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20/06/2024 | FRANCE | N°24/02169

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 20 juin 2024, 24/02169


N° RG 24/02169 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV6J





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 20 JUIN 2024









Mariane ALVARADE, présidente à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étranger

s et du droit d'asile ;



Vu la requête du préfet du Puy-de-Dôme tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention ...

N° RG 24/02169 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV6J

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 20 JUIN 2024

Mariane ALVARADE, présidente à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du préfet du Puy-de-Dôme tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a le 19 avril 2024 prise à l'égard de M. [W] [U] [T] né le 31 mai 1994 à [Localité 1] (Algérie) ;

Vu l'ordonnance rendue le 19 juin 2024 à 11h05 par le juge des libertés et de la détention de Rouen disant n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative concernant M. [W] [U] [T] ;

Vu l'appel interjeté le 19 juin 2024 à 12h00 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 12h05, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l'ordonnance du 19 juin 2024 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 19 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen à l'égard de M. [W] [U] [T] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au préfet du Puy-de-Dôme,

- à Mme Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de Rouen, choisi,

- à Mme [P] [Z] ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [W] [U] [T] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [P] [Z], expert assermenté, en l'absence du préfet du Puy-de-Dôme et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [W] [U] [T] par visioconférence depuis les locaux dédiés situés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Mme Stéphanie AUDRA-MOISSON, avocat au barreau de Rouen étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

M. [W] [U] [T] et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [D] [U] [T] a été placé en rétention le 19 avril 2024 après avoir été placé en garde à vue pour des faits de violences par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 22 avril 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d'appel du 24 avril 2024.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 20 mai 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision confirmée par décision de la cour d'appel du 21 mai 2024.

Le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande pour voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de quinze jours.

Suivant ordonnance du 19 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a déclaré recevable la requête de la préfecture, mais dit n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'intéressé et a ordonné sa remise en liberté, estimant que les conditions exigées par l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies.

Le procureur de la République a formé appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif au motif que M. [D] [U] [T] ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque de menace à l'ordre public.

Suite à cet appel suspensif du procureur de la République, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président, le 19 juin 2024, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public.

Au fond, le procureur de la République soutient qu'il existe un risque de menace grave à l'ordre public, M. [W] [U] [T] étant défavorablement connu des services de police et de la justice en ce qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations, qu'il a en outre été placé en rétention à la suite de violences, affaire classée en raison de la carence de la victime, qu'il constitue par ses agissements répétés un trouble à l'ordre public. Il requiert l'infirmation de l'ordonnance déférée.

A l'audience, le conseil de M. [W] [U] [T] demande confirmation de la décision, l'intéressé ayant été entendu en ses observations.

Le préfet du Puy-de-Dôme a indiqué suivre l'avis du parquet et sollicite l'infirmation de l'ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 19 juin 2024, requiert l'infirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 19 juin 2024 est recevable.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur au 28 janvier 2024 : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 741-3 du même code, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Il résulte de L.742-5 précité que les conditions d'une troisième ou d'une quatrième prolongation sont restrictives et vont au-delà de la simple exigence de réalisation de diligences par l'administration en vue de l'identification et de l'éloignement de l'étranger, il faut établir que l'une des circonstances décrites au 1°, 2° et 3° de la disposition susvisée est caractérisée dans les quinze derniers jours de la précédente prolongation.

La menace à l'ordre public figure également au titre des critères pouvant être mobilisés par l'administration à l'occasion de la troisième prolongation de la mesure de rétention, laquelle impose, compte tenu de son caractère dérogatoire et exceptionnel, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Cette condition a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Par ailleurs, l'analyse de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet de déduire que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une demande de troisième ou d'une quatrième prolongation.

Le préfet ne se prévaut pas d'une obstruction, ni d'une demande de protection ou d'asile dilatoire formée par l'étranger dans les quinze jours de la précédente prolongation. Il ne démontre pas non plus pouvoir recevoir des documents de voyage à bref délai.

Sur la caractérisation de la menace à l'ordre public, l'analyse plus en détail des pièces produites par le ministère public, et notamment de la fiche des antécédents judiciaires de M. [W] [U] [T] montre qu'il a été condamné par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand,

le 24 janvier 2023, à la peine de 500 euros d'amende avec sursis pour vol en réunion fait commis le 9 février 2022,

le 9 janvier 2024 à une peine de 2 mois d'emprisonnement pour un vol commis le 24 février 2023,

le 16 février 2024 à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à titre de peine complémentaire à une interdiction du territoire français de 3 ans, pour maintien irrégulier sur le territoire français après avoir fait l'objet d'une obligation de le quitter le 14 décembre 2022 et vol en réunion le 15 décembre 2022,

que la peine la plus lourde prononcée est de deux mois d'emprisonnement pour des atteintes aux biens commis en février 2023, la seconde peine de deux mois ayant été assortie du sursis, que le jugement prononçant la condamnation à une interdiction du territoire français a été rendu par défaut, de sorte que la décision en cause n'est pas définitive,

que si par ailleurs son placement en rétention administrative le 19 avril 2024 fait suite à son placement en garde à vue pour des faits de violence par conjoint ou concubin, aucune poursuite n'a en définitive été initiée par le parquet, alors que celle-ci ne dépend pas de la posture adoptée par la victime.

Au regard de ces éléments la cour considère que la condition d'une menace actuelle à l'ordre public n'apparaît pas suffisamment établie au sens des dispositions précitées.

En conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens, la demande de la préfecture aux fins de troisième prolongation de la rétention administrative sera rejetée, l'ordonnance déférée étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen,

Confirme l'ordonnance rendue le 19 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen ayant rejeté la requête, et dit n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ordonné sa remise en liberté.

Fait à Rouen, le 20 juin 2024 à 10h50.

Le greffier, La présidente de chambre,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02169
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;24.02169 ?
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