N° RG 22/03274 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JGC7
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2022
Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du Préfet du Finistère en date du 31 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [N] [K], né le [Date naissance 2] 1999 à [Localité 5] (MAROC) ;
Vu l'arrêté du Préfet du Finistère en date du 06 octobre 2022 de placement en rétention administrative de M. [N] [K] ayant pris effet le 06 octobre 2022 à 15 heures 10 ;
Vu la requête du Préfet du Finistère tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [N] [K] ;
Vu l'ordonnance rendue le 09 octobre 2022 à 12 heures 25 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [N] [K] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 08 octobre 2022 à 15 heures 10 jusqu'au 05 novembre 2022 à la même heure ;
Vu l'appel interjeté par M. [N] [K], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 10 octobre 2022 à 11 heures 42 ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 4],
- à l'intéressé,
- au Préfet du Finistère,
- à Me Nejla BERRADIA, avocat au barreau de Rouen, faisant valoir son droit de suite,
- à Madame [U] [W], interprète en langue arabe ;
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [N] [K];
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [U] [W], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du Préfet du Finistère et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [N] [K] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4];
Me Nejla BERRADIA, avocat au barreau de Rouen étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L'appelant et son conseil ayant été entendus ;
****
Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
****
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [R] se disant [N] [K] a été placé en rétention administrative le 06 octobre 2022.
Saisi d'une requête du préfet du Fini stère en prolongation de la rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 08 octobre 2022 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt huit jours, décision contre laquelle M. [K] a formé un recours.
A l'appui de son recours, l'appelant conclut à :
- une notification tardive des droits : différée pour barrière de la langue selon le procès-verbal, sans justifier d'une carence pour trouver un interprète présent, ou à défaut, par téléphone (article 61-1 du code de procédure pénale), le procès-verbal précise uniquement avoir commencé à chercher un interprète et remise d'un document sur les droits en arabe (sans prendre en compte l'incapacité de l'étranger de lire), début de garde à vue le 05 octobre 15 heures 25 et notification des droits le 05 octobre 18 heures 10
- l'absence d'information au procureur de la garde à vue et information au procureur de la rétention invalide (absence de signature de l'officier de police)
- notification de procès-verbal de fin de garde à vue et clôture invalides : absence de signature de l'officier de police, de l'intéressé et de l'interprète
- absence de diligences récentes pour obtenir un laissez-passer consulaire pour le Maroc.
M. [K] demande à la première présidente de :
- infirmer l'ordonnance déférée
- déclarer la procédure irrégulière et rejeter la requête de la préfecture
- ordonner sa libération
- accorder l'aide juridictionnelle provisoire
- condamner l'Etat à verser la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles à Me [H] [J] sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à condition que cette dernière renonce à l'aide juridictionnelle.
A l'audience, le conseil de l'appelant développe les moyens de la déclaration d'appel : notification très tardive des droits en garde à vue, absence de recherche d'un interprète, remise d'un imprimé en arabe alors que M. [K] lit à peine l'arabe, irrégularité de la procédure, plusieurs procès-verbaux ne sont pas signés de l'officier de police judiciaire, de l'interprète, de M. [K].
M. [K] expose qu'il n'a pas compris ce qu'il se passait, c'est pourquoi il a refusé de signer certains procès-verbaux, il était stressé, angoissé, il avait peur, ce qui explique qu'il a donné une fausse identité, il a paniqué, il demande qu'on lui donne une dernière chance, il veut régulariser sa situation, et avoir une nouvelle vie ici en France. Il doit aider sa mère après le décès de son père, sa mère est au Maroc, il n'a pas de famille en France.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 10 octobre 2022, sollicite la confirmation de la décision.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [N] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 09 octobre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
M. [K] a été interpellé le 05 octobre à 15 heures 10 en possession de vêtements ayant encore leur antivol et leurs étiquettes de prix, provenant du magasin Zara. Dans un premier temps indiqué se nommer [K] [N] né le [Date naissance 1] 2005 en Algérie, être sans domicile fixe.
Aux termes de l'article 63-1 du code de procédure pénale, la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa, de ses droits.
Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.
M. [K] a été ramené à l'hôtel de police à 15 heures 25, placé en garde à vue mais les policiers indiquent avoir alors au procès-verbal 'décision de placement en garde à vue avec droits différés de [R] se disant [F] [N] (barrière de langue)' (p. 73)
et
'avons entamé immédiatement une recherche auprès des différents interprètes listés auprès de leur service pour solliciter leur intervention immédiate.
