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17/02/2017 | FRANCE | N°17/00576

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximitÉ, 17 février 2017, 17/00576


R.G : 17/00576
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 17 FEVRIER 2017
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du JUGE DE L'EXECUTION DU HAVRE du 27 Janvier 2017

APPELANTE :

Société DEEP SEA MARITIME LTD 54, Christopher Street C4551 VALETTA VLT 1462 (MALTE)
Représentée par Me Bruno LANFRY, avocat au barreau de ROUEN assistée de Me Patrick SIMON, avocat au barreau de PARIS (SCP VILLEREAU-ROHART-SIMON Associés)

INTIMÉE :

Société MONJASA Société de droit danois dont le siège social est STREVELINSV EJ 34 - 7000 FREDE

RICIA (DANEMARK), qui a élu domicile chez Maître LEMARIE, avocat, domicilié 7 rue Pierre Brossolette 76600 ...

R.G : 17/00576
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 17 FEVRIER 2017
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du JUGE DE L'EXECUTION DU HAVRE du 27 Janvier 2017

APPELANTE :

Société DEEP SEA MARITIME LTD 54, Christopher Street C4551 VALETTA VLT 1462 (MALTE)
Représentée par Me Bruno LANFRY, avocat au barreau de ROUEN assistée de Me Patrick SIMON, avocat au barreau de PARIS (SCP VILLEREAU-ROHART-SIMON Associés)

INTIMÉE :

Société MONJASA Société de droit danois dont le siège social est STREVELINSV EJ 34 - 7000 FREDERICIA (DANEMARK), qui a élu domicile chez Maître LEMARIE, avocat, domicilié 7 rue Pierre Brossolette 76600 LE HAVRE,
Représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN assistée de Me Leila ESNARD, avocat au barreau de PARIS et Me Guillaume DE BASCHER, avocat au barreau de PARIS (Cabinet LEWIS et Co AARPI)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Février 2017 sans opposition des avocats devant Madame BRYLINSKI, Président, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BRYLINSKI, Président Madame LABAYE, Conseiller Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Février 2017, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Février 2017

ARRÊT :

Contradictoire
Prononcé publiquement le 17 Février 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.

