N° RG 22/03945 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHQS
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 09 DECEMBRE 2022
Nous, Anne-Laure BERGERE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du Préfet de Seine-Maritime en date du 20 mai 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [V] [G], né le [Date naissance 2] 2004 [Localité 6] (ALGERIE) alias [V] [G] né le [Date naissance 1] 2006 à [Localité 6] (ALGERIE) alias [W] [C] né le [Date naissance 2] 2004 à [Localité 6] (ALGERIE) alias [M] [R], né le [Date naissance 3] 2006 à [Localité 6] (ALGERIE);
Vu l'arrêté du Préfet de Seine-Maritime en date du 25 juin 2022 portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français ;
Vu l'arrêté du Préfet de Seine-Maritime en date du 1er juillet 2022 portant assignation à résidence de l'intéressé ;
Vu l'arrêté du Préfet de Seine-Maritime en date du 1er juillet 2022 portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français ;
Vu l'arrêté du Préfet de Seine-Maritime en date du 02 décembre 2022 de placement en rétention administrative de Monsieur [V] [G] ayant pris effet le 05 décembre 2022 à 10 heures 46 ;
Vu la requête de Monsieur [V] [G] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête du Préfet de Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [V] [G] ;
Vu l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 à 14 heures 25 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [V] [G] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 07 décembre 2022 à 10 heures 46 jusqu'au 04 janvier 2023 à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur [V] [G], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 08 décembre 2022 à 12 heures 59 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 5],
- à l'intéressé,
- au Préfet de Seine-Maritime,
- à Me Amina MERHOUM, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
- à Monsieur [H] [N], interprète en langue arabe ;
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;
Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [V] [G] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les observations du Préfet de Seine-Maritime ;
Vu les conclusions de Me Amina MERHOUM, avocat au barreau de ROUEN;
Vu les débats en audience publique, en la présence de Monsieur [H] [N], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du Préfet de Seine-Maritime et du ministère public ;
Vu la comparution de Monsieur [V] [G] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;
Me Amina MERHOUM, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Monsieur [V] [G] a été placé en rétention administrative le 5 décembre 2022.
Le Préfet de Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen pour voir autoriser le maintien en rétention de M. [V] [G]. Parallèlement, ce dernier a également saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Suivant ordonnance du 7 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a déclaré régulière la décision de placement en rétention administrative et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle M. [G] a formé un recours.
A l'appui de son recours, il expose que la décision de placement en rétention administrative est illégale eu égard à sa minorité comme étant né le [Date naissance 1] 2006 et au fait que cette décision viole les dispositions de l'article 33 de la Convention de Genève, du principe de non-refoulement pour les demandeurs d'asile. Sur la prolongation de sa rétention, il soutient que la notification de la décision est irrégulière car l'heure est incertaine tout comme son information sur ses droits et que l'administration ne justifie pas de diligences suffisantes.
A l'audience, le conseil de M. [G] a développé les moyens soulevés dans sa déclaration d'appel, insistant sur la minorité de son client et le passé familial de ce dernier empêchant tout retour en Algérie, sauf à lui faire encourir un danger pour son intégrité physique.
M. [G] a rappelé qu'il était mineur, que les alias présents aux dossiers ont été créés par les policiers, qu'il souhaitait bénéficier d'une protection pour mineur isolé et qu'il était arrivé en France récemment après avoir rejoint sa mère en suisse, pour tenter de retrouver son père.
MOTIVATION DE LA DECISION
I - Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Monsieur [V] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
II - Sur le fond
II- a) Sur la régularité de la décision de rétention administrative
Sur la minorité
Si M. [G] soutient être né le [Date naissance 1] 2006, force est néanmoins de constater qu'il ne produit aucun document justifiant cette affirmation, ni même faisant naître un doute sur ce point compte tenu de son manque de sincérité. En effet, il ressort des éléments du dossier que M. [G] est connu du fichier des empreintes digitales sous de nombreuses identités dont la plus fréquente est celle de [W] [C] né le [Date naissance 2] 2004 à [Localité 6] (ALGERIE), majeur, qu'il ressort également de son audition devant les autorités algériennes qu'il a menti et donné encore une autre identité, puisqu'alors que tous ses alias ont la caractéristique de le déclarer comme étant né à [Localité 6] en Algérie, il a soutenu aux autorités algériennes être né à [Localité 4] au Maroc.
