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26/04/2022 | FRANCE | N°22/01375

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 26 avril 2022, 22/01375


N° RG 22/01375 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JB6L





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 26 AVRIL 2022









Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour d

es étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 31 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Mon...

N° RG 22/01375 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JB6L

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 AVRIL 2022

Nous, Jocelyne LABAYE, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Fanny GUILLARD, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 31 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [T] [B]

né le 09 Décembre 1982 à KHOURIGBA (MAROC) ;

Vu l'arrêté du PREFET DE LA SEINE MARITIME en date du 21 avril 2022 de placement en rétention administrative de Monsieur [T] [B] ayant pris effet le 21 avril 2022 à 10 heures 15 ;

Vu la requête de Monsieur [T] [B] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du PREFET DE LA SEINE MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [T] [B] ;

Vu l'ordonnance rendue le 24 Avril 2022 à 14 heures 55 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [T] [B] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 24 avril 2022 à 10 heures 15 jusqu'au 22 mai 2022 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur [T] [B], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 25 avril 2022 à 14 heures 25 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de Oissel,

- à l'intéressé,

- au PREFET DE LA SEINE MARITIME,

- à Me Diego CASTIONI, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

- à Madame [Z] [W], interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Vu la demande de comparution présentée par Monsieur [T] [B] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les observations du Préfet de SEINE-MARITIME ;

Vu les débats en audience publique, en la présence de Madame [Z] [W], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du PREFET DE LA SEINE MARITIME et du ministère public ;

Vu la comparution de Monsieur [T] [B] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de Oissel ;

Me Diego CASTIONI, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [T] [B] a été placé en rétention administrative le 22 avril 2022.

Saisi d'une requête du préfet de la Seine-Maritime en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [B] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 24 avril 2022 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt huit jours, décision contre laquelle M. [T] [B] a formé un recours.

A l'appui de son recours, l'appelant allègue la violation de ses droits fondamentaux et indique reprendre les moyens de nullité soulevés en première instance devant le juge des libertés et de la détention. Il conclut à :

- l'insuffisance de motivation et en conséquence la nullité de la décision du juge des libertés et de la détention qui ne répond que de manière partielle aux moyens soulevés en première instance

- l'absence de diligences durant la détention : M. [B] fait valoir avoir condamné et été incarcéré le 06 novembre 2021 au centre pénitentiaire du Havre, la mesure d'éloignement ne lui a été notifiée que le 21 avril 2022 à sa levée d'écrou et aurait dû l'être plus tôt

- l'absence d'examen réel de la possibilité de l'assigner à résidence : la préfecture n'a pas examiné sa situation personnelle, il soutient bénéficier d'une adresse stable sur le territoire français, chez un ami au Havre, ses frères et s'urs vivent actuellement en France, pays où il habite continuellement depuis quatre ans

- l'insuffisance de motivation de la décision préfectorale et de la décision du juge des libertés et de la détention et incompatibilité de l'état de santé avec la rétention : la décision de la préfecture ne mentionne pas ses problèmes de santé et ses rendez-vous médicaux notamment chez le kinésithérapeute, or, ces soins ne sont pas dispensés au centre de rétention de Oissel, l'ordonnance du premier juge ne mentionne pas non plus la prise de médicaments quotidienne.

Il demande au premier président de réformer l'ordonnance et de dire qu'il n'y a pas lieu de le maintenir en rétention.

A l'audience, le conseil de M. [B] souligne que les arrêtés préfectoraux ont été notifiés par un interprète intervenant au téléphone, sans respect du texte qui indique que l'interprétariat par téléphone ne se fait qu'en cas de nécessité laquelle n'est pas caractérisée, il existe plusieurs interprètes au Havre sur la liste de la cour d'appel et la notification pouvait être organisée, du fait que la date de levée d'écrou était connue par avance. L'état de santé de M. [B] est incompatible avec la rétention, il a des difficultés pour se mouvoir, des problèmes au rachis et au bras qui nécessitent un suivi médical. M. [B] a une fille de onze ans en Italie, il a toujours habité en Italie et souhaite retourner y vivre. Le conseil de M. [B] abandonne les autres moyens.

M. [T] [B] explique que sa fille pleure, qu'elle l'attend, il veut retourner près d'elle en Italie. Il est soigné en Italie. Il a quitté le Maroc très jeune et n'y connaît plus personne. Il a grandi en Italie et y a habité longtemps. Il est venu en France en 2018 pour travailler avec son patron italien. Il était en situation régulière en Italie lorsqu'il est arrivé en France, depuis ses papiers sont périmés. Il s'est marié en France au Havre et a demandé un titre de séjour qu'il n'a pas eu, maintenant, il est séparé de sa femme et en procédure de divorce. Il souhaite rentrer en Italie.

Le préfet de la Seine-Maritime, par observations écrites du 25 avril 2022, demande la confirmation de l'ordonnance. La décision du juge des libertés et de la détention est parfaitement motivée. Les diligences ont été commencées dès février 2022 pendant l'incarcération de M. [B]. Il ne peut être assigné à résidence, faute de domicile ou de résidence stable, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Il n'a pas mentionné son état de santé lors de son audition de fin mars 2022 et ne justifie pas d'une incompatibilité entre celui-ci et le mesure de rétention, il peut aller à l'hôpital pour des examens et un kinésithérapeute extérieur pourrait venir au centre pour des séances.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 25 avril 2022 sollicite la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par Monsieur [T] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 Avril 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur le fond

Selon l'article L 141-3 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

M. [B] a été incarcéré début janvier 2022, les diligences pour l'éloigner ont été commencées en février, soit avant la sortie de détention, jusqu'à la levée d'écrou, peu avant la date de libération est encore incertaine, même si une date de fin de peine est déterminable, elle peut évoluer jusqu'à son terme, l'intéressé pouvant se voir priver d'une réduction de peine précédemment accordée, il n peut être reproché au préfet de ne pas avoir organisé et prévu d'avance la notification des arrêts préfectoraux.

