La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°22/01550

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 10 mai 2022, 22/01550


N° RG 22/01550 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCLY

N° RG 22/01551 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCL2



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 10 MAI 2022





Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assisté de M. GEFFROY, Greffier ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'ent

rée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 22 novembre 2021 portant obligation de quit...

N° RG 22/01550 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCLY

N° RG 22/01551 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCL2

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 10 MAI 2022

Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assisté de M. GEFFROY, Greffier ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 22 novembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [V] [G], né le 08 Octobre 1977 à Abastoumani (Georgie);

Vu l'arrêté du Préfet de la Seine-Maritime en date du 06 mai 2022 de placement en rétention administrative de M. [V] [G] ayant pris effet le 06 mai 2022 à 10 heures 20 ;

Vu la requête de M. [V] [G] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du Préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [V] [G] ;

Vu l'ordonnance rendue le 08 Mai 2022 à 14 heures 35 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [V] [G] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 08 mai 2022 à 10 heures 20 jusqu'au 05 juin 2022 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [V] [G], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 09 mai 2022 à 14 heures 10 ;

Vu l'appel interjeté par M. [V] [G], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 09 mai 2022 à 14 heures 30 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de Oissel,

- à l'intéressé,

- au Préfet de la Seine-Maritime,

- à Me Amélie BEN GADI, avocat au barreau de Rouen, faisant valoir son droit de suite,

- à Madame [M] [J], interprète en langue géorgienne ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [V] [G] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en la présence, de Mme [M] [J], interprète en langue géorgienne par le truchement du téléphone, expert assermenté, en l'absence du Préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [V] [G] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Me Amélie BEN GADI subtituée par Me Djehanne LE ATRASSI-DIOME, avocate au barreau de Rouen étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [V] [G] a été placé en rétention administrative le 06 mai 2022.

Saisi d'une requête du préfet de la Seine-Maritime en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [G] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 08 mai 2022 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt huit jours, décision contre laquelle M. [G] a formé un recours, un appel a été déposé rédigé avec l'association France Terre d'Asile (n° 22/01550) et un appel déposé en son nom par son conseil Me [R] (n° 22/01551).

A l'appui de son recours, l'appelant conclut à :

- l'illégalité de la décision de placement en rétention :

M. [G] soutient avoir des garanties de représentation certaines : une adresse de domiciliation stable, il a été placé une première fois sous assignation à résidence, il a respecté l'obligation de pointage bi-hebdomadaire, le préfet lui reproche de ne pas avoir respecté les termes de son assignation à résidence en raison de l'absence de remise de son passeport, or, il n'a jamais été convoqué par la police aux frontières pour ladite remise et aucun procès-verbal de refus de restituer le passeport n'est produit, il n'y a pas eu de poursuite pénale pour obstruction, M. [G] ajoute qu'il a disposé d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade durant deux années, entre 2016 et 2018 et il a fait une nouvelle demande de titre de séjour le 16 février 2021, donc le préfet avait une copie de son passeport

- un état de santé déficient connu du préfet :

il dit souffrir d'une tuberculose multi résistante avec séquelles pneumologiques et présenter un taux d'invalidité égal ou supérieur à 50% et inférieur ou égal à 80%, il est bénéficiaire de l'allocation adulte handicapé entre 2020 et 2025, le préfet produit l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel son état de santé nécessite des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en outre, il présente un risque accru de contamination par la covid 19 au sein du centre de rétention administrative

- la violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et à une erreur manifeste d'appréciation du préfet :

il présente une particulière vulnérabilité compte tenu de sa pathologie, il n'y a dans la décision du préfet aucune appréciation circonstanciée sur son état, si ce n'est une phrase stéréotypée selon laquelle il ne présente pas un état de vulnérabilité ou de handicap contraire à son placement en rétention.

Il estime que le juge des libertés et de la détention aurait du prononcer une assignation à résidence judiciaire : il a un passeport en cours de validité, il a respecté la précédente assignation à résidence, la mesure d'éloignement est en cours de contestation, recours suspendu par la demande d'aide juridictionnelle. Il demande à la première présidente de :

- infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rendue le '30 décembre 2021"

En conséquence :

A titre principal :

- déclarer irrégulier l'arrêté de placement en rétention administrative

- annuler l'arrêté de placement en rétention administrative

- rejeter la demande de prolongation de la rétention administrative

- ordonner la mainlevée de la mesure de placement en rétention administrative et sa mise en liberté.

A titre subsidiaire :

- ordonner son placement sous assignation à résidence judiciaire

A l'audience, le conseil de M. [G], qui se dit interloquée par la décision du premier juge, développe les moyens soulevés dans la déclaration d'appel. M. [G] est malade, il n'a été tenu compte de sa vulnérabilité, c'est abracadabrantesque, les motifs de l'ordonnance le confirment, le préfet le savait, et pourtant il n'a pas pris une décision d'assignation à résidence, il y a une erreur manifeste d'appréciation. M. [G] a une domiciliation postale, pour le juge administratif cela suffit pour une assignation à résidence, sans hébergement, (cf avis du Conseil d'Etat du 21 mars 2018).

M. [V] [G] tient à remercier tous ceux et toutes celles qui l'ont aidé en France, ça lui a fait du bien. Il a été opéré mais ses problèmes de santé continuent. Ca va au centre, il y est bien, sauf son état de santé mais il peut rencontrer le médecin.

Le préfet de la Seine-Maritime, par observations écrites du 09 mai 2022, demande la confirmation de l'ordonnance, il s'en rapporte à ses premiers écrits contenus dans la saisine du juge des libertés et de la détention, ainsi qu'à la motivation de l'ordonnance rendue le 8 mai 2022.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 09 mai 2022, sollicite la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

sur la jonction

Les deux appels déposés au nom de M. [G] contre la même décision doivent être joints pour qu'il soit statué par une seule ordonnance.

