N° RG 24/01555 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUTL
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 30 AVRIL 2024
Philippe JULIEN, Conseiller à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assisté de Fanny GUILLARD, Greffière ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor en date du 23 juin 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [F] [P], né le 7 février 2002 à [Localité 1] (Guinée) ;
Vu l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor en date du 25 avril 2024 de placement en rétention administrative de Monsieur [F] [P] ayant pris effet le 25 avril 2024 à 18 heures 10 ;
Vu la requête de Monsieur [F] [P] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du préfet des Côtes d'Armor tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [F] [P] ;
Vu l'ordonnance rendue le 28 avril 2024 à 15 heures 07 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [F] [P] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 27 avril 2024 à 18 heures 10 jusqu'au 25 mai 2024 à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur [F] [P], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 29 avril 2024 à 14 heures 40 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],
- à l'intéressé,
- au Préfet des Cotes d'Armor,
- à M. Diego CASTIONI, avocat au barreau de Rouen, de permanence,
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [F] [P] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en l'absence du préfet des Côtes d'Armor et du ministère public ;
Vu la comparution de Monsieur [F] [P] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;
M. Diego CASTIONI, avocat au barreau de Rouen, étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Monsieur [F] [P] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 28 Avril 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme
L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pose le principe selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la séctnité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Toutefois, la rétention administrative n'est pas en soi irrespectueuse des principes ainsi énoncés, sauf si une telle mesure porte une atteinte disproportionnée aux droits de la personne au regard de l'objectif poursuivi.
Or, en l'espèce, il apparaît que Monsieur [F] [M] [P] se trouve en situation irrégulière en France ; qu'il n'établit nullement que la mesure de rétention administrative porterait une atteinte disproportionnée à ses droits garantis par les dispositions de l'article 8 précité ; qu'il indique notamment avoir un enfant d'une précédente relation qui vit dans une famille d'accueil et qu'il vivrait en couple en France, où il précise avoir une tante et des cousins.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'apparait pas que la mesure de rétention soit de nature à porter une atteinte disproportionnée à ses droits au regard des objectifs poursuivis, de sorte que le moyen sera rejeté.
Sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'appelant lié à la possibilité de l'assigner à résidence
Au regard des dispositions de l'article L.741-l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut placer en rétention l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L.731-1 lorsqu'il ne présente
pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
En l'espèce, le préfet, dans son arrêté de placement dans un centre de rétention, énumère les éléments de fait de nature à lui faire considérer que Monsieur [F] [M] [P] ne présente pas de garantie de représentation.
Il vise en particulier le fait que l'intéressé n'a pas d'adresse identifiée et qu'il n'a pas
déféré à ses précédentes mesures d'éloignement, en particulier qu'il ne s'est pas présenté à deux auditions consulaires les 28 juin 2023 et 10 juillet 2023.
De surcroît, Monsieur [F] [M] [P] ne justifie pas de la possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité ni d'une résidence effective et permanente sur le territoire français. À cet égard, la seule production devant la cour d'une attestation d'hébergement non assortie d'un document d'identité de l'hébergeant, qui ne produit lui-même aucun document démontrant sa propre situation de logement, ne saurait suffire à démontrer la réalité d'une résidence effective et permanente sur le territoire français de l'intéressé.
Par ailleurs, le préfet a sollicité une demande de laissez-passer consulaire auprès des autorités gambiennes dès le 7 février 2024, effectuant une relance auprès de ces mêmes autorités le 22 février 2024.
C'est ainsi que le 22 février 2024, les autorités gambiennes ont convoqué Monsieur [F] [M] [P] pour une audition consulaire le 29 février 2024. Il ressort du compte rendu de l'audition du consulat gambien que Monsieur [F] [M] [P] déclare qu'il n'a jamais été gambien et qu'il ne connaît pas ce pays.
L'intéressé n'a donc pas été reconnu par les autorités gambiennes.
Il n'en demeure pas moins que l'intéressé a toujours déclarer parler la langue gambienne et être de nationalité gambienne.
Le 5 mars 2024, le préfet a demandé au centre de rétention de [Localité 3] un passage de l'intéressé aux bornes Eurodac et Visabio mais Monsieur [F] [M] [P] a refusé catégoriquement de se soumettre à la consultation de ses empreintes.
Le 22 mars suivant, le préfet a demandé au centre de rétention de [Localité 3] un passage de l'étranger à la borne Eurodac mais Monsieur [F] [M] [P] a de nouveau refusé de s'y soumettre, traduisant sa volonté de dissimuler son identité.
Il résulte de ces éléments de la procédure que le préfet, en rendant sa décision, s'est enquis de la situation de Monsieur [F] [M] [P], et notammert des précédentes procédures, de sorte que le moyen sera rejeté.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [P] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 28 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 30 avril 2024 à 10 heures 05.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.