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16/05/2022 | FRANCE | N°22/01603

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 16 mai 2022, 22/01603


N° RG 22/01603 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCPJ





COUR D'APPEL DE Rouen



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 16 MAI 2022









Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assisté de M. GEFFROY, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrang

ers et du droit d'asile ;





Vu l'interdiction du territoire français prononcée à l'encontre de M. [R] [T] né le 05 Juillet 1987 à Gaza (Palestine)

par jugement d...

N° RG 22/01603 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCPJ

COUR D'APPEL DE Rouen

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 16 MAI 2022

Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assisté de M. GEFFROY, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'interdiction du territoire français prononcée à l'encontre de M. [R] [T] né le 05 Juillet 1987 à Gaza (Palestine)

par jugement du tribunal correctionnel de Nantes en date du 31 mars 2021,

Vu l'arrêté préfectoral en date du 08 avril 2022 fixant le pays de destination,

Vu l'arrêté préfectoral en date du 11 mai 2022 de placement en rétention administrative de l'intéressé,

Vu la requête de M. [R][T] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [R] [T] ;

Vu l'ordonnance rendue le 14 Mai 2022 à 14 heures 00 par Juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [R] [T] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté, et disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant;

Vu l'appel interjeté le 14 mai 2022 à 17 heures 59 par M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 18 heures 21, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l'ordonnance du 14 mai 2022 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 14 Mai 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen à l'égard de M. [R] [T] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de Oissel,

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Seine-Maritime,

- à Me Alison Jacques, avocat au barreau de Rouen, de permanence,

- à Mme [G] [C] interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel;

Vu la demande de comparution présentée par M. [R] [T] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en la présence, de Mme [G] [C] interprète en langue arabe, assermenté, en l'absence du préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [R] [T] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Me Alison Jacques, avocat au barreau de Rouen étant présent au palais de justice

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

M. [R] [T] et son conseil ayant été entendus;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [R] [T] a été placé en rétention administrative le 11 mai 2022.

Le préfet de Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen pour voir autoriser le maintien en rétention de M. [T].

Le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 14 mai 2022, a estimé que la préfecture avait tardé à effectuer certaines diligences, en conséquence, a refusé le maintien de la rétention et a déclaré irrégulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de l'intéressé et a ordonné sa mise en liberté. Le procureur de la République a formé appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif.

Suite à cet appel suspensif du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, une ordonnance a été rendue par le conseiller délégué pour remplacer le premier président, le 14 mai 2022, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de la dite ordonnance.

Au fond, le procureur de la République soutient que le juge des libertés et de la détention a motivé sa décision de rejet de prolongation d'une mesure de rétention administrative en indiquant que la procédure était irrégulière dans la mesure où les diligences des services préfectoraux n'apparaissent pas suffisantes à justifier leur demande prolongation de la décision de rétention administrative de l'intéressé, retraçant les diligences faites par la préfecture, le procureur de la République estime qu'elles semblent suffisantes à justifier la demande de prolongation de la rétention de l'intéressé.

A l'audience, le conseil de M. [T] demande confirmation de la décision pour les motifs retenus par le juge des libertés et de la détention. Les autorités israéliennes n'ont été saisies que le 23 mars alors que M. [T] était incarcéré depuis janvier, le 24 mars, elles ont demandé des documents qui n'ont été envoyés que le 13 avril. M. [T] a déclaré le 29 mars être palestinien, or, les autorités palestiniennes n'ont été saisies que le 06 avril. Il n'existe pas de perspectives d'éloignement, M. [T] a été placé plusieurs fois en rétention mais n'a jamais été reconnu par les autorités palestiniennes. En outre, il ya incompatibilité avec la rétention, M. [T] est asthmatique, il a un suivi psychiatrique. Il doit subir une opération du pied qu'il ne pourra pas subir s'il quitte le territoire français.

M. [T] dit avoir été placé en rétention cinq fois, une fois précédant celle-ci, en 2014, le consul d'Israël a confirmé qu'il n'était pas israélien, il soutient être palestinien. Il souhaite sortir du centre pour se faire opérer du pied. Il peut prendre ses médicaments au centre, mais il a vu un psychiatre en détention qui lui a donné de nouveaux médicaments et qui lui a conseillé d'aller se faire hospitaliser en psychiatrie à sa sortie, car il entend des voix, il a mal à la tête. Il est fatigué physiquement et moralement, il n'est plus tout jeune. Il était en prison, et maintenant il est là au centre.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites du 14 mai 2022, sollicite l'infirmation de la décision au visa des moyens développés dans l'appel suspensif du parquet de Rouen.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 14 Mai 2022 est recevable.

