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18/06/2024 | FRANCE | N°24/02133

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 18 juin 2024, 24/02133


N° RG 24/02133 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV4G





COUR D'APPEL DE ROUEN





JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 18 JUIN 2024









Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Stéphane GUYOT, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et d

u séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du PREFECTURE DU PAS DE CALAIS en date du 13 jun 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour...

N° RG 24/02133 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JV4G

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 18 JUIN 2024

Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Stéphane GUYOT, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du PREFECTURE DU PAS DE CALAIS en date du 13 jun 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Mme [P] [B], née le 27 Mars 2000 à QUANG BINH (VIETNAM) de nationalité Inconnue ;

Vu l'arrêté du PREFECTURE DU PAS DE CALAIS en date du 14 juin 2024 de placement en rétention administrative de Mme [P] [B] ayant pris effet le 14 juin 2024 à 17 heures 30 ;

Vu la requête de Mme [P] [B] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du PREFECTURE DU PAS DE CALAIS tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Mme [P] [B] ;

Vu l'ordonnance rendue le 15 Juin 2024 à 13 heures 55 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Mme [P] [B] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 15 juin 2024 à 17 h 30 jusqu'au 13 juillet 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par Mme [P] [B], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 17 juin 2024 à 11 h 31 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au PREFECTURE DU PAS DE CALAIS,

- à, Mme Sigrid KREUZER, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

- à Mme [R] [G] en langue vietnamienne ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par Mme [P] [B] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [R] [G] en langue vietnamienne, expert assermenté, en l'absence du PREFECTURE DU PAS DE CALAIS et du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [P] [B] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Mme Sigrid KREUZER avocat au barreau de ROUEN, étant présent(e) au palais de justice;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [P] [B] a été placée en rétention administrative le 13 juin 2024.

Saisi d'une requête du préfet du Pas-de-Calais en prolongation de la rétention et d'une requête de Mme [P] [B] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 17 juin 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle Mme [P] [B] a formé un recours.

A l'appui de son recours, l'appelante allègue l'irrégularité de la procédure antérieure au placement en rétention tenant aux conditions du contrôle et au recours à l'interprétariat par téléphone. Elle allègue en outre la violation des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile liée à l'absence d'identification d'une situation de traite d'êtres humains. Elle conclut également à l'absence de diligences de l'administration pour parvenir à son éloignement et demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel, renonçant à poursuivre l'irrégularité de la procédure du fait du recours à l'interprétariat par téléphone. Mme [P] [B] a été entendue en ses observations.

Le préfet du Pas-de-Calais n'a pas formulé d'observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 17 juin 2024, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Mme [P] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 15 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la régularité du contrôle d'identité et le détournement de procédure

Mme [P] [B] fait valoir qu'elle a été contrôlée sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale en vertu de réquisitions du procureur de la République non datées, et il n'existe par ailleurs aucun lien entre les infractions visées dans les réquisitions et le lieu et le temps du contrôle, les réquisitions faisant mention de quatre infractions alors que son contrôle d'identité n'est pas fondé sur une de ces infractions, de sorte que la procédure est irrégulière.

Il ressort des dispositions des articles 78-2, 78-2-2 du code de procédure pénale et des articles L.812-1 et L.812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire agissant sous les ordres de ceux ci peuvent procéder à un contrôle d'identité ou de titre dés lors notamment qu'une des conditions alternatives ci dessous mentionnées est caractérisée:

- Il existe une des causes visées par l'alinéa 1er du dit article 78-2 du code de procédure pénale

- Le contrôle est effectué dans les limites spatiales et temporelles des réquisitions du procureur de la République (78-2 ou 78-2-2 code de procédure pénale)

- Il existe un risque caractérisé d'atteinte l'ordre public, la sécurité des biens et des personnes

- Le contrôle s'effectue dans une zone de 20 Km en deçà des frontières des Etats Schengen ou dans un rayon de 10 Km autour des ports et aéroports constituant un point de passage frontalier (78-2 al 8 code de procédure pénale)

- Des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger. (L 812-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ).