M. [B] a refusé de se présenter au parloir devant les services de police le 8 avril 2022 en vue de la notification de la mesure d'éloignement, arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 31 mars 2022, d'où la mention 'refuse de signer' sur la notification dont la régularité au surplus relève du juge administratif.

La situation de nécessité visée par l'article L 141-3, qui est distincte de l'impossibilité de se déplacer exigée en procédure pénale, résulte de l'absence d'interprète physiquement présent et de l'obligation de notifier au retenu dans les délais les plus rapides son statut et ses droits. Le texte de l'article L 141-3 exige simplement que la nécessité de recourir à un interprète par voie de télécommunication soit mentionnée, sans exiger que l'administration s'explique très précisément sur les éléments qui fondent cette nécessité, et sans obligation pour les policiers de tenter de contacter plusieurs interprètes pour en trouver un qui se déplace. En l'espèce, le procès-verbal de notification mentionne : 'Après avoir contacté plusieurs interprètes sans réponse ou non disponibles et dans l'impossibilité de se déplacer, par le truchement téléphonique de Mme [W] [Z], interprète en langue arabe, assermentée près de la cour d'appel de Rouen'. M. [B] ne soutient pas ne pas avoir compris ses droits, lesquels lui ont été à nouveau notifiés en arabe à son arrivée au centre, (sans qu'il ne demande qu'ils le soient en italien). Dans ces conditions, aucune atteinte à ses droits, de nature à justifier la mainlevée de la mesure au sens de l'article L 743-12 n'est caractérisée par M. [B]. Dès lors, ce moyen doit être rejeté comme étant mal fondé.

M. [B] invoque des problèmes de santé, dont il n'a pas fait état lors de son audition du 29 mars 2022. Le médecin et les infirmières du centre de rétention sont à même de lui permettre de bénéficier d'une surveillance médicale constante et au besoin, le médecin peut décider d'un rendez-vous avec un spécialiste ou d'un examen à l'hôpital. Il a rencontré le médecin au centre de rétention administrative, lequel n'a pas estimé que l'état de santé de l'intéressé était incompatible avec la mesure de rétention. L'examen par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne un traitement médicamenteux, que M. [B] ne soutient pas ne pas pouvoir prendre, il n'est pas mentionné une prise en charge kinésithérapeutique ni a fortiori justifié que son absence aurait des conséquences graves pour l'intéressé. Il n'est donc pas justifié de ce que son état de santé serait incompatible avec la rétention. Le moyen sera rejeté.

M. [B] affirme avoir longtemps vécu en Italie, il serait venu en France en 2018 pour travailler, sans en justifier, il ne peut donc pas justifier d'une entrée régulière sur le territoire français. Il explique avoir une fille en Italie mais ne démontre pas contribuer à son éducation ou son entretien, ni avoir des liens avec elle. De plus, les autorités italiennes ont indiqué que l'intéressé était en situation irrégulière sur leur sol.

Il a fait une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français après son mariage en juin 2020, ne remplissant pas les conditions d'obtention du titre de séjour, il s'est vu notifier, par la sous préfète du Havre le 04 mars 2021, un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français assorti d'un délai de départ volontaire d'une durée de trente jours. Il n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement. Il s'est vu notifier le 19 août 2021, un arrêté portant assignation à résidence pour une durée de six mois à l'adresse de son épouse mais il n'a pas respecté ses obligations de pointage. Il a été incarcéré le 06 novembre 2021 au centre pénitentiaire du Havre, en détention provisoire, libéré le 08 novembre car condamné à une peine avec sursis probatoire. M. [B] ayant été condamné pour menaces de mort réitérées sur son épouse, le préfet a alors modifié le lieu de résidence de l'assignation à résidence. Les époux sont séparés une procédure de divorce envisagée ou entamée.

M. [B] a été réincarcéré le 1er janvier 2022, condamné le 06 janvier avec révocation partielle du sursis, le 06 janvier 2022, le préfet a pris un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour deux ans, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le recours de M. [B] contre cette décision.

M. [B] se déclarant de nationalité marocaine, le consulat du Maroc a été saisi le 23

février 2022, après deux relances en mars 2022, M. [B] a fait l'objet d'une reconnaissance consulaire des autorités marocaines, le 12 avril 2022, un vol à destination du Maroc avait été obtenu pour le 22 avril 2022, date de levée d'écrou, un laissez-passer consulaire a été établi par les autorités marocaines, déposé à l'aéroport le 21 avril 2022, M. [B] a refusé d'effectuer le test PCR nécessaire à son départ, toutefois, en cas de refus de test, les autorités marocaines acceptent le retour de leurs ressortissants s'ils sont munis d'un certificat médical attestant de l'absence de symptômes évocateurs de la covid 19, mais l'intéressé a également refusé d'être examiné par un médecin, le vol a été annulé et M. [B] placé en rétention à sa sortie de détention. Un nouveau vol a été demandé.

Il en résulte que M. [B] ne présente pas de garanties de représentation, la mesure de rétention était proportionnée au but poursuivi, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé, lequel ne présente aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne produit aucun justificatif d'hébergement.

La décision du juge des libertés et de la détention sera confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur [T] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 24 Avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [T] [B] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,

Confirmons la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 26 Avril 2022 à 11 heures 17.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 22/01375
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;22.01375 ?
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