N° RG 24/02019 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVUO
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 08 JUIN 2024
Nous, Anne-Laure BERGERE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Madame ADNAOUI, Greffière ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du Préfet du Nord en date du 03 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Madame [T] [V], née le 05 Mars 2000 à [Localité 1] (ALGERIE) ;
Vu l'arrêté du Préfet du Nord en date du 03 juin 2024 de placement en rétention administrative de Madame [T] [V] ;
Vu la requête de Madame [T] [V]en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du Préfet du Nord tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de vingt huit jours jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Madame [T] [V] ;
Vu l'ordonnance rendue le 06 Juin 2024 à 12 heures 00 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, disant n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ordonnant la remise en liberté de Madame [T] [V] ;
Vu l'appel interjeté par le Préfet du Nord, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 07 juin 2024 à 12 heures 41 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- à l'intéressée, à sa dernière adresse connue,
- au Préfet du Nord,
- à Me Guillaume SAUDUBRAY, avocat au barreau de PARIS, de permanence,
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de Me Martin Estelle avocat au barreau de Rouen substituant Me Guillaume Saudubray avocat au barreau de Paris représentant le Préfet du Nord, en l'absence de Madame [T] [V] et du ministère public;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Le conseil de l'appelant ayant été entendu ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Madame [T] [V] a été placée en rétention administrative le 3 juin 2024.
Le Préfet du Nord a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen pour voir autoriser le maintien en rétention de Madame [T] [V]. Parallèlement, cette dernière a également saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Suivant ordonnance du 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a déclaré irrégulière la décision de placement en rétention administrative et ordonné, en conséquence, la mise en liberté de Madame [T] [V], décision contre laquelle le Préfet du Nord a formé un recours.
Cette décision n'a pas fait l'objet d'un appel suspensif de la part du Ministère public.
A l'appui de son recours, le Préfet du Nord rappelle qu'il résulte du principe de séparation des pouvoirs que le juge judiciaire ne peut pas apprécier les décisions prises par l'administration et notamment celle qui fixe le lieu de rétention. En outre, dans la mesure où la retenue est limitée dans le temps à 90 jours minimum, aucune violation de l'article 8 de la CEDH n'est caractérisé.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par le Préfet du Nord à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN est recevable.
Sur le fond
Il est exact que le juge judiciaire saisi en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, se prononcer sur la légalité de la décision administrative désignant le centre de rétention administrative dans lequel l'étranger sera maintenu.
Toutefois, il revient au juge judiciaire saisi d'une contestation relative à la décision de placement en rétention d'apprécier si cette décision et son exécution ne contrevient pas de manière manifeste et disproportionnée aux droits fondamentaux tels que ceux prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
En l'espèce, par motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu que 'l'intéressée argue de ce qu'elle a été placée dans un centre de rétention administrative différent de celui de son époux alors qu'ils ont été interpellés en même temps et ont fait l'objet de la même procédure. Il est versé au dossier leur certificat de mariage, et la relation était connue de l'administration dès le placement en rétention. Cependant, et malgré la disponibilité de places permettant une rétention commune, il a été décidé de placer les époux dans deux centres différents.[...] Cette décision entraîne des conséquences particulièrement importantes sur le droit à la vie privée de l'intéressée, portant à ses droits conventionnellement garantie et ce sans nécessité. Cette violation de son droit à la vie privée constitue donc un obstacle à la prolongation de la rétention administrative.'
En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par le Préfet du Nord à l'encontre de l'ordonnance rendue le 06 Juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, disant n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ordonnant la remise en liberté de Madame [T] [V];
Confirme l'ordonnance susvisée en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 08 Juin 2024 à 10 heures 45.
LA GREFFIERE, LA CONSEILLERE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.