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18/06/2024 | FRANCE | N°24/02145

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 18 juin 2024, 24/02145


N° RG 24/02145 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV45





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 18 JUIN 2024









Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme WERNER, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du sé

jour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu la requête du Préfet de l'Eure et Loir tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure...

N° RG 24/02145 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV45

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 18 JUIN 2024

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme WERNER, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du Préfet de l'Eure et Loir tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise le 29 mars 2024 à l'égard de M. [W] X SE DISANT [R] né le 22 Mars 2000 à [Localité 1] (GUINEE) de nationalité Guinéenne ;

Vu l'ordonnance rendue le 17 Juin 2024 à 13h35 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN disant n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative concernant M. [W] X SE DISANT [R] ;

Vu l'appel interjeté le 17 juin 2024 à 15h45 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 15h58, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l'ordonnance du 18 juin 2024 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 17 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen à l'égard de M. [W] X SE DISANT [R] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au Préfet de l'Eure et loir,

- à Mme Aminata SOMDA, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [W] X SE DISANT [R] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du ministère public ;

Vu la comparution de M. [W] X SE DISANT [R] par visioconférence depuis les locaux dédiés situés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Mme Aminata SOMDA, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

M. [W] X SE DISANT [R] et son conseil ayant été entendus;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [W] [R] a été placé en rétention administrative le 3 avril 2024 à sa levée d'écrou.

Saisi d'une requête du préfet d'Eure et Loir en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [W] [R] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 5 avril 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [W] [R] a formé un recours.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 mai 2024 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision confirmée par décision de la cour d'appel du 4 mai 2024.

Une troisième prolongation a été autorisée par le juge des libertés et de la détention le 2 juin 2024, confirmée en appel le 4 juin suivant.

Le Préfet de l'Eure et Loir a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande pour voir une quatrième fois autoriser le maintien en rétention, et ce, pour quinze jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 17 juin 2024, déclaré recevable la requête de la préfecture, mais dit n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de l'intéressé et a ordonné sa remise en liberté, estimant que les conditions exigées par l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies.

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen a formé appel de l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen avec demande d'effet suspensif.

Suite à cet appel suspensif du procureur de la République, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président, le 18 juin 2020, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public.

Au fond, le procureur de la République soutient qu'il existe un risque de menace grave à l'ordre public, M. [W] [R] étant défavorablement connu des services de police et de la justice et se réfère à la jurisprudence de la cour , qui a jugé qu'il résultait de l'analyse de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une troisième ou d'une quatrième prolongation. Il requiert l'infirmation de l'ordonnance déférée.

A l'audience, le conseil de M. [W] [R] demande confirmation de la décision, l'intéressé ayant été entendu en ses observations.

Le préfet d'Eure et Loir a indiqué suivre l'avis du parquet et sollicite l'infirmation de l'ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 18 juin 2024, sollicite l'infirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 17 Juin 2024 est recevable.

Sur le fond

Aux termes de l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur au 28 janvier 2024 : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 741-3 du même code, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Il résulte de L.742-5 précité que les conditions d'une troisième ou d'une quatrième prolongation sont restrictives et vont au-delà de la simple exigence de réalisation de diligences par l'administration en vue de l'identification et de l'éloignement de l'étranger, il faut établir que l'une des circonstances décrites au 1°, 2° et 3° de la disposition susvisée est caractérisée dans les quinze derniers jours de la précédente prolongation.

La menace à l'ordre public figure également au titre des critères pouvant être mobilisés par l'administration à l'occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention, lesquelles imposent, compte tenu de leur caractère dérogatoire et exceptionnel, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Cette condition a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Par ailleurs, l'analyse de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet de déduire que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une demande de troisième ou d'une quatrième prolongation.

Le préfet ne se prévaut pas d'une obstruction, ni d'une demande de protection ou d'asile dilatoire formée par l'étranger dans les quinze jours de la précédente prolongation. Il ne démontre pas non plus pouvoir recevoir des documents de voyage à bref délai.

Toutefois, il résulte de la procédure que M. [W] [R] est défavorablement connu des services de police et de gendarmerie pour trafic de stupéfiants, recel de vol et vol aggravé, ainsi que de la justice en ce qu'il a été condamné le 27 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris à une peine de 3 ans d'emprisonnement, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, le ministère public précisant que ce trafic portait plus particulièrement sur la cocaïne sous forme de crack, soit la drogue la plus addictive et la plus destructrice.

Au regard de ces éléments et considérant la lourdeur de la peine prononcée à son encontre, est suffisamment caractérisée la condition de menace à l'ordre public au sens des dispositions précitées.

En conséquence, la demande de la préfecture aux fins de quatrième prolongation de la rétention administrative est bien fondée, l'ordonnance déférée étant infirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen,

Infirme l'ordonnance rendue le 17 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, et prolongeons la mesure de rétention administrative concernant M. [W] X SE DISANT [R] pour une durée de quinze jours,

Fait à Rouen, le 18 Juin 2024 à 17h.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02145
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.02145 ?
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