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13/06/2024 | FRANCE | N°24/02060

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 13 juin 2024, 24/02060


N° RG 24/02060 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVXR





COUR D'APPEL DE ROUEN





JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024









Mariane ALVARADE, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Marion DEVELET, greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du Préfet de la Manche en date du 22 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [Z...

N° RG 24/02060 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVXR

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024

Mariane ALVARADE, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Marion DEVELET, greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Manche en date du 22 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [Z] [D], né le 12 juillet 1982 à [Localité 3] (POLOGNE) ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Manche en date du 08 juin 2024 de placement en rétention administrative de M. [Z] [D] ayant pris effet le 08 juin 2024 à 16h00 ;

Vu la requête du Préfet de la Manche tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de

M. [Z] [D] ;

Vu l'ordonnance rendue le 11 Juin 2024 à 12h30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [Z] [D] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 10 juin 2024 à 16h00 jusqu'au 08 juillet 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [Z] [D], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 11 juin 2024 à 15h50 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Manche,

- à Me Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

- à Mme [M] [W], interprète en langue polonaise, inscrite sur la liste des interprètes de la cour d'appel de Paris ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [Z] [D] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [M] [W], interprète en langue polonaise, expert assermenté à la cour d'appel de Paris, en l'absence du Préfet de la Manche et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [Z] [D] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Mme Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [Z] [D] a été placé en rétention administrative le 8 juin 2024.

Saisi d'une requête du préfet de la Manche en prolongation de la rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 11 juin 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [Z] [D] a formé un recours.

A l'appui de son recours, l'appelant allègue l'irrecevabilité de la requête aux fins de prolongation, l'irrégularité de la procédure tenant à l'impossibilité matérielle d'introduire un recours en contestation de la décision préfectorale alors qu'il était placé dans un local de rétention administrative, de l'absence d'information des magistrats du parquet de son transfert au centre de rétention administrative, au défaut d'information immédiate du procureur de son placement en rétention, du défaut de mention de l'agent notificateur, du défaut d'habilitation aux fins de consultation des fichiers et à l'absence de justification de l'impossibilité de recourir à un interprète en présentiel.

Il conclut également à l'absence de diligences de l'administration pour parvenir à son éloignement.

Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel, excepté celui tenant à l'irrecevabilité de la requête préfectorale. M. [Z] [D] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Manche n'a pas formulé d'observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 11 juin 2024, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [Z] [D] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 11 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la régularité de la procédure

Sur la consultation des fichiers automatisés

L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande de l'intéressé et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.

Il en résulte que la réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.

Dès lors qu'il est expressément prévu que le défaut de mention de l'habilitation n'entraîne pas par lui-même nullité de la procédure, il incombe à l'étranger de démontrer en quoi cette irrégularité lui cause grief conformément aux dispositions de l'article L.743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le procès-verbal établi le 8 juin 2024 mentionne expressément que [Y] [I], brigadier chef de police, a été individuellement désigné et spécialement habilité pour effectuer les opérations de consultation du fichier FAED, cette habilitation ayant été donnée par le directeur interdépartemental de la police aux frontières de [Localité 1], M. [C] [N], et le procès-verbal du 10 juin 2024 mentionne en outre que Mme [J] [R], brigadier-chef de police officier de police judiciaire a été individuellement désignée et spécialement habilitée pour effectuer les opérations de consultation des fichiers européen Eurodac, SNBA et FAED.

Le moyen n'est pas fondé.

Sur l'impossibilité matérielle d'introduire un recours en alors qu'il était placé dans un local de rétention administrative,

M. [Z] [D] fait valoir qu'il a été placé au local de rétention administrative de Cherbourg le 8 juin 2024, qu'il n'a rencontré aucune association au cours de son séjour et n'a donc pas été en mesure de formaliser son recours contre l'arrêté de placement en rétention dans le délai de 48 heures qui lui était imparti

Il résulte du dossier que l'intéressé est arrivé au LRA de Cherbourg le 8 juin 2024 à 16 heures, ses droits lui ayant été notifiés à compter de 16h30 et la liste des associations pouvant être contactées lui ayant été communiquée, qu'il a quitté le local de rétention administrative le 10 juin à 13 heures pour le centre de rétention de [Localité 2], avec une arrivée à 15h25, ses droits en rétention et en matière de demande d'asile lui ayant été notifiés à 15h30.

