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09/07/2024 | FRANCE | N°24/02409

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 09 juillet 2024, 24/02409


N° RG 24/02409 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWQI





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 09 JUILLET 2024









Catherine HERON, conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Marion DEVELET, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des ét

rangers et du droit d'asile ;



Vu la décision de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de POITIERS en date du 21 juillet 2021 condamnant monsieur ...

N° RG 24/02409 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWQI

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 09 JUILLET 2024

Catherine HERON, conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Marion DEVELET, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de POITIERS en date du 21 juillet 2021 condamnant monsieur [X] [B], né le 04 Mars 1986 à [Localité 1] (SURINAME) à une interdiction du territoire français ;

Vu l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 04 juillet 2024 de placement en rétention administrative de monsieur [X] [B] ayant pris effet le 04 juillet 2024 à 10h05 ;

Vu la requête du préfet de l'Eure tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de monsieur [X] [B] ;

Vu l'ordonnance rendue le 06 Juillet 2024 à 16h30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de monsieur [X] [B] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 06 juillet 2024 à 10h05 jusqu'au 03 août 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par monsieur [X] [B], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 08 juillet 2024 à 12h37 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au préfet de l'Eure,

- à Mme Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

- à M. [S] [I], interprète en langue néerlandaise inscrit sur la liste de la cour d'appel de Paris ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par monsieur [X] [B] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, avec l'assistance en audioconférence de M.[S] [I], interprète en langue néerlandaise inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris, expert assermenté, en l'absence du préfet de l'Eure et du ministère public ;

Vu la comparution de monsieur [X] [B] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Maître Ernestine Marianne NJEM EYOUM, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Par arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 21 juillet 2021, [X] [B] a été condamné à 4 ans d'emprisonnement et à une interdiction du territoire français pendant 10 ans pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et à 6 mois d'emprisonnement pour prise du nom d'un tiers. Ecroué le 17 mars 2021 au centre pénitentiaire de [3], il a été transféré le 30 mars 2022 au centre de détention de [Localité 4]. Libéré le 4 juillet 2024, il a été placé en rétention administrative à sa levée d'écrou.

Par courrier du 3 mai 2024, notifié le 6 mai 2024, [X] [B] avait été informé par le Préfet de l'Eure de son intention de mettre à exécution l'interdiction du territoire français. Le 24 mai 2024, le préfet de l'EURE a fixé le Suriname comme pays de renvoi, décision notifiée à [X] [B] le 29 mai 2024.

Saisi d'une requête du préfet de l'EURE en prolongation de la rétention administrative, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 6 juillet 2024, autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle [X] [B] a formé un recours.

L'appelant allègue la violation de ses droits fondamentaux et indique reprendre les moyens de nullité soulevés en première instance devant le juge des libertés et de la détention tenant à l'irrégularité de la procédure précédant immédiatement le placement en rétention (absence de mesure d'éloignement exécutoire, absence de fiche de levée d'écrou, tardiveté de l'avis au parquet de la rétention) et à l'absence de diligences de l'administration. Il y ajoute l'atteinte aux dispositions de l'article 8 de la CEDH dans la violation de sa vie privée et familiale et l'absence de l'examen réel de la possibilité de l'assigner à résidence. Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

Dans son mémoire en date du 8 juillet 2024, les autorités préfectorales de l'Eure sollicite le rejet des différents moyens soulevés par l'appelant.

À l'audience, le conseil de [X] [B] a soulevé, en complément des moyens déjà soulevés par l'appelant, l'absence de preuve de l'indisponibilité du préfet ayant permis à Monsieur [E] [O] de faire un mémoire adressé au Tribunal, l'irrecevabilité de la requête, le caractère non fondé de la rétention administrative, et l'opportunité du placement en rétention. Elle ajoute que [X] [B] ne comprend pas très bien le français, notamment quand il est écrit.

Le dossier a été communiqué au Parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 8 juillet, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par monsieur [X] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la recevabilité de la requête du préfet de l'Eure

L'article R 743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

En l'espèce, la préfecture a transmis au greffe du juge des libertés et de la détention trois heures après sa requête l'avis de sortie de détention remis à Monsieur [B] le 4 juillet à 9h42, soit le 5 juillet à 17h18. Le dossier ayant été transmis à l'avocat de [X] [B] à 18h37 le même jour, veille de l'audience, il était complet au moment où l'avocat en a pris connaissance, cette remise par la préfecture ayant en outre était faite alors que le délai accordé à la préfecture pour procéder à sa requête en prolongation de rétention n'était pas expiré, comme l'a très bien indiqué le premier juge.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention

Au regard de leur pertinence et de leur précision, il convient d'adopter les motifs du juge des libertés et de la détention qui a retenu, s'agissant de l'absence de mention de la peine d'interdicition du territoire français dans le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, que la cour avait confirmé le jugement de première instance après avoir rappelé les peines prononcées par le tribunal correctionnel, dont la peine complémentaire d'interdiction de séjour pendant 10 ans.

