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09/12/2022 | FRANCE | N°22/03941

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 09 décembre 2022, 22/03941


N° RG 22/03941 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHQL





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 09 DECEMBRE 2022





Nous, Anne-Laure BERGERE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrang

ers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du PREFET DU CALVADOS en date du 05 décembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Madame...

N° RG 22/03941 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JHQL

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 09 DECEMBRE 2022

Nous, Anne-Laure BERGERE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du PREFET DU CALVADOS en date du 05 décembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Madame [I] [W] née le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 7] de nationalité Italienne alias Madame [E] [M], née le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 4] ;

Vu l'arrêté du PREFET DU CALVADOS en date du 05 décembre 2022 de placement en rétention administrative de Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] ayant pris effet le 05 décembre 2022 à 23 heures 00 ;

Vu la requête de Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du PREFET DU CALVADOS tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] ;

Vu l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 à 15 heures 30 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 07 décembre 2022 à 23 heures 00 jusqu'au 04 janvier 2023 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par Madame [I] [W] alias Madame [E] [M], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 08 décembre 2022 à 14 heures 46 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 5],

- à l'intéressé,

- au PREFET DU CALVADOS,

- à Me Vincent SOUTY, avocat au barreau de ROUEN, choisi,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;

Vu la demande de comparution présentée par Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du PREFET DU CALVADOS et du ministère public ;

Vu la comparution de Madame [I] [W] alias Madame [E] [M] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5];

Me Vincent SOUTY, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Vu les conclusions écrites de la préfecture ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Madame [I] [W] a été placée en rétention administrative le 5 décembre 2022.

Le Préfet de Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen pour voir autoriser le maintien en rétention de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M]. Parallèlement, cette dernière a également saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Suivant ordonnance du 7 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a déclaré régulière la décision de placement en rétention administrative et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, décision contre laquelle Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a formé un recours.

A l'appui de son recours, elle expose que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est nulle en violation de l'article R 743-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le juge a méconnu son office en méconnaissance du droit européen. En outre, elle soutient que la procédure est irrégulière car le juge a été saisi tardivement, qu'elle a été privée arbitrairement de sa liberté entre la peine prononcée par le tribunal correctionnel de Caen le 5 décembre 2022 et la notification de sa rétention administrative, que le droit de saisir le JLD ne lui a pas été notifié, qu'il n'y a pas de justification de l'avis à parquet, ni de justification de la nécessité de recourir à un interprète, qu'il n'est pas établi que l'interprète a prêté serment, que la préfecture ne justifie pas de diligences utiles, qu'elle a violé son droit d'être entendue et que ses garanties de représentation n'ont pas été prises en compte, pas plus que ses obligations du sursis probatoire, de sorte qu'il y a atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

A l'audience, le conseil de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a développé les moyens soulevés dans la déclaration d'appel, insistant sur le fait qu'en réalité sa cliente n'avait pas de nationalité de sorte qu'elle n'était pas expulsable, que le recours à l'interprète n'était pas régulier, celui-ci ayant prêté serment après, précisant que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] ne comprend que très peu le serbe et qu'en outre, la mesure est disproportionnée, puisque le tribunal correctionnel a considéré qu'elle présentait des garanties suffisantes pour être astreinte à un sursis probatoire.

Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a indiqué qu'elle souhaitait retrouver ses enfants et vivre à [Localité 3] en respectant son sursis probatoire, et que si jamais elle devait quitter le terrtoire français, elle était prête à le faire, mais spontanément après avoir récupéré ses enfants.

MOTIVATION DE LA DECISION

I - Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

II - Sur la nullité de l'ordonnance entreprise

II - a) Sur la notification

Aux termes de l'article R. 743-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est rendue dans les quarante-huit heures de sa saisine. Elle est notifiée sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent réception. Le magistrat fait connaître verbalement aux parties présentes le délai d'appel et les modalités selon lesquelles cette voie de recours peut être exercée et les informe simultanément que seul l'appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le premier président de la cour d'appel ou son délégué.