Le simple fait qu'à la réception de cette déclaration de minorité lors de son arrivée au centre de rétention, l'association France Terre d'Asile ait adressé au département un signalement pour mineur étranger isolé n'est pas un élément probant, puisque cette démarche est fondée sur les seules déclarations de M. [G] dont la sincérité et le sérieux doivent être largement remis en cause au vu des diverses identités qu'il utilise sur le territoire national.
Ce moyen a donc été justement rejeté par le premier juge.
Sur le respect de l'article 33 de la convention de Genève
En l'espèce, la motivation du premier juge étant tout à fait pertinente tant en droit qu'en fait, il convient d'en adopter les motifs.
II - b) Sur la régularité de la notification de la décision de rétention administrative
Aux termes de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que M. [G] a été placé en rétention administrative à compter du 5 décembre 2022 à 10h46, heure de sa levée d'écrou. Il n'existe donc aucune incertitude sur le fait que les mesures privatives aient pu se chevaucher. La rétention administrative a débuté immédiatement après la levée d'écrou et c'est au demeurant cet horaire qui est pris en compte pour le calcul des délais légaux, sans que cela ne soit discuté. Le fait qu'il soit mentionné en procédure que l'arrêté de placement en rétention administrative et les droits en découlant lui ont été notifiés de 10h15 à 11h est donc indifférent, étant de surcroit relevé qu'au contraire, cette mention permet d'apprécier et de justifier de l'effectivité des informations qui on été portées à sa connaissance, puisqu'il a été pris un temps de 45 minutes pour lui notifier ses droits et lui expliquer la situation.
En application des articles L. 741-9, L. 744-4 et R. 744-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais que dans le lieu de rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. Il est également informé qu'il peut communiquer avec les autorités consulaires de son pays et avec une personne de son choix.
En l'espèce, la motivation du premier juge sur ce moyen étant tout à fait pertinente tant en droit qu'en fait, il convient de l'adopter et par suite de rejeter cet argument, M. [G] ayant bénéficié d'une information suffisante et complète sur l'intégralité de ses droits.
II-c) Sur la prolongation de la rétention administrative
Aux termes des article L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.
Et selon l'article L. 741-3 du même code, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
Il résulte de ce texte que l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert et qu'en cas d'accord d'un Etat requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais.
En l'espèce, c'est à tort que M. [G] critique les dilligences entreprises par la préfecture. En effet, il résulte des éléments du dossier qu'à la suite de son audition par les services de la préfecture, ces derniers ont sollicité les autorités allemandes et suisses, M. [G] ayant déposé des demandes d'asile dans ces deux pays respectivement les 9 novembre 2021 et 3 décembre 2021, que les autorités allemandes ont fait savoir qu'elles avaient déjà été sollicitées par les autorités suisses pour une ré-admission le 31 janvier 2022 lesquelles n'avaient pu assurer le transfert du retenu dans les délais de la rétention allemande, que les autorités suisses ont, pour leur part, refusé la ré-admission, qu'une demande de laisser-passer consulaire a parallèlement été adressée aux autorités algériennes le 4 novembre 2022, que M. [G] a été entendu mais a refusé de collaborer, de sorte que les autorités centrales algériennes ont été saisies pour confirmation de son identité, qu'elles ont été relancées notamment le 28 novembre 2022.
Toutes ces démarches caractérisent des diligences suffisantes.
Par ailleurs, eu égard aux condamnations prononcées contre M. [G], aux nombreux alias qu'il utilise sur le territoire français et même européen, au fait qu'il ne justifie d'aucune garantie de représentation stable en France, n'ayant pas d'adresse fixe, ni aucune relation ou attache, le placement en rétention apparait proportionné à l'objectif d'éloigement recherché, et ce d'autant que le récit de M. [G] tendant à soutenir qu'il est issu d'une famille de trafiquant de drogues ce qui le placerait dans une situation de risque pour son intégrité physique s'il retournait en Algérie n'est corroboré par aucun élément, étant encore une fois rappelé les déclarations particulièrement peu sincères de M. [G] à chaque fois qu'il est confronté à l'autorité administrative ou judiciaire.
En conséquence, la décision entreprise est confirmée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [V] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN déclarant régulière la décision de placement en rétention administrative et ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Fait à Rouen, le 09 Décembre 2022 à 11 heures 30.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.