De la même manière, il convient d'adopter les motifs du juge des libertés et de la détention s'agissant de l'absence de tardiveté des avis aux procureurs de la République, celui-ci rappelant la présence à la procédure de mails envoyés aux intéressés à 10h07 et 10h08.

De même, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que le délai de 23 minutes entre la levée d'écrou (9h42) et le début des formalités de notification du placement en rétention administrative (9h50 à 10h05) ne constituait pas une privation de liberté sans droit ni titre.

Sur la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales

[X] [B] soulève qu'il est porté atteinte à sa vie privée et familiale en ce que, par son placement en rétention administrative, il n'est pas en mesure de s'occuper de ses enfants. Dans son audition du 10 avril 2024, il a donné une adresse en Belgique tout en indiquant vivre en concubinage, avoir cinq enfants dont un au Surinam, deux en Guyane et deux avec sa compagne actuelle avec qui il vit en Belgique. Le centre de détention de [Localité 4] a indiqué aux autorités préfectorales que [X] [B] n'avait reçu ni visite ni appel téléphonique depuis son arrivée sur le centre de détention. Il a reçu des virements de personnes dont on ignore les liens avec l'intéressé.

Il ressort de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers que devant cette juridiction, il a dit habiter à ANVERS mais qu'il avait indiqué vivre au Mans lors de ses premières auditions de police. La cour indique que l'intéressé a dit avoir 6 enfants.

[X] [B] ne justifiant d'aucune manière l'existence d'une vie privée et familiale, son placement en rétention administrative ne viole par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur la non maîtrise de la langue française de [X] [B]

Si à l'audience devant la cour, l'intéressé a benéficié de l'assistance d'un interpète en néerlandais, il avait sollicité un interprète en taki-taki devant le juge des libertés et de la détention mais a accepté de faire sans. Il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 21 juillet 2021 qu'aucun interprète n'était présent à l'audience pour assister Monsieur [B].

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation

L'appelant soulève que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en le placement en rétention administrative alors qu'il bénéficie d'un titre de séjour en Belgique. S'il est vrai que l'intéressé produit la copie d'un titre de séjour belge valable jusqu'au 18 décembre 2024, il ressort d'un échange de mails entre la préfecture de l'Eure et le consulat de Belgique que ce titre de séjour n'est plus valable. Une copie de son passeport surinamais a été envoyée par les autorités belges aux autorités préfectorales de l'Eure mais il apparaît qu'il est expiré depuis mars dernier, raison pour laquelle un passeport a dû être sollicité en urgence.

Ce moyen sera donc écarté.

Sur l'absence de preuve de l'indisponibilité du préfet pour signer le mémoire

L'avocat de [X] [B] souligne que [E] [N] disposait bien d'une délégation de signature pour signer le mémoire présenté en cause d'appel au nom du préfet de l'Eure mais que l'indisponibilité de celui-ci n'est pas établi.

La production d'un mémoire par la préfecture n'étant pas indispensable et qu'il peut être statué même en l'absence de mémoire, ce moyen ne pourra qu'être rejeté.

Sur l'absence de diligences de l'administration

Bien avant la levée d'écrou, dès le 25 avril 2024, les autorités préfectorales ont envoyé un mail aux autorités surinamaises pour identification de [X] [B]. Différentes relances ont été faites. Un vol était prévu pour le 4 juillet 2024 mais a été annulé car des pièces manquaient. Une nouvelle demande de routing a été effectuée le 1er juillet 2024. Le consulat du Suriname a fixé un rendez-vous aux autorités préfectorales le 5 juillet à 10h pour que ces dernières lui remettent une photographie et un justificatif de paiement pour la délivrance d'un passeport d'urgence. Ce mail n'évoquait la présence de [X] [B] à ce rendez-vous.

Dans le cadre de son mémoire en appel, la préfecture justifie du paiement du montant demandé pour qu'un passeport puisse être délivré en urgence. Ce moyen sera donc rejeté.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par monsieur [X] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 09 Juillet 2024 à 14h30.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02409
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;24.02409 ?
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