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26/06/2023 | FRANCE | N°23/02178

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 26 juin 2023, 23/02178


N° RG 23/02178 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMXV





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 26 JUIN 2023









Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Jean-François GEFFROY, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 05 août 2022 portant obligation de quitter le territoire f...

N° RG 23/02178 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMXV

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 JUIN 2023

Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Jean-François GEFFROY, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 05 août 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [I] [E], né le 28 Juin 1998 à [Localité 2]

de nationalité Algérienne ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 21 juin 2023 portant l'interdiction de retour sur le territoire français pour M. [I] [E] ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 21 juin 2023 de placement en rétention administrative de M. [I] [E] ayant pris effet le 21 juin 2023 à 15 heures 00 ;

Vu la requête de M. [I] [E] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [I] [E] ;

Vu l'ordonnance rendue le 24 Juin 2023 à 17 heures 30 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [I] [E] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 23 juin 2023 à 15 heures 00 jusqu'au 21 juillet 2023 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [I] [E], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 24 juin 2023 à 21 heures 09 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Seine-Maritime,

- à Mme Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,

- à Mme [R] [D] interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [I] [E] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [R] [D] interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du Préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [I] [E] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1];

Mme Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [I] [E] a été placé en rétention administrative le 21 juin 2023.

Saisi d'une requête du préfet de la Seine Maritime en prolongation de la rétention et d'une requête de sr contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 24 juin 2023 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [I] [E] a formé un recours.

A l'appui de son recours, par la voie de son conseil, l'appelant allègue :

- l'irrecevabilité de la requête en prolongation pour incompétence de l'auteur de l'acte, - l'irrégularité de la procédure antérieure au placement en rétention pour information tardive du parquet de la mesure de garde à vue, non-respect du droit de consulter un médecin en garde à vue, absence de recueil d'observations en vue de la prolongation de la garde à vue, défaut de qualité du signataire de l'arrêté de placement, absence d'attestation de conformité de signature électronique des procès-verbaux, détournement de la mesure de garde à vue, maintien sans cadre légal à disposition de la justice, temps de trajet irréel

-l'irrégularité de la décision de placement en rétention, en raison de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'incompatibilité de la qualité de demnadeur d'asile avec le placement en rétention, de la commission d'une erreur manifeste d'appréciation et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'insuffisance de diligences de l'administration.

Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel. M. [I] [E] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas formulé d'observations.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 26 juin 2023, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [I] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la recevabilité de la requête en prolongation - l'incompétence de l'auteur de l'acte

M. [I] [E] fait valoir que la requête qui a saisi la juridiction d'une demande de prolongation de la rétention administrative a été signée par Mme [T] [H] qui ne détient une délégation de compétence, selon l'acte transmis, qu'en cas d'empêchement simultané de Mme [O] [M].

Il résulte des dispositions de l'article R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l'acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête et de vérifier si les délégations de signature couvrent la compétence spécifique de la signature des actes tels qu'une requête de prolongation de la rétention.

Il ressort de l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2023 portant délégation de signature, lequel est joint à la requête en prolongation, que l'intéressée avait délégation de signature du préfet, sans qu'il y ait lieu à vérifier un quelconque empêchement puisque cette compétence n'est pas subsidiaire mais relève d'une délégation préalable, l'apposition de sa signature sur ladite requête présupposant l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne rapportant pas la preuve contraire ainsi que cela lui incombe en application de l'article 9 du code de procédure civile.

Sur la régularité de la procédure antérieure au placement en rétention

Sur les moyens réunis tirés de l'information tardive du parquet de la mesure de garde à vue, du non-respect du droit de consulter un médecin en garde à vue, de l'absence de recueil d'observations en vue de la prolongation de la garde à vue, l'absence d'attestation de conformité de signature électronique des procès-verbaux

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de nullité soulevés devant lui et repris devant la cour, l'ordonnance étant confirmée sur ces points.

Sur le détournement de la mesure de garde à vue,

M. [I] [E] soutient qu'il ressort du second avis à parquet du 21juin 2023 à 11h30 que la mesure est maintenue uniquement pour « attendre la décision de la préfecture concernant messieur '', que le dernier acte d'enquête est daté du 20 juin 2023 à 08h30, soit avant la prolongation de la mesure de garde à vue, qu'il a donc été privé de liberté, le temps pour l'administration qu'elle communique sa décision pendant plus de 5 heures.