* * *

FAITS ET PROCEDURE
Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre, par ordonnance sur requête rendue le 9 janvier 2017 sous le visa des articles L.5114-22 et des articles R.5114-15 (résultant du décret du 28 décembre 2016) du code des transports, a - autorisé la société Monjasa A/S de droit danois à faire procéder à la saisie conservatoire, au port du Havre, du navire "Alhani", IMO no 9331153, pour sûreté, garantie, conservation et avoir paiement de sa créance à l'encontre de la société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd, évaluée en l'état à la somme de 4 000 000 USD ou à sa contrevaleur en euros, les frais à la charge du créancier saisissant ; - dit que la mainlevée de la saisie pourrait être ordonnée, après débat contradictoire, moyennant la remise d'une garantie bancaire des mêmes montants émise par une banque française de premier rang, couvrant expressément la créance dont est titulaire la société Monjasa A/S à l'encontre de Ia société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd, ladite garantie devant pouvoir être actionnée sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance de la société requérante à l'encontre des trois sociétés précitées ; - commis la SELARL Corrihons, huissier de justice au Havre, ou à défaut tout autre huissier de justice compétent, pour I'exécution de cette ordonnance et de ses suites, l'officier ministériel commis pouvant instrumenter en dehors des heures légales.
Le navire "Alhani" a été saisi le 18 janvier 2017, à 5h30, immédiatement après son accostage au port du Havre. La Société Deep Sea Maritime Ltd, régulièrement autorisée, par acte signifié le 20 janvier 2017 à 19 heures, a fait assigner d'heure à heure la société Monjasa A/S à l'audience du juge de l'exécution du mardi 24 janvier 2017 à 9 h30, aux fins de rétractation pure et simple de l'ordonnance du 9 janvier 2017 et de mainlevée de Ia mesure de saisie conservatoire.
Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre, par jugement rendu le 27 janvier 2017, a
- rétracté l'ordonnance du 9 janvier 2017 ; - ordonné la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire du navire "Alhani" pratiquée le 18 janvier 2017 en exécution de l'ordonnance précitée contre la consignation de la somme de 4 000 000 USD, ou sa contrevaleur en euros au jour du dépôt de ladite somme, entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre juridique ; - dit que ladite consignation emportera affectation spéciale et droit de préférence au sens de l'article 2333 du code civil ; - dit que la somme consignée entre les mains du séquestre juridique sera, selon le cas : * payée à la société Monjasa A/S, à première demande, sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance de la société Monjasa A/S à l'encontre de Ia société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ; * ou restituée à la société Deep Sea Maritime Ltd sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale définitive d'une juridiction compétente déboutant la société Monjasa A/S de ses demandes au fond formées à l'encontre des sociétés Deep Sea Maritime Ltd, Babecca Business Links Ltd et Unitaes Energy Sources Company Ltd ; - dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ; - dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens qu'elle aura personnellement exposés.
La société Deep Sea Maritime Ltd a interjeté appel par déclaration au greffe de la cour du 3 février 2017 ; sur sa requête déposée les 1er et 3 février 2017 et autorisée par ordonnance du 6 février 2017, par acte signifié le 7 février 2017, elle a fait assigner la société Monjasa A/S à jour fixe pour l'audience du 16 février 2017 afin qu'il soit statué sur cet appel.
***
La société Deep Sea Maritime Ltd, aux termes de ses conclusions annexées à sa requête et reprises dans son assignation à jour fixe, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, de :
- sous le visa de la Convention de 1952 et ses articles 3.3 et 5 ainsi que du code des procédures civiles d'exécution, infirmer le jugement du 27 janvier 2017 et, rétractant l'ordonnance du 9 janvier 2017, ordonner la mainlevée de la saisie ; Subsidiairement, sous le visa des articles 3 et 9 combinés de la Convention de 1952 et 72 de la loi du 9 juillet 1991 ; - réformer le jugement du 27 janvier 2017 ; - ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée le 18 janvier 2017 sur le navire "Alhani" contre consignation entre les mains de Monsieur le Bâtonnier des avocats au Barreau de Paris, en sa qualité de séquestre juridique, de la somme de 4.000.000 USD pour garantir la responsabilité éventuelle de la Société Deep Sea Maritime Ltd à l'exclusion de toute autre société en cas de condamnation de Deep Sea Maritime Ltd par une décision judiciaire ou arbitrale définitive d'une juridiction compétente ; - dire que la consignation se substitue à la garantie de la banque ALUBAF qui sera de ce seul fait annulée ; - condamner la société Monjasa A/S au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Deep Sea Marine Ltd a conclu à nouveau le 15 février 2017, ajoutant notamment au dispositif de ses conclusions d'origine les prétentions suivantes : - donner acte à l'appelante de ce qu'elle se réserve le droit de demander réparation du dommage que cette seconde saisie lui cause ; - autoriser Maître Bruno Lanfry, avocat à en poursuivre le recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Elle a par ailleurs communiqué deux nouvelles pièces s'ajoutant à d'autres pièces communiquées postérieurement à sa requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe.
***
La société Monjasa A/S, aux termes de ses dernières écritures en date du 16 février 2017 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles 917 et suivants du code de procédure civile, des dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et notamment ses articles 1, 3-1, 3.3, 3-4 et 5, de la Convention Internationale pour l'unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes du 10 avril 1926, de l'article L.5114-8 du code des transports, de
A titre liminaire,
- constater que les conclusions communiquées le 15 février 2017 par la société Deep Sea Maritime Limited présentent des arguments, prétentions et moyens non contenus dans la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe du 3 février 2017 et constater que les 10 pièces communiquées le 15 février 2017 et numérotées 3 à 14, n'étaient pas visées dans cette même requête, et que les conclusions et pièces ne visent pas à répondre à des arguments nouveaux présentés en appel par l'intimé, - en conséquence, dire lesdites conclusions et pièces non recevables et les écarter des débats, - confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné que la mainlevée de la saisie conservatoire contre consignation de la somme de 4.000.000 USD, ou sa contrevaleur en Euros au jour du dépôt de ladite somme, entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre juridique ne pouvait être donnée à tout le moins que selon les modalités suivantes : * ladite consignation devra emporter affectation spéciale et doit de préférence au sens de l'article 2333 du code civil ; * la somme consignée entre les mains du séquestre juridique devra, selon le cas être : payée à société Monjasa A/S, à première demande, sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance de la société Monjasa A/S à l'encontre de la société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ; ou restituée à la société Deep Sea Maritime Ltd sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale définitive d'une juridiction compétente déboutant la société Monjasa A/S de ses demandes au fond formées à l'encontre des sociétés Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ;
Y ajoutant
Sur le droit à saisir en garantie des créances de Monjasa A/S alléguées contre Deep Sea Maritime Ltd
- constater et juger qu'il n'est pas contesté que les créances telles qu'alléguées par Monjasa A/S à l'encontre de Deep Sea Maritime Ltd donnaient droit à pratiquer la saisie conservatoire du navire "Alhani" au regard des articles 1 et 3 de la Convention du 10 mai 1952 ;
Sur le droit à saisir et obtenir garantie nonobstant la garantie tunisienne
- dire que ni la précédente saisie pratiquée en Tunisie, ni la garantie tunisienne fournie ne pouvaient empêcher la saisie du navire "Alhani" au port du Havre au regard des textes précités ; - dire en tout état de cause que la garantie émise par la banque Alubaf pour obtenir mainlevée de la saisie pratiquée en Tunisie n'est pas suffisante pour garantir les créances maritimes de la société Monjasa A/S telles qu'alléguées au soutien de sa requête en saisie conservatoire présentée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre et qu'elle ne peut donc justifier la mainlevée de la saisie conservatoire du navire "Alhani" ;

