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26/06/2023 | FRANCE | N°23/02176

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 26 juin 2023, 23/02176


N° RG 23/02176 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMXM





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 26 JUIN 2023









Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Jean-François GEFFROY, greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 31 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoir...

N° RG 23/02176 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JMXM

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 JUIN 2023

Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Jean-François GEFFROY, greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 31 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [R] [M], né le 13 Avril 2001 à [Localité 1] (GUINEE)

de nationalité Guinéenne ;

Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 22 juin 2023 de placement en rétention administrative de M. [R] [M] ayant pris effet le 22 juin 2023 à 09 heures 57 ;

Vu la requête de M. [R] [M] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête dupréfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [R] [M] ;

Vu l'ordonnance rendue le 24 Juin 2023 à 13 heures 30 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [R] [M] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 24 juin 2023 à 09 heures 57 jusqu'au 22 juillet 2023 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [R] [M], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 24 juin 2023 à 20 heures 19 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 3],

- à l'intéressé,

- au préfet de la Seine-Maritime,

- à Mme Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,

- à Mme [D] [N] interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [R] [M] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Mme [D] [N] interprète en langue arabe, expert assermenté en l'absence du préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [R] [M] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;

Mme Bérengère GRAVELOTTE, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [R] [M] a été placé en rétention administrative le 22 juin 2023.

Saisi d'une requête du préfet de la Loire-Atlantique en prolongation de la rétention et d'une requête de [R] [M] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du24 juin 2023 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [R] [M] a formé un recours.

A l'appui de son recours, par la voie de son conseil, l'appelant allègue :

- l'irrecevabilité de la requête en prolongation pour incompétence de l'auteur de l'acte,

- l'irrégularité de la décision de placement en rétention, en raison de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'absence d'audition préalable, de la commission d'une erreur manifeste d'appréciation et la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'incompatibilité de la mesure de rétention administrative avec l'état de santé

- l'insuffisance de diligences de l'administration.

Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel. M. [R] [M] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Loire-Atlantique demande la confirmation de l'ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 26 juin 2023, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [R] [M] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la recevabilité de la requête en prolongation - la compétence de l'auteur de l'acte

M. [R] [M] fait valoir que la requête qui a saisi la juridiction d'une demande de seconde prolongation a été signée par Mme [G] [A] qui ne détient une délégation de compétence, selon l'acte transmis, qu'en cas d'empêchement simultané de Mme [E] [T], M. [L] [F] et me [J] [K].

Il résulte des dispositions de l'article R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l'acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête et de vérifier si les délégations de signature couvrent la compétence spécifique de la signature des actes tels qu'une requête de prolongation de la rétention.

Il ressort de l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2023 portant délégation de signature, lequel est joint à la requête en prolongation, que Mme [A] avait délégation de signature du préfet, sans qu'il y ait lieu à vérifier un quelconque empêchement puisque cette compétence n'est pas subsidiaire mais relève d'une délégation préalable, l'apposition de sa signature sur ladite requête présupposant l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne rapportant pas la preuve contraire ainsi que cela lui incombe en application de l'article 9 du code de procédure civile.

Sur la régularité de la procédure de placement en rétention

-la compétence de l'auteur de l'acte

M. [R] [M] fait valoir le même moyen que ci-avant relativement au signataire de la décision de placement en rétention (Mme [K]), qui sera également écarté pour les mêmes motifs que sus-évoqués.

-l'absence d'audition préalable

Le premier juge a écarté l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les dispositions du chapitre III de la Directive retour n°2008/115/CE du 21 décembre 2008 et l'article L 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, comme non applicables aux procédures administratives relatives aux arrêtés de rétention.

Les conditions dans lesquelles s'exerce le droit de l'étranger d'être entendu sur la décision de placement en rétention et les modalités de mise en oeuvre de ces conditions relèvent ainsi de la compétence du droit national et doivent être considérées comme régulières dès lors qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique européen.

Il apparaît donc que l'absence d'audition préalable à la décision de placement en rétention ne remet pas en cause le droit de l'intéressé d'être entendu, ce droit étant garanti par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui permettent, à bref délai, de faire valoir devant le juge judiciaire tous éléments qu'il estimera pertinents pour contester la décision du préfet. La procédure répondant aux critères ci-dessus mentionnés est par conséquent régulière, l'ordonnance étant confirmée.

