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02/07/2024 | FRANCE | N°24/02341

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 02 juillet 2024, 24/02341


N° RG 24/02341 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWK4





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2024









Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Catherine DUPONT, greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE de reconduite à la frontière en date du 26 juin 2024 concernant M. [D...

N° RG 24/02341 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWK4

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2024

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Catherine DUPONT, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE de reconduite à la frontière en date du 26 juin 2024 concernant M. [D] [Y], né le 13 Février 1987 à [Localité 1], de nationalité Albanaise ;

Vu l'arrêté du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE en date du 26 juin 2024 de placement en rétention administrative de M. [D] [Y] ;

Vu la requête de M. [D] [Y] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [D] [Y] ;

Vu l'ordonnance rendue le 29 Juin 2024 à 15h22 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [D] [Y] régulière, ordonnant la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt huit jours à compter du 28 juin 2024 à 16h soit jusqu'au 26 juillet 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [D] [Y], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 01 juillet 2024 à 12h48 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 3],

- à l'intéressé,

- au Prefet de Meurthe-et-moselle,

- à Me Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

- à Mme [J] [E], Interprète en langue albanaise ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [D] [Y] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [E] [J], interprète en langue albanaise - expert assermenté, en l'absence du Préfet de Meurthe-et-Moselle et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [D] [Y] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;

Me Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [D] [Y] a été placé en rétention administrative le 26 juin 2024.

Saisi d'une requête du préfet de la Meurthe-et-Moselle en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [D] [Y] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 29 juin 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [D] [Y] a formé un recours.

L'appelant allègue la violation de ses droits fondamentaux et indique reprendre les moyens de nullité soulevés en première instance devant le juge des libertés et de la détention tenant à l'irrégularité de la procédure antérieure au placement en rétention, (conditions d'interpellation, détournement de la procédure de garde à vue) à l'irrégularité de la procédure de placement en rétention, (violation de ses droits en rétention), à la violation de l'article l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au défaut de base légale, au défaut de motivation et à l'erreur manifeste d'appréciation.

Il conclut également à l'insuffisance des diligences et demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté. Il sollicite à titre subsidiaire le bénéfice de l'assignation à résidence judiciaire.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel.

M. [D] [Y] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Meurthe-et-Moselle n'a pas formulé d'observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 1er juillet 2024, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [D] [Y] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention,

Au regard de leur pertinence et de leur précision, il convient d'adopter les motifs du juge des libertés et de la détention, qui a retenu, s'agissant des conditions de l'interpellation, qu'aucune irrégularité n'est encourue, alors que les fonctionnaires de police ont pénétré au domicile du couple, que la compagne a déclaré avoir subi des violences et que M. [D] [Y] allait tout casser, lui ont intimé de présenter ses mains afin d'écarter toute menace, et qu'il n'est par ailleurs caractérisé aucun détournement de la procédure du fait qu'il ait été entendu sur son droit au séjour au cours de la mesure de garde à vue, alors que les éléments de l'existence de l'infraction de violences sur conjoint étaient caractérisés, ce dans le délai légal de la garde à vue,

Sur la régularité de la procédure de placement en rétention - la violation des droits en rétention,

L'appelant allègue la violation de ses droits au cours du transport vers le centre de rétention de [Localité 3].

Toutefois, l'exercice des droits est suspendu pendant les transports du lieu de garde à vue au lieu de rétention et les transferts de centre de rétention à centre de rétention en cours de procédure, l'article. L. 744-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposant que l'étranger est informé « Dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin ainsi que de communiquer avec son consulat et avec toute personne de son choix» .

En conséquence, il ne peut contester un défaut d'accès à quelque droit que ce soit pendant les dits déplacements, cette suspension devant être limitée dans le temps, et il convient de s'assurer de son caractère proportionné, ce qui est le cas en l'espèce où l'intéressé est arrivé au centre de rétention à 22 heures 15.

Ce moyen sera dès lors rejeté.