Sur le fond

Les diligences pour éloigner M. [T] ont été commencées avant la sortie de détention, alors même qu'aucun texte n'exige que la préfecture les entame plusieurs semaines avant la levée d'écrou.

M. [T] a été incarcéré le 26 janvier 2022. Il a été condamné en 2020, puis en 2021, par le tribunal correctionnel de Nantes, un jugement du 31 mars 2021 a notamment prononcé une interdiction du territoire français d'une durée de cinq ans.

M. [T] a initialement déclaré être israélien. Les autorités israéliennes ont été saisies le 23 mars 2022. Une fiche d'information complémentaire leur a été transmise le 13 avril 2022 et elles ont été relancées le 13 mai 2022, la préfecture attend une réponse pour une éventuelle reconnaissance

Entendu le 29 mars 2022, M. [T] a déclaré être palestinien. Les autorités palestiniennes ont été saisies le 6 avril 2022 et relancées le 13 mai 2022 afin qu'un rendez-vous puisse être obtenu pour une audition de l'intéressé.

Le 13 avril, le préfet a pris un arrêté fixant le pays de destination, M. [T] devant être éloigné à destination du pays dont il prouverait avoir la nationalité, ou de tout autre pays où il serait légalement admissible.

M. [T] a aussi été présenté aux autorités algériennes le 10 mai 2022 afin d'être auditionné et la préfecture attend une réponse de leur part afin d'obtenir la délivrance d'un éventuel laissez-passer consulaire.

La préfecture n'a aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires d'une part, pour que celles-ci reçoivent rapidement l'étranger, d'autre part, quant à la délivrance éventuelle d'un document de voyage et il ne lui incombe pas d'effectuer des relances auprès d'un Etat étranger sur lequel elle ne dispose d'aucun pouvoir coercitif, même si en l'espèce des relances ont été faites. La préfecture a donc fait toutes diligences, et ce, avant même la levée d'écrou.

M. [T] est connu sous plusieurs identités et il a donné plusieurs nationalités, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de l'intéressé sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage. M. [T] ne produit aucun justificatif d'hébergement, il est sans emploi, sans ressources et sans domicile fixe. La rétention était justifiée du fait de l'absence de garanties de représentation.

M. [T] invoque des problèmes de santé. Il a produit des documents médicaux devant le juge des libertés et de la détention mais il a précisé à l'audience pouvoir prendre son traitement au centre. M. [T] peut rencontrer un médecin au centre de rétention administrative, des psychologues interviennent également régulièrement au centre, le médecin et les infirmières du centre de rétention sont à même de lui permettre de bénéficier d'une surveillance médicale constante et au besoin, le médecin peut décider d'une hospitalisation en psychiatrie. M. [T] ajoute qu'il doit subir une opération du pied qu'il ne pourra pas subir dans son pays s'il quitte le territoire français. Est légalement protégé contre l'éloignement, s'il réside habituellement en France, l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, à la condition qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans le pays de renvoi ou d'origine, toutefois, cette prise en compte est exclusivement réservée à l'autorité administrative sous le contrôle du juge administratif. Le juge judiciaire ne peut prendre en compte l'état de santé de l'étranger retenu que s'il est démontré que cet état de santé est incompatible avec la rétention, ce qui n'est pas établi en l'espèce. Le moyen sera donc écarté.

L'exigence de la démonstration par l'administration d'un éloignement à bref délai n'est stipulée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention, pas pour les précédentes prolongations, et s'agissant d'une première demande de prolongation de la rétention administrative, il apparaît prématuré de statuer que les perspectives d'éloignement sont inexistantes.

La décision du juge des libertés et de la détention sera en conséquence infirmée et la prolongation de la rétention autorisée pour vingt huit jours.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen à l'encontre de l'ordonnance rendue le 14 mai 2022

Infirmons cette ordonnance

Statuant à nouveau

Déclarons la procédure régulière

Autorisons le maintien en rétention administration de M. [R] [T] pour une durée de vingt huit jours

Fait à Rouen, le 16 Mai 2022 à 13 heures 30.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 22/01603
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;22.01603 ?
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