- l'erreur manifeste d'appréciation la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales

M. [R] [M] indique avoir confirmé qu'il avait une tante en France qui aurait pu l'héberger à sa sortie de détention s'il n'avait pas été placé en rétention, qu'en l'absence d'audition sur sa situation avant le placement en rétention, il aurait été en mesure de confirmer et justifier cette information, qu'en outre, quand bien même, il serait considéré que l'audition de janvier 2023 suffirait, il a précisé qu'il craignait un retour dans son pays sans que l'Administration n'en ait fait une quelconque mention à l'arrêté.

Il est constant qu'une décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation lorsque l'Administration s'est trompée grossièrement dans l'appréciation des faits qui ont motivé sa décision. Le juge peut sanctionner une erreur manifeste d'appréciation des faits à condition qu'elle soit grossière, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu'elle entraîne une solution choquante dans l'appréciation des faits par l'autorité administrative.

Il est par ailleurs de principe qu'une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n'entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni avec l'intérêt supérieur de l'enfant de l'article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant. Les liens avec le retenu peuvent être maintenus, ce dernier pouvant recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative. Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l'article 8 précité nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, soit, une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

La cour relève que M. [R] [M] a eu la possibilité de préciser sa situation personnelle et familiale lors de son audition du 31 janvier 2023, dans le cadre de la procédure diligentée pour infraction à la législation des stupéfiants, qu'il a déclaré être célibataire et sans enfant, résider à [Localité 4] et avoir une soeur vivant chez une tante, sans plus de précision, que sa fiche pénale mentionne qu'il est dans domicile fixe, que les fonctionnaires de la police aux frontières se sont rendus à la maison d'arrêt de [Localité 2], qu'il a toutefois refusé de se rendre au parloir, ainsi que cela résulte du courriel produit du 7 juin 2023, lequel est affectée d'une simple erreur matérielle quant au numéro d'écrou, alors qu'il est indiqué '[M] [R], écrou 76803, nationalité algérienne n'a pas d'adresse à sa levée d'écrou, et M. Écrou 76803, nationalité algérienne refuse de se présenter au parloir...' et qu'il est manifeste qu'il s'agit de l'intéressé quand bien même il était identifié sous le numéro d'écrou 76804.

Il n'apparaît donc pas que l'arrêté de placement en rétention ait porté une atteinte disproportionnée au respect à sa vie privée et familiale et soit ainsi contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'incompatibilité de la mesure de rétention administrative avec l'état de santé

Le droit à la santé de valeur constitutionnelle et l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales autorisent le juge des libertés et de la détention usant des pouvoirs de gardien des libertés individuelles garantis par l'article 66 de la constitution, à mettre fin à une mesure de rétention s'il résulte des pièces soumises à son appréciation que le droit à la santé d'une personne retenue n'est pas garanti dans la situation concrète qui lui est présentée.

Il est rappelé qu'en application de l'article R. 744-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pendant la durée de leur séjour en rétention, les étrangers, s'ils en font la demande, sont examinés par un médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative.

Il ne saurait toutefois être mis fin à la mesure de rétention que dès lors que l'état de santé présente un caractère d'une exceptionnelle gravité. Tel n'est pas le cas en l'espèce, alors qu'il n'est produit aucune pièce médicale en ce sens, que son état de santé n'a pas été considéré comme incompatible avec la détention et que le médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative n'a pas conclu à l'incompatibilité avec la mesure de rétention.

M. [R] [M] ne saurait obtenir sa remise en liberté sur ce fondement, étant précicé qu'il peut également bénéficier de traitement et suivi médicaux au centre de rétention.

Sur l'insuffisance de diligences de l'administration.

S'agissant des diligences et de la demande de prolongation, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

M. [R] [M] sollicite la condamnation du préfet au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, avec distraction au profit de son conseil, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il ne sera pas fait droit à ladite demande, injustifiée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [R] [M] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Rejette la demande au titre des frais irrépétibles.

Fait à Rouen, le 26 juin 2023 à 19 heures 00.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 23/02176
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;23.02176 ?
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