M. [Z] [D] indique avoir été dans l'impossibilité matérielle d'exercer ses droits, sans expliciter concrètement les obstacles qu'il a pu rencontrer. En l'état, cette impossibilité alléguée ne résulte que de ses propres affirmations, alors que plusieurs associations pouvaient être contactées et qu'une permanence était assurée. Ils disposaient donc du temps nécessaire pour exercer ses droits durant son séjour.

Le moyen sera en conséquence rejetée.

Sur le défaut d'information des magistrats du parquet du placement en rétention et du transfert au centre de rétention administrative

Suivant procès-verbal du 8 juin établi à 16h30, l'officier de police judiciaire a informé le substitut du procureur près du tribunal judiciaire de Cherbourg en Cotentin du placement en rétention administrative de l'intéressé et aux termes de ce même procès-verbal il était précisé que l'intéressé 'a été transféré ce jour à compter de 16 heures dans le local de rétention de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Cherbourg en Cotentin dans l'attente d'une place en centre de rétention administrative', ledit procès-verbal de police faisant foi jusqu'à preuve contraire.

Il est par ailleurs établi en procédure que tant le parquet de de Cherbourg en Cotentin que le parquet de Rouen ont été avisés du transfert de M. [Z] [D] suivant courriel du 10 juin 2024 à 13h31, de sorte que le moyen, pris en ses deux branches, est inopérant.

Sur le défaut de mention de l'agent notificateur de l'arrêté de placement en rétention

S'il est exact que l'arrêté de placement en rétention ne comporte que la signature de l'agent notificateur, étant portée en dernière page la mention 'l'OPJ', pour autant, l'acte administratif n'encourt pas la nullité, seule les voies de recours sont suspendues.

En tout état de cause, M. [Z] [D] ne démontre pas l'atteinte substantielle portée à ses droits, ainsi qu'exigée par l'article L.742-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour entraîner la mainlevée de la rétention administrative.

Le moyen sera rejeté.

Sur l'absence de justification de l'impossibilité de recourir à un interprète en présentiel lors du placement en rétention

Aux termes de l'article L 744-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix ; ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend et en cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais.

L'article L 141-3 du code précité énonce que lorsqu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète, et que l'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ; toutefois, en cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication.

Il est en outre constant que tout retard dans la notification des droits, notamment lié à la difficulté de contacter un interprète, doit être justifiée par une circonstance insurmontable, et qu'un retard, non justifié par de telles circonstances, dans la notification des droits porte nécessairement grief au gardé à vue.

M. [Z] [D] indique que l'administration préfectorale ne prouve pas la nécessité du recours aux services d'un interprète par téléphone pour la notification de la mesure.

Il ressort du procès-verbal établi le 8 juin à 9h45 qu'aucun interprète en langue polonaise n'était recensée à proximité du service, susceptible de se déplacer dans un délai raisonnable, que les fonctionnaires de police ont pris attache téléphonique avec Mme [L], interprète en langue polonaise, demeurant à Cherbourg en Cotentin, inscrite sur la liste des experts établis par la cour d'appel de Caen, laquelle a indiqué être disponible immédiatement en interprétariat par téléphone étant dans l'impossibilité de se déplacer pour des raisons personnelles.

Il est donc suffisamment justifié de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, le moyen étant écarté.

Sur les diligences

Il est établi en procédure que les autorités consulaires polonaises ont été saisies dès le 8 juin 2024 aux fins d'identification et de délivrance d'un laissez-passer consulaire, qu'une demande de routing a d'ores et déjà été sollicitée, réceptionnée le 10 juin 2024 par la DNPAF, de sorte que le prefet a satisfait à son obligation de diligences.

L'ordonnance qui a autorisé la prolongation de la rétention administrative sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [Z] [D] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 11 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 13 juin 2024 à 13h45.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02060
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.02060 ?
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