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12/06/2024 | FRANCE | N°24/02057

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 12 juin 2024, 24/02057


N° RG 24/02057 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVXL





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 12 JUIN 2024









Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme DEVELET, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séj

our des étrangers et du droit d'asile ;



Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mes...

N° RG 24/02057 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVXL

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 12 JUIN 2024

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DEVELET, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise le 9 mai 2024 à l'égard de M. [S] [E] né le 26 Mars 1988 à [Localité 2] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne ;

Vu l'ordonnance rendue le 10 Juin 2024 à 12 heures 30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN autorisant le maintien en rétention de M. [S] [E] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 10 juin 2024 à 9 heures 53 jusqu'au 10 juillet 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [S] [E], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 11 juin 2024 à 12 heures 24 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention deOissel,

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Seine-Maritime,

- à M. Khaled ELACHI, avocat au barreau de PARIS, avocat choisi,

- au Ministère public ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [S] [E] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du M. LE PREFET DE LA SEINE MARITIME et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [S] [E] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

M. Khaled ELACHI, avocat au barreau de PARIS étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [S] [E] a été placé en rétention le 9 mai 2024, mesure qui lui a été notifiée le 11 mai 2024, une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 13 mai 2024a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d'appel du 15 mai 2024.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 10 juin 2024a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires, décision contre laquelle M. [S] [E] a formé un recours.

A l'appui de son recours, par la voie de son conseil, l'appelant fait valoir que le juge des libertés et de la détention n'a pas mis en 'uvre les dispositions de l'article L743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel dispose qu'il doit rappeller à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assurer d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L742'2 émargé par l'intéressé que celui-ci a été dans les meilleurs délais pleinement informés de ses droits. Il fait en outre grief à la juridiction de ne pas avoir fait droit à sa demande d'assignation à résidence judiciaire. Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel. M. [S] [E] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Seine-Maritime demande la confirmation de l'ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 11 juin 2024, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [S] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la violation des dispositions de l'article L 743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

M. [S] [E] fait valoir que le juge ne lui a pas rappelé ses droits, alors que ce rappel constitue une obligation pour le magistrat en sa qualité d'autorité judiciaire garant des libertés individuelles, alors qu'il s'agit de permettre au retenu d'être informé sur l'étendue de ses droits et de pouvoir les exercer, que le juge a violé la seconde obligation qui lui était faite de 's'assurer qu'il a été pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention',

que l'ordonnance querellée ne fait pas non plus mention de ce rappel, ainsi qu'exigé par le texte, que la privation du rappel de ses droits lui cause nécessairement un grief,

que l'ordonnance en cause devra être annulée.

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

L'article L 743-9 précité prévoit le contrôle par le juge du registre prévu à l'article L 744-2 du même code pour vérifier le respect de la notification des droits au moment du placement en rétention, ce contrôle intervenant de fait lors de la première demande de prolongation.

Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Au cas d'espèce, si les droits du retenu n'ont pas fait l'objet d'un rappel spécifique lors des débats comme invoqué, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que le juge des libertés et de la détention ne s'est pas livré au contrôle prescrit par les dispositions de l'article L.743-9 susvisé, le retenu ne justifiant pas des droits qui auraient été bafoués, ni du grief occasionné, se contentant d'affirmer que la non observance de cette disposition lui a nécessairement causé grief.

Le moyen sera dès lors rejeté.

Sur l'assignation à résidence judiciaire

M. [S] [E] fait valoir que bien que le juge des libertés et de la détention ait constaté que les conditions d'une assignation à résidence étaient remplies, il n'en a pas tiré les conséquences,

qu'il n'existe aucun risque de soustraction à la mesure d'éloignement, qu'il a ainsi bénéficié lors de son incarcération de permissions de sortir qu'il a toujours respectées et qui se sont déroulées sans incident,

que si lors de son audition du 7 mars 2024, il avait indiqué ne pas vouloir quitter le territoire, il a manifesté son accord pour quitter la France et de plus, depuis cette audition, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de dix ans, ce qui expliquait ses déclarations,

qu'il ne s'est jamais soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement,

qu'il présente un document d'identité ou de voyage en cours de validité, son passeport ayant été remis aux autorités;

qu'il n'a jamais refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ;

qu'il produit une attestation d'hébergement et établi l'existence d'une relation conjugale avec Mme [M] [R] et la présence de nombreux membres de sa famille en situation régulière en France.

Il ajoute que la prolongation de sa rétention ne peut être autorisée sur la base de ses antécédents judiciaires alors même qu'il est incarcéré depuis plus de 10 ans et qu'il ne peut présenter une menace à l'ordre public, laquelle doit être réelle et actuelle et suffisamment intense pour justifier une mesure de placement en rétention administrative.

La demande d'assignation à résidence judiciaire se heurte toutefois à l'autorité de la chose jugée (décision du juge des libertés et de la détention du 13 mai 2024 confirmée par la cour d'appel le 15 mai 2024 ) alors qu'il n'est justifié d'aucun élément nouveau, l'appelant réitérant les mêmes moyens et arguments que lors de la demande aux fins de première prolongation.

La demande ne peut qu'être écartée.

Sur la demande de prolongation et sur les diligences

Selon l'article L742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur au 28 janvier 2024, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger.

La notion de menace à l'ordre public, dont il est rappelé qu'elle a pour objectif de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national, a déjà été évoquée par la juridiction, qui a retenu que le comportement de l'intéressé était constitutif d'une telle menace.

Il n'est présenté aucun élément permettant de remettre en cause cette appréciation, en l'état des mêmes moyens et arguments présentés devant la cour au stade de la deuxième prolongation.

Par ailleurs, M. [S] [E] soutient que le préfet, bien que disposant de son passeport a de manière artificielle, sollicité le consulat général de Tunisie aux fins d'identification et d'obtention d'un laisser-passer.

Il n'est toutefois pas démontré que les démarches effectuées par l'administration préfectorale avaient pour but de le priver de sa liberté sans justification dès lors que le passeport détenu par l'intéressé avait expiré et que le préfet avait également sollicité un laissez-passer consulaire. Du reste, par courrier du 31 mai 2024 reçu le 6 juin 2024, les autorités consulaires tunisiennes l'ont formellement identifié comme étant ressortissant tunisien, un vol ayant été réservé à l'effet de procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement.

Les diligences apparaissent en conséquence effectives et suffisantes, l'ordonnance déférée étant confirmée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de la mesure de rétention administrative.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [S] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 10 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 12 Juin 2024 à 17h20

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/02057
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;24.02057 ?
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