N° RG 23/01436 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLD6
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 AVRIL 2023
Nous, Mariane ALVARADE, présidente de chambre près de la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Mme GUILLARD et M. GEFFROY , greffiers ;
Vu les articles L.740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les arrêtés du Préfet de la Loire Atlantique en date du 4 août 2021 et 20 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [N] [O] [C], né le 22 Février 1994 à TUNIS, de nationalité tunisienne ;
Vu l'arrêté du Préfet de la Loire Atlantique en date du 21 avril 2023 de placement en rétention administrative de M. [N] [O] [C] ayant pris effet le 21 avril 2023 à 12 heures 30 ;
Vu la requête de M. [N] [O] [C] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du Préfet de la Loire Atlantique tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [N] [O] [C] ;
Vu l'ordonnance rendue le 23 Avril 2023 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [N] [O] [C] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 23 avril 2023 à 12 heures 30 jusqu'au 21 mai 2023 à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par M. [N] [O] [C], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 24 avril 2023 à 12 heures 39 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 4],
- à l'intéressé,
- au Préfet de la Loire Atlantique,
- à Mme Marie-pierre LARROUSSE, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
- à M. [L] [Y], interprète en langue arabe ;
Vu les dispositions des articles L.743-8 et R.743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [N] [O] [C];
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en la présence de M. [L] [Y], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du Préfet de la Loire Atlantique et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [N] [O] [C] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4];
Mme Marie-Pierre LARROUSSE, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Vu les observations du Préfet de la Loire Atlantique ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [N] [O] [C] a été placé en rétention administrative le 21 avril 2023.
Saisi d'une requête du préfet de la Loire-Atlantique en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [N] [O] [C] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 23 avril 2023 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [N] [O] [C] a formé un recours.
A l'appui de son recours, l'appelant fait valoir que l'ordonnance déférée est insufisamment motivée et que ses droits résultant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été bafoués.
Il reprend les moyens développés en première instance et allègue une violation de ses droits fondamentaux, en ce qu'il a été privé du droit de s'alimenter et que la durée de son transfert au centre de rétention s'est avérée excessive. Il se prévaut également d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle lié à la possibilité de l'assigner à résidence.
Il demande l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté.
A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel et repris ceux de première instance. M. [N] [O] [C] a été entendu en ses observations.
Le préfet de la Loire-Atlantique demande la confirmation de l'ordonnance.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites motivées du 24 avril 2023, requiert la confirmation de la décision.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [N] [O] [C] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 23 avril 2023 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur l'insuffisance de motivation de l'ordonnance déférée
M. [N] [O] [C] invoque l'insuffisance de motivation de l'ordonnance au visa des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, faisant valoir que le premier juge a partiellement répondu aux moyens soulevés en première instance, de sorte que sa décision est entachée d'un défaut de motivation portant atteinte au droit au procès équitable.
Outre le fait que M. [N] [O] [C] se contente d'alléguer une insuffisance de motivation sans expliciter plus avant le moyen ainsi soulevé, il résulte du dossier que M. [N] [O] [C] était assisté de son avocat qui a soutenu ses conclusions qui se sont substituées à sa requête en contestation, de sorte qu'il ne peut être fait grief au premier juge de n'avoir répondu que partiellement à ses moyens.
Le moyen sera en conséquence écarté.
Sur l'heure de notification de l'ordonnance
Si l'heure de notification ne figure pas sur l'ordonnance du 23 avril 2023, il résulte des pièces du dossier que celle-ci a été opérée le même jour à 17h33.
En tout état de cause, il n'est pas contestable que M. [N] [O] [C] a été en mesure d'exercer un recours contre ladite ordonnance, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'aucun grief.
Sur la régularité de la procédure concommitante au placement en rétention
M. [N] [O] [C] fait valoir que lors de son transfert du centre de détention de [Localité 3] pour être conduit à l'aéroport de [5] en vue de son éloignement, un vol étant prévu le 21 avril 2023 à 14h10, ses droits ont été violés en ce qu'il a fait l'objet d'une privation de nourriture et en raison du caractère excessif de la durée de son transfert vers le centre de rétention administrative de [Localité 4], que la procédure qui s'en est suivie est irrégulière.
