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03/05/2022 | FRANCE | N°22/01457

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 03 mai 2022, 22/01457


R.G. : N° RG 22/01457 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCE5





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 03 MAI 2022





Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillèreà la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance du premier président de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme GUILLARD, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'

asile ;



Vu la requête du Préfet du Calvados tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention adminis...

R.G. : N° RG 22/01457 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCE5

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 03 MAI 2022

Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillèreà la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance du premier président de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme GUILLARD, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la requête du Préfet du Calvados tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise le 28 février 2022 à l'égard de M. [U] [W], né le 22 Octobre 2002 à ALGER (ALGERIE);

Vu l'ordonnance rendue le 30 Avril 2022 à 11 heures 05 par le Juge des libertés et de la détention de Rouen autorisant le maintien en rétention de M. [U] [W] pour une durée supplémentaire de quinze jours à compter du 29 avril 2022 à 15 heures 15 jusqu'au 14 mai 2022 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par M. [U] [W], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 02 mai 2022 à 10 heures 06 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de Oissel,

- à l'intéressé,

- au Préfet du Calvados,

- à Me Hervé SUXE, avocat au Barreau de ROUEN, de permanence,

- à Madame [G] [C] interpète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [U] [W];

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [G] [C], interprète en langue arabe, expert assermenté, de Monsieur [M], représentant le PREFET DU CALVADOS, et en l'absence du ministère public ;

Vu la comparution de M. [U] [W] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Me Marion THOMAS, avocat au Barreau de ROUEN, de permanence en sa qualité de suppléant, étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [U] [W] a été placé en rétention le 28 février 2022, une première ordonnance du juge des libertés et de la détention de Rouen en date du 03 mars 2022 a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours, ordonnance confirmée par décision de la cour d'appel du 04 mars suivant.

Une seconde ordonnance du juge des libertés et de la détention du 31 mars 2022a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours supplémentaires.

Le Préfet du Calvados a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande pour voir une troisième fois autoriser le maintien en rétention, et ce, pour quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête par une ordonnance du 30 avril 2022 dont M. [W] a interjeté appel.

A l'appui de son appel, l'appelant allègue la violation de ses droits fondamentaux et conclut à l'absence de diligences de l'administration pour parvenir à son éloignement. Il demande au premier président de réformer l'ordonnance et de dire qu'il n'y a pas lieu de le maintenir en rétention.

A l'audience, le conseil de M. [W] expose qu'il a été compliqué pour lui d'accepter la décision du juge des libertés et de la détention samedi. Il s'est retrouvé en isolement après avoir été victime de violences policières. Il a été frappé par huit policiers, il a subi une strangulation, en isolement, il s'est scarifié partout sur le corps avec une lame. Il ne veut pas rester en isolement sinon il se suicide. Le conseil de M. [W] invoque des problèmes psychiatriques, une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et une incompatibilité entre l'état de santé et la mesure de rétention. Le problème de M. [W] a créé un climat de tension au centre, il y a eu une émeute, à laquelle, il n'a pas participé étant en isolement. Il n'a pas mangé depuis trois jours car il a mal à la gorge à cause de la strangulation. En outre, les conditions d'une troisième prolongation ne sont pas réunies, pas d'obstruction dans les quinze jours. Il n'a pas refusé d'aller au consulat, on l'a réveillé sans lui dire où on l'emmenait, il était malade, il préférait rester au lit mais s'il avait su que c'était pour aller au consulat, il y serait allé même malade. La préfecture ne démontre pas qu'elle aura les documents de voyage à bref délai, le rendez-vous consulaire prévu aujourd'hui ne pourra pas être honoré.

Le préfet du Calvados, par observations écrites du 02 mai 2022, demande la confirmation de l'ordonnance. A l'audience, le représentant du préfet souligne que M. [W] est à l'origine de l'émeute de samedi au centre. Les portes ont été bloquées par les retenus, il y a eu un début d'incendie, ils ont forcé la porte du patio pour tenter de quitter le centre. Quand les policiers ont pu à nouveau rentrer, il a fallu extraire les meneurs. M. [W] fait l'objet d'une plainte par un policier qui dit avoir été frappé par lui. Depuis, l'intéressé est à l'isolement. Il a refusé d'aller au consulat le 19 avril, il savait que c'était pour aller au consulat et avait été avisé des conséquences pénales de son refus, c'était dans les quinze derniers jours de la rétention et cela constitue une obstruction. Le nouveau rendez-vous est prévu aujourd'hui à 11 heures, M. [W] va être présenté, avec retard mais il devrait y aller.

M. [W] explique qu'il veut sortir du centre, il ne supporte plus l'isolement, il n'a pas frappé les policiers, il suffit de regarder les images prises par la caméra pour le vérifier.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 02 mai 2022, sollicite la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [U] [W] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 30 Avril 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Selon l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L.742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9 °de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631- 3

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3°La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

M. [W], connu sous plusieurs identités, a fait l'objet, le 03 septembre 2021, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai prise par le préfet du Calvados et notifiée le même jour. Le 28 février 2022, il a fait l'objet d'un placement en rétention au local de rétention administrative de Cherbourg en raison de l'absence de place en centre de rétention au niveau national. Le 01 mars 2022, il a été transféré au centre de rétention administrative de Oissel.

Il n'a pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité, les autorités algériennes ont été saisies le 1er mars 2022 pour la délivrance d'un laissez-passer consulaire, le 09 mars 2022, un complément de dossier leur a été envoyé avec des photographies et un jeu d'empreintes, les dites autorités ont été relancées plusieurs fois.

L'intéressé a refusé de quitter le centre de rétention de Rouen le 19 avril pour sa présentation consulaire, le procès-verbal précise bien que M. [W] a été avisé de qu'il devait être extrait pour aller au consulat à Cergy-Pontoise et de ce qu'il encourait une sanction pénale encas de refus. Le procès-verbal ajoute que M. [W] a dit 'qu'il ne voulait pas se rendre au consulat car il est fatigué à cause du ramadan'. M. [W] devait être ensuite présenté le 26 avril mais cela n'a pas été possible, faute d'escorte. Un nouveau rendez-vous a été fixé ce 03 mai, jour de l'audience.

Le refus de se rendre au consulat constitue une obstruction au sens de l'article L 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et justifie une prolongation de la rétention.

Selon R 744-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le chef de centre est responsable de l'ordre et de la sécurité du centre et des placements en isolement. Il a autorité sur l'ensemble des personnes qui concourent au fonctionnement du centre. Les incidents qui se déroulent au centre relèvent du juge administratif non du juge judiciaire. En outre, à supposer que des violences policières seraient avérées, elles seraient de nature à entraîner des poursuites pénales ou disciplinaires contre les policiers en cas de plainte, sans incidence sur la régularité de la mesure de rétention. Il n'est pas démontré une incompatiblité entre la mesure de rétention et l'état de santé de M. [W].

En conséquence, la décision du premier juge sera confirmé.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel interjeté par M. [U] [W] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 30 avril 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de quinze jours ;

Confirmons la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 03 mai 2022 à 11 heures 40.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 22/01457
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;22.01457 ?
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