Les notifications prévues au premier alinéa sont effectuées par tout moyen et dans les meilleurs délais aux parties qui ne se sont pas présentées, bien que dûment convoquées, ainsi qu'au procureur de la République, qui en accusent réception.

En l'espèce, il résulte de la note d'audience que si Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] était présente à l'audience devant le juge des libertés et de la détention qui a débuté à 13h07, la décision n'a pas été prise sur le siège immédiatement après la clôture des débats, mais annoncée comme étant mise en délibéré, la décision étant alors notifiée à la retenue par l'intermédiaire du centre de rétention. Il est en outre justifié que cette formalité a été accomplie le 7 décembre 2022 à 15h39.

La procédure est donc parfaitement régulière, de sorte que ce moyen est rejeté.

II-b) Sur l'office du juge

Le conseil de l'appelant vise un arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union Européenne le 8 novembre 2022 (C- 704/20 et C- 39/21) pour fonder sa demande de nullité. Toutefois, il résulte notamment des points 88 et 93 que la Cour a considéré que l'autorité judiciaire compétente doit prendre en considération l'ensemble des éléments, notamment factuels, portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés dans le cadre de mesures procédurales qu'elle estimerait nécessaire d'adopter sur le fondement de son droit national, et, sur la base de ces éléments, relever, le cas échéant, la méconnaissance d'une condition de légalité découlant du droit de l'Union, quand bien même cette méconnaissance n'aurait pas été soulevée par la personne concernée, d'où l'obligation, pour les autorités judiciaires chargées du contrôle de la légalité des mesures de rétention, de relever d'office, sur la base des éléments mentionnés au point 88 du présent arrêt, la méconnaissance d'une condition de légalité d'une telle mesure découlant du droit de l'Union quant au respect de conditions de légalité de la procédure de rétention. La Cour ne prescrit pas aux juges nationaux de soulever d'office toute irrégularité, même sans lien avec l'application des principes du droit de l'Union en matière de rétention et donc comme en l'espèce en matière de procédure pénale.

A fortiori, elle n'édicte aucunement, à titre de sanction d'une telle abstention, même à la considérer comme fautive, la nullité de la décision prise en violation de cette prétendue obligation, étant rappelé, de surcroit, qu'il ne peut y avoir de nullité sans texte.

Ce moyen est donc inopérant et comme tel rejeté.

III - Sur le fond

III- a) Sur la régularité de la saisine du juge des libertés et de la détention

Aux termes de l'article L. 741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention.

Et selon les articles L. 742-1 et L. 742-3 du même code, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a été placée en rétention administrative le 5 décembre 2022 à 23h00 immédiatement après sa levée d'écrou intervenue le même jour à 22h55, en exécution d'une décision de placement en rétention administrative prise le 5 décembre 2022 par le préfet de Seine Maritime.

Le fait qu'une précédente décision de placement en rétention administrative du 4 novembre 2022 ait été notifiée à Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] le 5 novembre 2022 à sa sortie de garde-à-vue est totalement indifférent, dans la mesure où il est constant que cette première rétention n'était pas exécutable conformément à l'application de l'article L 741-6 sus-visé. En effet, il est établi par les pièces de la procédure qu'à l'issue de sa garde-à-vue le 5 novembre 2022,Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a immédiatement été placée sous main de justice en vue de son défèrement devant l'autorité judiciaire, puis placée en détention provisoire par décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Caen prise le 5 novembre 2022 à l'issue d'un débat contradictoire débuté à 17h20. Ce titre de détention n'a pris fin que le 5 décembre 2022 avec la levée de l'écrou , ce qui a permis l'exécution d'une nouvelle décision de placement en rétention prise le 5 décembre 2022 notifiée à 23h.

Le juge des libertés et de la détention a été saisi le 6 décembre à 17h14 et a statué dans les délais.

