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02/07/2024 | FRANCE | N°24/02330

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 02 juillet 2024, 24/02330


N° RG 24/02330 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWJ6





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2024







Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme DUPONT, greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile ;



Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la me...

N° RG 24/02330 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JWJ6

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2024

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DUPONT, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise le 29 avril 2024 à l'égard de M. [X] [S] né le 20 avril 1996 à [Localité 2] (IRAK) de nationalité Irakienne ;

Vu l'ordonnance rendue le 29 Juin 2024 à 13h25 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN autorisant le maintien en rétention de M. [X] [S] pour une durée supplémentaire de quinze jours à compter du 29 juin 2024 à 12h jusqu'au 14 juillet 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [X] [S], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 01 juillet 2024 à 10h41 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention deOissel,

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Seine-Maritime,

- à Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN, choisi,

- à Mr [C], interprète en langue kurde ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [X] [S] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, avec l'assitance par téléphone de Mr [C], expert assermenté en langue kurde, en l'absence du Préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [X] [S] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me DE WAEL, avocat au barreau de Rouen substituant Me. Bilal YOUSFI avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [X] [S] a été placé en rétention le 29 avril 2024 à sa levée d'écrou, une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 2 mai 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d'appel du 3 mai suivant.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 mai 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision confirmée par décision de la cour d'appel du 1er juin 2024.

Le Préfet de la Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande pour voir une troisième fois autoriser le maintien en rétention, et ce, pour quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête par une ordonnance du 29 juin 2024 dont M. [X] [S] a interjeté appel.

A l'appui de son appel, interjeté le 1er juillet 2024 à 10h40 par l'intermédiaire de l'association France Terre d'Asile, l'appelant a allègué la violation de ses droits fondamentaux et indiqué reprendre le moyen de nullité soulevé en première instance devant le juge des libertés et de la détention tenant à la violation de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également conclu à l'absence de diligences de l'administration pour parvenir à son éloignement. Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté. L'affaire a été enrôlée sous le numéro 24/ 2071.

Suivant déclaration d'appel du même jour à 11h44, son conseil a réitéré les moyens développés dans la déclaration d'appel, faisant valoir :

-que la décision contestée est dépourvue de motivation en violation de l'article 455 du code de procédure civile, le juge n'ayant pas statué sur les moyens tirés du défaut de diligences suffisantes et sur l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement,

- que les conditions de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas respectées,en l'absence de réponse de la part des autorités irakiennes, alors qu'il n'existe aucune perspective raisonnable d'éloignement, aucun élément ne permettant de retenir que lesdites autorités sont prêtes à répondre à la demande de l'administration,

-que les conditions de l'article L. 742 -5 ne sont pas réunies, l'intéressé n'ayant commis aucune atteinte aux personnes et ayant bénéficié en détention de réduction de peine démontrant que son comportement s'est amendé. L'affaire a été enrôlée sous le numéro 24/2330.

Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas formulé d'observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 1er juillet 2024, sollicite la confirmation de la décision.

MOTI VATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [X] [S] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la jonction

Les deux affaires enrôlées sous les numéros 24/2330 et 24/2334 seront jointes sous le numéro 24/2330.

Sur le défaut de motivation de l'ordonnance déférée

L'appelant allègue un défaut de motivation de l'ordonnance déférée, sans toutefois en tirer aucune conséquence. En tout état de cause, la présente juridiction se trouve par l'effet dévolutif de l'appel saisie du litige en son entier et il lui appartient de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés devant elle.

Il est toutefois observé contrairement à ce qui est soutenu que le premier juge a répondu aux deux moyens ainsi soulevés indiquant ' En l'espèce, en dépit des relances réalisées par la préfecture, il n'est pas établi que les autorités irakiennes seraient disposées à délivrer un laissez-passer à bref délai. Toutefois la demande de prolongation... peut également être fondé en cas de menace pour l'ordre public. (...) ' et in fine 'il n'est pas démontré l'absence totale de perspectives d'éloignement.'

Le moyen sera en conséquence rejeté.

Sur le fond

Aux termes de l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur au 28 janvier 2024 : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'

Il résulte de L742-5 précité que les conditions d'une troisième prolongation sont restrictives et vont au-delà de la simple exigence de réalisation de diligences par l'administration en vue de l'identification et de l'éloignement de l'étranger, il faut établir que l'une des circonstances décrites au 1°, 2° et 3° de la disposition susvisée est caractérisée dans les quinze derniers jours de la précédente prolongation.

La menace à l'ordre public figure également au titre des critères pouvant être mobilisés par l'administration à l'occasion de la troisième prolongation de la mesure de rétention, laquelle impose, compte tenu de son caractère dérogatoire et exceptionnel, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Cette condition a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Par ailleurs, l'analyse de l'article L742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet de déduire que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une demande de troisième prolongation.

Il n'est pas discuté, au cas d'espèce, que le préfet a accompli les diligences nécessaires aux fins d'identification de l'intéressé et de délivrance d'un laissez-passer consulaire, nonobstant l'absence de réponse des autorités étrangères, sur lesquelles les autorités françaises n'ont aucun pouvoir coercitif. Il est acquis que ces seuls éléments sont insuffisants pour autoriser une troisième prolongation.

Le premier juge, dans sa décision dont il conviendra d'adopter les motifs, a exactement retenu qu'était caractérisée la menace pour l'ordre public que présente l'intéressé au regard de la nature des condamnations qui ont été prononcées à son encontre, lequel fait également l'objet d'une interdiction du territoire français, cette condition étant suffisante au regard des dispositions précitées.

En conséquence, il conviendra de considérer que les conditions d'une troisième prolongation exceptionnelle sont réunies, par confirmation de l'ordonnance déférée, dans la mesure où il suffit que le retenu réponde à l'un des critères posés par l'article précité pour justifier cette troisième prolongation.

Il conviendra de rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 24/ 2330 et 24/ 2334 sous le numéro 24/2330 ;

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [X] [S] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 29 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de quinze jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Rejette la demande au titre des frais irrépétibles.

Fait à Rouen, le 02 Juillet 2024 à 17h30.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02330
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;24.02330 ?
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