- en conséquence, débouter la société Deep Sea Maritime Ltd de ses demandes d'infirmation du jugement du 27 janvier 2017 et de rétractation de l'ordonnance du 9 janvier 2017 et de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 janvier 2017 ;
Sur le droit à saisir et obtenir garantie des créances de Monjasa A/S alléguées contre Babecca Business Links Ltd et/ou Unitaes Energy Sources Company Ltd
- dire que selon l'article 3-4 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, la saisie d'un navire pour une dette de l'affréteur ou de toute autre personne tenue d'une créance maritime est permise sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'une créance privilégiée ; - à titre subsidiaire, dire et juger que la société Monjasa A/S prouve l'existence d'une créance privilégiée ; - en conséquence, rejeter en particulier la demande de la société Deep Sea Maritime Ltd tendant à ce que la garantie à fournir pour obtenir la mainlevée de la saisie soit limitée à la couverture de sa propre responsabilité à l'égard de la société Monjasa A/S ;
Sur la garantie à fournir pour obtenir mainlevée de la saisie conservatoire
- constater que le navire "Alhani" pouvait être saisi, conformément aux dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, pour sûreté, garantie, conservation et avoir paiement de la créance de la société Monjasa A/S à l'encontre de la société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ; - en conséquence, préciser que mainlevée de la saisie ne pourra être ordonnée, après débat contradictoire, que moyennant remise d'une garantie bancaire d'un montant de 4.000.000 USD, émise par une banque française de premier rang, laquelle devra pouvoir être actionnée à première demande sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale exécutoire d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance de la société Monjasa A/S à l'encontre de la société société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ; - constater à cet égard que la société Monjasa A/S ne s'oppose néanmoins pas à ce que ladite garantie soit émise par le PetI Club du navire "Alhani" ; - à défaut de mise en place d'une telle garantie, maintenir la saisie conservatoire pratiquée sur le navire "Alhani" ;
A titre subsidiaire et si la cour considérait qu'il y a lieu de donner mainlevée contre remise d'une consignation, il est demandé à la cour de :
- rejeter les modalités relatives à la consignation et la déconsignation proposées par la société Deep Sea Maritime Ltd ; - sous réserve d'y ajouter le mot "exécutoire" comme mis en évidence ci-dessous, confirmer les modalités précisées par le juge de l'exécution dans son jugement du 27 janvier 2017, à savoir : * consignation d'une somme de 4.000.000 USD (ou sa contrevaleur en Euros au jour du dépôt de ladite somme), entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris, en qualité de séquestre juridique ; * ladite consignation emportera affectation spéciale et droit de préférence au sens de l'article 2333 du code civil ;