Un interprète se déplace vers 18 heures, peut-être avant, sous réserve' (p. 73)
' Dès lors, devant l'impossibilité ci-dessus mentionnée de faire intervenir immédiatement un interprète, remettons à la personne concernée un imprimé l'informant de cette mesure, de garde à vue et des droits associés à cette mesure,
imprimé rédigé dans une langue qu'elle est supposée connaître' (p.74).
Quand il a été entendu M. [K] a indiqué : 'je confirme que vous m'avez bien remis le formulaire de mes droits en garde à vue'.
Le placement en garde à vue et les droits afférents ont été à nouveau notifiés en présence de l'interprète à 18 heures 10.
En temps, SOS médecins avait été appelé et M. [K] examiné par un médecin à 17 heures 20.
Du fait que les droits ont été notifiés au moyen d'un formulaire écrit dans une langue comprise par l'étranger, ainsi que de l'impossibilité de faire appel immédiatement à un interprète en langue arabe, lors du placement en garde à vue de l'intéressé, le moyen n'est pas fondé.
Selon l'article 63 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire, qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit en aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure.
Le procès-verbal mentionne (p. 74) que le procureur de la République a été avisé de la mesure de garde à vue à 15 heures 36, cette mention au procès-verbal signée de l'officier de police judiciaire, fait foi de l'avis au procureur.
Les instructions du procureur de la République (p. 95) ont été de délivrer une COPJ pour recel de vol, de restituer les effets dégradés à la responsable de Zara, si toutefois ils n'en voulaient pas, procéder à la destruction des vêtements, d'attendre tout en restant dans les délais de la garde à vue, la décision définitive de la préfecture du Finistère, puis, après remise de l'ensemble des documents au mis en cause, que la garde à vue soit levée. Il avait nécessairement connaissance du placement en rétention mais la procédure mentionne en outre (p. 102) un avis au procureur de la République sur la placement en rétention à 16 heures.
Il a été mis fin à la garde à vue le 06 octobre à 15 heures 10, M. [K] a été placé en rétention immédiatement.
Certains procès-verbaux, comme celui de fin de garde à vue, ne comportent pas de signatures, mais, selon mention en procédure, ces procès-verbaux ont fait l'objet d'une signature électronique et concernant, M. [K], il a refusé de signer certains procès-verbaux, pour d'autres, il est précisé que son atèle au bras ne lui permet de signer. La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée. La présente procédure, a été signée sous forme électronique par application des articles 801-1, D 589 et suivants, A 53-8 du code de procédure pénale, il convient de constater que les documents litigieux comportent d'une part la mention de la signature électronique des policiers, d'autre part, leur numéro d'identification. M. [K] n'a fait état à l'audience d'aucun élément susceptible de contredire les éléments rapportés dans les procès-verbaux ni d'un quelconque manquement de la procédure. Il en résulte que le moyen soulevé sur ce point sera dès lors rejeté comme étant infondé.
M. [K] a fait l'objet :
- d'un arrêté préfectoral en date du 31 juillet 2022 édicté par le préfet du Finistère portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une durée de un an, et valant mesure d'éloignement a destination du pays dont l'intéressé a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait déclaré légalement admissible,
- d'un arrêté portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours le 31 juillet 2022 avec l'obligation pour M. [K] de la remise de son passeport a l'autorité administrative, de sa présentation personnelle quotidienne au commissariat de police de [Localité 3].
Toutefois, il ressort du procès-verbal établi par les services de la police nationale de [Localité 3] le 16 août 2022 que l'intéressé ne s'est jamais présenté au commissariat de [Localité 3], par courriel en date du 19 septembre 2022, les services de police ont confirmé la carence de l'intéressé.
M. [K] a déclaré dans son audition du 05 octobre 2022 se trouver sans domicile fixe en France, il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente sur le territoire français, il a, dans un premier temps communiqué des renseignements inexacts sur son identité en se faisant connaître en tant que mineur.
La mesure de rétention était proportionnée au but poursuivi et que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé, lequel ne peut être assigné à résidence faute de produire l'original d'un passeport en cours de validité e faute de garanties de représentation, n'ayant par ailleurs, pas respecté une précédente assignation à résidence.
L'ensemble des pièces nécessaires à l'identification de l'intéressé et à la délivrance d'un laissez-passer consulaire a été adressé aux autorités marocaines le 06 octobre 2022. La préfecture a donc fait toute diligence et l'ordonnance déférée sera confirmée.
L'aide juridictionnelle provisoire sera accordée mais il n'y a pas lieu à allocation d'indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Accorde l'aide juridictionnelle provisoire à Me [J], avocat au Barreau de Rouen,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [N] [K] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 09 octobre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions
Dit n'y avoir lieu à allocation d'indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Fait à Rouen, le 11 octobre 2022 à 11 heures 35.
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.