Il n'existe donc aucune saisine tardive, étant par ailleurs précisé que dans le cadre de ce contentieux de la rétention administrative, la question du caractère arbitraire de la détention de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] entre la fin de l'audience correctionnelle et sa levée d'écrou à la maison d'arrêt est totalement étrangère à la régularité de la procédure administrative en ce qu'elle concerne uniquement la situation pénale et carcérale de Mme [W]. Il s'en suit que le premier juge n'avait pas à investiguer sur ces conditions de détention, pas plus que la présente juridiction n'a à le faire.

Enfin, sur la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention, s'il est exact que cette information ne figure pas dans la décision de placement en rétention administrative, elle a néanmoins été communiquée immédiatement à Mme Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] lors de la notification de ladite décision, puisque le procès-verbal de notification signé par l'intéressée mentionne expressément cette possibilité avec les coordonnées de la juridiction et l'adresse mail.

En tout état de cause, il sera fait observer que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] ne démontre aucun grief ou atteinte à ses droits, puisqu'eu égard à l'heure à laquelle a été exécutée la décision de placement en rétention administrative, à savoir 23 heures, quand bien même elle aurait pu immédiatement joindre son avocat qui aurait tout aussi immédiatement et en pleine nuit rédigé une requête en contestation de la régularité de son placement en rétention et l'aurait adressé au greffe du juge des libertés et de la détention, cette demande n'aurait pas été traitée avant le 6 décembre au plus tôt à partir de 8 heures de matin. Or, la requête de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a été receptionnée à 11h27, soit seulement 3 heures plus tard, délai trop court pour avoir une quelconque conséquence sur la date d'audience devant le juge des libertés et de la détention.

Ces moyens sont donc rejetés.

III -b) Sur l'absence de justificatif de l'avis à Parquet

Selon l'article L 741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.

L'avis au procureur peut être donné par tous moyens.

La rétention a débuté à 23h00 , selon le procès-verbal (p. 86 à 88), les procureurs de la République de Caen et de Rouen ont été avisés du placement en rétention par courriels, cette mention au procès-verbal suffit pour en faire la preuve, sans que ne soient versés les dits courriels et leurs accusés de réception.

III-c) Sur le recours à l'interprète et sa prestation de serment

Il convient de relever que les critiques émises sur les conditions d'intervention de l'interprète en langue serbe sont purement théoriques et sans aucune conséquence sur la qualité de l'information donnée à Mme [I] [W] alias Madame [E] [M], puisqu'à l'audience devant la présente juridiction, son conseil a plaidé que bien qu'ayant indiqué parlé, comprendre et lire le serbe, en réalité, elle ne connait que quelques mots de cette langue qu'elle ne maîtrise pas. Au demeurant, à l'audience, elle n'était assistée d'aucun interprète. L'intervention de l'interprète en langue serbe était donc superfaitatoire et n'a aucunement privé Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] d'exercer ses droits, ainsi qu'en témoigne le présent recours.

Surabondamment, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger doit avoir déclaré en début de procédure une langue qu'il comprend et si il sait lire, le texte prévoyant que s'il refuse de le faire, toute la procédure se fait alors en français.

Or, il ressort des procès verbaux de notification produits que, dès le début de la procédure, comme il est expressément mentionné sous sa signature et celle d'un agent assermenté, Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a sollicité l'assistance d'un interprète en langue serbe. L'assistance d'un tel interprète tout au long de la procédure est donc parfaitement conforme aux prescriptions légales.

En outre, aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de notification du placement en rétention que et plus précisément de son heure tardive, que les policiers ont été confrontés à des contraintes matérielles et horaires les plaçant dans l'impossibilité d'obtenir le déplacement d'un interprète. Quant au fait qu'il n'est pas justifié de ce que Mme [K] [B] avait prêté serment avant d'officier par téléphone, cette circonstance est indifférente, puisque l'article L 141-3 sus-visé n'exige pas cette formalité, mais uniquement que l'interprète soit inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.