* la somme consignée sera, selon le cas : payée à la société Monjasa A/S, à première demande, sur présentation d'une décision judiciaire "exécutoire" ou arbitrale d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance de la société Monjasa A/S à l'encontre de la société Deep Sea Maritime Ltd et/ ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ; ou restituée à Deep Sea Maritime Ltd sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale définitive d'une juridiction compétente déboutant Monjasa A/S de ses demandes au fond à l'encontre des sociétés société Deep Sea Maritime Ltd et/ou de la société Babecca Business Links Ltd et/ou de la société Unitaes Energy Sources Company Ltd ;
A titre infiniment subsidiaire, et si la cour considérait qu'il est impératif qu'il ne subsiste qu'une seule garantie et qu'elle a compétence pour ordonner la substitution / l'annulation de la garantie tunisienne, donner acte à Monjasa qu'elle accepte de renoncer à la garantie tunisienne, à la condition expresse que la garantie qui serait émise par une banque française de premier rang ou éventuellement par le PetI Club du navire (ou encore plus subsidiairement la somme consignée) en substitution couvre les causes des saisies telles qu'autorisées tant en Tunisie qu'en France ;
En tout état de cause,
- rejeter toute autre demande de la société Deep Sea Maritime Ltd ; - condamner la société Deep Sea Maritime Ltd à verser à la société Monjasa A/S la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société Deep Sea Maritime Ltd à tous les dépens.
DISCUSSION
Par application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives (...) Copie de la requête et des pièces doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour ; l'article 920 prévoit que l'assignation indique à l'intimé qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées à la requête (...).
Si de nouvelles conclusions de l'appelant sont recevables, c'est seulement dans la mesure où elles se bornent à répondre aux conclusions de l'intimé sans présenter de prétentions et moyens nouveaux ; les conclusions signifiées par Deep Sea le 15 février 2017 ne seront pas en elles-mêmes déclarées irrecevables, seront en revanche écartés les prétentions et moyens (à distinguer des arguments étayant les moyens déjà développés) qui ne se borneraient pas à répondre aux prétentions et moyens de l'intimée.
L'appelant doit viser et annexer à sa requête aux fins d'assigner à jour fixe toutes les pièces dont il entend se prévaloir devant la cour, étant en mesure compte tenu des débats de première instance d'apprécier les pièces qui seront utiles au soutien de son appel ; s'il peut encore, postérieurement au dépôt de sa requête, communiquer et produire de nouvelles pièces et ce jusqu'aux plaidoiries dans la limites du respect de la contradiction, c'est à condition que celles-ci visent seulement à répondre à des arguments nouveaux présentés en appel par l'intimé, ou qu'il s'agisse de pièce dont l'existence ou la révélation serait postérieure au dépôt de sa requête aux fins d'assigner à jour fixe.
Dans ses conclusions récapitulatives du 15 février, Deep Sea fait valoir en préliminaire de la discussion que les conclusions de plus de 50 pages signifiées par Monjasa le 13 février 2017 reprennent son argumentation de première instance. Deep Sea soulignant ainsi elle-même l'absence d'arguments nouveaux en cause d'appel, il en résulte que toutes les pièces déposées au greffe ou communiquées autres que celles visées à la requête et déposées en même temps qu'elle doivent être écartées des débats. Seront donc conservées les seules pièces visées et jointes à la requête, à savoir : 1 o - la requête aux fins de saisie conservatoire de navire du 6 janvier 2017 et l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre du 9 janvier 2017 ; 2o - la requête aux fins d'autorisation d'assigner d'heure à heure du 20 janvier 2017 et l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre du 20 janvier 2017 ; 3o - le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance du Havre du 27 janvier 2017 ; 5o - le courriel d'Infinity à GNMTC OPS du 16 janvier 2017 ; 6o - l'assignation devant la Haute Cour de justice pour le loyer.
La pièce no4 annexée à la requête sera écartée d'accord avec l'appelant, s'agissant du "jugement chinois condamnant Unitaes", rédigé en chinois sans traduction, contenant selon ses indications condamnation à paiement sur le fondement du contrat de vente et non du contrat de transport. Seront admises aux débats les dernières pièces communiquées et produites par Deep Sea, sous no 15 et 16 de son bordereau, le 16 février 2017 dans la matinée précédant l'audience mais sur lesquelles l'intimée a pu apporter ses commentaires, s'agissant d'un courriel daté du 15 février 2017 et d'une assignation de Monjasa par Deep Sea devant la Haute Cour de Londres datée du 15 février 2017.
***
Le premier juge a tout à la fois rétracté son ordonnance sur requête du 9 janvier 2017 ayant autorisé la saisie conservatoire du navire "Alhani", et ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 janvier 2017 contre constitution d'une garantie, alors que la constitution de garantie ordonnée n'est qu'une mesure de substitution à la saisie conservatoire autorisée qui suppose que l'ordonnance ayant autorisé cette saisie conserve toute sa validité, et que la rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie est prononcée en cas de remise en cause de la saisie conservatoire en son principe, et conduit alors à la mainlevée pure et simple de celle-ci.
L'appel de Deep Sea doit être examiné en ses deux composantes à savoir en premier lieu la contestation de la validité de la saisie conservatoire devant conduire ou non à la rétractation de l'ordonnance du 9 janvier 2017, et en second lieu si la saisie conservatoire est déclaré valide, la contestation concernant la nature, l'étendue et la portée de la garantie imposée en contrepartie de la mainlevée de l'immobilisation du navire saisi, devant conduire ou non à l'infirmation du jugement du 27 janvier 2017.
***
Des explications de fait fournies par les parties et pièces régulièrement produites, il doit être retenu comme éléments de fait directement utiles à l'examen du litige à ce stade, que :

