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15/07/2024 | FRANCE | N°24/02516

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 15 juillet 2024, 24/02516


N° RG 24/02516 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWXU





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 15 JUILLET 2024









Fabienne BIDEAULT, Présidente de Chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Catherine DUPONT, greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du M. le Prefet de la Seine-Maritime en date du 1er juillet 2024 portant obligation de quitter le territoi...

N° RG 24/02516 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWXU

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 15 JUILLET 2024

Fabienne BIDEAULT, Présidente de Chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Catherine DUPONT, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du M. le Prefet de la Seine-Maritime en date du 1er juillet 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [N] [A] [U] né le 15 Novembre 1985 à [Localité 3] de nationalité Algérienne ;

Vu l'arrêté du M. le Prefet de la Seine-Maritime en date du 10 juillet 2024 de placement en rétention administrative de Monsieur [N] [A] [U] ayant pris effet le 12 juillet 2024 à 5h08 ;

Vu la requête de M. le Prefet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [N] [A] [U] ;

Vu l'ordonnance rendue le 13 Juillet 2024 à 15h35 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [N] [A] [U] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 14 juillet 2024 jusqu'au 11 août 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur [N] [A] [U], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 14 juillet 2024 à 15h15 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- à M le Préfet de la Seine- Maritime,

- à Me Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN, choisi,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [N] [A] [U] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du Préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de Monsieur [N] [A] [U] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public du 15 juillet 2024 ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [U] a été placé en rétention administrative le 12 juillet 2024 à la suite de sa levée d'écrou.

Le Préfet de la Seine Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 13 juillet 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [U] a formé un recours.

A l'appui de son appel, M. [U] invoque l'irrecevabilité de la requête présentée par le préfet pour violation des dispositions des articles R.552-3 et L741-6 du CESEDA, soutient des moyens de nullité tenant à l'insuffisance de motivation de l'arrêté, à l'incompétence de l'auteur de l'acte, à l'erreur manifeste d'appréciation, à la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il demande l'annulation de la décision portant placement en rétention administrative prise à son encontre, le rejet de la demande de prolongation du placement en rétention administrative et que soit ordonnée la mainlevée de la mesure de placement en rétention administrative.

A l'audience, le conseil de M. [U] a réitéré ses moyens formulés dans l'acte d'appel à l'exception des moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et de l'incompétence de l'auteur de l'acte qu'il a indiqué abandonner.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui a sollicité le 15 juillet 2024 la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Monsieur [N] [A] [U] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Sur la recevabilité de la requête préfectorale

M. [U] conteste la recevabilité de la requête aux motifs d'une part que celle-ci n'était pas accompagnée d'une copie du registre ni de la fiche attestant de la levée d'écrou.

Il considère en outre que les dispositions de l'article L 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été violées en ce que l'absence au dossier de la fiche de levée d'écrou ne permet pas au juge de vérifier si les deux mesures privatives de liberté que sont la détention et la rétention administrative ne se sont pas enchevêtrées.

En application de l'article R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

L'article L 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Elle prend effet à compter de sa notification.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la copie du registre prévu à l'article L553-1 du même code est versée aux débats ( côte 80).

Les pièces justificatives utiles, dont la disposition légale précitée ne fait explicitement référence qu'à la copie du registre prévu à l'article L. 553-1, doivent être considérées comme les pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de faits et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses missions. Il en résulte que l'appréciation de ces pièces justificatives doit dès lors se faire in concreto.

En l'espèce,M. [U] a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de placement en rétention administrative en date du 10 juillet 2024, qui lui a été notifié le 12 juillet 2024 à 5h08 concomitamment à la levée d'écrou de l'intéressé comme cela ressort du procès verbal de notification de l'arrêté.

La fiche pénale de situation de l'intéressé versée aux débats indique une date de libération prévisionnelle pour le 12 juillet 2024. Ce même jour M. [U] est arrivé au centre de rétention situé à 82 kilomètres du centre de détention à 6h30.

Il résulte des éléments de procédure précités que le magistrat chargé des libertés et de la détention se trouvait en capacité d'exercer pleinement sa mission, et notamment de contrôler le caractère raisonnable du temps écoulé entre la sortie de détention et la notification de l'arrêté de rétention.

