N° RG 24/02834 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXMH
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 08 AOUT 2024
Nous, Christine FOUCHER-GROS, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Stéphane GUYOT, Greffier ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du Préfet du Nord en date du 1er août 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Madame [G] [M] [J] [W] ;
Vu l'arrêté du Préfet du Norden date du 1er août 2024 de placement en rétention administrative de Madame [G] [M] [J] [W] ayant pris effet le1er août 2024 à 18h20 ;
Vu la requête du Préfet du Nord tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Madame [G] [M] [J] [W] ;
Vu l'ordonnance rendue le 06 Août 2024 à 13h55 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Madame [G] [M] [J] [W] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 5 août 2024 à 18h00 jusqu'au 31 août 2024 à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par Madame [G] [M] [J] [W] , parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 06 août 2024 à 19h11 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],
- à l'intéressé,
- au Préfet du Nord,
- à Me Alison JACQUES, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
- à Madame [L] [H] interprète en langue vietnamienne ;
Vu la demande de comparution présentée par Madame [G] [M] [J] [W] épouse [W] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [G] [M] [J] [W] épouse [W], assistée de Me Alison JACQUES, avocat au barreau de ROUEN, de Madame [L] [H] interprète en langue vietnamienne, expert assermenté, en l'absence du Préfet dy Nord de Me Alison JACQUES et du ministère public ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Le 1er août 2024, Madame [G] [M] [J] [W] et son époux ont été contrôlés dans le hall de la gare de la commune de [Localité 1]. Elle était en possession d'un passeport vietnamien en cours de validité et d'un vignette Visa Shengen type D délivré par les autorité hongroises le 22 juillet 2024 valide pour 30 jours et une entrée.
Madame [G] [M] [J] [W] a fait l'objet d'une retenue administrative le 1er août 2024 à 10 heures. Le même jour à 18h, le Préfet du Nord lui a notifié une décision portant obligation de quitter le territoire français et la plaçant en rétention administrative pour une durée de 4 jours.
Le 3 août 2024, Madame [G] [M] [J] [W] a contesté devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Le 5 août 2024, le Préfet du Nord a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en prolongation de la durée de la rétention.
Le 6 août 2024, le juge des libertés et de la détention a déclaré régulière la décision de placement en rétention et ordonné la prolongation de cette rétention pour une durée de 26 jours.
Madame [G] [M] [J] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 6 août 2024 à 19h13.
Au soutien de son appel elle fait valoir que :
*la procédure antérieure au placement en rétention administrative n'a pas respecté les disposition des articles R 425-1 et R 425-2 du Ceseda en ce qu'elle n'a pas été informée qu'elle bénéficiait du délai de réflexion de trente jours pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionné à l'article R425-1° du Ceseda.
*ses droits lui ont été notifiés par le truchement d'un interprète au téléphone sans que le recours à l'interprétariat par téléphone soit justifié.
*la décision de placement en rétention administrative contrevient aux dispositions de l'article 8 de la CEDH et de la directive 2011/36/UE du 5 avril 2011.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Madame [G] [M] [J] [W] épouse [W] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur le moyen tiré de la violation de l'article R425-1 du ceseda :
Aux termes de l'article R425-1 du ceseda : 'Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe :
1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 425-1 ;
2° Des mesures d'accueil, d'hébergement et de protection prévues aux articles R. 425-4 et R. 425-7 à R. 425-10 ;
3° Des droits mentionnés à l'article 53-1 du code de procédure pénale, notamment de la possibilité d'obtenir une aide juridique pour faire valoir ses droits.
Le service de police ou de gendarmerie informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 425-2, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au 1°.
Ces informations sont données dans une langue que l'étranger comprend et dans des conditions de confidentialité permettant de le mettre en confiance et d'assurer sa protection.
Ces informations peuvent être fournies, complétées ou développées auprès des personnes intéressées par des organismes de droit privé à but non lucratif, spécialisés dans le soutien aux personnes prostituées ou victimes de la traite des êtres humains, dans l'aide aux migrants ou dans l'action sociale, désignés à cet effet par le ministre chargé de l'action sociale'
Aux termes de l'article R425-2 du même code : 'L'étranger à qui un service de police ou de gendarmerie fournit les informations mentionnées à l'article R. 425-1 et qui choisit de bénéficier du délai de réflexion de trente jours prévu au même article se voit délivrer un récépissé de même durée par le préfet ou, à [Localité 3], par le préfet de police, conformément aux dispositions de l'article R. 425-3. Ce délai court à compter de la remise du récépissé. Pendant le délai de réflexion, aucune décision d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger en application de l'article L. 611-1, ni exécutée.
Le délai de réflexion peut, à tout moment, être interrompu et le récépissé mentionné au premier alinéa retiré par le préfet territorialement compétent, si l'étranger a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les auteurs des infractions mentionnées à l'article R. 425-1, ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public.'
Il ressort du procès verbal d'interrogatoire de Madame [G] [M] [J] [W] que les services de police lui ont demandé si elle était victime de la traite des humains, de proxénétisme, si elle souhaitait déposer plainte contre ces personnes et si oui, si elle souhaitait bénéficier de mesures d'accueil et d'hébergement conformément à l'article L425-1 du ceseda.Madame [G] [M] [J] [W] a répondu par la négative à chacune de ces questions.
Le délai de réflexion prévu à l'article R425-1 du ceseda précède le dépôt éventuelle d'une plainte. Il en résulte que les réponses négatives de Madame [G] [M] [J] [W] à la date de son interpellation n'excluaient pas qu'elle soit par la suite reconnue comme victime des faits de traite d'êtres humains et puisse se prévaloir du droit de séjour qui lui est reconnu.
Dès lors que les services de police lui ont demandé si ellel était victime de la traite des humains, c'est qu'ils disposaient d'éléments permettant de considérer qu'elle était victime de l'une de ces infractions. Ils devaient en conséquence, nonobstant les réponses de l'intéressée, l'informer de l'existence de son délai de réflexion. A défaut, Madame [G] [M] [J] [W] a été privée des dispositions de l'article R425-2. Il en résulte que le Préfet du Nord ne pouvait à l'issue de la retenue, prendre un arrêté de placement en rétention.
Il en résulte que l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a déclaré régulière la décision de placement en rétention , rejeté les moyens soulevés et prolongé la mesure de rétention . La mise en liberté de Madame [G] [M] [J] [W] sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance du 6 août 2024 entreprise en ce qu'elle a :
-déclaré la décision prononcée à l'encontre de Madame [G] [M] [J] [W] régulière;
-rejeté les moyens soulevés ;
-déclaré la procédure diligentée à l'encontre de Madame [G] [M] [J] [W] régulière;
-ordonné la prolongation la rétention de Madame [G] [M] [J] [W] pour une durée de vingt six jours à compter du 5 août 2024 à 17h15, soit jusqu'au 31 août 2024 à la même heure;
Statuant à nouveau :
Déclare irrégulière la décision du 1er août 2024 du Préfet du Nord portant placement de Madame [G] [M] [J] [W] en rétention administrative ;
Ordonne la remise immédiate en liberté de Madame [G] [M] [J] [W]
Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus de ses dispositions ;
Déboute Madame [G] [M] [J] [W] de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Fait à Rouen, le 08 Août 2024 à 15h13.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.