Monjasa qui exerce l'activité de fournisseur de soutes/carburants aux navires, a vendu à la société de droit chinois Unitaes 4.844,9010 tonnes métriques de fuel de type IFO 380 CST au prix de 740 USD par tonne, pour une valeur totale de 3.585.226,74 USD ; le prix devait en être payé au moyen d'un crédit documentaire irrévocable 127LC11014211 pour un montant de 3.600.000 USD ouvert par Unitaes auprès de sa banque ; la marchandise a été chargée les 11 et 12 novembre 2011 à bord du navire "Alhani" battant pavillon lybien, appartenant à Deep Sea armateur, alors affrété à temps par Babecca/Unitaes ; le transport a été réalisé sous couvert de 3 connaissements maritimes sans entête émis le 12 novembre 2011, portant la signature du capitaine du navire et le timbre du bord ; la banque auprès de laquelle le crédit documentaire avait été ouvert a informé Monjasa le 9 décembre 2011 qu'elle ne procéderait pas au paiement de la marchandise, en raison de divergences entre les documents prévus par le crédit documentaire et les connaissements en originaux, qu'elle lui a retournés ; alors que la cargaison chargée à Lomé Offshore devait être livrée à Cotonou Offshore et que la banque était toujours en possession des connaissements en originaux, le navire "Alhani" a été déchargé de sa cargaison de fuel le 18 novembre 2011 à Lomé Offshore ; 4.341,736 tonnes métriques ont été transbordées sur le navire "Marida Marguerite", sur instruction donnée au capitaine du navire par Babecca de procéder sans production des connaissements, moyennant remise d'une lettre d'indemnité par Babecca à Deep Sea ; 503,165 tonnes manquantes par rapport au chargement d'origine, d'une valeur totale de 372.341,10 USD correspondent à une partie du fuel pris en chargement dans le réservoir de soutes du navire à la demande de son capitaine ; Monjasa n'ayant pas reçu paiement de la cargaison, sa perte s'élève à la somme en principal de 3 585 226,74 USD ; Monjasa a fait procéder le 2 avril 2012 à une saisie conservatoire du navire "Alhani" au port de Bizerte où il était en escale, selon le droit tunisien ; Deep Sea, en référé, en a obtenu la mainlevée contre constitution d'une garantie bancaire qui ne pourrait être exécutée que sur production d'un jugement au fond définitif rendu par les tribunaux de Bizerte; Monjasa a engagé une action devant le tribunal de Bizerte mais Deep Sea ayant opposé une exception d'incompétence, les juridictions tunisiennes en première instance comme en appel se sont déclarées incompétentes ; Monjasa a également engagé en Chine une action en paiement contre Unitaes sur le fondement du contrat de vente et obtenu sa condamnation par un jugement frappé d'appel le 16 avril 2016. Deep Sea était lors du transport et est toujours le propriétaire armateur du navire "Alhani" ; suivant charte partie signée en juillet 2011 modifiée en août 2011, Unitaes était affréteur à temps du navire, Babecca exécutant les transports au nom et sous la responsabilité de cette dernière.
Les connaissements maritimes étant sans entête et ne contenant aucun élément d'identification du transporteur, la charte partie n'étant ni reproduite ni annexées, Monjasa revendique un droit d'agir contre Deep Sea pris en qualité de transporteur apparent, ce qui n'est pas contesté, ainsi que contre Babecca /Unitaes transporteurs maritimes de fait/réels, dont elle n'aurait appris l'existence qu'à l'occasion de la procédure de saisie conservatoire en Tunisie.

Elle se prévaut d'une créance de responsabilité pour violation des obligations résultant d'un contrat de transport, à raison de la livraison irrégulière de la marchandise transportée sans remise préalable des connaissements en originaux, au titre de manquants, ainsi que d'une créance au titre d'une fourniture de soutes en vue de l'exploitation du navire laquelle coïncide avec les manquants entre le tonnage chargé et le tonnage transbordé sur le "Marida Marguerite".
Il n'est pas discuté que la saisie conservatoire pratiquée au Havre est régie par la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 "pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer", son article article 8 alinéa 2 prévoyant qu'un navire battant pavillon d'un Etat non contractant peut être saisi dans l'un des Etats Contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'article 1, ou de toute autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet Etat, et les créances dont se prévaut Monjasa étant des créances maritimes telles que définies à l'article 1(e), (f) et (k) de cette convention, qui se rapportent au navire "Alhani" saisi.

Pour contester la saisie elle-même, Deep Sea se prévaut de l'article 3 §3 de la Convention qui dispose que "un navire ne peut être saisi, et caution ou garantie ne sera donnée, plus d'une fois dans la juridiction d'un ou plusieurs des Etats Contractants, pour la même créance et par le même Demandeur", et de l'article 5 qui prévoit que le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisantes auront été fournies (...) Sous le visa de ces textes, Deep Sea fait valoir que la saisie conservatoire antérieurement pratiquée en Tunisie, et la garantie suffisante accordée en contrepartie de sa mainlevée, font obstacle à ce qu'il soit procédé à la nouvelle saisie au Havre.
Mais l'interdiction, édictée par l'article 3 § 3 de la Convention, de saisir un navire plus d'une fois dans la même juridiction d'un ou plusieurs Etats contractants, pour la même créance et par le même demandeur, est limitée aux saisies pratiquées dans les Etats contractants. Si la première saisie du même navire avait été pratiquée par la même société Monjasa, en garantie de la même créance, elle l'a été en Tunisie pays non signataire de la Convention, de sorte que cette prohibition ne trouve pas à s'appliquer.
L'article 5 prévoit en son alinéa 1 que le Tribunal ou toute autre Autorité Judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisantes auront été fournies (...), il précise en son alinéa 2 que faute d'accord entre les parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le Tribunal ou l'Autorité judiciaire compétente en fixera la nature et le montant, et en son alinéa 3 que la demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie ne pourra être interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité (...). De la lecture de cet article 5 en son entier, il résulte que la suffisance des garanties est celle des garanties à proposer au juge ou à définir par celui-ci pour se substituer à l'immobilisation du navire résultant de la saisie qu'il a autorisée.

