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02/07/2024 | FRANCE | N°24/02343

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 02 juillet 2024, 24/02343


N° RG 24/02343 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWLA





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 2 JUILLET 2024







Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme DUPONT, greffière ;



Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des

étrangers et du droit d'asile ;



Vu la requête du préfet de l'Eure tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de réten...

N° RG 24/02343 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWLA

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 2 JUILLET 2024

Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DUPONT, greffière ;

Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du préfet de l'Eure tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise le 17 avril 2024 à l'égard de M. [B] [F] [J] né le 19 mai 1990 à [Localité 1] (Tunisie) de nationalité Tunisienne ;

Vu l'ordonnance rendue le 1er juillet 2024 à 11h40 par le juge des libertés et de la détention de Rouen disant n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative concernant M. [B] [F] [J] ;

Vu l'appel interjeté le 1er juillet 2024 à 16h25 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 16h43, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l'ordonnance du 1er juillet 2024 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 1er juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen à l'égard de M. [B] [F] [J] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au préfet de l'Eure,

- à Mme Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de Rouen, de permanence ;

Vu les dispositions des articles L. 743-8 et R. 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du préfet de l'Eure et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [B] [F] [J] par visioconférence depuis les locaux dédiés situés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Mme Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de Rouen, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

M. [B] [F] [J] et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [B] [F] [J] a été placé en rétention administrative le 17 avril 2024. Une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 19 avril 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d'appel du 24 avril 2024.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 17 mai 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision confirmée par décision de la cour d'appel du 18 mai 2024.

Une troisième prolongation a été autorisée par le juge des libertés et de la détention le 16 juin 2024, confirmée en appel le 18 juin suivant.

Saisi d'une requête du préfet de l'Eure d'une demande pour voir une quatrième fois autoriser le maintien en rétention, et ce, pour quinze jours, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 1er juillet 2024, dit n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'intéressé et a ordonné sa mise en liberté. Le juge des libertés et de la détention a estimé que les conditions légales d'une nouvelle prolongation n'étaient pas remplies.

Le procureur de la République a formé appel de l'ordonnance rendue le 1er juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen avec demande d'effet suspensif.

Suite à cet appel suspensif du procureur de la République, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président, le 1er juillet 2024, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public.

Au fond, le procureur de la République soutient que l'intéressé présente une menace à l'ordre public dont les éléments constitutifs n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une troisième ou quatrième prolongation et qu'il suffit que ces éléments génèrent des effets persistants.

Le préfet de l'Eure sollicite l'infirmation de la décision.

A l'audience, le conseil de M. [B] [F] [J] demande confirmation de la décision en expliquant que les critères énumérés par l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas caractérisés.

M. [B] [F] [J] a été entendu en ses observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 1er juillet, sollicite l'infirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 1er juillet 2024 est recevable.

Sur le fond

Aux termes de l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'

Il résulte de l'article L. 742-5 précité que les conditions d'une quatrième prolongation sont restrictives et vont au-delà de la simple exigence de réalisation de diligences par l'administration en vue de l'identification et de l'éloignement de l'étranger, il convient d'établir que l'une des circonstances décrites au 1°, 2° et 3° de la disposition susvisée est caractérisée dans les quinze derniers jours de la précédente prolongation.

La menace à l'ordre public, dont l'objectif manifeste est de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national, figure également au titre des critères pouvant être mobilisés par l'administration à l'occasion de la troisième prolongation de la mesure de rétention.

L'analyse des dispositions susvisées permet de déduire que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une demande de troisième prolongation.

S'agissant de la quatrième prolongation, le texte dispose que si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions.

Il ne peut s'en déduire que la menace pour l'ordre public ne peut résulter que d'un fait ou d'un acte survenu dans les 15 derniers jours de la précédente prolongation, ce qui conduirait à vider la notion même de sa substance et à priver d'effet lesdites dispositions. Il n'apparaît en outre pas cohérent de caractériser la menace pour l'ordre public au stade de la troisième prolongation, sans pour autant la relever au stade de la quatrième prolongation.

Il n'est par ailleurs pas exigé au regard du texte précité que la circonstance prévue par le septième alinéa corresponde à des faits commis dans les 15 derniers jours de la rétention, la menace à l'ordre public pouvant être révélée par des éléments antérieurs.

Au cas d'espèce, il résulte de la procédure que M. [B] [J] est défavorablement connu des services de police et de gendarmerie, ainsi que de la justice en ce qu'il a été condamné entre 2015 et 2020 à de nombreuses reprises pour infraction à la législation sur les stupéfiants, recel de bien provenant d'un vol, refus d'obtempérer et outrage à dépositaire de l'autorité publique, dégradation de biens destinés à l'utilité ou la décoration publique, menace de crime ou de délit contre les personnes ou les biens ou à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique, violences avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, rébellion, refus d'obtempérer en récidive, et en dernier lieu le 16 décembre 2020 pour violences avec usage ou menace d'une arme, destruction de bien d'autrui par moyen dangereux, menace réitérée de crime contre les personnes commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre de la victime, faits pour lesquels il a été condamné par la cour d'appel de Versailles à une peine de quatre ans d'emprisonnement, l'intéressé ayant été placé en rétention à sa levée d'écrou le 17 avril 2024.

La préfecture mentionne en outre de fréquents retraits de crédit de réduction de peine pendant son incarcération, une mise à l'isolement au cours de la rétention ainsi que d'autres comportements répréhensibles (menaces et injures).

En raison de la multiplicité des infractions commises, la menace à l'ordre public est caractérisée et en ce qu'elle perdure, elle autorisait la quatrième prolongation de la rétention administrative.

L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen,

Infirme l'ordonnance rendue le 01 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, et prolongeons la mesure de rétention administrative concernant

M. [B] [F] [J] pour une durée de quinze jours,

Fait à Rouen, le 2 juillet 2024 à18h09 .

Le greffier, La présidente de chambre,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02343
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;24.02343 ?
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