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31/07/2024 | FRANCE | N°24/02734

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 31 juillet 2024, 24/02734


N° RG 24/02734 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXFM





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 31 JUILLET 2024





Emilie ROYAL, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Marion DEVELET, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du dro

it d'asile ;



Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 16 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [...

N° RG 24/02734 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JXFM

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 JUILLET 2024

Emilie ROYAL, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Marion DEVELET, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 16 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [X] [C]

né le 24 Juin 2001 à [Localité 2] (TUNISIE) [Localité 1]

de nationalité Française ;

Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 24 juillet 2024 de placement en rétention administrative de Monsieur [X] [C] ayant pris effet le 24 juillet 2024 à 10h09;

Vu la requête de Monsieur [X] [C] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du PREFET DE LA SEINE MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [X] [C] ;

Vu l'ordonnance rendue le 29 Juillet 2024 à 11 heures 55 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [X] [C] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 29 juillet 2024 à 10 heures 09 jusqu'au 24 août 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur [X] [C], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 30 juillet 2024 à 10 heures 10 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

- à l'intéressé,

- au PREFECTURE DE LA SEINE MARITIME,

- à Me Gaëlle RIPOLL, avocate au barreau de ROUEN, de permanence,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [X] [C] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du PREFECTURE DE LA SEINE MARITIME et du ministère public ;

Vu la comparution de Monsieur [X] [C] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me Gaëlle RIPOLL, avocate au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Monsieur [C] a été écroué du 23 février au 25 juillet 2024, suite à sa condamnation par le tribunal correctionnel du Havre le 23 février 2024, à la peine de 8 mois d'emprisonnement pour des faits de conduite sans permis et sans assurance.

Il a été placé en rétention administrative à sa levée d'écrou.

Par ordonnance du 29 juillet 2024 le Juge des Libertés et de la Détention de Rouen a déclaré la décision de placement en rétention régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 26 jours.

Par déclaration reçue au Greffe le 30 juillet 2024 Monsieur [C] a fait appel de cette décision, soulevant les moyens suivants:

-l'insuffisance de la motivation de l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention qui n'aurait pas répondu à tous les moyens,

-l'irrégularité de la mesure de placement en rétention:

à défaut de base légale, l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) lui ayant été notifiée plus d'1 an avant son placement en rétention et en l'absence d'effet rétroactif de la loi du 26 janvier 2024 permettant le placement en rétention d'un étranger sur la base d'une OQTF de moins de 3 ans,

la violation de l'article 8 de la CEDH et l'erreur manifeste d'appréciation dans la décision de placement en rétention, Monsieur [C] vivant depuis 2 ans avec sa compagne enceinte de 6 mois, à une adresse stable,

-sur la demande prolongation:

la tardiveté des diligences effectuées pendant le temps pendant la détention

l'irrégularité de la consultation du FAED et du fichier VISABIO, en l'absence de preuve de la consultation de ces fichiers par une personne individuellement habilitée.

Le 30 juillet 2024 le ministère public a soulevé l'irrecevabilité du moyen relatif à la consultation des fichiers FAED et VISABIO, comme étant des moyens nouveaux.Il a requis la confirmation de la décision entreprise.

A l'audience du 31 juillet 2024 le Conseil de Monsieur [C] a développé les mêmes moyens que dans la déclaration d'appel.

Elle a soutenu que le moyen tiré de l'absence de preuve d'habilitation des agents ayant consulté VISABIO et le FAED n'étaient pas des moyens nouveaux, qu'ils étaient déjà soulevés dans la requête initiale de Monsieur [C] en contestation de la mesure de placement en rétention.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Monsieur [X] [C] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'absence d'habilitation des agents ayant procédé à la consultation des fichiers FAED et VISABIO:

Il ressort des éléments du dossier que ce moyen, soulevé dès la requête de Monsieur [C] en contestation de son placement en rétention n'est pas un moyen nouveau.

Au surplus aucun élément du dossier ne fait état de la consultation du FAED et de VISABIO. Seul le FPR a été consulté.

Sur la régularité du placement en rétention:

Monsieur [C] a été placé en rétention sur la base de l'obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour de 2 ans, notifiée par le Préfet des Ardennes le 16 novembre 2022, décision confirmée par la juridiction administrative.

En vertu des dispositions des article L731-1 et L741-1 du CESEDA, dans leur version en vigueur depuis le 28 janvier 2024, suite à la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 l'autorité administrative peut placer en rétention 'l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé...'

L'article L731-1 précité, dans sa version antérieure à la loi du 26 janvier 2024 visait une décision portant obligation de quitter le territoire français datée de moins d'un an.

Il en résulte que la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 a eu pour effet de faire passer de un à trois ans le délai suivant la notification d'une obligation de quitter le territoire français durant lequel l'autorité administrative peut se fonder sur une telle décision pour placer un étranger en rétention administrative en vue de son éloignement.

En application de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif.

Ainsi, la loi ne s'applique pas aux situations définitivement constituées avant son entrée en vigueur, sauf s'il en est disposé autrement.

En l'espèce, la loi du 26 janvier 2024 est d'application immédiate, mais ne comporte pas de dispositions transitoires concernant les situations dans lesquelles l'obligation de quitter le territoire français a été notifiée plus d'un an avant son entrée en vigueur. Il ne s'agit pas non plus d'une loi de validation, ni d'une loi interprétative.

Or, une loi nouvelle ne saurait sans rétroagir, revenir sur la constitution achevée d'une situation juridique ni sur son extinction acquise.

Monsieur [C] a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 16 novembre 2022, sous l'empire de la loi ancienne. La possibilité d'un placement en rétention fondée sur cette mesure d'éloignement expirait donc le 16 novembre 2023.

A compter de cette date, la possibilité de placer en rétention Monsieur [C] sur le fondement de cette mesure d'éloignement était éteinte, quand bien même l'obligation de quitter le territoire subsistait.

L' entrée en vigueur postérieure de la loi du 26 janvier 2024 ne permet pas de remettre en cause les effets acquis de la situation juridique dans lequel se trouvait Monsieur [C] . Une interprétation différente conduirait à donner un effet rétroactif.

L'arrêté de placement en rétention administrative est ainsi dépourvu de base légale et l'ordonnance déférée doit être infirmée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [X] [C] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare la décision de placement en rétention irrégulière,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la mesure de rétention par le Préfet,

Ordonne par conséquent la remise en liberté de Monsieur [X] [C].

Fait à Rouen, le 31 Juillet 2024 à 13h30

LA GREFFIERE, LA CONSEILLERE

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02734
Date de la décision : 31/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-31;24.02734 ?
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