L'existence de la garantie antérieurement consentie en contrepartie de la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en Tunisie Etat non signataire de la Convention ne constitue pas en elle-même un obstacle au droit de saisir à nouveau le navire au Havre, et n'affecte pas en elle-même la validité de la saisie, mais a seulement une incidence sur l'appréciation des garanties à prévoir en contrepartie de la mainlevée de l'immobilisation du navire nouvellement saisi.
Dans ces conditions Deep Sea n'est pas fondée à contester le droit pour Monjasa de procéder à la saisie conservatoire du navire "Alhani" telle qu'elle a été autorisée par l'ordonnance sur requête du 9 janvier 2017 ; le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné la rétractation de cette ordonnance.
***
Pour justifier sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire, Deep Sea se prévaut de la garantie consentie en Tunisie en contrepartie de la saisie-conservatoire qui avait été pratiquée à la requête de Monjasa pour la même créance, qu'elle estime suffisante.
La garantie de la banque Alubaf, proposée par la société Deep Sea Maritime Ltd en contrepartie de la mainlevée de la saisie pratiquée en Tunisie précise que la banque acceptera de payer dès lors que lui serait remis (...) "Un jugement final rendu par la Cour Tunisienne donnant raison à Monjasa", et non de façon moins restrictive une décision exécutoire rendue par la juridiction compétente sans désignation de celle-ci. Or lorsque pour se conformer à l'obligation qui lui était ainsi faite d'obtenir un titre définitif des juridictions tunisiennes, Monjasa a engagé une action devant le tribunal de première instance de Bizerte, Deep Sea a opposé une exception d'incompétence à laquelle il a été fait droit par jugement du 7 juillet 2015 ; la cour d'appel de Bizerte par arrêt rendu le 28 novembre 2016, faisant droit à l'argumentation de la société Deep Sea Maritime Ltd et confirmant le jugement, a retenu l'incompétence des juridictions tunisiennes pour connaître de l'action de Monjasa à l'encontre de Deep Sea ; même si cet arrêt peut être frappé de pourvoi, Deep Sea soutient toujours de façon argumentée que les juridictions tunisiennes sont incompétentes pour connaître du litige au fond, et a d'ailleurs elle-même saisi, le 25 février 2017, la Haute Cour de Justice de Londres pour qu'il soit statué au fond sur le litige l'opposant à Monjasa.
Cet élément suffit à lui seul, sans qu'il soit utile d'examiner l'argumentation développée par Monjasa, tenant à une convergence d'intérêts entre Deep Sea et al banque Alubaf résultant de leurs liens parallèles avec l'Etat lybien ou à la solvabilité de cette banque, suffit à permettre de retenir que la garantie consentie en Tunisie est insuffisante pour justifier la mainlevée de l'immobilisation du navire "Alhani" résultant de sa saisie conservatoire au Havre.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire, contre consignation de la somme de 4.000.000 USD, ou sa contrevaleur en Euros au jour du dépôt de ladite somme, entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre juridique qui constitue une garantie pertinente et suffisante.

