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04/04/2024 | FRANCE | N°24/01228

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 04 avril 2024, 24/01228


N° RG 24/01228 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JT4V





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 04 AVRIL 2024









Alice PICOT-DEMARCQ, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Jean-François GEFFROY, Greffier ;



Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séj

our des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du Préfet de la Sarthe en date du 28 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [S] ...

N° RG 24/01228 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JT4V

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 04 AVRIL 2024

Alice PICOT-DEMARCQ, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Jean-François GEFFROY, Greffier ;

Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Sarthe en date du 28 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [S] [Z]

né le 19 Octobre 2004 à [Localité 2]

de nationalité Libyenne ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Sarthe en date du 30 mars 2024 de placement en rétention administrative de M. [S] [Z] ayant pris effet le 30 mars 2024 à 15 heures 20 ;

Vu la requête du Préfet de la Sarthe tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [S] [Z] ;

Vu l'ordonnance rendue le 02 Avril 2024 à 13 heures 45 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [S] [Z] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 01 avril 2024 à 15 heures 20 jusqu'au 29 avril 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [S] [Z], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 03 avril 2024 à 11 heures 14 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Sarthe,

- à Me Bérengère GRAVELOTTE, avocate au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,

Vu les dispositions des articles L. 743-8 et R. 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [S] [Z] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du Préfet de la Sarthe et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [S] [Z] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me Bérengère GRAVELOTTE, avocate au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 2 avril 2024 à 13h45, la mesure de rétention administrative prise à l'égard de M. [S] [Z] a été prolongée pour une durée de vingt-huit jours, décision à l'encontre de laquelle l'intéressé a formé un recours le 3 avril 2024 à 11 heures 14.

A l'appui de son recours, M. [S] [Z] conclut à :

- l'irrégularité de la procédure ayant immédiatement précédé son placement en rétention administrative, à raison d'une part, de la notification tardive de ses droits en garde-à-vue, en méconnaissance des dispositions de l'article 63 I du code de procédure pénale, d'autre part du détournement de la mesure de garde à vue, laquelle n'a été maintenue que pour permettre son placement en rétention administrative, et enfin de sa privation de liberté sans droit ni titre durant cinq minutes, entre la levée de la mesure de garde-à-vue et son placement en rétention administrative ;

-l'irrégularité de la décision de placement en rétention administrative, au regard de l'irrégularité entachant la notification de ses droits, de la tardiveté de l'avis au parquet en méconnaissance de l'article L. 741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les services préfectoraux envisageaient initialement une assignation à résidence ;

-de l'absence de diligences suffisantes en vue de la prolongation de sa mesure de rétention administrative.

A l'audience, M. [S] [Z] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise.

Son avocate, Me [W] [Y], développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé son maintien en rétention, et demande à la Conseillère à la cour d'appel de Rouen spécialement désignée par ordonnance de la Première Présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées, de :

- déclarer recevable l'appel interjeté par M. M. [S] [Z] ;

- infirmer la décision rendue le 02 avril 2024 par le Juge des Libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'il a ordonné la prolongation de la rétention

administrative de M. [S] [Z] jusqu'au 29 avril 2024 à 15h20 ;

- en conséquence, statuant de nouveau sur les chefs du jugement critiqués ;

- rejeter la demande de prolongation de la mesure de rétention administrative prononcée à l'égard de M. [S] [Z] ;

-ordonner sa remise en liberté ;

-condamner I'Etat, représenté par M. le Préfet de la Sarthe à verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, dont distraction au profit du conseil de M. [S] [Z].

M. Le préfet ne comparaît pas mais nous fait parvenir par mail reçu le 3 avril 2024 à 16 heures 26, et transmis avant l'audience à l'avocate du retenu, un courrier aux termes duquel il sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise, indiquant souscrire à l'analyse faite par le juge des libertés et de la détention.

M. [S] [Z] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du geffier à l'audience, n'avoir rien à ajouté à la plaidoirie de son conseil.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

1. Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [S] [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 02 Avril 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

2. Aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale : 'La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. / Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en 'uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit'.

3. Aux termes de l'article 62-3 du même code : 'La garde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République, sans préjudice des prérogatives du juge des libertés et de la détention prévues aux articles 63-4-2 et 706-88 à 706-88-2 en matière de prolongation de la mesure au-delà de la quarante-huitième heure et de report de l'intervention de l'avocat. / Le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre. / Il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue. / Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté'.

4. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M. [S] [Z] a été interpelé le 29 mars 2024 à 17 heures 50 et placé en garde-à-vue à compter de cette heure, à raison de l'existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis ou tenté de commettre des délits, en l'espèce des faits de vol en réunion etde recel de vol.

5. Il ressort toutefois du procès-verbal d'avis à magistrat établi le 30 mars 2024 à 11 heures 40, qu'à l'issue des investigations diligentées, le procureur de la République du Mans a demandé aux services de police de bien vouloir classer la procédure pénale initiée à son encontre, dès lors que les infractions ayant justifié son placement en garde à vue étaient insuffisamment caractérisées,et 'd'attendre momentanément le résultat de la décision administrative de la Préfecture' avant de mettre fin à la mesure de garde-à-vue.

6. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le même jour à 14 heures 30, alors que les services de police avaient de nouveau pris l'attache du procureur de la République du Mans pour l'aviser de la décision de la préfecture et lui demander l'autorisation de prolonger la mesure de garde à vue afin de 'trouver des effectifs pour le transfert', le procureur de la République a expressément demandé à ce qu'il soit mis fin à la mesure de garde-à-vue, la décision judiciaire de classement sans suite ayant d'ores et déjà été prise.

7. La garde-à-vue de M.[S] [Z] n'a toutefois été levée que le 30 mars 2024 à 15 heures 15.

8. Il s'en déduit qu'alors que le procureur de la République avait, dès le 30 mars 2024 à 11 heures 40, apprécié les suites à donner à la procédure et prescrit la levée de la garde à vue de l'intéressé, M. [S] [Z] a été maintenu sous le régime de la garde-à-vue jusqu'au 30 mars 2024 à 15 heures 15, aux seules fins de mettre en oeuvre la procédure administrative.

9. Dans ces conditions, la procédure est entachée d'une irrégularité tenant au détournement manifeste de la procédure de garde-à-vue, ayant nécessairement eu pour effet de porter atteinte aux droits de M. [S] [Z].

10. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision entreprise sera infirmée et la remise en liberté de M. [S] [Z] sera ordonnée.

11. Aux termes de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 : 'Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / (...).'

12. M. Le Préfet de la Sarthe sera condamné à verser à M. [S] [Z] la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions, sous réserve de la renonciation du conseil de l'appelant à percevoir la part contributive de l'Etat.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [S] [Z] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 02 Avril 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours ;

Infirme la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions ;

Ordonne la remise en liberté de M. [S] [Z] ;

Condamne M. Le Préfet de la Sarthe ès qualité à verser à M. [S] [Z] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation du conseil de l'appelant à percevoir la part contributive de l'Etat.

Fait à Rouen, le 04 Avril 2024 à 14 heures 50.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01228
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;24.01228 ?
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