Seine Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention administrative pour une période de 26 jours.
Le 6 août 2024, le juge des liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a déclaré régulière la décision de placement en rétention administrative et fait droit à la requête en prolongation de cette rétention.
Monsieur [Z] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 6 août 2024 à 20h22.
Au soutient de son appel il fait valoir que :
*la mesure de garde à vue, n'a eu pour objectif que la notification des arrêtés administratifs ;
*la décision portant obligation pour M. [Z] de quitter le territoire français a été prise plus d'un an avant le placement en rétention administrative. Les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne sont pas applicables à la situation de M. [Z] ;
*le Préfet aurait pu privilégier une assignation à résidence aux lieu et place d'un placement en rétention administrative.
*à titre subsidiaire, il sollicite que son assignation à résidence soit ordonnée.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [J] [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 6 août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur le moyen tiré du détrournement de la procédure de garde à vue :
Aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale : 'La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :
1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;
2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;
3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;
5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;
6° Garantir la mise en 'uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit'
Il résulte des dispositions de l'article 63 du même code que sauf autorisation écrite et motivée du procueur de la République, la durée de la garde à vue est de 24 heures.
Il ressort des procès verbaux des services de police que M. [Z] a été placé en garde à vue le 1er août 2024 à 14h40 pour l'infraction de maintien irrégulier sur le territoire français. Il a été entendu sur les faits reprochés entre 15h30 et 16h10. Il a été mis fin à la garde à vue le 2 août 2024 à 12h10 après notification de l'arrêté de placement en rétention administrative.
En l'espèce, la durée de la garde à vue n'a pas dépassé le délai légal de 24 heures de sorte que la non conformité à l'article 62-2 précité ne peut être retenue.
Sur le défaut de base légale :
Aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
L'article 72 de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 a modifié l'article L731-1 du Ceseda, en indiquant dans son 2° qu'au 1° de l'article L. 731-1, les mots : « d'un an» sont remplacés par les mots : « de trois ans».
Ainsi, selon les dispositions de l'article L. 731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, en vigueur depuis le 28 janvier 2024 : « L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants:
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) »
Les conditions d'application dans le temps de l'article 72 de la loi du 26 janvier 2024 sont régies par son article 86 IV de la même loi qui disposent que « l'article 72, à l'exception du 2° du VI, l'article 73, le I de l'article 74, les 6° à 10° de l'article 75, l'article 76 et les 2°, 8° et 11° du II de l'article 80 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de la publication de la présente loi. Ces dispositions s'appliquent à la contestation des décisions prises à compter de leur entrée en vigueur ».
Il en résulte que la modification de la durée initiale d'un an par l'article 72 est d'application immédiate puisqu'il n'a pas été expressément prévu que son application soit reportée.
L'application immédiate de la nouvelle loi aux situations en cours, soit des situations nées avant la promulgation de la loi et se poursuivant postérieurement à son entrée en vigueur, ne peut s'analyser comme une situation de rétroactivité dès lors que les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne créent pas une situation qui n'existait pas antérieurement à leur entrée en vigueur. Quelle que soit la durée du délai permettant de prendre un arrêté de placement en rétention sur la base d'une décision ordonnant obligation de quitter le territoire, l'étranger reste visé par cette obligation et cet acte administratif reste exécutoire, même en l'absence d'arrêté de placement en rétention, sauf à faire l'objet d'une annulation par la juridiction administrative.
En outre, le fait que le préfet ait l'obligation de fonder son arrêté de placement en rétention sur une décision emportant obligation de quitter le territoire de moins de trois ans (ou de moins d'un an sous l'empire de l'ancienne loi) n'emporte pas l'extinction des effets de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire au-delà de cette période car ce dernier acte est un acte autonome de celui ordonnant la décision de placement en rétention.
En d'autres termes la loi du 26 janvier 2024 n'a aucune conséquence sur la validité de la mesure d'éloignement fondant la rétention, elle permet seulement depuis le 28 janvier 2024 à l'autorité administrative de prendre un arrêté de placement en rétention sur une période de 3 ans en lieu et place de la période d'un an prévue antérieurement. Dès lors que la décision concerant M. [Z] portant obligation de quitter les territoire français est antérieure au délai de trois années (14 décembre 2022) l'arrêté de placement en rétention administrative est régulier.
Sur l'errreur manifeste d'appréciation :
Par des motifs pertinents que la juridiction adopte, le premier juge a retenu que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant une décision de rétention et non d'assignation à résidence. Il y sera ajouté que M. [Z] s'est soustrait aux obligations d'une précédente assignation à résidence.
Sur la demande d'assignation à résidence :
Par des motifs pertinents que la juridiction adopte, le premier juge a retenu qu'il existait un risque de fuite de M. [Z], de sorte que les garanties de représentation qu'il présente ne sont pas ici suffisantes. En outre, il sera ici aussi ajouté que M. [Z] s'est soustrait aux obligation d'une précédente assignation à résidence.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [J] [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Août 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Déboute M. [Z] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.
Fait à Rouen, le 8 août 2024 à 15h03.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.