Monjasa ne peut légitimement prétendre à un cumul de garanties excessif pour Deep Sea, en profitant de l'absence d'interdiction du cumul de saisies résultant de ce que la Tunisie n'est pas Etat membre de la Convention de Bruxelles de 1952 ; obtenant la garantie suffisante de sa créance en France, elle ne peut revendiquer le maintien de la garantie tunisienne jugée insuffisante alors que celle-ci génère désormais pour Deep Sea un coût inutile, la créance garantie par les deux saisies successives étant la même mais la garantie tunisienne inférieure en son montant à la garantie française ; en conséquence il convient de prévoir que la garantie présentement ordonnée se substituera à la garantie consentie en Tunisie.
La saisie conservatoire organisée par la Convention de Bruxelles de 1952 ayant pour objet de garantir le paiement d'une créance maritime dont le principe et le montant doivent être consacrés par un titre, la garantie qui n'en est qu'une modalité en substitution de l'immobilisation du navire doit être maintenue jusqu'à l'obtention d'une décision définitive statuant sur sa demande de titre. En revanche, la loi française applicable sur ce point prévoyant le déblocage de fonds saisis dès lors que le titre détenu par le créancier est exécutoire, il convient de prévoir que la garantie sera exécutée sur présentation par Monjasa d'une décision exécutoire, étant observé que le risque allégué par Deep Sea d'un défaut de restitution en cas de décision définitive rejetant les prétentions de Monjasa est seulement susceptible de motiver une demande tendant à voir suspendre l'exécution du titre, devant la juridiction compétente pour en connaître et selon la loi applicable.
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Les parties s'opposent sur l'étendue de la garantie assurée par la consignation ordonnée ; Deep Sea propriétaire armateur du navire saisi, sous le visa de la combinaison des articles 3 et 9 de la Convention, soutient qu'elle ne peut être tenue de garantir que la créance dont elle serait reconnue personnellement débitrice, et non les créances à l'encontre de Babecca/Unitaes affréteur, sauf droit de suite ou privilège ; Monjasa sous le visa de l'article 3 alinéa 4 prétend que la garantie doit s'appliquer également à la créance détenue à l'encontre de Babecca/Unitaes affréteur.
Les pièces produites aux débats démontrent que les 503,165 tonnes considérées par Monjasa comme "manquantes" par rapport au chargement d'origine, d'une valeur totale de 372.341,10 USD, ont été chargées et conservées par le navire "Alhani" pour son usage, sur décision du capitaine du navire communiquée à Monjasa par courriel du 10 novembre 2011 indiquant que le navire prendrait les 4 860 tonnes métriques en 2 colis, l'un de 500 tonnes métriques allant dans le réservoir de soute, le reste pour 4 360 tonnes métriques étant chargé dans le réservoir cargaison. Ainsi la créance maritime au titre du "manquant" doit être analysée comme provenant d'un contrat passé par le capitaine du navire hors de son port d'attache en vertu de ses pouvoirs légaux pour les besoins réels de la continuation du voyage; cette créance, même si elle est à l'encontre de l'affréteur et non de l'armateur, bénéficie ainsi d'un privilège sur le navire par application de l'article 2.5 de la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 pour l'unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes. Elle est ainsi en tout état de cause garantie par la saisie et la consignation qui se substitue à l'immobilisation du navire, quand bien même elle est née du chef exclusif de l'affréteur.
La question reste à se poser pour la seule créance maritime dont se prévaut Monjasa au titre de son préjudice résultant de la livraison irrégulière de la cargaison chargée. Il doit être observé que si en raison de l'absence d'identification du transporteur sur les connaissements, Monjasa dispose d'un droit d'action à l'encontre de Deep Sea propriétaire armateur du navire transporteur apparent d'une part, et d'autre part contre Babecca/Unitaes en qualité d'affréteur transporteur réel ayant donné l'ordre de déchargement sans connaissement, il n'existe aucune solidarité entre ces transporteurs et les actions sont alternatives. Par ailleurs la garantie que Monjasa revendique pour sa créance à l'encontre de Babecca/Unitaes ne trouvant son fondement que dans le droit de procéder à ce titre à la saisie conservatoire du navire en application de la Convention de 1952, cette garantie ne peut en tout état de cause porter que sur cette seule créance maritime au sens de l'article 1(e) de la convention se rapportant au navire "Alhani" telle que donnant lieu à la saisie autorisée, ce qui exclut qu'elle puisse couvrir la créance dont Monjasa peut se prévaloir à l'encontre de Unitaes en sa qualité d'acquéreur de la marchandise chargée telle que résultant du jugement chinois la condamnant sur le fondement du contrat de vente.
L'article 3.1 de la Convention prévoit que sans préjudice des dispositions du paragraphe 4 et de l'article 10 (en réalité article 9), tout demandeur (défini comme invoquant à son profit l'existence d'une créance maritime) peut saisir soit le navire auquel la créance se rapporte, soit tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte ; l'article 3.4 prévoit que "dans le cas d'un affrètement d'un navire avec remise de la gestion nautique, lorsque l'affréteur répond, seul, d'une créance maritime relative à ce navire, le demandeur peut saisir ce navire ou tel autre appartenant à l'affréteur, en observant les dispositions de la présente Convention, mais nul autre navire appartenant au propriétaire ne peut être saisi en vertu de cette créance maritime. L'alinéa qui précède s'applique également à tous les cas où une personne autre que le propriétaire est tenue d'une créance maritime." Autrement dit, à procéder à la lecture de ce seul article, le demandeur qui se prévaut d'une créance maritime à l'encontre d'un affréteur à temps peut procéder à la saisie conservatoire de n'importe quel navire de l'affréteur, mais aussi à une saisie à l'encontre du propriétaire armateur quand bien même il ne serait pas lui-même débiteur, mais alors celle-ci ne peut porter que sur le navire auquel se rapporte sa créance.
Le paragraphe 1 de l'article 3 pose le principe général de la possibilité de saisir un navire appartenant à l'armateur en garantie d'une créance maritime se rapportant à l'un des navires de sa flotte; le paragraphe 4 en ce qui concerne l'armateur, ne fait que limiter au seul navire auquel se rapporte la créance la possibilité de saisie en garantie d'une créance maritime existant non pas à son encontre, mais à l'encontre d'un tiers dont notamment l'affréteur à temps ; en ce sens, le paragraphe 4 n'est qu'une déclinaison du paragraphe 1, de sorte que la mention "sans préjudice des dispositions du par. 4 et de l'art. 10 (en réalité 9)" portée au paragraphe 1 s'étend nécessairement au paragraphe 4.
L'article 9 de la Convention dispose que "rien dans la Convention ne doit être considéré comme créant un droit à une action qui, en dehors des stipulations de cette convention n'existerait pas d'après la loi à appliquer par le Tribunal saisi du litige. La présente convention ne confère aux demandeurs aucun droit de suite autre que celui accordé par cette dernière loi ou par la Convention internationale sur les privilèges et hypothèques maritimes, si celle-ci est applicable". La seconde phrase de cet article ne trouve à s'appliquer que dans l'hypothèse dans laquelle le navire saisi aurait changé de propriétaire, et s'explique notamment en raison de ce qu'en application du paragraphe 1 de l'article 3 l'armateur dont l'un des navires est saisi doit être celui qui était propriétaire du navire auquel la créance se rapporte au moment où est née la créance maritime. Elle est dépourvue de portée dans le présent litige, le navire "Alhani" étant toujours la propriété de Deep Sea.
Demeure la première phrase, laquelle est d'une portée générale, de laquelle il résulte qu'aucune disposition de la convention, dont notamment l'article 3.4, ne peut conférer à un créancier agissant en France, plus de droit que ne lui en confère le droit français. Or le droit français ne permet pas de procéder à la saisie d'un bien au détriment d'une personne qui n'est pas elle-même débitrice du créancier saisissant, hors l'hypothèse d'un privilège grevant le bien saisi.
Contrairement à ce que soutient Monjasa, l'application combinée des articles 3 et 9 n'a pas pour effet de rendre "transparente" la Convention et sans objet l'alinéa 4 de son article 3, qui reste pour définir les conditions dans lesquelles une saisie conservatoire de navire peut être pratiquée contre un affréteur.
Dans ces conditions il convient de prévoir que la consignation ordonnée à charge de Deep Sea s'appliquera à la garantie de la créance revendiquée par Monjasa à l'encontre de Babecca/Unitaes, uniquement pour la créance de fourniture de soute bénéficiaire d'un privilège ; le jugement sera réformé en ce sens.
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Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance.
En cause d'appel chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Ecarte des débats les pièces produites par la société Deep Sea Maritime Ltd , autres que les pièces visées et jointes à la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe et communiquées et que les pièces produites le 16 février 2017 sous no15 et 16 du bordereau ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rétracté l'ordonnance du 9 janvier 2017 ;