Sur la base et dans les limites de ces réquisitions, l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale autorise les agents de la force publique à contrôler l'identité de toute personne sans justifier d'un élément visible et objectif à l'origine du contrôle.

La seule présence de l'appelante dans un lieu et dans une période de temps visés par le procureur de la République dans ses réquisitions, suffit pour qu'elle soit invitée à justifier de son identité par tout moyen au regard des dispositions susvisées, sans qu'il y ait lieu à caractériser l'existence d'indices de commission ou de risque de commission des infractions. L'appelante ne peut donc se prévaloir d'aucun détournement de procédure.

Il importe peu par ailleurs que lesdites réquisitions ne soient pas datées, dès lors qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, les dates et heures du contrôle y sont précisées et que la demande de réquisitions formulées par le commissaire de police est datée du 5 juin 2024, délai qui a permis procureur de la République d'en apprécier l'opportunité.

Le moyen sera en conséquence écarté.

Sur la violation des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile liée à l'absence d'identification de la situation de traite d'êtres humains.

L'article L 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : «La décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.»

Selon l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

La directive n°2011/36 du 5 avril 2011concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, qui est d'application directe faute d'avoir été transposée dans les délais, prévoit que pour permettre d'exercer ses droits de manière effective, une personne devrait bénéficier d'une assistance et d'une aide dès qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle pourrait être victime de traite des êtres humains; que ces mesures doivent permettre d'assurer au moins un niveau de vie permettant à cette personne de subvenir à ses besoins en lui fournissant notamment un hébergement adapté et sûr et des conseils et des informations.

De même la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie, signée par la France le 22 mai 2006 et publiée au journal officiel suivant un décret n°2008/1118 du 31 octobre 2008, et donc partie intégrante de notre droit interne, prévoit, en son article 12, cette même obligation, indépendante du permis de séjour, de fournir un hébergement convenable et sûr et une assistance psychologique et matérielle ainsi qu'une obligation d'évaluation de la situation des personnes à tous les stades de la procédure.

Si la proportionnalité d'un placement en rétention administrative peut être appréciée par le juge judiciaire dans le cadre de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'étranger de contester la décision de placement en rétention devant le juge des libertés et de la détention dans les 48 heures de sa notification et face à une personne victime d'un réseau de traite des êtres humains qu'il s'agit avant tout de protéger, cette appréciation ne peut s'effectuer que de manière concrète en fonction des circonstances de l'espèce.

Il ne saurait être admis comme a priori qu'un étranger est victime d'un réseau de traite des êtres humains à la seule vue de sa nationalité. Cette constatation et les conséquences qui en découlent ne peuvent s'appuyer que sur des critères objectifs tels que les circonstances de la découverte de l'étranger et les éléments de l'enquête de police dont disposait l'autorité préfectorale au moment de la prise de son arrêté de placement en rétention administrative.

En l'espèce aucun élément ne permet d'affirmer que Mme [P] [B] a été victime d'un réseau de traite des êtres humains. Elle a été interpellée alors qu'elle se trouvait avec trois autres personnes à la gare de [1] et le fait qu'elle ait indiqué avoir des dettes à rembourser est insuffisant pour la constituer victime d'une traite des êtres humains, étant observé qu'au cours de son audition, elle a décliné la protection qui lui était offerte par les autorités françaises, reconnaissant avoir quitté son pays avec un réseau de passeurs, mais ne pas souhaiter déposer plainte, indiquant en outre qu'elle n'allait pas être intégrée à un réseau de prostitution en Angleterre et qu'elle n'était pas victime de traite d'être humain.

Sur la demande de prolongation et sur l'absence de diligences

Il est établi en procédure que le consulat du Vietnam a été saisi dès le placement rétention, par courrier du 13 juin 2024 aux fins d'audition de l'intéressée et d'établissement d'un laissez-passer consulaire, son dossier ayant été adressé par courriel du même jour, de sorte que l'administration préfectorale a satisfait à son obligation de diligence, qui n'est pas plus amplement critiquée hauteur de cour.

L'ordonnance déférée ce sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de prolongation.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [P] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 15 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 18 Juin 2024 à 13h57.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02133
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;24.02133 ?
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