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [V] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 08 Mai 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

M. [G] a fait l'objet d'un contrôle routier effectué par les services de police le 05 mai 2022 alors qu'il conduisait un véhicule démuni d'assurance. La consultation des différents fichiers a mis en évidence la situation irrégulière de l'intéressé sur le territoire national. Il a donc été placé en retenue administrative. Les recherches effectuées ont permis de révéler que M. [G], en date du 18 novembre 2014, a fait l'objet d'un refus de séjour. Il a fait une demande d'asile en décembre 2014, par décision du 18 mai 2015, l'Office français de la protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée par arrêt rendu le 26 juillet 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Suite au rejet de sa demande d'asile, l'intéressé s'est vu notifier un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire en date 10 août 2015, puis, il a bénéficié entre le 25 mars 2016 et le 24 mars 2018, d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le 16 février 2021, il a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le même fondement juridique. Au vu de l'avis défavorable rendu le 25 juin 2021 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, l'intéressé a vu sa demande de titre de séjour refusée, et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour pour une durée de six mois. Il n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement dans le délai de départ volontaire de trente jours qui lui était imparti.

Le 22 février 2022, suite à son placement en garde à vue pour infraction routière, il a été assigné à résidence pour une période de quarante cinq jours. Il a respecté ses obligations de pointages, mais n'a jamais remis son passeport à l'autorité préfectorale comme il lui avait été indiqué dans l'arrêté portant assignation à résidence dont il a fait l'objet. Selon l'article 3 de l'arrêté, M. [G] devait de lui-même remettre son passeport contre récépissé, il n'y avait pas lieu à le convoquer et à dresser procès-verbal en cas de refus de restitution.

Lors de son audition du 05 mai 2022, M. [G] a déclaré être domicilié : Carrefour des solidarités au 134 avenue du 14 juillet à Sotteville-les-Rouen (76300). Il est à noter que cette adresse est une domiciliation postale, et aucunement un domicile fixe et certain. Même si M. [G] est titulaire d'un passeport, le juge judiciaire ne peut prononcer une assignation à résidence, selon les articles L 743-13, L 743-14 et L 743-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, notamment l'étranger doit justifier que le local affecté à son habitation principale proposé pour l'assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives, ce qui n'est pas le cas d'une domiciliation postale.

Quant au préfet, s'il peut prononcer une assignation à résidence à un étranger titulaire d'un simple domiciliation postale, c'est une possibilité au vu du dossier, non une obligation encore faut-il que les garanties de représentation existent or, en l'espèce, le préfet a noté que M. [G] se déclare en concubinage et père de deux enfants qui ne sont pas à sa charge, il est dépourvu de tout titre de séjour en cours de validité, il n'est pas autorisé à travailler, l'intéressé est dépourvu de toute ressource légale, d'autant plus qu'il est en situation irrégulière sur le territoire français, qu'il n'a pas respecté les obligations de l'assignation à résidence, le 22 février 2022 qui a pris fin le 8 avril 2022, il n'a pas remis son passeport aux autorités et il n'a pas exécuté sa mesure d'éloignement, il ne justifie pas d'une résidence à l'EPHET Carrefour des Solidarités, 134 Avenue du 14 Juillet à Sotteville lès Rouen, il n'en apporte pas la preuve il ne justifie pas d'une adresse certaine et pérenne en France, par conséquent, le préfet conclut qu'il ne remplit pas les conditions de l'article L 731-1 et ne peut donc pas bénéficier d'un arrêté portant assignation à résidence.

M. [G] a eu entre le 25 mars 2016 et le 24 mars 2018, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, il n'a ensuite formulé une nouvelle demande que le 16 février 2021. Dans le rapport médical produit émanant de l'hôpital de Rouen du 31 mars 2021, le docteur [C] [L], praticien hospitalier dans le service des maladies infectieuses et tropicales, indique que M. [G] actuellement suivi dansle service pour la surveillance d'une tuberculose multi résistante classée XDR guérie avec séquelles pneumo logiques. Le rapport de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 juin 2021 précise que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais dit que peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il peut voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne concerne pas la rétention. Le risque de contracter la covid-19 est nettement réduit à aujourd'hui, M. [G] pouvant être vacciné (il ne précise pas s'il l'est), la maladie dont il a souffert ne figure pas parmi les facteurs de risque de faire une forme grave de la covid, selon l'avis du 29 octobre 2020 au Haut Conseil de la santé publique. Le médecin et les infirmières du centre de rétention sont à même de lui permettre de bénéficier d'une surveillance médicale constante et au besoin, le médecin peut décider d'un rendez-vous avec un spécialiste. Il n'est pas justifié de ce que l'état de santé de M. [G] serait incompatible avec la rétention.

Il résulte de ces éléments que la mesure de rétention était proportionnée au but poursuivi, faute de garanties de représentation et que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé. Le fait que M. [G] fasse un recours contre la décision d'éloignement n'empêche pas le placement en rétention.

M. [G] étant titulaire d'un passeport géorgien en cours de validité, une demande de vol a été formulée, la préfecture est dans l'attente d'un routing. La préfecture a fait toutes diligences, la décision du juge des libertés et de la détention sera confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Prononçons la jonction des procédures inscrites au rôle de la cour sous les numéros n° 22/01550 et n° 22/01551

Déclarons recevable l'appel interjeté par M. [V] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 08 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen, ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirmons la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 10 mai 2022 à 15 heures 25.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 22/01550
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;22.01550 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award