La procédure suivie est donc parfaitement régulière.

III-d) Sur la violation du droit à être entendu

Les motifs adoptés par le premier juge sont tout à fait pertinents en droit et fait, de sorte qu'il convient de les adopter et de rejeter ce moyen non fondé.

III-e) Sur la prise en compte de la situation pénale de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M]

Le délai d'appel d'une décision rendue par le tribunal correctionnel étant de 10 jours, conformément à l'application des dispositions de l'article 505 du code de procédure pénale, la décision rendue par le tribunal correctionnel de Caen le 5 décembre dernier n'a, en l'état, aucun caractère définitif et par suite aucune autorité de chose jugée qui pourrait s'imposer à l'autorité administrative. Dès lors, l'argumentation soulevée par Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] relativement au respect du principe de la séparation des pouvoirs, qui doit plus juridiquement être appréciée sous l'angle des effets des décisions du juge judiciaire et de leur articulation avec l'exécution des décisions administratives, est en l'état inopérante et vaine.

III-f) Sur le fond, les diligences accomplies par l'administration et les garanties de représentation

Aux termes des articles L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.

Et selon l'article L. 741-3 du même code, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Il résulte de ce texte que l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert et qu'en cas d'accord d'un Etat requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais.

En l'espèce, si Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] soutient qu'elle n'a pas de nationalité, force est de constater qu'elle n'est pas en mesure d'en justifier et que quelque soit l'identité dont elle entend se prévaloir, elle affirme dans les deux cas être née en Italie, soit à [Localité 7], soit à [Localité 4]. Dans ces conditions et en l'absence tout autre élément, il ne peut être reproché à la préfecture d'effectuer des démarches de renseignements et d'éloignement auprès des autorités italiennes. A ce titre, la préfecture justifie avoir dès le 6 décembre 2022 sollicité les autorités italiennes consulaires d'une demande d'identification et de ré-admission.

Par ailleurs, il résulte des éléments du dossier que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] vient d'être condamnée pénalement pour avoir commis de très nombreux vols entre le 20 octobre 2022 et le 3 novembre 2022

Quant aux garanties de représentation, force est de constater qu'à l'exception de la notification du sursis probatoire qui atteste uniquement que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] a été en mesure, devant le tribunal correctionnel, de communiquer une adresse d'une personne chez qui elle pourrait résider, elle ne produit aucun élément établissant le fait que cette adresse puisse constituer son lieu de vie habituel et stable, ni l'existence des enfants dont elle a fait état lors de l'audience et qui n'apparaissent nulle part ailleurs en procédure.

Le seul fait que le tribunal correctionnel ait prononcé à l'encontre de Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] cette peine d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire n'est pas un élément établissant que la juridiction a considéré qu'elle avait des garanties de représentation, puisque ce n'est pas un critère déterminant de l'octroi d'une telle peine. En revanche, les garanties de représentation sont un critère légal de la détention provisoire et force est de constater, à cet égard, que le juge des libertés et de la détention, dans son ordonnance du 5 novembre 2022, avait considéré que Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] n'en présentait pas, relevant qu'elle était connue sous plusieurs identités différents, qu'elle déclarait être hébergée avec ses parents sur un camp à [Localité 8] alors que les co-prévenus expliquaient qu'elle vivait à [Localité 6] ou [Localité 3], qu'elle-même finalement a évoqué sans plus de précision, l'existence d'une tante sur [Localité 3].

Au vu de ces éléments, la mesure de rétention apparait parfaitement justifiée et proportionnée à la situation et les diligences entreprises par la préfecture sont suffisantes.

En conséquence, la décision entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire à Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] ;

Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [I] [W] alias Madame [E] [M] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 07 Décembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 09 Décembre 2022 à 14 heures 20.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 22/03941
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;22.03941 ?
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