Valide la saisie conservatoire du navire "Alhani" pratiquée le 18 janvier 2017 au port du Havre ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a
- ordonné la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire du navire "Alhani" pratiquée le 18 janvier 2017 en exécution de l'ordonnance précitée contre la consignation de la somme de 4 000 000 USD, ou sa contrevaleur en euros au jour du dépôt de ladite somme, entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au Barreau de Paris, désigné en qualité de séquestre juridique ;
- dit que ladite consignation emportera affectation spéciale et droit de préférence au sens de l'article 2333 du code civil ;
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens qu'elle aura personnellement exposés ;
Réforme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs réformés et, y ajoutant,
Dit que la présente garantie se substituera à la caution bancaire consentie par la banque Alubaf en contrepartie de la mainlevée de la saisie du même navire en Tunisie ;
- dit que la somme consignée entre les mains du séquestre juridique sera, selon le cas : * payée à la société Monjasa A/S, à première demande, sur présentation d'une décision judiciaire ou arbitrale exécutoire d'une juridiction compétente ou d'un accord amiable reconnaissant l'existence de la créance maritime de la société Monjasa A/S - à l'encontre de Ia société Deep Sea Maritime Ltd, et/ou - à l'encontre des sociétés Babecca Business Links Ltd et/ou Unitaes Energy Sources Company Ltd en leur qualité d'affréteur du navire "Alhani", au titre de la fourniture de soute d'une valeur de 372.341,10 USD en principal ; * ou restituée à la société Deep Sea Maritime Ltd sur présentation de l'ensemble des décisions judiciaires ou arbitrales définitives des juridictions compétentes déboutant la société Monjasa A/S de ses demandes au fond formées à l'encontre des sociétés Deep Sea Maritime Ltd d'une part et de Babecca Business Links Ltd et Unitaes Energy Sources Company Ltd d'autre part ;
Dit que la société Monjasa A/S devra engager (ou poursuivre) une action devant la juridiction compétente en vue d'obtenir un titre consacrant sa créance maritime à l'encontre de la société Deep Sea Maritime Ltd, et engager une action devant la juridiction compétente en vue d'obtenir un titre consacrant sa créance maritime au titre de la fourniture de soute à l'encontre des sociétés Babecca Business Links Ltd/ Unitaes Energy Sources Company Ltd en leur qualité d'affréteur, et ce dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sous la sanction prévue par l'article 7 alinéa 4 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens d'appel.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximitÉ
Numéro d'arrêt : 17/00576
Date de la décision : 17/02/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2017-02-17;17.00576 ?
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