Il résulte des pièces du dossier qu'à sa levée d'écrou, M. [N] [O] [C] a été pris en charge par les agents de la police aux frontières de Loire-Atlantique aux fins d'être conduit à l'aéroport de [5] en vue de son éloignement, que sur le trajet, le véhicule de transport est tombé en panne à hauteur de la ville d'[Localité 1], ce qui a nécessité l'arrêt de la progression de l'équipage dans l'attente de la venue du service de dépannage et la prise en charge par un second véhicule en provenance de [Localité 3], ces circonstances exceptionnelles expliquant que M. [N] [O] [C] ait été privé de nourriture le temps de la panne, la durée allongée violation article huit défaut ça s'est fait doncdu trajet, l'arrivée au centre de rétention s'étant néanmoins faite à 15 heures, ainsi que la notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai édictée le 20 avril 2023, le 21 avril 2023 à 12h30.
Le moyen sera en conséquence écarté.
Sur le défaut d'examen de la situation personnelle lié à la possibilité d'assignation à résidence
L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce « L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable » et l'article L. 733-4 énonce que « l'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif d'identité ».
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que M. [N] [O] [C] est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, quand bien même la remise de ce document est une possibilité.
La décision de placement en rétention précise que M. [N] [O] [C] a été condamné par le tribunal correctionnel de Nantes le 27 février 2022 à une peine de 12 mois d'emprisonnement pour interdiction de séjour : fréquentation d'un lieu interdit, refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique lors de la constatation d'un crime, d'un délit ou d'un accident de la circulation, vol en réunion (tentative, récidive), vol aggravé par deux circonstances (récidive), rébellion, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui,
qu'il a précédemment fait l'objet de multiples condamnations pour infraction à la législation des stupéfiants, vols aggravés,vol avec violence, violation de domicile...
que l'intéressé est connu sous de nombreux alias,
qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et s'est soustrait à l'exécution de deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire les 19 janvier 2019 et 4 août 2021,
qu'il a en outre déclaré être hébergé chez sa compagne ' [X]' dont il ignore le nom de famille, alors que dans sa fiche pénale, il ressort qu'il a déclaré être sans-domicile-fixe et dans une précédente audition du 26 février 2022, que sa compagne se nommait '[T]' vivant à Nantes sans pouvoir donner plus de précision, alors qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Nantes le 28 octobre 2020 à une interdiction de séjour dans le département de la Loire-Atlantique pendant trois ans,
Le Préfet a pu légitimement estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il ne pouvait être assigné à résidence en ce qu'il ne justifiait pas de l'existence d'un domicile stable et que tout risque de soustraction à la mesure d'éloignement n'est pas inexistant.
Sur la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Il est de principe qu'une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l'administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n'entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni avec l'intérêt supérieur de l'enfant de l'article 3-1 de la Convention Internationale relative aux droits de l'enfant. Les liens avec le retenu peuvent être maintenus, ce dernier pouvant recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative. Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.
Cependant le seuil d'application de l'article 8 précité nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, soit, une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.
M. [N] [O] [C] indique que toutes ses attaches familiales se trouvent en France, qu'il est en couple avec Mme [X] [W], ressortissante française depuis un an et réside avec celle-ci à [Localité 2], qu'il a également une s'ur en situation régulière sur le territoire
Au regard des éléments ci-dessus évoqués, étant établi qu'il a été incarcéré entre le 27 février 2022 et le 24 avril 2023 et qu'il ne peut donc se prévaloir d'une durée de vie commune d'une année, il ne peut être considéré que la mesure de rétention apporte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'objectif poursuivi, l'attestation établie par Mme [W] n'étant pas de nature à modifier l'opinion de la cour.
Le moyen non fondé sera écarté.
Sur la demande de prolongation
Il sera fait droit à la demande de la préfecture en l'absence de moyens remettant en cause la régularité de la procédure.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [N] [O] [C] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 23 Avril 2023 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 25 avril 2023 à 18 heures 35.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.