Le premier juge a justement retenu que M. [I] [E] avait été placé en garde à vue conformément aux dispositions des articles 62-2 et suivants du code de procédure pénale, alors qu'il existait des raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis une infraction, que des investigations s'avéraient nécessaires y compris concernant le second mis en cause, que la prolongation n'a pas été autorisée dans le seul but de reueillir des images de vidéo-surveillance, mais également pour identifier les victimes et effectuer une enquête de voisinage, étant observé que le délai maximal de 48 heures n'a pas été dépassé, en sorte qu'il ne peut être allégué un détournement de procédure.

Sur le maintien sans cadre légal à disposition de la justice,

Il est établi en procédure que M. [I] [E] a été placé en garde à vue le 20 juin 2023 à 9h40, cette mesure ayant été levée le 21 juin 2023 à 15 heures, heure de début de la rétention administrative, la notification s'étant achevée à l5h10, de sorte qu'il n'en est résulté aucune privation de liberté, l'ordonnance étant confirmée sur ce point.

Sur le temps de trajet irréel

La cour rejoint l'analyse du premier juge et retiendra qu'il n'est en tout état de cause justifié de l'existence d'aucun grief.

Sur l'irrégularité de la décision de placement en rétention

Sur l'incompétence de l'auteur de l'acte,

M. [I] [E] fait valoir le même moyen que ci-avant relativement au signataire de la décision de placement en rétention (Mme [H]), qui sera également écarté pour les mêmes motifs que sus-évoqués.

Sur l'incompatibilité de la qualité de demandeur d'asile avec le placement en rétention,

C'est encore par des motifs pertinents que la cour reprend à son compte que le premier juge a rejeté le moyen formulé, étant ajouté que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger faisant l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge pour prévenir un risque non négligeable de fuite tel que défini à l'article L. 751-10, dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les dispositions de l'article L. 751-2 ne peuvent être effectivement appliquées.

M. [I] [E] se trouve en situation irrégulière sur le territoire. Il a précédemment fait l'objet d'une assignation à résidence qu'il n'a pas respectée, de sorte que le préfet a pu considérer qu'il présentait un risque de se soustraire à la mesure d'éloignement.

Le moyen sera en conséquence rejeté.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

M. [I] [E] fait valoir qu'il n'a pas été tenu compte de sa situation personnelle alors qu'il a justifié des éléments de sa vie privée et familiale tant à l'audience que dans le cadre de son recours contre l'arrêté de placement en rétention.

Il est constant qu'une décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'Administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.

Il est par ailleurs de principe qu'une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n'entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni avec l'intérêt supérieur de l'enfant de l'article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant. Les liens avec le retenu peuvent être maintenus, ce dernier pouvant recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative. Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l'article 8 précité nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, soit, une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Il résulte du dossier que l'intéressé s'est déclaré célibataire, sans enfant à charge, ni autre attache familiale sur le territoire national, qu'il a également indiqué avoir 'une copine' sans plus de précision, qu'à l'appui de son recours, il a prétendu être en couple depuis six mois avec une ressortissante française, avec laquelle il aurait pour projet de se marier, sans pour autant apporter aucun élément de preuve, contrairement à ce qu'il soutient, l'identité de cette compagne n'ayant pas même été fournie.

Il n'apparaît donc pas que l'arrêté de placement en rétention ait porté une atteinte disproportionnée au respect à sa vie privée et familiale, l'intéressé ne présentant pas de garantie de représentation, et soit ainsi contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation, le moyen étant écarté et l'ordonnance confirmée.

Sur l'insuffisance de diligences de l'administration.

Il ressort de la procédure que l'administration préfectorale s'est rapprochée des autorités consulaires algériennes aux fins d'audition de l'intéressé, celle-ci étant fixée au 4 juillet 2023, alors qu'elles avaient déjà été saisies d'une demande d'identification le 10 janvier 2022 et le 31 décembre 2022 pour un rendez-vous le 31 janvier 2023, de sorte qu'il ne peut être fait grief à l'administration de n'avoir pas satisfait à son obligation de diligence, nonobstant l'absence de routing, alors que des démarches de reprise en charge par les Pays -Bas ont été entamées.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

M. [I] [E] sollicite la condamnation du préfet au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, avec distraction au profit de son conseil, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il ne sera pas fait droit à ladite demande, injustifiée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [I] [E] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Rejette la demande au titre des frais irrépétibles.

Fait à Rouen, le 26 juin 2023 à 20 heures 25.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 23/02178
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;23.02178 ?
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