Sur la violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Pas plus à hauteur de cour qu'en première instance, l'intéressé ne produit de justificatifs relatifs à une éventuelle instance de divorce en cours, de sorte que le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable et l'accès au juge sera rejetée.

Sur le défaut de base légale,

C'est à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen tiré du défaut de base légale en l'absence de décision de la juridiction administrative sur l'obligation de quitter le territoire français, sur laquelle la préfecture peut en conséquence actuellement se fonder.

Sur le défaut de motivation et sur l'erreur manifeste d'appréciation.

Conformément à l'article L. 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté de placement en rétention doit être motivé et cette exigence est remplie s'il énonce les circonstances de fait et de droit qui le justifient;

Par ailleurs, l'article L. 731-1 du code précité énonce ' L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable' et l'article L. 733-4 que ' l'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif d'identité '.

En l'espèce, la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [D] [Y] et énonce les circonstances qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle est fondée sur les déclarations de l'intéressé qui a notamment indiqué qu'il serait entré irrégulièrement en France le 3 septembre 2013 en provenance d'Albanie, qu'il est domicilié à [Localité 2], adresse correspondant au domicile de la victime de violences conjugales, qu'il vit en couple et est sans enfant et ne peut justifier de l'intensité des liens qui le rattachent à la France.

Elle retient que les autorités préfectorales étant en possession de son passeport en cours de validité, son éloignement pourra être réalisé dans un délai raisonnable et rappelle que l'intéressé s'est vu notifier deux arrêtés l'obligeant à quitter le territoire français les 28 janvier 2015 et 21 mars 2016.

Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision.

En conséquence, M. [D] [Y] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire en application des dispositions de l'article L.741-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, apprécié selon les critères prévus à l'article L.612-3, excluant une assignation à résidence.

Le préfet n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et c'est également sans méconnaître le principe de proportionnalité et en procédant à un examen sérieux de la situation de l'intéressé que la décision de placement en rétention a été prise, ce nonobstant la production d'une attestation d'hébergement établie par M. et Mme [H] demeurant à [Localité 4], le 27 juin 2024, qui ne permet pas, en tout état de cause, de revenir sur la mesure prononcée.

Le moyen, pris en ses deux branches, sera dès lors écarté.

Sur la demande d'assignation à résidence judiciaire

M. [D] [Y] estime qu'il peut bénéficier d'une assignation à résidence, dès lors qu'il a remis son passeport en cours de validité à la Préfecture.

Il convient de rappeler aux termes de l'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. Il n'en est donc pas tenu quand bien même l'intéressé disposerait d'un passeport en cours de validité préalablement remis aux autorités françaises.

En l'espèce, M. [D] [Y] ne peut justifier l'existence d'une résidence effective et permanente affectée à son habitation principale, l'attestation versée aux débats apparaissant insuffisante; qu'il s'est en outre maintenu de façon irrégulière sur le territoire en dépit des mesures d'éloignement édictées à son encontre, de sorte qu'il ne dispose pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement. L'assignation à résidence ne peut donc lui être accordée.

Sur les diligences

M. [D] [Y] conclut au défaut de diligences suffisantes, faisant valoir que celles-ci doivent être effectuées dès le placement en rétention et que l'administration doit justifier de la saisine effective des autorités du pays de retour par la production des pièces afférentes.

En application des dispositions de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Au stade de la première prolongation de la rétention administrative, le juge judiciaire doit seulement rechercher s'il existe un risque de non-exécution de la mesure d'éloignement et si des diligences ont été entreprises.

Au cas d'espèce, il est établi en procédure qu'une demande de routing a été réceptionnée le 27 juin 2024 par la division nationale de l'éloignement de la DNPAF, qu'il y a lieu de permettre l'administration d'organiser l'éloignement de l'intéressé qui pourra s'opérer dans un délai raisonnable.

L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a autorisé le maintien de la rétention administrative.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [D] [Y] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 02 Juillet 2024 à 16h00.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02341
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;24.02341 ?
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