Dès lors, il n'y a pas lieu de considérer que l' absence au dossier de la fiche de levée d'écrou de l'intéressé constituerait en l'espèce une pièce utile propre à vicier la requête préfectorale aux fins de prolongation de la rétention de l'intéressé.

Ces moyens d'irrecevabilité doivent en conséquence être rejetés.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation et sur le défaut d'examen réel lié à la possibilité d'assignation à résidence

M. [U] explique qu'il dispose d'une adresse stable et verse aux débats une attestation d'hébergement de Madame [E] [C], au [Adresse 1].

Il fait valoir qu'en application des dispositions des articles L 731- 1 et 741- 1 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration est, en tout état de cause, dans l'obligation de vérifier la situation personnelle de l'intéressé et d'envisager une assignation à résidence puisqu'il s'agit d'une mesure moins privative de liberté que le placement en rétention qui ne peut intervenir qu'en dernier ressort, que la préfecture n'a pas sérieusement examiné sa situation personnelle.

L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce « L'autorité administrative peut prendre une décision d' assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable » et l'article L. 733-4 énonce que « l'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif d'identité ».

Il est par ailleurs constant qu'une décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.

Au cas d'espèce, l'arrêté de placement en rétention mentionne que M. [U] présente un passeport original algérien valide jusqu'au 15 juin 2025 mais ne présente aucun titre l'autorisant à séjourner sur le territoire français ; qu'il a été condamné à deux reprises à des peines d'emprisonnement ; que le rapport du service pénitentiaire et de probation indique qu'il n'a reçu aucune visite au cours de son incarcération, qu'il n'a plus de contact avec ses enfants mineurs ; qu'il déclare résider au [Adresse 1] mais n'en rapporte pas la preuve ; ces éléments étant de nature à caractériser l'absence de garanties de représentation de l'intéressé pour bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence .

Dès lors, il ne peut être reproché au Préfet de ne pas avoir procédé à un examen sérieux des possibilités de l'assigner à résidence, ni d'avoir commis une erreur grossière d'appréciation, étant rappelé, que la décision de placement en rétention est écrite et motivée (article L 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), que l'obligation de motivation n'impose pas à l'autorité préfectorale de faire état de l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé, mais uniquement des éléments pertinents de fait et de droit, correspondant à sa situation particulière l'ayant conduite à retenir la solution adoptée, la régularité de la décision de placement en rétention s'appréciant au regard des éléments connus du préfet à la date de la décision, les pièces produites ultérieurement ne pouvant être prises en compte.

Ce moyen n'est pas fondé.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales

M. [U] fait valoir qu'il n'a pas été tenu compte de sa situation personnelle alors qu'il a justifié des éléments de sa vie privée et familiale, qu'il entretient des liens stables et réels avec ses enfants, qu'il justifie de plus de 15 années de présence en France ; qu'en conséquence la préfecture s'est fondée sur des faits matériellement inexactes et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Il est constant qu'une décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'Administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.

Il est par ailleurs de principe qu'une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n'entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l' article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni avec l'intérêt supérieur de l'enfant de l' article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant. Les liens avec le retenu peuvent être maintenus, ce dernier pouvant recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative. Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l' article 8 précité nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, soit, une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Il résulte du dossier que l'intéressé n'entretenait plus de relations avec ses enfants depuis son incarcération en 2021 ; qu'il a reconnu ne pas participer à leur entretien ; qu'en détention, selon le rapport du 1er juillet 2024, il ne reçoit plus de visite depuis le 2 mars 2024 et ne reçoit plus d'appels depuis le 12 janvier 2022.

Il n'apparaît donc pas que l'arrêté de placement en rétention ait porté une atteinte disproportionnée au respect à sa vie privée et familiale, l'intéressé ne présentant pas de garantie de représentation, et soit ainsi contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation.

Le moyen doit en conséquence être écarté.

Au vu de ces éléments, M. [U] doit être débouté de sa demande d'annulation de la décision de placement en rétention administrative et l'ordonnance déférée doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [N] [A] [U] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Déboute M. [U] de sa demande d'annulation de la décision portant placement en rétention administrative prise à son encontre ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 15 Juillet 2024 à 16h00.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02516
Date de la décision : 15/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-15;24.02516 ?
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